Les relations entre chrétiens et musulmans |
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Rome, le 06 novembre 2007 -
(E.S.M.) - Réponse de l’Institut pontifical
d’études arabes et islamiques à la lettre ouverte de 138 intellectuels
musulmans au pape Benoît XVI
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Le Père Justo
Lacunza-Balda, Président de l’Institut Pontifical d’Etudes Arabes et
Islamiques
Les relations entre chrétiens et musulmans
Les responsables de l'Institut pontifical d'études arabes et islamiques ont
rendu public leur réponse au message envoyé par 138 intellectuels musulmans
au pape Benoît XVI et autres responsables chrétiens. "Notre fréquentation
relativement longue et assidue du patrimoine culturel et religieux de
l'Islam nous permet de remarquer la nouveauté de ce geste et nous autorise à
attirer l'attention des non-musulmans sur sa qualité", écrivent-ils, faisant
remarquer la grande diversité des signataires.
Appréciation de la Lettre ouverte et appel des
guides religieux musulmans “Une parole commune entre nous et vous”.
par le staff du PISAI, Pontificio Istituto di Studi Arabi e d’Islamistica,
Roma
La
Lettre ouverte et appel des guides religieux musulmans aux responsables
des différentes Églises chrétiennes, comme message de fête, à l’occasion de
la clôture du jeûne du mois de Ramadân 1428 / 2007, et comme rappel-anniversaire de la
lettre des trente-huit savants musulmans adressée à S.S. le Pape Benoît
XVI, en 2006, est un événement hautement significatif qu’on ne peut pas ne
pas remarquer et dont il est nécessaire de souligner l’importance. Voilà
pourquoi, nous, membres du staff de l’Institut Pontifical d’Études Arabes et
d’Islamologie (P.I.S.A.I.) de Rome, tout particulièrement intéressés aux
relations entre chrétiens et musulmans, nous croyons de notre devoir
d’exprimer notre avis sur ce document.
Essayant de rentrer sans a priori dans la dynamique de cet événement tel
qu’il se présente, parce que nous sommes convaincus de la bonne foi de ceux
qui l’ont suscité, purifiés qu’ils étaient par le long jeûne de Ramadân,
nous voudrions rendre compte de tout ce que nous apprécions dans la
présentation et dans le contenu de ces pages. Notre fréquentation
relativement longue et assidue du patrimoine culturel et religieux de l’Islam,
ainsi que nos contacts réguliers avec les membres de la communauté
musulmane, nous permettent de remarquer la nouveauté de ce geste et nous
autorisent à attirer l’attention des non-musulmans sur sa qualité.
D’abord, nous sommes frappés par la largeur des horizons sous lesquels se
situe ce texte ; largeur au niveau des signataires : cent trente-huit
personnalités musulmanes provenant de nombreux pays situés dans tous les
continents et dont l’appartenance religieuse témoigne de nuances variées ;
largeur au niveau des destinataires : tous les guides des différentes
Églises chrétiennes dont vingt-huit sont explicitement nommés.
Dans le même ordre de constatations, nous soulignons l’étendue du champ
concerné, à savoir les musulmans, les chrétiens, les juifs et les hommes du
monde entier. Les auteurs du texte ne se réfugient pas dans un pro domo
revendicatif de l’umma, mais ils se situent, au contraire, comme
partenaires de l’humanité pour laquelle ils proposent leur façon de
concevoir les fondements et les principes reconnus aussi par d’autres
communautés, en vue de sa survie dans une paix effective et générale.
L’ampleur des perspectives est également un trait notoire de ce texte. Ses
auteurs s’intéressent certes au sort du monde actuel tel qu’il est en jeu
ici et maintenant, mais également à celui des ‘âmes éternelles’ qui se
jouera ailleurs et demain. Cette double visée, à la fois immanente et
transcendante, fait circuler dans ce discours un courant fort et libérateur.
Bien sûr, nous sommes également frappés par le caractère fondamental du
propos : Dieu et l’homme. Il est bien plus facile de se limiter à des idées
d’autant plus généreuses qu’elles sont vagues et générales, que de réclamer
ainsi l’attention sur l’urgence des droits de Dieu et de ceux de l’homme qui
exigent de chacun une attention soutenue et un amour actif et concret.
Nous sommes également sensibles à la réelle attention que portent les
signataires de cette lettre à la référence capitale qui fonde l’autre en
tant que juif ou chrétien, à savoir le double commandement de l’amour de
Dieu et du prochain dans le Deutéronome et dans l’Évangile de Matthieu.
Cette volonté de reconnaissance de l’autre, dans le désir le plus profond de
ce qu’il veut être, nous apparaît comme un des points fondamentaux de ce
document; elle seule peut garantir le succès d’une vraie relation entre
communautés culturellement et religieusement différentes.
En même temps, nous apprécions la façon dont les auteurs du texte, en tant
que musulmans, voient dans ces deux commandements la définition même leur
propre identité. Ils ne le font ni par complaisance ni par politique, mais,
en vérité, uniquement à partir de leur proclamation de l’unicité divine
(al-taw|îd),
pivot de la foi musulmane. Effectivement, nous reconnaissons que
l’acceptation radicale de l’unicité divine est une des expressions les plus
authentiques de l’amour dû à Dieu seul et que, la foi n’allant jamais sans
les bonnes oeuvres, comme ne cesse de le répéter le Coran
(al-ladîna âmanû wa ‘amilû al-¡âli|ât: al-Baqara 2, 25),
l’amour de Dieu est indissociable de celui du prochain.
Nous savons gré à ceux qui nous interpellent, en soulignant ainsi l’accord
sur l’essentiel qui fonde nos diverses communautés de croyants, de conserver
cependant une vision réaliste et courageuse. En effet, d’une part, ils ne
gomment pas la différence de nos options christologiques ; et, d’autre part,
ils ne passent pas sous silence le problème de la liberté religieuse
(lâ ikrâha fî l-dîn: al-Baqara 2, 256) qu’ils considèrent
comme étant un point crucial.
Ce réalisme ne les empêche pas d’avoir une vision positive sur les obstacles
et les différences qui demeurent entre nous ; si bien que, fidèles à la
tradition coranique qui les inspire, ils n’y voient qu’une occasion
d’émulation dans la recherche du bien commun
(fastabiqû l-hayrât: al-Mâ’ida 5, 48).
C’est certainement cette vision positive des difficultés qui leur a permis
d’écarter la polémique, de se dépasser, de prendre sur eux-mêmes et de ne
point tenir compte de leur déception due à une réponse qui ne correspondait
pas à leur attente, à la suite de leur lettre adressée à S.S. le Pape Benoît
XVI,
en 2006.
En lisant ce document, nous remarquons l’existence, de leur part, d’un
regard neuf et créatif, porté sur le Texte coranique et celui de la
Tradition prophétique, par rapport à certaines interprétations historiques,
marquées par des situations particulières qui en rendaient la portée
relativement restrictive en ce qui concerne la considération des
non-musulmans. Nous pensons, en particulier, à la portée générale qu’ils
donnent aux versets de Âl ‘Imrân 3, 113-115 relatifs à ‘une
communauté droite qui récite les versets de Dieu durant la nuit, tout en se
prosternant’ que nombre de commentateurs assimilaient jusqu’ici aux seuls
chrétiens sur le point de se convertir.
Nous sommes heureux de voir que les citations bibliques et évangéliques
utilisées dans ce document sont faites à partir des sources et que les
explications qui en sont données se fondent parfois sur les langues
originelles: l’hébreu, l’araméen et le grec. Cela témoigne d’un grand
respect et d’une réelle attention à l’autre, en même temps que d’un esprit
authentiquement scientifique. Là aussi nous notons l’émergence d’un nouveau
regard.
Pour conclure, nous voulons insister sur l’attitude a priori positive des
auteurs du texte dans leur interprétation des trois passages parallèles des
Évangiles synoptiques. Ils auraient pu choisir des exégèses bien plus
restrictives et minimalistes que la tradition chrétienne pouvait aisément
leur fournir et qu’ils n’ignorent certainement pas. Stimulés par leur
attitude, nous ne voulons retenir, nous aussi, que l’interprétation
maximaliste selon laquelle les textes du Coran et de la Tradition
prophétique ne limitent pas aux seuls membres de l’umma les bienfaits que
tout bon musulman doit prodiguer à son prochain au nom de sa foi en Dieu et
de son amour exclusif pour lui.
Un tel document nous encourage à poursuivre décidément notre engagement pour
que la différence de nos langues et de nos couleurs (ihtilâf alsinati-kum wa
alwâni-kum: al-Rûm 30, 22), c’est-à-dire nos différences culturelles
profondes, loin de nous engager dans le soupçon, la méfiance, le mépris et
la dissension, comme cela s’est souvent vérifié dans l’histoire de nos
rapports et comme c’est toujours le cas dans le monde d’aujourd’hui, soient
perçues comme des signes pour ceux qui savent
(inna fî dâlika la-âyâtin li-l-‘âlimîna),
c’est-à-dire, comme une miséricorde provenant de notre Seigneur.
Miguel Angel Ayuso Guixot, directeur
Etienne Renaud, directeur des études
Valentino Cottini, professeur
Michel Lagarde, professeur
Félix Phiri, professeur
Roma, le 25 octobre 2007
Repères :
Lire
l'intégralité de la lettre ►
Lettre des 138 au pape Benoit XVI (patienter le
temps du téléchargement, document pdf). La lettre
est suivie des 138 signataires
Premières réactions de l'Église
:
►
Lettre au pape Benoît XVI de musulmans
►
Benoît XVI reçoit une déclaration sur l'avenir
et la paix entre l'Islam et le Christianisme
►
Les musulmans attendent une réponse adaptée du
pape Benoît XVI
Benoît XVI cité en parlant
du trésor commun avec les musulmans et des juifs :►
Benoît XVI
La lettre des
100 : ►
Lettre ouverte à sa sainteté Benoît XVI
Les relations
du pape Benoît XVI avec les pays musulmans : ►
Benoît XVI
Sources: Pontificio Istituto di Studi Arabi e d'Islamistica –
PISAI
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 06.11.2007 - BENOÎT XVI
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