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Ratzinger comme un chef d'orchestre de Jean Paul II
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Le 22 avril 2023 -
E.S.M.
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Pour le cardinal Ratzinger, les quatorze encycliques
signées par Jean-Paul II représentaient les multiples
pièces d'une mosaïque, inséparables les unes des autres
au sein du Magistère global du pape Wojtyla. Derrière
chacune des encycliques, il y a toujours eu beaucoup de
travail, que le cardinal Ratzinger supervisait comme un
véritable chef d'orchestre.
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Le pape Benoît XVI et Mgr
Gänswein -
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Ratzinger comme un chef d'orchestre de Jean Paul II
Rien d'autre que la Vérité : Le philosophe et le Théologien -
Comme un chef d'orchestre
Le 22 avril 2023 -
E.S.M. -
Pour le cardinal Ratzinger, les quatorze encycliques signées par Jean-Paul
II représentaient les multiples pièces d'une mosaïque, inséparables les unes
des autres au sein du Magistère global du pape Wojtyla. Il considérait en
particulier
Redemptor hominis (1979), la première dans l'ordre
chronologique, à laquelle il n'avait pas pu collaborer parce qu'il était
encore à Munich, comme le point de départ de toutes les autres.
Il y a vu anticipés tous les thèmes ultérieurs sur la vérité et de son lien
avec la liberté, ainsi qu'une présentation des caractéristiques principales
- sacrifice, rédemption et pénitence - du texte fondamental
Ecclesia De Eucharistia
(2003), et un aperçu de l'anthropologie des problèmes sociaux de
notre temps, qui caractérise les encycliques sociales
Laborem exercens (1981),
Sollicitudo rei socialis
(1987) et
Centesimus Annus (1991), où la
dignité de l'homme est centrale, toujours considérée comme une fin et jamais
un moyen.
Les encycliques auxquelles Ratzinger a collaboré de manière particulière et
qui lui tenaient le plus à cœur sont certainement les trois encycliques
doctrinales :
Veritatis Splendor
(1993),
Evangelium Vitae
(1995) et
Fides et ratio
(1998). Dans tous les cas,
le préfet était convaincu que tout document devait être contextualisé dans
le temps de sa promulgation, puisque le but premier était de répondre à un
problème d'un moment précis de l'Église, pour éviter le risque de le réduire
à un simple exercice théorique.
L'objectif de Jean-Paul II dans
Veritatis Splendor
était d'aborder la crise
interne de la théologie morale dans l'Église, en reformulant sa perspective
positive à partir du centre de la foi plutôt qu'à partir d'une liste
d'interdictions, mais aussi en élargissant la réflexion au débat éthique
mondial qui était déjà, à l'époque, une question de vie ou de mort pour
l'humanité. Le cardinal a ainsi expliqué que l'imitation du Christ et le
principe fondamental qu'est l'amour avaient été identifiés comme des lignes
directrices pour organiser les différents éléments de la doctrine morale,
contre la rationalité positiviste incapable de reconnaître le bien en tant
que tel.
L'affirmation audacieuse d'un théologien selon laquelle « le bien est
toujours mieux que... » a donné à Ratzinger l'occasion de souligner que - si
le critère de base devient le calcul des conséquences et si la moralité est
fondée sur ce qui semble le plus positif, compte tenu des conséquences
prévisibles — ce qui est moral se dissout, puisque le bien en tant que tel
n'existe pas, de sorte que le christianisme compris comme « un chemin »
serait un échec.
En accord avec le pape Wojtyla, comme l'a expliqué le préfet lui-même, à ce
moment-là « la perspective métaphysique, qui n'est qu'une conséquence de la
foi en la création, a été légitimée avec une grande certitude. Une fois
encore, partant de la foi en la création, il réussit à allier et fusionner
l'anthropocentrisme et le théocentrisme : "La raison trouve sa vérité et son
autorité dans la loi éternelle, qui n'est autre que
la sagesse divine elle-même. [...] En effet, la loi naturelle [... ] n'est
rien d'autre que la lumière de l'intelligence infusée en nous par Dieu" (VS,
n° 40). [...] Une perle de l'encyclique, lumineuse tant sur le plan
philosophique que théologique, est le grand passage sur le martyre. S'il n'y
a plus rien qui vaille la peine de mourir, la vie devient également vide. Ce
n'est que s'il existe un bien absolu, pour lequel il vaut la peine de
mourir, et un mal éternel qui ne se transforme jamais en bien, que l'homme
est confirmé dans sa dignité et que nous sommes protégés de la dictature des
idéologies. »
Ratzinger a également mis en avant les apports fondamentaux de
Evangelium Vitae, expression de l'engagement passionné de Jean-Paul II en faveur du
respect absolu de la dignité de la vie humaine. Le préfet a expliqué : « La
vie humaine, lorsqu'elle est traitée comme une simple réalité biologique,
devient le simple produit de conséquences. Mais le pape, avec la foi de
l'Église, voit l'image de Dieu dans l'homme, dans chaque homme, petit ou
grand, faible ou fort, utile ou apparemment inutile. Le Christ, le Fils même
de Dieu fait homme, est mort pour tous les hommes. Cela donne à chaque homme
une valeur infinie, une dignité absolument intouchable. »
Pour le cardinal, il était important d'affirmer clairement qu' « avec tout
ce que nous connaissons comme atteintes à l'homme, même si les motivations
peuvent sembler moralement nobles, ces paroles étaient et sont nécessaires.
Il est évident que la foi protège l'humanité. Dans la situation d'ignorance
métaphysique dans laquelle nous nous trouvons, et qui conduit à une
dégradation morale, la foi se révèle être ce qui sauve. Le pontife,
porte-parole de la foi, défend l'homme contre une morale trompeuse qui
menace de l'écraser. »
Fides et ratio représentait enfin une somme sur le thème de la vérité, qui a
marqué la pensée de Jean-Paul II et de
Ratzinger lui-même parce que ce document touchait au cœur d'un grave
problème : la proclamation du message chrétien comme vérité reconnue était
considérée, à l'époque et encore aujourd'hui, comme une atteinte à la
tolérance et au pluralisme.
C'est précisément ici, a affirmé le cardinal, que la dignité humaine entre
en jeu, car « si l'homme n'est pas capable de parvenir à la vérité, alors
tout ce qu'il pense et fait est pure convention. Si la foi n'a pas la
lumière de la raison, elle se réduit à la pure tradition, et révèle ainsi un
profond arbitraire. Une fois de plus, nous voyons que la foi défend l'homme
dans sa réalité d'être humain, et le pape croit à juste titre que la foi est
appelée à encourager la raison à avoir l'audace de proclamer la vérité.
Sans
raison, la foi échoue ; sans foi, la raison risque de s'atrophier. »
Derrière chacun de ces documents, il y a toujours eu beaucoup de
travail, que Ratzinger supervisait comme un véritable chef
d'orchestre. Après la rédaction d'un premier schéma, des
commentaires et des compléments étaient demandés à des consultants
spécifiques de la Congrégation, et souvent aussi à d'autres
théologiens particulièrement compétents sur un sujet donné. Ensuite,
il y avait un contrôle constant de la part des membres cardinaux et
évêques, qui ont donné leur avis lors de la réunion de la feria quarta. Le
préfet fournissait toujours son propre compte-rendu écrit, de sorte que
tout le monde soit éclairé dans son jugement et que l'évolution constante de
la réflexion commune soit également consignée noir sur blanc.
À la secrétairerie d'État, Mgr Paolo Sardi était chargé du contrôle
stylistique du projet final avant sa transmission à Jean-Paul II. En plus
d'apporter des modifications de forme, il est parfois intervenu indûment
dans le texte, de sorte qu'il
a été explicitement exigé que lorsqu'il s'agissait d'un document important
touchant la doctrine, la congrégation devait toujours être consultée avant
d'apporter des modifications.
Les certitudes de la foi
Une réalisation magistrale du duo Ratzinger-Wojtyla a certainement été la
déclaration
Dominus Jesus
sur l'unicité et l'universalité salvifique de
Jésus-Christ et de l'Église, publiée dans le contexte du grand Jubilé de
l'an 2000. À l'origine de ce document, il y avait plusieurs demandes,
émanant de conférences épiscopales et d'évêques individuellement, pour
clarifier des difficultés, apparues bien avant la célébration de
cette Année sainte, dans les relations œcuméniques et les relations
avec les autres religions. Le texte a été élaboré à partir d'une
étude approfondie menée par de nombreux consulteurs et le projet a
été encore amélioré lors des réunions des cardinaux et des évêques
membres de la congrégation, en se basant sur la théologie
conciliaire de
Dei Verbum et de
Lumen Gentium.
Ratzinger a expliqué le sens et le contenu de ce document : « Dans le vif
débat contemporain sur les relations entre le christianisme et les autres
religions, l'idée que toutes les religions sont des voies de salut également
valables pour leurs adeptes gagne du terrain. [. . .] La conséquence
fondamentale de cette façon de penser et de sentir par rapport au centre et
au cœur de la foi chrétienne est le rejet substantiel de l'identification de
l'unique personnage historique, Jésus de Nazareth, avec la réalité même de
Dieu, du Dieu vivant. [...] Croire qu'il existe une vérité universelle,
contraignante et valable dans l'histoire elle-même, qui s'accomplit dans la
figure de Jésus-Christ et est transmise par la foi de l'Église,
est considéré comme une sorte de fondamentalisme qui constituerait une
attaque contre l'esprit moderne et représenterait une menace contre la
tolérance et la liberté. »
Réitérant son « estime et son respect pour les religions du monde, ainsi que
pour les cultures qui ont apporté un enrichissement objectif à la promotion
de la dignité humaine et au développement de la civilisation », le cardinal
a en même temps affirmé avec force que « la conviction que la plénitude de
l'identité de l'homme et de la nature de sa vie ne peut se réaliser qu'avec
l'aide de Dieu. L'universalité et l'accomplissement de la révélation de Dieu
ne sont présents que dans la foi chrétienne ne résident pas dans une
préférence présumée accordée aux membres de l'Église, ni encore moins dans
les réalisations historiques de l'Église dans son pèlerinage terrestre, mais
dans le mystère de Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai Homme, présent dans
l'Église. La prétention du christianisme à l'unicité et à l'universalité
salvifique découle essentiellement du mystère de Jésus-Christ qui poursuit
sa présence dans l'Église, son Corps et son Épouse. L'Église se sent donc
constitutivement engagée dans l'évangélisation des peuples. »
Naturellement, les réactions négatives ne se sont pas fait attendre. Comme
le préfet le répétait ironiquement de plus en plus souvent, presque comme
pour « exorciser » les attaques des parties adverses, « puisqu'aujourd'hui
il semble que les théologiens soucieux de leur propre réputation se font un
devoir de critiquer négativement les documents de la congrégation pour la
Doctrine de la Foi, une pluie de critiques s'est abattue sur ce texte,
prétendant qu'il n'y avait pas grand-chose à en tirer ».
À ce moment, ce qui a été le plus pénible, c'est l'accusation selon laquelle
le cardinal aurait forcé la main de Jean-Paul II, affirmant qu'il avait
profité de la fatigue du pontife dans
cette période. Alors que le pape Wojtyla lui-même avait demandé — lors d'une
rencontre avec les cardinaux Ratzinger et Re, et l'archevêque Bertone - de
préparer un texte clair affirmant son entière approbation, afin qu'il puisse
être lu lors de l'Angélus dominical du 1er octobre 2000.
À cette occasion également, le caractère conciliant et peu enclin à la
polémique du cardinal est apparu au grand jour ; comme il l'a révélé dans
une interview, lorsqu'il a apporté le texte au pontife, il s'est vu demander
s'il était vraiment « hermétique » et ne permettait pas d'interprétation
différente : « Je n'ai pas voulu être trop abrupt, et j'ai donc essayé de
répondre clairement mais sans dureté. Après l'avoir lu, le pape m'a demandé
à nouveau : "Est-ce que c'est vraiment assez clair ? " J'ai répondu oui.
Ceux qui connaissent le monde des théologiens ne seront pas surpris de
savoir que, malgré tout, certains ont prétendu plus tard que le pape avait
prudemment pris ses distances par rapport à cette déclaration ! »
L'une des tâches les plus importantes qui, sous le mandat de Jean-Paul II, a
pleinement occupé le préfet a été la préparation du
Catéchisme de l'Église catholique, suscité par une demande du Synode des évêques de 1985 visant à
élaborer une présentation organique de toute la doctrine catholique
concernant conjointement la foi et la morale. En juillet 1986, le pape Wojtyla a créé la commission de cardinaux et d'évêques qui serait chargée de
produire le document et a nommé Ratzinger comme président. Pendant six ans,
ce dernier s'est plongé dans un travail intense, dans le but de produire un
texte d'une grande importance pour la vie actuelle des chrétiens.
Lorsque le volumineux ouvrage a été publié à l'automne 1992, certaines voix
critiques se sont plaintes que l'Église avait voulu dire aux hommes avant
tout ce qu'ils ne devaient pas faire, comme si elle était uniquement fixée
sur la recherche des
péchés. Le cardinal, tout en considérant ces objections comme totalement
inappropriées et un peu orientées, a néanmoins estimé qu'un débat
intéressant était ainsi lancé et a décidé d'intervenir personnellement à
plusieurs reprises pour expliquer avant tout que « la question de savoir ce
que nous devons faire, en tant qu'hommes, pour nous être meilleurs et pour
rendre le monde plus juste est la question essentielle de chaque époque; et
précisément à notre époque, face à toutes les catastrophes et menaces et
dans la recherche d'une espérance authentique avec une nouvelle passion,
elle est vécue comme la question fondamentale, qui concerne chacun de nous
».
Ratzinger a surtout tenu à préciser que le Catéchisme était un texte
unitaire : « On lit mal les passages sur la morale si on les détache de leur
contexte, c'est-à-dire de la confession de la foi, de la doctrine des
sacrements et de la prière. L'affirmation fondamentale sur l'homme, en fait,
dans le Catéchisme ressemble à ceci : l'homme est créé à l'image de Dieu, il
est à la ressemblance de Dieu. Tout ce qui est dit sur la conduite juste de
l'homme est basé sur cette perspective centrale. Les Dix Commandements ne
sont qu'une exposition des voies de l'amour, et nous ne les lisons
correctement que si nous les proclamons avec Jésus Christ. »
Une dizaine d'années plus tard, en 2002, une demande est venue du
Congrès catéchétique international pour préparer un
compendium du Catéchisme, avec
une formulation plus concise du même contenu de foi. Une fois encore, le
préfet s'est vu confier par Jean-Paul II la tâche de coordonner sa
réalisation, mais lorsque, le 20 mars 2005, Ratzinger a signé l'introduction
du texte, il n'imaginait pas qu'il le présenterait aussi officiellement en
tant que pontife le 28 juin suivant.
Extraits de "Rien que la vérité de Mgr Gänswein
-
Mgr Gänswein : Jean-Paul II était un saint
(33 - 37)
-
Ratzinger comme un chef d'orchestre de Jean Paul II
(47 -54)
-
Benoît XVI : la campagne électorale à l'envers
(55-69)
-
Benoît XVI : Des racines en Bavière (93 - 97)
-
La foi chrétienne sous le bras ( 102 - 106)
-
Mgr Gänswein au quotidien avec Benoît XVI (106 - 110)
Mgr Gänswein : Dans l'appartement du pape (115 - 119)
-
Mgr Georg Gänswein : Rien d'autre que la vérité - ma vie aux côtés
de Benoît XVI - Postface (341 - 344)
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Sources : Rien d'autre que la vérité - édition Artège
-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 22.04.2023
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