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Benoît XVI, dernier Pape européen
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Le 26 février 2023 -
(E.S.M.)
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Ratzinger et l'Europe, disions-nous. Dans la
vision du théologien bavarois, la relation entre le
christianisme et le Vieux Continent est avant tout un
fait historique, essentiel non seulement pour l'Europe,
qui est appelée à reconnaître ses racines, mais aussi
pour le christianisme lui-même.
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Benoît XVI -
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Benoît XVI, dernier Pape européen
Le 26 février 2023 - E.
S. M. - Avec Benoît XVI, dans le monde de Joseph Ratzinger,
s'en va le dernier pape européen. Certes, beaucoup d'autres Papes
viendront du Vieux Continent dans l'avenir, mais il leur sera
difficile de manifester de manière aussi évidente dans leur propre
pensée et leur Magistère tout le poids de l'héritage séculaire de la
culture européenne. En ce sens, l'élection au trône pontifical de
son successeur François, le pape argentin venu selon ses propres
termes "du bout du monde", a constitué un élément de rupture de
signification historique dont il sera difficile de revenir . En
effet, la tendance bergoglienne à « déconfessionnaliser » le
catholicisme, en le libérant presque de la lourdeur de son appareil
doctrinal, juridico-organisationnel et liturgique millénaire et en
lui redonnant une simplicité évangélique originelle présumée, passe
par un dramatique vidage culturel et intellectuel du catholicisme,
c'est-à-dire de son caractère éminemment européen.
La vie de Joseph Ratzinger
Joseph Ratzinger est né à Martkl am Inn, en Bavière, en 1927 : très
jeune, il est enrôlé dans la Wehrmacht dans la défense
anti-aérienne. Après la guerre, il était un jeune prêtre, théologien
et expert au Concile Vatican II avec des sympathies progressistes
modérées, à tel point que sa thèse de doctorat était suspectée de
«modernisme»; enseignant pendant les années de la Contestation et
collaborateur de la revue Concilium, il se transforma bientôt en «
pompier » s'éloignant du groupe de son ami-ennemi Hans Küng et
devenant finalement, après une brève période comme archevêque de
Munich, le gardien de la foi catholique en tant que préfet de la
Congrégation pour la Doctrine de la Foi (anciennement le
Saint-Office). A ce titre, il a collaboré pendant près de vingt-cinq
ans avec Jean-Paul II dans son projet de surmonter "la gueule de
bois" post-conciliaire et la reconquête catholique de la société,
pour ensuite lui succéder comme pape lui-même, avant sa démission
fracassante en 2013.
Le côté obscur de la modernité
Une vie et une pensée, en somme, en pleine immersion dans les
tempêtes historiques et philosophiques du XXe siècle européen,
plongeant dans une modernité qui, à côté de ses promesses lumineuses
et éblouissantes, a aussi manifesté sa face sombre au cours su «
petit siècle » et, enfin, sa crise inévitable. Dans cette
dialectique, mise au jour par exemple par l'Ecole de Francfort,
Benoît XVI a su s'insérer avec sagesse, lançant son propre défi
intellectuel au monde moderne sur son propre terrain.
Benoît XVI et l’Europe
Ratzinger et l'Europe, disions-nous. Dans la vision du théologien
bavarois, la relation entre le christianisme et le Vieux Continent
est avant tout un fait historique, essentiel non seulement pour
l'Europe, qui est appelée à reconnaître ses racines, mais aussi pour
le christianisme lui-même. Sur cette considération, il fonde « le
droit inaliénable de subsistance dont jouit la pensée grecque dans
le domaine du christianisme », au point d'affirmer que « ce
n'est pas un pur hasard si le message chrétien, dans sa phase même
de formation, a d'abord pénétré le monde grec se confondant ici avec
le problème de la compréhension, avec la recherche de la vérité
».
Il faut donc rejeter la tentation, présente dans certaines franges
progressistes, de considérer l'influence de la culture grecque sur
le christianisme comme une contamination de sa pureté juive
originelle : « une telle opération - affirme Ratzinger -
signifierait simplement le renoncement à ce qui est proprement
chrétien, à la nouveauté chrétienne », et démontrerait même «
un aveuglement envers l'essence du christianisme ».
Le christianisme et Rome
Sur la rencontre entre Jérusalem et Athènes, qui n'est donc pas un
des nombreux phénomènes d'inculturation de la foi chrétienne mais
représente son caractère constitutif, le patrimoine
juridico-politique se greffe providentiellement - mais pas seulement
- de Rome, dont la pertinence peut difficilement être surestimée. Ce
n'est pas un hasard si la « plénitude des temps » par
l'incarnation du Christ a lieu précisément sous l'empire d'Auguste,
lorsque Rome exerce sa loi sur une grande partie du monde alors
connu. Ainsi - observe Ratzinger - « les Actes des Apôtres se
terminent avec l'arrivée de l'Evangile à Rome, non parce que l'issue
du procès contre Paul était sans intérêt, mais simplement parce que
ce livre n'est ni un roman ni une biographie : avec l'arrivée à
Rome, le voyage commencé à Jérusalem touche à sa fin ; l'Église
catholique universelle est réalisée. [...] En ce sens Rome, qui est
la réalité qui unit tous les peuples, a une importance théologique
dans les Actes des Apôtres ; il ne faut pas la mettre entre
parenthèses par rapport à l'idée de catholicité de Luc".
Compte tenu de cela, "il n'est pas surprenant - lit-on dans
le discours célèbre et controversé de Benoît XVI à Ratisbonne -
que le christianisme, malgré ses origines et quelques développements
importants en Orient, ait finalement trouvé son empreinte
historiquement décisive en Europe. On peut aussi l'exprimer
inversément : cette rencontre […] a créé l'Europe et reste le
fondement de ce qu'on peut bien appeler l'Europe ». A cet égard,
on pourrait certes objecter qu'une civilisation européenne dotée de
caractéristiques ethniques et culturelles spécifiques a préexisté au
christianisme, mais il n'en reste pas moins que l'Europe ne commence
à prendre conscience d'elle-même et à se percevoir pleinement comme
telle qu'à partir du Moyen Âge chrétien.
La religion du Logos
De telles considérations n'ont pas un caractère purement historique,
mais dans la vision de Ratzinger, elles prennent une valeur
normative, susceptible d'exercer une influence sur l'avenir de la
civilisation européenne. La rencontre entre la foi biblique et la
pensée grecque fonde en effet le caractère rationnel du
christianisme en tant que religion du Logos, c'est-à-dire de la
raison créatrice : « la rationalité appartient à l'essence même
du christianisme, et lui appartient d'une manière qui n'est pas
reflétée dans les autres religions, qui ne revendiquent aucune
prétention en ce sens ». C'est le thème au cœur du
discours de Ratisbonne précité, prononcé par Benoît XVI lors de
sa visite en Allemagne en 2006 et qui a rapidement fait l'objet de
vives
polémique en raison de son prétendu caractère
anti-islamique. En réalité, il s'agissait d'une question tout à fait
interne à la culture européenne : une invitation à purifier la foi
par la raison, rejetant ainsi les tentations du fanatisme, et en
même temps à surmonter l'autoréduction fonctionnaliste de la raison
elle-même, en l'ouvrant à nouveau à la perspective de la recherche
de la vérité.
Le rapport entre le christianisme et la modernité
Nous entrons ici pour l'essentiel au cœur du rapport entre
christianisme et modernité : dans le sillage du tournant que
représente le Concile Vatican II, Joseph Ratzinger reconnaît
explicitement « ce qui est valable dans le développement moderne
de l'esprit », affirmant même que « Les Lumières sont
d'origine chrétienne et ce n'est pas par hasard qu'elles sont nées
dans le cadre de la foi chrétienne ». Mais la culture des
Lumières, détachée de son arrière-plan, finit par déterminer une
autolimitation de la raison elle-même, exprimée par exemple dans la
critique de Kant et radicalisée par la suite par le scientisme
positiviste, qui réduit le champ de la raison et de la science à ce
qui peut être démontré par l'expérience, donc en excluant les
grandes questions proprement humaines du sens : « une culture
purement positiviste qui écarterait la question de Dieu du champ
subjectif comme non scientifique – affirmait Benoît XVI dans son
discours à Paris au Collège des Bernardins en 2008 – serait
la capitulation de la raison , le renoncement à ses plus hautes
possibilités et donc un effondrement de l'humanisme dont les
conséquences ne pourraient être que graves ».
Les acquis positifs des Lumières présentent donc dialectiquement
leur propre revers de la médaille : une raison livrée à elle-même et
fermée à la transcendance dégénère dans la folie du nihilisme
post-moderne, les intentions de libération de l'homme peuvent finir
par l'abrutir et l'asservir. La liberté légitimement revendiquée par
la modernité, en dernière analyse, ne peut être effective que si
elle reste ancrée à la vérité, en premier lieu à la vérité sur la
nature même de l'homme, expression de la raison créatrice et non
simple fruit du hasard. et de l'évolution. D'où l'importance pour le
catholicisme de la référence à une conception métaphysique de la
nature, qui porte en elle les principes de l'être et est donc le
fondement de la loi morale : la création elle-même nous enseigne
comment nous pouvons être des hommes dans le droit chemin. « Les
visions modernes du monde les plus opposées – observe Ratzinger
– ont un point de départ commun dans la négation de la loi morale
naturelle et dans la réduction de la réalité à des faits « purs ».
La mesure dans laquelle elles préservent de manière incohérente les
valeurs anciennes varie selon les cas; à leur point nodal,
cependant, elles se trouvent sous la menace du même danger. »
A suivre ...
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Benoît XVI, dernier Pape européen, 2ème partie - 27.02.2023
Marco Mancini est vaticaniste pour l’agence ACI Stampa dirigée par
Angela Ambrogetti, et comptant parmi ses collaborateurs Andrea
Gagliarducci,
www.ilprimatonazionale.it - Traduction
E.S.M.
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Sources : lprimatonazionale.it - Traduction
E.S.M.
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(E.S.M.) 26.02.2023
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