Le cardinal Jean-Louis Tauran
satisfait de la première rencontre avec les musulmans |
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Cité du Vatican, le 19 mars 2008 -
(E.S.M.)
- Le cardinal Jean-Louis Tauran, président du conseil pontifical
pour le dialogue interreligieux, se dit satisfait de la première
rencontre qui a eu lieu à Rome, les 4 et 5 mars 2008, avec une
délégation des signataires de la désormais célèbre lettre ouverte "A
common word", signée à l’origine par 138 sages musulmans. Mais
cette nouvelle phase du dialogue avec les musulmans est justement due au
discours de Ratisbonne du pape Benoît XVI.
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Le cardinal Tauran
Le cardinal Jean-LouisTauran satisfait de la première rencontre avec les
musulmans
Interview du cardinal Jean-Louis Tauran
"Un dialogue sans tabou. Y compris à propos de la liberté religieuse"
"Un dialogue a véritablement eu lieu, dans un climat de franchise, de grande
cordialité, d’écoute bienveillante, qui laisse présager de bons résultats
pour l’avenir...".
Le cardinal Jean-Louis Tauran, président du conseil pontifical pour le
dialogue interreligieux, se dit satisfait de la première
rencontre qui a eu lieu à Rome, les 4 et 5 mars 2008, avec une
délégation des signataires de la désormais célèbre
Lettre ouverte "A
common word", signée à l’origine par 138 sages musulmans.
Q. – Eminence, dans le langage diplomatique, que vous
connaissez bien, lorsque l’on affirme que le dialogue a été "franc", cela
veut dire qu’il s’est agi d’une confrontation vraie, dialectique...
R. – Il y a dialogue quand on ne pense pas de la même façon, n’est-ce pas ?
Quoi qu’il en soit, le ton est toujours resté courtois et cordial.
Q. – Au cours de cette première rencontre, le projet a
été lancé de créer un Forum catholico-musulman. Quels seront les critères
pour désigner les participants?
R. – Pour ce qui nous concerne, nous choisirons des personnalités
ecclésiastiques et académiques ayant une connaissance directe – et acquise
sur le terrain – de l’islam et des musulmans.
Q. – Dans quelle mesure les interlocuteurs que vous
avez rencontrés ces derniers jours sont-ils représentatifs du monde
musulman?
R. – Ce sont des personnalités qualifiées et très représentatives des
signataires de la lettre "A common word", qui représentent eux-mêmes une
part importante, sinon exhaustive, de l’intelligentsia musulmane.
Q. – La création de ce Forum catholico-musulman
remplace-t-elle les autres formes de dialogue avec d’autres structures
organisées du monde musulman et actives depuis longtemps?
R. – Je ne souhaite pas donner l’impression que le dialogue islamo-chrétien
ait commencé avec la lettre des 138, ni qu’il se résume à cela. C’est après
le Concile Vatican II qu’a été entrepris ce dialogue institutionnalisé, qui
s’articule aussi autour de rencontres régulières avec d’autres entités
islamiques. Il y a deux semaines, par exemple, je me suis rendu en Egypte, à
l’université al-Azhar, l’institution islamique sunnite la plus réputée. Fin
mars, nous recevrons ici, à Rome, la World Islamic Call Society de Libye. En
avril, toujours à Rome, une rencontre aura lieu avec des représentants
iraniens. En mai, enfin, nous nous rendrons à Amman pour une rencontre avec
le Royal Institute for Inter-Faith Studies.
Q. – On vous a reproché d’avoir affirmé qu’un dialogue
théologique entre chrétiens et musulmans était impossible. Ces critiques
vous ont-elles fait changer d’avis?
R. – Je voudrais souligner que le premier des deux sujets débattus lors du
premier séminaire "Amour de Dieu, amour du prochain" du Forum
catholico-musulman, qui aura lieu en novembre à Rome, sera consacré
justement aux "Fondements théologiques et spirituels" de cet amour. Rien
n’est donc exclu.
Q. – Avez-vous constaté chez vos interlocuteurs
musulmans une intention sérieuse de débattre sur des sujets concernant la
liberté religieuse, y compris la liberté de changer de religion?
R. – Là aussi je souligne que le deuxième sujet de la prochaine rencontre de
novembre sera "La dignité de l’homme et le respect réciproque". Et il me
semble évident que la liberté religieuse, y compris la liberté de changer de
religion, fait partie de la dignité de l’homme. Cependant, même si les
sensibilités sur ce point diffèrent encore, il me paraît important qu’aucun
sujet ne reste tabou dans un dialogue ouvert et respectueux de l’autre. Et
que nous espérons fructueux et porteur de résultats concrets.
Q. – Comment interprétez-vous la très prochaine
inauguration d’une église – la première – au Qatar?
R. – C’est un très beau signe. Un geste de respect de la part de l’émir de
cet état du Golfe, qui a déjà fait preuve de sa bonne volonté envers les
chrétiens et en particulier les catholiques, notamment en nouant des
relations diplomatiques avec le Saint-Siège. Un exemple à suivre pour les
pays qui ne permettent pas encore aux chrétiens – et à d’autres croyants –
de disposer d’un lieu de culte. Même s’ils sont des centaines de milliers.
Q. – Vous pensez à l’Arabie Saoudite?
R. – "Intelligenti pauca". Les droits de l’homme, dans leur totalité, sont
pour tous, partout.
Q. – Récemment, en Hollande, un film qui compare le
Coran au “Mein Kampf“ de Hitler a beaucoup fait parler de lui. Qu’en
pensez-vous?
R. – Je n’ai pas vu le film. Mais si cette comparaison a été faite, je
trouve qu’elle est d’une grande vulgarité. Pouvoir juger de manière
rationnelle, objective et critique certains aspects d’une religion ou
certaines déclarations de représentants de cette religion, est bien entendu
une chose admissible. Offenser et railler la sensibilité religieuse d’un
peuple par des accusations générales ou concernant les aspects les plus
sacrés d’une religion est en revanche inadmissible. Nous avons aussi insisté
sur ce point dans le communiqué final diffusé suite à la rencontre à
al-Azhar. Il rapporte une phrase que le pape a adressée au nouvel
ambassadeur du Maroc en 2006: “Afin de favoriser la paix et la compréhension
entre les peuples et entre les êtres humains, il est nécessaire que leurs
religions et leurs symboles soient respectés, et que les croyants ne fassent
pas l’objet de provocations portant atteinte à leur engagement et à leurs
sentiments religieux“.
Q. – Lors de la conférence de presse qui a suivi les
rencontres des 4 et 5 mars, l’un des participants musulmans a critiqué de
nouveau le discours du pape à Ratisbonne.
R. – Mais cette nouvelle phase du dialogue avec les musulmans est justement
due au discours de
Ratisbonne ! Les musulmans n’ont pas tous accueilli de
manière négative le discours du pape à Ratisbonne. Le rapport entre foi et
raison fera bientôt l’objet d’un approfondissement avec certains partenaires
musulmans de notre dicastère. Par ailleurs, Benoît XVI a très bien expliqué
quelle était la bonne interprétation de ce discours. Pendant la rencontre
d’al-Azhar, pour donner un exemple, personne n’y a fait la moindre allusion.
Q. – Quel effet peut avoir cette nouvelle phase du
dialogue islamo-chrétien pour les communautés chrétiennes du Moyen-Orient?
R. – Le problème est de savoir si ce nouveau climat de dialogue passera du
niveau théorico-intellectuel au niveau pratique, c’est-à-dire s’il aura des
retombées sur le plan social et politique. J’espère qu’il s’agira d’un
engagement commun.
Q. – Il semblerait qu’un intellectuel musulman écrira
bientôt dans “L’Osservatore Romano“. Qu’en pensez-vous?
R. – Je crois avoir compris que l’hypothèse pourrait devenir réalité dans
quelques mois. Cela ferait honneur à “L’Osservatore Romano“ et à l'auteur
qui accepterait de faire apparaître sa signature dans le quotidien du
Saint-Siège. Ce serait aussi un encouragement, une invitation à la
réciprocité, de telle sorte que des auteurs chrétiens puissent aussi écrire
pour des publications islamiques.
Q. – A propos du principe de réciprocité, en avez-vous
discuté avec les représentants des 138?
R. – Bien sûr. Nous en avons aussi parlé au cours de la rencontre à
al-Azhar, en Egypte. Nous avons indiqué que, jusqu’à présent, ce principe,
en dépit de certaines phrases du Coran qui justifieraient son application,
n’est pas toujours respecté dans les faits. Espérons que tout ira bien à
l’avenir.
Traduction française par
Charles de
Pechpeyrou, Paris, France.
►
Des signaux positifs à l’égard du pape Benoît XVI et de l’Église catholique
Sources : La
chiesa.it
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 19.03.2008 -
T/œcuménisme |