Le pape Benoît XVI bien présent dans
le dialogue islamo-chrétien |
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Rome, le 31 juillet 2008 -
(E.S.M.) - Pas de paix mondiale sans paix entre les
religions, d’autant plus que chrétiens et musulmans constituent plus de
la moitié de la population mondiale. Quelques réflexions autour du
contenu doctrinal de la lettre des 138 musulmans et de la réponse de
Benoît XVI.
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Dieu,
c'est Celui qui nous habite,
qui veut habiter au cœur de tous les hommes -
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Le pape Benoît XVI bien présent dans le dialogue islamo-chrétien
UNE PAROLE COMMUNE ENTRE VOUS ET NOUS
P. Roger Michel, du Secrétariat pour les
relations avec l'Islam
Pour rappel :
A l’occasion de la Fête de la rupture du Jeûne, le 13 octobre 2007, et du
premier anniversaire de la
Lettre de 38 savants musulmans au pape Benoît XVI suite à la conférence
de Ratisbonne,
138 personnalités musulmanes avaient adressé une Lettre ouverte à Benoît XVI
et aux principaux représentants d’Églises chrétiennes. Cette initiative sans
précédent a reçu un accueil très favorable de responsables chrétiens. Pour
sa part,
par l’intermédiaire du cardinal Bertone, secrétaire d’État, le pape
Benoît XVI a répondu à cette Lettre le 19 novembre 2007. Le pape y exprime «
sa profonde reconnaissance devant ce geste, pour l’esprit positif qui a
inspiré ce texte et pour l’appel d’un engagement commun à promouvoir la paix
dans le monde ». Il y voit
« un fond commun » qui pousse chrétiens et
musulmans à baser le dialogue autour de quatre points :
un respect effectif de la dignité de chaque personne ;
une connaissance objective de la religion de l’autre ;
le partage de l’expérience religieuse ;
un engagement commun à promouvoir un respect et une acceptation mutuelle
parmi les plus jeunes génération
La Lettre des 138 musulmans est une invitation à « une
parole commune » entre chrétiens et musulmans, sur la base d’un
verset coranique bien connu (3,64). Elle
affirme sans détour : « Conformément au Coran, nous, en tant que
musulmans, invitons les chrétiens à s’accorder avec nous sur ce qui nous est
commun et qui constitue également l’essentiel de notre foi et de notre
pratique : les Deux commandements de l’amour ».Cette invitation
pressante et inédite au dialogue rejoint la perspective de l’important
discours du pape Jean-Paul II à la jeunesse musulmane (Casablanca,
le 19 août 1985). Ce discours appelait déjà chrétiens et
musulmans à « un témoignage commun sur le sens de Dieu et sur la dignité
de l’homme ».
C’est dans cet esprit de dialogue que nous proposons ici
quelques réflexions autour du contenu doctrinal de la lettre des 138
musulmans et de la réponse de Benoît XVI.
1 –L’amour du Dieu unique :
Sur l’Unité divine, la Lettre des 138 musulmans cite la sourate 112 du
Coran, intitulée « le culte pur ». Cette sourate brève et lapidaire
clôt doctrinalement le recueil coranique (les deux
dernières sont des prières sans doute ajoutées). L’unicité divine
absolue y est fortement affirmée. En islam, tout ce qui porte atteinte à
cette unicité est dénoncé comme de « l’associationisme »
(qui s'écrit aussi associationnisme) ( shirk).
Historiquement, ce reproche concerne les polythéistes de la Mecque, mais
aussi le monothéisme « douteux » des chrétiens. Sur l’amour de Dieu, le
Coran dit : « Invoque sans cesse le Nom de ton Seigneur et communie
intensément avec Lui » (73, 8). Aimer Dieu,
en islam, c’est Lui être totalement dévoué. Non seulement adorer le seul
Dieu, mais n’adorer que Dieu Seul. Dans la langue arabe, le mot mahhaba
(amour) est employé par la Bible pour nommer
Dieu (Dieu est amour, St Jean 4,8). Le Coran
emploie des Noms divins équivalents, comme Al-Wadûd, le Très aimant.
Sur l’amour du Dieu unique dans la Bible, la Lettre des 138 musulmans se
plait à citer l’évangile de Marc (12, 29-31)
qui fait précéder les Deux commandements de l’amour par la grande profession
de foi juive : « Écoute Israël, le Seigneur notre Dieu, le Seigneur est
Un ».
2- L’amour du prochain :
Selon l’enseignement de Jésus, l’amour du prochain est inséparable de
l’amour de Dieu : « Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là
». C’est un hadîth – une parole attribuée à Mohammed – que cite
la Lettre des 138 musulmans pour exprimer l’amour du prochain : « Aucun
d’entre vous n’est croyant tant que vous n’aimerez pas pour votre prochain
ce que vous aimez pour vous-mêmes ». Par voie de conséquence, «
la justice et la liberté de religion sont des aspects centraux de l’amour
du prochain ».
Quelques remarques s’imposent ici :
Selon la Lettre des 138 musulmans, la Torah, l’Évangile et le Coran se
rejoignent dans la croyance en l’Unité divine révélée par Dieu lui-même. Il
ne s’agit pas d’une approche philosophique, mais théologique. La notion de
révélation et la nomination de Dieu sont ici des questions à débattre.
Le reproche coranique et traditionnel de trithéisme et d’associationisme à
l’encontre des chrétiens est passé sous silence. Toute une littérature
polémique semble ainsi abandonnée.
Les Écritures saintes (juive et chrétienne)
sont réhabilitées. Elles sont citées abondamment, avec un souci d’exactitude
exemplaire. Ici encore, la théorie traditionnelle de la falsification des
Écritures antérieures au Coran est de fait abandonnée.
L’islam est présenté comme un rappel de la révélation judéo-chrétienne, non
comme une nouveauté qui apporterait « un plus » à cette révélation.
On peut voir en tout cela un saut qualitatif, une étape importante sur le
chemin du dialogue islamo-chrétien.
3 – Venez à une parole commune entre vous et nous :
Cette invitation coranique (3, 64), reprise par
la Lettre des 138 musulmans, part d’un constat :
pas de paix mondiale sans paix entre les religions,
d’autant plus que chrétiens et musulmans constituent plus de la moitié de la
population mondiale. Elle implique une exigence clairement formulée :
musulmans, chrétiens et juifs devraient être libres de suivre leur religion
respective, selon ce qui est écrit dans le Coran : « Nulle contrainte en
religion » (2, 256). Justice et liberté
religieuse sont incluses dans l’amour du prochain. La réponse du pape Benoît
XVI insiste sur une éthique à promouvoir ensemble : « La vie de tout être
humain est sacrée, pour les chrétiens comme pour les musulmans. Il y a de
nombreuses choses à faire ensemble au service des valeurs morales
fondamentales ». Il nous semble que ces questions d’ordre
anthropologique nous invitent à approfondir le rapport de l’homme à Dieu et
à son semblable. En islam, l’homme est institué « calife de Dieu »,
son lieu-tenant sur la terre ; en christianisme, l’homme est créé à «
l’image de Dieu ». Les deux notions sont voisines et complémentaires ;
elles fondent une éthique de responsabilité sur laquelle nous pourrions nous
entendre. L’invitation à « une parole commune » comporte un versant
théologique sur le sens de Dieu et un versant anthropologique sur la dignité
de l’homme. Explorer ces deux versants, c’est découvrir au sommet l’amour du
Dieu unique et l’amour du prochain si fortement soulignés dans la lettre des
138 musulmans.
4 – Regarder ce qui nous unit :
Dans sa réponse à cette lettre ouverte, le pape Benoît XVI déclare : «
Sans ignorer ou minimiser nos différences entre chrétiens et musulmans, nous
pouvons, et même nous devons regarder ce qui nous unit : la croyance en un
seul Dieu, Créateur bienveillant et Juge universel qui, à la fin des temps,
regardera chaque personne en fonction de ses actions. Nous sommes tous appelés à nous engager totalement
envers lui et à obéir à sa volonté ». En cette déclaration se trouve le
fondement d’un dialogue théologique possible entre chrétiens et musulmans.
Pour en saisir toute la portée, il faut se reporter à la sourate 5 du Coran.
Chronologiquement, c’est la dernière révélée. Sur fond de polémique contre
les Gens de l’Ecriture (Juifs et Chrétiens),
elle comporte aussi, par contraste, les versets les plus ouverts à ceux qui
ne sont pas musulmans (cf. Le Festin - Une lecture de la
sourate Al-Mâ’ida - par Michel Cuypers, éd. Lethielleux, Paris, 2007,
pp 242 – 246). Le verset 69 de cette sourate, selon l’analyse
rhétorique, fait partie des versets essentiels, par opposition à ceux qui
sont circonstanciels :5, 69
a) Certes, ceux qui croient
b) et ceux qui pratiquent - le - judaïsme et les sabéens et les chrétiens
c) et quiconque croit en Dieu et au dernier Jour
d) et fait œuvre bonne
e) il n’y a pas de crainte sur eux
f) et ils ne seront pas affligés
Le deuxième segment, 69 c et d, énonce les conditions générales du salut :
la foi en Dieu et au dernier jour d’une part, les œuvres bonnes d’autre
part. Selon les plus grands penseurs musulmans, tel le réformiste Mohammed
Abduh (m.1905), l’unicité de Dieu, la croyance
au jugement dernier, l’action comme mesure du mérite humain sont les dogmes
essentiels qui font le cœur de la foi islamique. La déclaration de Benoît
XVI rejoint donc l’essentiel du dogme musulman. On touche ici au «
fond commun » qui unit chrétiens et musulmans.
Le concile Vatican II le disait à sa manière : « Le dessein de salut
enveloppe également ceux qui reconnaissent le Créateur, en tout premier lieu
les musulmans qui professent avoir la foi d’Abraham et adorent avec nous le
Dieu unique, miséricordieux, futur juge des hommes au dernier jour »
(Lumen
Gentium 16).
5 – Où situer la différence entre foi musulmane et
foi chrétienne ?
En Islam comme en Christianisme, une profession de foi explicite caractérise
la différence islamo-chrétienne. Dans un cas comme dans l’autre, cette
profession de foi a la même structure littéraire, que l’analyse rhétorique
désigne sous le terme de symétrie complémentaire.
1 – La shahâda :
Cette profession de foi est la condition sine qua non pour être musulman.
Elle est formulée ainsi :
Je témoigne qu’il n’y a pas de divinité sinon Dieu
Et je témoigne que Mohammed est l’envoyé de Dieu.
Selon cet énoncé, le musulman se définit comme témoin de l’unicité divine
absolue. Mohammed n’est que le transmetteur du message coranique considéré
comme la parole même de Dieu.
2 – L’évangile de Jean 17,3 :
Cet évangile contient un verset qui exprime la foi chrétienne, formulé, lui
aussi, en terme de symétrie complémentaire :
La vie éternelle, c’est de te connaître, toi, le seul vrai Dieu
Et de connaître celui que tu as envoyé, Jésus-Christ.
Selon cet énoncé, le chrétien entre dans la connaissance de Dieu qui est vie
éternelle dès ici-bas, grâce au Christ. Dans son discours à Casablanca, le
pape Jean-Paul II explicite ainsi cet énoncé : « La loyauté exige aussi
que nous reconnaissions et respections nos différences. La plus fondamentale
est évidemment le regard que nous portons sur la personne et l’œuvre de
Jésus de Nazareth. Vous savez que, pour les chrétiens, ce Jésus les fait
entrer dans une connaissance intime du mystère de Dieu et dans une communion
filiale à ses dons, si bien qu’ils le reconnaissent et le proclament
Seigneur et Sauveur ». On peut en
conclure que la différence entre foi musulmane et foi chrétienne concerne le
statut accordé à l’ Envoyé de Dieu. Un Imam l’exprime en ces termes : «
Pour nous, musulmans, la naissance de Jésus est un événement très important
qui est souligné à plusieurs reprises dans le Coran. Nous avons un grand
respect pour Jésus, mais nous ne célébrons pas sa naissance, de la même
manière que nous ne célébrons pas celle de Mahomet. Pour nous, Jésus et
Mahomet ont le même statut, ce sont deux grands prophètes qui ont révélé la
parole d’Allah ». Nous touchons ici à ce qui fait la singularité de la
foi musulmane et de la foi chrétienne. En islam, pourrait-on dire, c’est le
Message divin qui compte, et non pas le messager ; par contre,
en christianisme, le message divin est identique au
Messager.
Chrétiens et musulmans ont sans doute beaucoup de choses à se dire sur ce
chapitre qui concerne la prophétologie et la christologie. Dans sa réponse à
la Lettre des 138 musulmans, le pape Benoît XVI souligne l’attention qui y
est donnée au double commandement de l’amour, comme en écho à son encyclique
Deus Caritas est. Cette convergence de fond pose des
questions aux chrétiens comme aux musulmans.
En quel Dieu croyons-nous ? Que signifie l’Unique dans nos vies ?
Quel est le sens de la destinée humaine ? Comment comprendre la croyance au
Jugement dernier ?
Quelle est l’articulation entre la foi et les œuvres ? Comment la
responsabilité humaine y est-elle engagée ?
Il est à souhaiter que le dialogue amorcé au plus haut
niveau soit mis en œuvre en tous lieux où chrétiens et musulmans sont
appelés à se rencontrer et à collaborer au service de tous.
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Sources : AMITIÉ MISSIONNAIRE -
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
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(E.S.M.) 31.07.08 -
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