 |
Mgr Gänswein : Dans l'appartement du pape
|
Le 02 juin 2023 -
E.S.M.
-
Aujourd'hui nous publions la suite du livre de Mgr
Gänswein, Rien d'autre que la vérité, notamment le récit
du matin du 20 avril 2005, le lendemain de
l'élection du pape Benoît XVI.
|
|
Le pape Benoît XVI et Mgr
Gänswein -
Pour agrandir
l'image ►
Cliquer
Mgr Gänswein : Dans l'appartement du pape
Le 02 juin 2023 -
E.S.M. -
Le matin du 20 avril 2005, le lendemain de son élection, un moment très
émouvant a été son entrée par l'escalier noble dans l'appartement papal de
la troisième loggia, après que le chambellan Martmez Somalo ait brisé les
scellés qu'il avait précédemment placés sur la porte d'accès. Benoît XVI
connaissait bien ces pièces où il était entré tant de fois pour converser
avec Jean-Paul II, et il a fait ses premiers pas presque timidement, comme
s'il ne voulait pas rompre l'équilibre délicat qui s'y était établi pendant
les presque vingt-sept ans de pontificat du pape Wojtyla. Comme il me l'a
dit plus tard, le franchissement de ce seuil avait fait remonter
d'innombrables souvenirs qui faisaient presque physiquement réapparaître son
prédécesseur dans sa mémoire.
Il y avait une forte odeur d'hôpital, notamment parce que les fenêtres
avaient été fermées pendant longtemps et que la moquette qui recouvrait le
sol s'était imprégnée des odeurs de médicament pendant la longue agonie du
pontife polonais. Nous avons tous compris qu'il était impossible d'y
emménager immédiatement, surtout après que les techniciens nous ont expliqué
qu'aucun travail de rénovation n'avait été effectué depuis des décennies, au
point que le système électrique était encore divisé en deux lignes de
tensions différentes, tandis que dans le plafond se trouvait une cavité avec
des récipients pour recueillir l'eau des infiltrations.
Nous avons alors visité la tour de San Giovanni, qui avait déjà été aménagée
à l'époque de Jean XXIII pour accueillir les personnalités illustres en
visite au Saint-Siège. Mais c'était trop humide et, de plus, les espaces de
circulation se sont montrés très inconfortables. La décision a donc été
prise : Benoît XVI s'installerait pour l'instant dans l'appartement dit
patriarcal de la Maison Sainte-Marthe (celui qu'utilisé actuellement
François, marqué du n° 201), tandis que je m'installerais dans la chambre
voisine.
Nous sommes restés à Sainte-Marthe jusqu'au 30 avril. Je m'en souviens bien,
car cette date est la fête liturgique de saint Pie V, le saint patron du
Saint-Office. Durant une dizaine de jours, un nettoyage complet de
l'appartement avait été effectué, afin que nous puissions y rester pendant
les deux mois suivants, en commençant doucement à nous organiser.
L'ingénieur Paolo Sagretti, responsable de la Floreria (l'organisme
responsable, entre autres, de l'aménagement des locaux du Vatican), a
expliqué que Paul VI avait souhaité une teinte grise pour la tapisserie et
que Jean-Paul II n'avait pas demandé de changements particuliers. Benoît a
demandé que le tapis soit enlevé et que le splendide marbre du XVIe siècle
soit restauré, ce qui a rendu le sol très lumineux, rafraîchissant ainsi un
peu les murs sur lesquels se détachent de très belles peintures.
Il a ensuite exprimé le souhait que le bureau, qui l'avait toujours suivi
depuis qu'il était professeur en Allemagne, et une partie des étagères de la
place de la Cité léonine soient placés dans son bureau, afin qu'il puisse
avoir à portée de main les documents dont il pourrait avoir besoin (après
avoir renoncé à la papauté, tout fut transféré au monastère Mater-Ecclesiae
au Vatican, sa résidence jusqu'à sa mort).(111)
Benoît aimait dire qu'il avait l'impression d'être entouré d'amis lorsqu'il
regardait les livres sur les étagères. Mais il n'y était pas jalousement
attaché, à tel point que depuis longtemps, il avait pris la décision que si
l'un d'eux entrait dans la maison, un autre devait sortir en cadeau. En
fait, il y avait une table spéciale dans la congrégation où il plaçait les
volumes qui pouvaient être pris librement par quiconque le souhaitait.
Du 11 au 28 juillet, nous nous sommes déplacés dans les Combes, en
Val-d'Aoste, pour quelques jours de repos que, dans l'Angélus du 17 juillet,
il a clairement qualifiés de « cadeau vraiment providentiel de Dieu, après
les premiers mois de l'exigeant service pastoral que la divine Providence
m'a confié ». En effet, cette période avait été résolument intense, et même
au cours de ce seul mois, les sources d'anxiété avaient été multiples en
raison des nombreuses attaques terroristes dans le monde: le 2,
l'ambassadeur d'Egypte avait été enlevé puis tué en Irak; le 7,
cinquante-deux morts à Londres (et le 21, de nouvelles explosions, sans
victimes) ; le 12, cinq morts à Netanya (Israël) ; le 14, l'évêque Luigi
Locati avait été assassiné au Kenya; le 16, cinq victimes à Kusadasi
(Turquie) ; le 23, quatre-vingt-huit morts à Sharm el-Sheikh (Egypte) ; le
27, deux diplomates algériens assassinés en Irak. Peu après, le 16 août, il
y a eu aussi l'assassinat du fondateur de la communauté de Taizé, Fr. Roger
Schiitz, des mains d'une femme déséquilibrée, pendant la récitation des
vêpres. Le matin même, Benoît XVI avait reçu une lettre de lui, dans
laquelle il exprimait son désir de venir à Rome le plus tôt possible pour le
rencontrer et l'assurait que « notre communauté de Taizé veut marcher en
communion avec le Saint-Père ».
Nous sommes revenus de la montagne directement au
Palais apostolique de Castel Gandolfo, où nous sommes restés jusqu'à
la fin du mois de septembre. À notre retour au Vatican, nous avons
trouvé tous les travaux terminés, vraiment en un temps record, au point que le pape Benoît a voulu recevoir
tous ceux qui avaient collaboré à la rénovation en audience spéciale pour
les remercier personnellement. Et il l'a fait avec des mots particulièrement
affectueux: « Je suis convaincu - parce que j'ai fait construire une petite
maison pour moi en Allemagne - qu'ailleurs, ce travail aurait pris au moins
un an ou probablement plus. Je ne peux qu'admirer les choses que vous avez
faites, comme ces magnifiques sols. J'aime aussi particulièrement ma
nouvelle bibliothèque, avec ce plafond ancien. C'est le moment de vous dire
"merci" pour tout cela, pour votre travail qui m'encourage - comme vous avez
tout donné — à donner autant que je peux en cette heure tardive de ma vie. »
La configuration de l'appartement était fonctionnelle pour les activités du
pape et de la famille papale. Après l'entrée de l'escalier d'honneur, sur le
palier duquel un garde suisse montait toujours la garde, il y avait un
atrium avec un ascenseur. Tous les soirs, un des hauts responsables du
Vatican arrivait pour une audience dans la bibliothèque privée : lundi le
secrétaire d'État, mardi le député aux Affaires générales, mercredi le
secrétaire pour les Relations avec les États, jeudi le préfet de la
congrégation pour l'Évangélisation des Peuples, vendredi le préfet de la
congrégation pour la Doctrine de la Foi, samedi le préfet de la congrégation
pour les Évêques. Par respect pour son rôle, le secrétaire d'État venait de
son appartement de la Première Loggia et je l'accompagnais dans l'ascenseur
d'honneur, tandis que les autres venaient
de façon autonome devant l'appartement et sonnaient à la porte, où j'allais
les accueillir.
La porte de la bibliothèque privée donnait sur le hall d'entrée ; sur le
côté avec vue sur la place Saint-Pierre se trouvaient également un petit
bureau, la chambre du secrétaire personnel (la chapelle était tournée vers
l'intérieur), le bureau personnel du pape et la chambre à coucher. Du côté
de la via di Porta Angelica se situaient la salle de bains, une bibliothèque
plus personnelle (avec le cabinet médical équipé pour Jean-Paul II), un
salon, la salle à manger, la cuisine et les quartiers des Memores.
Dans cette zone nord-ouest se trouve l'ascenseur dit « de Sixte-V », qui
permet d'accéder directement à l'appartement depuis la cour du même nom.
Mais son usage est strictement réservé aux propriétaires de la clé
électronique qui ouvre la porte et met en marche le mécanisme, sous le
contrôle constant de la gendarmerie : comme il était d'usage sous le
pontificat de Benoît, seuls les membres de la famille papale restreinte en
disposaient.
L'ascenseur de Sixte-V pouvait s'arrêter à la Première Loggia dans
l'appartement du secrétaire d'État et à la Deuxième Loggia pour permettre au
pape de se rendre à la bibliothèque où étaient reçus les dignitaires. Après
l'appartement de la Troisième Loggia, il continuait au quatrième étage, où
il y avait des chambres pour les secrétaires et pour d'éventuels invités, et
se terminait sur la terrasse, que Paul VI avait fait construire avec une
structure en briques que nous avons rebaptisée « le chalet » : il y avait
encore le téléviseur à tube cathodique avec lequel le pape Montini avait
regardé la mission Apollo 11 se poser sur la lune le 20 juillet 1969. Cette
terrasse était équipée d'une petite cuisine et d'un téléviseur couleur que
Benoît XVI avait offert en cadeau et,
traditionnellement, chaque dimanche soir, nous y dînions tous. Il y avait
aussi une pièce avec une petite piscine jacuzzi, souhaitée par Paul VI, mais
que nous n'avons jamais utilisée.(110 -115 )
Avec trois personnes de service
Pour la gestion quotidienne de l'appartement, j'ai pu compter immédiatement
sur Angelo Gugel, qui travaillait au Vatican depuis 1955 et qui, en 1978,
avait été personnellement choisi par Jean-Paul Ier pour son service
personnel parce qu'il l'avait véhiculé dans Rome pendant le concile Vatican
II et l'avait invité plusieurs fois à dîner chez lui, car ils étaient
proches depuis qu'il était évêque de Vittorio Veneto.
Après la mort du pape Luciani, Jean-Paul II l'a confirmé dans ses fonctions
et sa silhouette massive s'est imposée sur d'innombrables photographies au
cours de tous les événements publiques du pontificat. Il nie racontait que,
dans les premiers temps, le pape Wojtyla lui lisait les discours en italien
pour qu'il lui montre où mettre l'accent correctement; puis il citait des
anecdotes amusantes, comme lorsque le président Sandro Pertini refusait de
dire qu'il dégustait des « strozzapreti » (étouffe-prêtre en italien - N.d.T.)
à table, parce qu'il avait peur d'offenser le pontife qui était à ses côtés
!
C'est lui, connaissant le mécanisme, qui m'a aidé à ouvrir le vieux
coffre-fort mural de la bibliothèque privée, duquel don Stanislaw m'avait
donné les deux clés et le code au début du mois de juin, lors d'une rapide
passation de pouvoir (un autre, plus petit, se trouvait dans le bureau du
pape, au cas où il voulait garder quelque chose de privé, mais Benoît ne l'a
jamais utilisé). Fort de son expérience de vingt-sept ans au Vatican en tant
que secrétaire de Jean-Paul II, don
Stanislaw a été très clair en me disant : « Je ne peux vous suggérer que
deux choses. Le plus important est que vous devrez agir comme un toit
au-dessus de la tête du Saint-Père, vous devrez le protéger de tout ce qui
pourrait l'écraser. Vous devez ensuite trouver le bon rythme pour collaborer
avec lui, avec votre cerveau, votre cœur et aussi votre intuition pour
garder la situation sous contrôle : le monde entier est maintenant son ami
et beaucoup voudront quelque chose de lui. »
À l'intérieur du coffre, il y avait tout un amas, avec de nombreux objets
datant des papes précédents : anneaux épis-copaux, croix pectorales,
médailles frappées par la Monnaie du Vatican pour les derniers pontificats.
Il nous a fallu un certain temps pour dresser un inventaire complet, mais
nous avons finalement réussi à le faire, en utilisant également les notes
qui accompagnaient de nombreux objets, afin de pouvoir remonter aussi loin
que possible jusqu'à leur provenance.
Don Stanislaw m'a également remis une enveloppe avec les détails et le
montant du compte à l'IOR au nom du secrétariat particulier de Sa Sainteté,
dont la signature était réservée au pape, seul le secrétaire étant délégué.
De ce compte, alimenté par des dons explicitement destinés à la charité du
Saint-Père, étaient prélevées des sommes destinées à la charité en faveur de
cas particulièrement significatifs, à propos desquels Benoît XVI avait jugé
opportun d'intervenir rapidement et en personne.
Enfin, le père Stanislaw m'a accompagné à la petite chapelle de la mezzanine
du quatrième étage, qui avait été aménagée par Mgr Pasquale Macchi à
l'époque de Paul VI, où se trouvait, dans un ordre quelque peu dispersé, une
énorme quantité de reliquaires accumulés principalement en raison des
nombreuses béatifications et canonisations durant le pontificat de Jean-Paul
IL II y avait également de
nombreux calices et vêtements liturgiques, que Benoît XVI a décidé de
remettre en grande partie au secrétaire du pape Wojtyla, afin qu'il puisse
les utiliser comme cadeaux en mémoire du saint pontife.
Dans les jours qui ont suivi l'élection, Gugel a eu soixante-dix ans, l'âge
limite de la retraite au Vatican, mais il a accepté de rester quelques mois
de plus pour permettre une transition efficace avec son successeur.
Entre-temps, des enquêtes avaient été lancés pour choisir un remplaçant, et
la proposition la plus crédible est venue de l'archevêque James Michael
Harvey, qui a proposé Paolo Gabriele, un employé du Vatican initialement
employé comme agent d'entretien à la secrétairerie d'État.
L'homme avait parfois travaillé comme serveur dans la résidence vaticane de
Harvey, qui était à l'époque chef de la section anglophone et plus tard
consulteur; son attitude avait été appréciée. Ainsi, lorsque l'archevêque a
été promu à la tête de la Maison pontificale en 1998, il a appelé Gabriele
comme collaborateur pour remplacer un employé parti à la retraite. Gugel l'a
rejoint pour une période d'essai et, après quelques semaines, a rendu un
avis plutôt défavorable. Cependant, il n'y avait pas d'autres personnes
immédiatement disponibles ; peut-être que l'erreur à ce moment-là a été de
ne pas avoir cherché de meilleures alternatives.
Après l'affaire Vatileaks, qui a conduit à la condamnation de Gabriele en
2012, avec des circonstances générales atténuantes, à dix-huit mois de
prison pour le vol et la diffusion de documents classifiés du Saint-Siège,
il a été remplacé par Sandro Mariotti (dit « Sandrone » en raison de sa
taille imposante), qui l'avait déjà remplacé dans l'antichambre pontificale,
après avoir été longtemps à Floreria. Je dois dire que lorsque je lui ai
proposé le poste, il m'a répondu
très honnêtement: « Je n'ai pas fait d'études spéciales, je suis un simple
ouvrier. C'est trop bien pour moi, mais je n'en suis pas digne. » Je lui ai
donc donné deux semaines pour réfléchir et demander un avis en toute
confidentialité. Finalement, après avoir parlé personnellement avec le
Saint-Père, il a accepté et il a continué à jouer ce rôle auprès du pape
François.
C'est également sur les conseils de l'archevêque Harvey que Mgr Alfred
Xuereb a été choisi comme deuxième secrétaire à la place du père Mietek.
Depuis 2003, il travaillait à la préfecture de la Maison pontificale en tant
que prélat de l'antichambre et était chargé d'accompagner les personnalités
en audience avec le saint-père à la bibliothèque privée de la Deuxième
Loggia. Benoît avait donc déjà appris à le connaître, notamment parce qu'il
parlait bien l'allemand, et avait apprécié ses qualités de courtoisie et de
discrétion. L'une de ses tâches spécifiques était de recueillir pour la
prière personnelle du pape les intentions qui lui parvenaient du monde
entier et de placer les feuilles avec les noms des personnes et les raisons
de la demande dans une boîte à côté de son prie-Dieu.
J'ai été ému lorsque, dans une interview après la renonciation, j'ai lu son
témoignage: « Ce qui m'a frappé, c'est que le pape, après quelques jours, me
demandait : "Avez-vous eu des nouvelles de ce monsieur/dame - il précisait
le nom — dont vous m'aviez parlé ? " Dans certains cas, j'ai dû répondre que
malheureusement la personne était décédée, et j'ai été frappé par la
réaction du Saint-Père car, habituellement, lorsque nous savons que
quelqu'un est malade et que le message arrive qu'il est décédé, nous nous
arrêtons là. Mais pas le pape. Il avait immédiatement récité le Requiem
aeternam, m'invitant à le prier aussi. Donc pas seulement le
souvenir, mais aussi la présence. Le pape, qui avait mille choses en tête,
considérait la prière pour les malades comme un "ministère pastoral" très
important ».(115 - 119)
A suivre : Les autres membres de la famille
Extraits de "Rien que la vérité" de Mgr Gänswein (à
suivre ...)
-
Mgr Gänswein : Jean-Paul II était un saint
(33 - 37)
-
Ratzinger comme un chef d'orchestre de Jean Paul II
(47 -54)
-
Benoît XVI : la campagne électorale à l'envers
(55-69)
-
Benoît XVI : Des racines en Bavière (93 - 97)
-
La foi chrétienne sous le bras ( 102 - 106)
-
Mgr Gänswein au quotidien avec Benoît XVI (106 - 110)
Mgr Gänswein : Dans l'appartement du pape (115 - 119)
-
Mgr Georg Gänswein : Rien d'autre que la vérité - ma vie aux côtés
de Benoît XVI - Postface (341 - 344)
Les lecteurs qui
désirent consulter les derniers articles publiés par le site
Eucharistie Sacrement de la Miséricorde, peuvent
cliquer sur le lien suivant
► E.S.M.
sur Google actualité |
Sources
: Rien d'autre que la vérité - édition Artège
-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 02.06.2023
|