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19 Avril 2005
 

Pourquoi Benoît XVI est si prudent au sujet de la lettre des 138 musulmans

 

Rome, le 26 novembre 2007 - (E.S.M.) - Parce que le dialogue qu'il souhaite est tout autre, le pape Benoît XVI demande à l'islam de suivre le même cheminement qu'avait accompli l'Église catholique sous la pression des Lumières. L'amour de Dieu et du prochain doit se réaliser dans l'acceptation totale de la liberté religieuse

Le pape Benoît XVI et le Roi d'Arabie saoudite -  Pour agrandir l'image Cliquer

Pourquoi Benoît XVI est si prudent au sujet de la lettre des 138 musulmans

Parce que le dialogue qu'il souhaite est tout autre. Le pape demande à l'islam de suivre le même cheminement qu'avait accompli l'Église catholique sous la pression des Lumières. L'amour de Dieu et du prochain doit se réaliser dans l'acceptation totale de la liberté religieuse

par Sandro Magister

La lettre adressée le mois dernier par les 138 musulmans à Benoît XVI et aux chefs des autres Églises chrétiennes a reçu une spectaculaire réponse collective dans un message signé par 300 chercheurs, publié dans le numéro du 18 novembre du "New York Times".

Le message a vu le jour à la Divinity School de l’université de Yale, notamment sous l’impulsion de son doyen Harold W. Attridge, professeur d’exégèse du Nouveau Testament.

Les signataires appartiennent pour la plupart à des confessions protestantes, de tendance "evangelical" ou "liberal". Parmi eux figure une personnalité: le théologien Harvey Cox. Mais on trouve aussi dans cette liste des 300 un évêque catholique, Camillo Ballin, vicaire apostolique au Koweit. Sont également catholiques l’islamologue John Esposito, de l’université de Georgetown, et les théologiens Donald Senior, passioniste, et Thomas P. Rausch, jésuite, de la Loyola Marymount University. C’est aussi le cas – bien qu’ils se situent à la lisière de l’orthodoxie – de Paul Knitter, spécialiste du dialogue interreligieux et d’Elizabeth Schüssler Fiorenza, une théologienne féministe qui enseigne à Harvard.

Le message fait l’éloge de la lettre des 138. Il s’en approprie le contenu, c’est-à-dire l’indication de l’amour de Dieu et du prochain comme "parole commune" entre musulmans et chrétiens, au centre du Coran comme de la Bible. Et il commence par une demande de pardon "au Dieu unique de toutes les miséricordes et à la communauté musulmane du monde entier".

Une demande de pardon expliquée de la manière suivante:

"Puisque Jésus dit: ‘Enlève d’abord la poutre de ton œil, et alors tu verras clair pour enlever la paille de l'œil de ton frère’ (Matthieu 7,5), nous voulons commencer en reconnaissant que dans le passé (les Croisades) comme dans le présent (les excès de la ‘guerre contre la terreur’), de nombreux chrétiens ont été coupables de péchés à l’encontre de notre prochain musulman".

Lors de la diffusion de ce message, ses promoteurs ont annoncé qu’il sera suivi par des rencontres avec certains signataires de la lettre des 138, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et au Moyen-Orient. Des rencontres qui seront également ouvertes aux juifs.

Face à cette ardeur au dialogue, Benoît XVI et les dirigeants du Saint-Siège paraissent plus prudents et réservés.

Dès qu’il a reçu la lettre des 138 musulmans, le Saint-Siège en a aimablement accusé réception. Mais il a renvoyé à plus tard une réponse plus approfondie.

En outre, le premier commentaire à la lettre des 138 émis à ce jour par un organisme rattaché au Saint-Siège – l’Institut pontifical d’études arabes et d’islamologie (P.I.S.A.I.) – a été étouffé, bien qu’il mette en évidence les éléments nouveaux et positifs de l’initiative musulmane.

Même "L'Osservatore Romano" n’en a pas parlé. L’unique référence à la lettre des 138 qui ait figuré jusqu’à présent dans le journal du Saint-Siège se trouve dans une note qui annonçait et commentait la rencontre du 6 novembre entre le roi Abdallah d’Arabie Saoudite et Benoît XVI. (Benoît XVI rencontre le Roi d'Arabie saoudite, événement inédit) "L'Osservatore" n’a même pas parlé des commentaires consacrés à la lettre des 138 par deux jésuites islamologues que le pape apprécie beaucoup, l’Egyptien Samir Khalil Samir (L B XVI) (Le projet proposé par Benoît XVI) et l’Allemand Christian W. Troll.

Mais c’est justement en lisant ces commentaires – en particulier celui de Troll – que l’on comprend pourquoi l’Église de Rome est si prudente.

Troll relève que la lettre des 138 musulmans, en insistant sur les commandements de l’amour de Dieu et de son prochain comme "parole commune" au Coran et à la Bible, semble vouloir porter le dialogue uniquement sur le terrain doctrinal et théologique.

Cependant – remarque Troll – il y a une différence abyssale entre le Dieu unique des musulmans et le Dieu trinitaire des chrétiens, avec le Fils qui s’est fait homme. La vraie "parole commune" doit être cherchée ailleurs: "en appliquant ces commandements à la réalité concrète des sociétés pluralistes, ici et maintenant". Elle doit être cherchée dans la protection des droits de l’homme, de la liberté religieuse, de la parité entre l’homme et la femme, de la distinction entre le pouvoir religieux et le pouvoir politique. La lettre des 138 est évasive ou muette sur tous ces sujets.

Et c’est un choix délibéré. L’un des principaux auteurs de la lettre, le théologien libyen Aref Ali Nayed, professeur à l’université de Cambridge, s’explique ainsi dans une interview accordée à "Catholic News Service", l’agence de la conférence des évêques des Etats-Unis:

"Le dialogue éthico-social est utile et l’on en a grand besoin. Mais ce type de dialogue se produit déjà chaque jour, par le biais d’institutions tout à fait séculières comme les Nations Unies et ses organismes. Si des communautés fondées sur la révélation religieuse veulent vraiment apporter leur contribution à l’humanité, leur dialogue doit être fondé théologiquement et spirituellement. De nombreux théologiens musulmans ne sont pas du tout intéressés par un dialogue purement éthique entre culture et civilisation".

Quel est en revanche le dialogue avec l’islam voulu par Benoît XVI ?

Le pape l’a expliqué de la manière la plus limpide dans un passage du discours qu’il a adressé à la curie le 22 décembre 2006 à l’occasion de la présentation des voeux de Noël  :

"Dans un dialogue à intensifier avec l'Islam, nous devrons garder à l'esprit le fait que le monde musulman se trouve aujourd'hui avec une grande urgence face à une tâche très semblable à celle qui fut imposée aux chrétiens à partir du siècle des Lumières et à laquelle le Concile Vatican II a apporté des solutions concrètes pour l'Église catholique au terme d'une longue et difficile recherche.

"Il s'agit de l'attitude que la communauté des fidèles doit adopter face aux convictions et aux exigences qui s'affirment dans la philosophie des Lumières.

"D'une part, nous devons nous opposer à la dictature de la raison positiviste, qui exclut Dieu de la vie de la communauté et de l'organisation publique, privant ainsi l'homme de ses critères spécifiques de mesure.

"D'autre part, il est nécessaire d'accueillir les véritables conquêtes de la philosophie des Lumières, les droits de l'homme et en particulier la liberté de la foi et de son exercice, en y reconnaissant les éléments essentiels également pour l'authenticité de la religion.

"De même que dans la communauté chrétienne, il y a eu une longue recherche sur la juste place de la foi face à ces convictions - une recherche qui ne sera certainement jamais conclue de façon définitive - ainsi, le monde musulman également, avec sa tradition propre, se trouve face au grand devoir de trouver les solutions adaptées à cet égard.

"Le contenu du dialogue entre chrétiens et musulmans consistera en ce moment en particulier à se rencontrer dans cet engagement en vue de trouver les solutions appropriées. Nous chrétiens, nous sentons solidaires de tous ceux qui, précisément sur la base de leur conviction religieuse de musulmans, s'engagent contre la violence et pour l'harmonie entre foi et religion, entre religion et liberté".


- Il n’y a pas de trace dans la lettre des 138 de cette proposition adressée par Benoît XVI au monde musulman en décembre 2006. Signe que la distance entre les visions de l’un et des autres est réellement grande.

La vision de Benoît XVI est la même que celle que d’autres autorités du Saint-Siège manifestent chaque fois qu’ils abordent ce sujet. Preuve en est, le message adressé aux musulmans en octobre dernier, à l’occasion de la fin du Ramadan, par le conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, présidé par le cardinal Jean-Louis Tauran. Un message qui est lui aussi centré sur "la liberté de la foi et son exercice" comme devoir de toutes les religions, conformément au "plan du Créateur". (Message du Président du Conseil Pontifical pour le dialogue interreligieux)

C’est une vision que Ratzinger défend depuis des années avec une grande cohérence, d’abord en tant que cardinal puis en tant que pape.

Le discours de Ratisbonne sur la juste "synergie entre foi et raison" en est la fondation la plus achevée.

Mais c’est aussi dans la discussion que Benoît XVI avait eue en janvier 2004 à Munich avec le philosophe laïc Jürgen Habermas qu’il faut chercher les bases de sa conception du dialogue avec l’islam et les autres religions.

A cette occasion, Ratzinger avait déclaré qu’un "droit naturel" de valeur universelle n’est en fait pas reconnu à l’heure actuelle par l’ensemble des cultures et des civilisations. Sur ce sujet, on constate des désaccords entre les unes et les autres et à l’intérieur de chacune d’elles. Mais il a montré la voie pour que "les normes et les valeurs essentielles que tous les êtres humains connaissent ou entrevoient" puissent être éclairées et "assurer l’unité du monde". Cette voie, c’est celle d’un lien positif entre raison et foi, "appelées à se purifier mutuellement" des pathologies qui les exposent toutes deux à la domination de la violence.

Un grand chercheur a analysé avec beaucoup de lucidité la vision qu’a Benoît XVI de l’islam: c’est le juriste allemand Ernst-Wolfgang Böckenförde. Il a exposé son point de vue dans un essai paru cette année en Allemagne et traduit en italien par la revue "Il Regno".

Böckenförde est en plein accord avec le pape quand il dit qu’en ce qui concerne la liberté de religion, l’islam est confronté au même défi que les chrétiens du temps des Lumières.

L’Église catholique a répondu à ce défi, lors du Concile Vatican II, par la déclaration "Dignitatis Humanae" sur la liberté religieuse fondée sur les droits de la personne.

Mais le monde musulman – s’interroge Böckenförde – est-il prêt à emprunter un chemin similaire ? Est-il prêt à reconnaître la neutralité religieuse de l’état et donc la même liberté pour toutes les religions au sein de l’état ?

Les musulmans "de la diaspora", c’est-à-dire ceux qui vivent dans des pays européens et occidentaux où ils sont minoritaires, semblent disposés à cette reconnaissance. Preuve en est la déclaration adoptée en 2001 par le comité des musulmans d’Allemagne, qui affirme: "Le droit islamique oblige les musulmans qui vivent en diaspora à se conformer à l’ordre juridique local".

Qu’en est-il là où les musulmans sont majoritaires et contrôlent l’état ? Böckenförde est sceptique. Il considère que, quand l’islam est en position de force, il est très loin d’accepter la neutralité de l’état et donc la liberté totale de toutes les religions.

Böckenförde en est tellement convaincu qu’il conclut son essai par une hypothèse d’école: il imagine un pays européen dans lequel les immigrés musulmans seraient sur le point de constituer la majorité de la population.

Dans ce cas – affirme le juriste allemand – ce pays a le devoir de fermer ses frontières. Pour des raisons d’autodéfense. Parce qu’un état séculier ne peut renoncer à ce "droit naturel" qui est son fondement: "un droit qui résulte de l’appartenance à un monde culturel fondé sur des éléments du monde classique, du judaïsme et du christianisme, mais revus dans l’optique des Lumières".


- Quoi qu’il en soit, on trouve dans la pensée islamique d’aujourd’hui des positions "ouvertes à une rationalité tolérante", comme les a définies Ratzinger lors de son entretien avec Habermas en 2004.

L’une de ces positions est mise en avant par le père Maurice Borrmans, ancien président du PISAI, dans le dernier numéro d’"Oasis", la revue multilingue – elle paraît notamment en arabe et en ourdou – créée par le patriarche de Venise, le cardinal Angelo Scola.

Borrmans cite un chercheur tunisien résidant à Paris, Abdelwahab Meddeb. Celui-ci a commenté positivement les thèses de Benoît XVI dans un essai intitulé "Le Dieu purifié", inclus dans un ouvrage collectif publié en France: "La conférence de Ratisbonne: Enjeux et controverses".

Il écrit notamment:

"A Ratisbonne, le pape a voulu inciter les musulmans à effectuer un travail d’anamnèse pour qu’ils abandonnent la violence et qu’ils reviennent à l’articulation du logos que leurs ancêtres avaient connu, pour pouvoir l’élargir et l’approfondir".

Après avoir rappelé que le grand philosophe Averroès (1126-1198) compte parmi les "ancêtres" d’un islam purifié par la raison, il poursuit ainsi:

"C’est dans cette direction que doit revenir le musulman pour participer au grand logos, à son élargissement et à son approfondissement sur la voie de la purification qui neutralise la violence et qui instaure une sérénité éthique".

Abdelwahab Meddeb ne fait pas partie des signataires de la lettre des 138 ni de celle des 38 publiée un an auparavant.

Traduction française par Charles de Pechpeyrou, Paris, France.

Liens :

Les antécédents de cet article, avec les liens vers la lettre des 38 et celle des 138, vers le discours de Benoît XVI à Ratisbonne et vers d’autres textes liés : Les musulmans attendent une réponse adaptée du pape Benoît XVI

La réponse, dans le "New York Times" du 18 novembre 2007, de 300 intellectuels chrétiens à la lettre des 138 musulmans : Loving God and Neighbor Together- A Christian Response

Et sa présentation par la Divinity School de l’université de Yale :
Historic Unanimity of Major Christian Leaders...

Le commentaire de l’Institut pontifical d’études arabes et d’islamologie à propos de la lettre des 138 : Les relations entre chrétiens et musulmans

Le commentaire de Samir Khalil Samir : La Lettera dei 138 dotti musulmani al papa e ai capi cristiani

Le commentaire de Christian W. Troll : Towards a common ground between Christians and Muslims

L’interview accordée par Aref Ali Nayed à "Catholic News Service" : Aref Ali Nayed Interview with CNS

Le discours que Benoît XVI a adressé à la curie le 22 décembre 2006 : "C'est avec une frande joie que je vous rencontre"...

La revue des religieux dehoniens de Bologne, dont le dernier numéro (n. 18 de l’année 2007) contient la version italienne de l’essai d’Ernst-Wolfgang Böckenförde, "Der säkularisierte Staat. Sein Charakter, seine Rechtfertigung und seine Probleme im 21. Jahrhundert", Carl Friedrich von Siemens Stiftung, Munich, 2007, pp.11-43 : Il Regno

L’article de Maurice Borrmans sur "Le dialogue né de Ratisbonne" a été publié dans le dernier numéro d’Oasis, la revue multilingue du patriarcat de Venise, en octobre 2007 : Oasis
 

Sources: La chiesa.i

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

Eucharistie, sacrement de la miséricorde - (E.S.M.) 26.11.2007 - BENOÎT XVI - T/International/musulmans

 

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