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Benoît XVI, dernier Pape européen, 2ème partie
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Le 27 février 2023 -
(E.S.M.)
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L'attitude de Benoît XVI envers la manifestation la plus
éclatante de la science moderne, c'est-à-dire la
technologie, dépend de cette prise de conscience : elle
« crée sans aucun doute de nouvelles possibilités pour
l'humanité. Le chrétien n'a aucune raison d'avoir du
ressentiment envers la technologie. Ceux qui ont encore
grandi dans un monde largement prétechnique ne sont pas
tentés de tomber dans le romantisme du naturel. Il sait
à quel point tout cela a été difficile, combien
d'inhumanité pourrait s'accumuler dans le monde sans
technologie.
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Benoît XVI -
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Benoît XVI, dernier Pape européen, 2ème partie
Le 27 février 2023 - E.
S. M. - Ceci est la deuxième partie de l'article précédemment
publié ►
Benoît XVI, dernier Pape européen - 1ère partie
[...] L'attitude de Benoît XVI envers la manifestation la plus
éclatante de la science moderne, c'est-à-dire la technologie, dépend
de cette prise de conscience : elle « crée sans aucun doute de
nouvelles possibilités pour l'humanité. Le chrétien n'a aucune
raison d'avoir du ressentiment envers la technologie. Ceux qui ont
encore grandi dans un monde largement prétechnique ne sont pas
tentés de tomber dans le romantisme du naturel. Il sait à quel point
tout cela a été difficile, combien d'inhumanité pourrait s'accumuler
dans le monde sans technologie ; il sait à quel point il est
meilleur, plus beau et plus humain maintenant. Mais la même
technique, qui ouvre ces possibilités à l'humanité, offre aussi de
nouvelles voies à l'anti-humain", lorsqu'elle ne reconnaît pas la
vérité sur l'être humain, créé à l'image de Dieu.
L'anti-humanité de l'idéologie du genre
La négation du concept de nature conduit d'ailleurs à détacher
l'homme même de son propre conditionnement biologique, comme en
témoigne l'idéologie dite du genre : « cette différence [entre
l'homme et la femme], qui fait partie, sans pouvoir être supprimé,
de l'être humain en tant qu'être biologique et qui le marque
profondément, est rejeté comme quelque chose de sans poids, sans
importance, comme un "rôle incontournable" historiquement acquis
dans le domaine "purement biologique" qui, en soi, ne concernerait
pas la personne en tant que telle. [...] Mais en réalité [l'homme]
s'affecte ainsi au plus profond de lui-même, se rendant méprisable à
lui-même, puisqu'il est un homme précisément parce qu'il est un
corps, un homme en tant que masculin ou féminin. S'il réduit cette
caractérisation fondamentale de lui-même à une bagatelle méprisable
qui peut être considérée comme une chose, c'est lui-même qui devient
une chose sans importance. La « libération » vire à l'abaissement
dans la factualité. Là où le biologique est enlevé à l'humain, l'homme
lui-même est nié.
Benoît XVI et la politique
La même dialectique entre liberté et vérité se retrouve dans la
sphère politique. Ici aussi Benoît XVI accepte, dans le sillage du
Concile Vatican II, les acquis fondamentaux de la modernité et donc
de la démocratie libérale : l'idée que la religion ne peut être
imposée par l'État, le respect des droits fondamentaux de la
personne, la séparation des pouvoirs le contrôle du pouvoir.
Parallèlement, il constate, en écho aux thèses du
constitutionnaliste allemand Böckenförde, que l'État libéral et
laïcisé vit pourtant sur des présupposés qu'il ne peut lui-même
garantir.
Une liberté sans droits, en effet, "précipite dans l'anarchie, qui
est la parodie de la liberté, son annulation dans l'arbitraire de
chacun". Mais quel est le fondement du droit si son lien avec la
morale et donc avec la vérité n'est pas reconnu ? « Un droit qui
n'est pas fondé sur la morale devient une injustice ; une morale et
une loi qui ne partent pas de la référence à Dieu dégradent l'homme,
parce qu'elles le privent de sa plus haute mesure et de sa plus
haute possibilité, parce qu'elles lui dénient la vision de l'infini
et de l'éternel : avec cette apparente libération il est soumis à la
dictature de la majorité dominante, à des critères humains
contingents qui finissent par lui faire violence ».
La dictature du relativisme
Au fond, la liberté ne peut se passer de la vérité : " il serait
fatal que la culture européenne d'aujourd'hui ne comprenne plus la
liberté que comme l'absence totale de liens et favorise ainsi
inévitablement le fanatisme et l'arbitraire. L'absence de servitude
et l'arbitraire ne sont pas la liberté, mais sa destruction ". Nous
en avons la preuve dans les revendications croissantes de
pseudo-droits qui, sous prétexte d'annuler de prétendues
discriminations, finissent par anéantir la pensée dissidente : « une
idéologie confuse de la liberté conduit à un dogmatisme qui se
montre de plus en plus hostile à la liberté », au point de donner
corps à cette "dictature du relativisme" - dénoncée par le futur
Benoît XVI dans l'homélie de la messe "pro eligendo" précédant le
Conclave qui l'aurait élu pape - qui "ne reconnaît rien
comme définitif
et qui laisse seulement son propre ego et ses envies ».
Comme si Dieu existait
De tout cela découle l'invitation de Ratzinger à une « laïcité
positive » qui, sans confessionnalismes et dans le respect de la
liberté et du pluralisme religieux, reconnaît en même temps « la
fonction irremplaçable de la religion pour la formation des
consciences et la contribution qu'elle peut apporter à la création
d'un consensus éthique fondamental dans la société ». Au fond, il
s'agit de vivre « etsi Deus daretur », comme si Dieu existait, comme
déjà théorisé par Kant dans un de ses postulats de la raison
pratique. Si, au contraire, « la raison - soucieuse de sa pureté
présumée - devient sourde au grand message qui lui vient de la foi
chrétienne et de sa sagesse, elle se dessèche comme un arbre dont
les racines n'atteignent plus les eaux qui lui donnent vie. Elle
perd le courage de la vérité et donc ne grossit pas, mais devient plus
petite. Appliqué à notre culture européenne, cela signifie : si elle
ne veut se construire qu'à partir du cercle de ses propres arguments
et de ce qui la convainc actuellement et - soucieuse de sa laïcité -
se détache des racines dont elle vit, alors elle le fait pas devenir
plus raisonnable et plus pur, mais il se décompose et se brise.
La mission de Benoît XVI : concilier catholicisme et modernité
Bref, toute la pensée de Joseph Ratzinger constitue une gigantesque
tentative de réconcilier catholicisme et modernité, s'insérant dans
la crise de celle-ci et de ses certitudes pour lui offrir l'appui de
la prétention chrétienne à la vérité. Entre les années 1990 et 2000,
cette tentative semble pouvoir récolter quelques succès : la fin du
bloc soviétique, la résurgence écrasante des identités, y compris
religieuses, sur la scène historique, la théorisation de Huntington
du « choc des civilisations » et son exploitation politique par les
milieux néo-conservateurs jusqu'à l'émergence de la catégorie des «
athées dévots », pensons un instant que l'idée d'une nouvelle
référence des nations européennes à leur propre héritage chrétien
avait quelque possibilité concrète de réalisation .] tout en
maintenant la laïcité des institutions temporelles et la liberté de
religion. Cependant, il est vite apparu que la post-modernité
sécularisée détruit tout récit totalisant, qu'il soit rationaliste
ou religieux.
La religion civile
La démocratie pluraliste, en particulier, est structurellement
incompatible avec la reconnaissance d'une instance morale
publiquement reconnue inspirée de la source chrétienne qu'imaginait
Ratzinger : ce point constitue sans doute l'aspect le plus fragile
de sa construction de pensée, ainsi que des thèses nouvelles
exprimées dès la Seconde Concile Vatican auquel il ne pouvait
manquer de se référer. En ce sens, l'erreur d'appréciation par
rapport à la réalité américaine est manifeste, qu'il a longtemps
considérée dans le sillage de Tocqueville comme un modèle de «
laïcité positive », historiquement fondé sur la séparation
institutionnelle entre l'État et les différentes confessions
religieuses mais à la fois caractérisée par une sorte de "religion
civile" de matrice génériquement chrétienne : malgré les formes,
aujourd'hui la religion civile des Etats est représentée par la
"cancel culture" et par les délires BLM (ndlr : black
lives mater) et tous les pires poisons
nés outre-mer ont depuis longtemps envahi l'Europe.
Ce n'est pas que Benoît XVI l'ignore, comme le montre l'inquiétude exprimée
face à l'attaque « d'une nouvelle laïcité tout autre » lors de sa
visite apostolique aux USA en 2008 : il estime cependant que ce sont
les minorités créatives qui déterminent le cours de l'histoire et
que les catholiques doivent agir en tant que tels, pour enrichir à
nouveau leurs propres nations de leur apport intellectuel et ainsi
refonder une réalité d'inspiration chrétienne. Il s'agit d'une tâche
qui apparaît aujourd'hui encore plus difficile, pour ne pas dire
prohibitive, dans une situation où même l'Église, à l'exception de
quelques îlots de résistance, apparaît confuse et perdue, oublieuse
de sa propre mission.
Au-delà de ces considérations, la valeur absolue du travail
intellectuel de Joseph Ratzinger/Benoît XVI demeure et de son effort
pour « thématiser la rationalité et l'humanité intrinsèque de la foi
chrétienne et montrer que dans l'auto-communication de la vérité de
Dieu l'homme a accès à sa propre vérité »[1]. Il a fait ses adieux
au monde en tant que véritable géant de la pensée catholique et
européenne du XXe siècle et du début du troisième millénaire, à tel
point qu'il ne semblerait pas excessif que l'Église catholique, au
milieu de tant de papes de l'histoire récente béatifiés ou
canonisés pour sanctifier le tournant conciliaire, lui attribue le titre de
trente-septième "docteur de l'Église".
Marco Mancini
- Traduction
E.S.M.
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Sources : www.vatican.va
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E.S.M.
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(E.S.M.) 27.02.2023
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