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L’ours russe et le léopard papal. L’étrange Ostpolitik du Pape
François
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Le 27 février 2023 -
(E.S.M.)
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La visite de Joe Biden à Kiev et ensuite à Varsovie,
le double discours de guerre de Vladimir Poutine, le fantomatique
plan de négociation de Xi Jinping : l’anniversaire de l’agression de
la Russie contre l’Ukraine a vu les plus grandes puissances
mondiales monter sur le devant de la scène. Et le Pape ?
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Bergoglio
L’ours russe et le léopard papal. L’étrange Ostpolitik du Pape
François
Le 27 février 2023 - E.
S. M. - La visite de Joe Biden à Kiev et ensuite à Varsovie,
le double discours de guerre de Vladimir Poutine, le fantomatique
plan de négociation de Xi Jinping : l’anniversaire de l’agression de
la Russie contre l’Ukraine a vu les plus grandes puissances
mondiales monter sur le devant de la scène. Et le Pape ?
Le jour même où le président des États-Unis marchait aux côtés de
Volodymir Zelensky dans les rues de la capitale ukrainienne,
l’agence russe Tass
publiait l’information selon laquelle le Pape François s’était
déclaré désireux de faire étape, au retour de son prochain voyage
apostolique en Mongolie, à Vladivostok, à l’Extrême-Orient de la
Russie, pour visiter le parc national consacré à la protection des
léopards, à l’un desquels il a déjà donné un nom : Martin Fierro, le
personnage « gaucho » du poème argentin du même nom si cher à Jorge
Mario Bergoglio.
Incroyable mais vrai. Cette information de l’agence Tass ne relève
pas du théâtre de l’absurde mais bien d’un fragment de la diplomatie
personnelle que le Pape François est en train de mettre en œuvre,
convaincu de pouvoir de la sorte ouvrir une spirale de la paix de la
part de Moscou.
En fait, l’homme qui a fait part à la Tass du désir du Pape de
visiter le parc des léopards à Vladivostok en « citant une
conversation personnelle » avec lui, c’est Leonid Sevastyanov,
c’est-à-dire l’homme sur lequel compte le Pape François dans cette
opération diplomatique.
Sevastyanov a déclaré à une autre agence russe,
Ria Novosti, le 15 février dernier que « le Pape a un plan de
propositions pour une résolution pacifique du conflit entre la
Russie et l’Occident et il a confirmé son désir de négocier avec les
autorités russes et sa disponibilité pour se rendre à Moscou ».
Il a déclaré qu’il entretenait « une correspondance abondante avec
le Pape ». Et il a cité le passage d’une lettre reçue du Pape :
« Comme je voudrais me rendre à Moscou pour parler à Poutine du plan
pour une solution pacifique en Europe ! ».
On ne sait rien de ce « plan » papal. Mais en mai dernier, dans une
longue interview filmée accordée à Cristina Giuliano de l’agence
italienne
Aska News, Sevastyanov a également montré une lettre dans
laquelle le Pape François le définissait comme un « ambassadeur de
la paix » et le remerciait, ainsi que son épouse, la soprano
Svetlana Kasyan, pour sa contribution à promouvoir une solution au
conflit.
« Je pense que le Vatican doit devenir le symbole du dialogue », a
déclaré Sevastyanov dans cette interview. « Il faudrait convaincre
le Conseil de sécurité de l’ONU de charger l’État du Vatican, comme
État neutre, d’être un modérateur susceptible de mettre autour de la
table Joe Biden, Vladimir Poutine et Xi Jinping ».
Voilà quelle serait la valeur ajoutée du Vatican : être « un juge
‘super partes’ ». D’autant plus que « Poutine a toujours fait
preuve d’un grand respect envers le Pape. Il n’a jamais parlé du
Pape comme l’a fait le patriarche Cyrille. Et il faudrait exploiter
ce respect ».
Une visite de François à Moscou, a ajouté Sevastyanov, aurait une
grande « valeur symbolique ». Il est vrai que certains pourraient
l’interpréter comme un signe de faiblesse de Poutine, « mais moi je
sais que le Pape est quelqu’un de bien, de très diplomate, et qu’il
ne fera jamais rien qui puisse mettre la Russie en difficulté ».
En réalité, le Pape François n’a jamais fait mystère de son grand
désir de se rendre à Moscou. Le 5 février dernier, lors de la
conférence de presse dans le vol de retour de son voyage au Congo et
au Soudan du Sud, il a de nouveau raconté que déjà « le deuxième
jour de la guerre je suis allé à l’ambassade de Russie pour dire que
je voulais aller à Moscou pour parler avec Poutine, à condition
qu’il y ait une petite fenêtre pour négocier. Le ministre Lavrov m’a
alors répondu : « bien », que oui, il y attachait de l’importance,
mais « nous verrons plus tard ». Ce geste était un geste réfléchi,
en me disant « je le fais pour lui » ».
Cependant, dans cette même interview à Aska News, Sevastyanov a
aussi défini la guerre en cours en Ukraine comme « un péché », il a
reproché au patriarche orthodoxe de Moscou d’être trop lié à l’État
russe et il a pris la défense du Pape contre les critiques de Moscou
lui reprochant d’avoir rencontré les épouses des combattants du
bataillon Azov accompagnée de Pyotr Verzilov, le dissident russe qui
tire les ficelles des transgressives Pussy Riot.
Mais malgré ces dissonances apparentes, Sevastyanov reste un homme
du régime de Moscou, aussi bien dans le domaine politique que
religieux. Voici comment Stefano Caprio, l’un des plus grands
spécialistes de la nation russe, prêtre de rite slave-byzantin,
ancien professeur à Moscou et ensuite à Rome à l’Institut pontifical
oriental, décrit le profil de Sevastyanov, dans une note publiée le
18 février par
Asia News, l’agence de l’Institut pontifical des Missions
étrangères.
« Leonid Sevastyanov est le président de l’Union mondiale des
vieux-croyants, une formation schismatique de l’orthodoxie russe qui
a toujours prôné la supériorité de la foi et des autres traditions
russes sur toutes les autres, y compris celle des autres Églises
orthodoxes. C’est en réalité aussi un historien collaborateur du
patriarche Cyrille, qui l’a accueilli comme séminariste quand il
était métropolite de Smolensk, malgré qu’il provienne d’une famille
schismatique, et qui l’a invité à étudier à l’Université pontificale
grégorienne de Rome, où il a obtenu en 2002 une maîtrise en
philosophie politique. Il a ensuite achevé sa formation à la
Georgetown University de Washington, par un doctorat en relations
internationales, et il est consultant de la Banque mondiale.
Sevastyanov est l’homme de confiance du patriarche et du président
Poutine en personne, qui a manifesté à plusieurs reprises sa
proximité avec la communauté des vieux croyants. Ces schismatiques
du quinzième siècle, persécutés pendant des siècles, expriment
aujourd’hui l’âme profonde du christianisme russe, à tout le moins
dans sa version radicale et militante qui prend de plus en plus le
pas sur la version canonique et œcuménique de l’Église patriarcale.
Son rapport de confiance avec le Pape François se base également sur
l’admiration du pape pour son épouse, Svetlana Kasyan, une chanteuse
lyrique populaire, qui s’est rendue à plusieurs reprises à Rome pour
rendre visite au Pape ».
On pourrait ajouter que Sevastyanov est le directeur exécutif de la
Fondation Saint-Grégoire, liée au département des relations
étrangères du Patriarcat de Moscou, et il n’a jamais fait mine de se
distancier de thèses telles que celles que Poutine a exprimées pour
la dernière fois dans son discours du 21 février, applaudi par le
patriarche Cyrille au premier rang :
« L’élite occidentale ne cache pas son véritable objectif, qui est
[…] une menace existentielle pour notre Pays, […] un désastre
spirituel. […] Il consiste en la destruction de la famille, de
l’identité culturelle et nationale, en la perversion et l’abus
d’enfants, y compris la pédophilie, tous ces éléments sont
considérés comme normaux dans leur vie. Ils contraignent leurs
prêtres à bénir les mariages entre personnes de même sexe. […]
L’Église anglicane est même en train d’étudier l’idée d’un Dieu au
genre neutre. Que dire ? Dieu me pardonne, mais ils ne savent pas ce
qu’ils font’.
De l’avis de Caprio, l’intention non dite des autorités de Moscou
c’est « d’embrigader également le Pape de Rome dans la grande
restauration d’un christianisme traditionnaliste et
intransigeant » : une proposition qui ne correspond que fort peu au
style réformateur du Pape Bergoglio, mais qui, à mieux y regarder,
épouse son hostilité profonde à la « domination politique et
culturelle de l’Occident philo-américain » qui est également « la
véritable raison de l’agressivité des russes ».
Pour bien se rendre compte de la distance entre l’Ostpolitik
personnelle du Pape François et celle pratiquée entretemps par les
organes diplomatiques du Saint-Siège, on lira l’interview que le
ministre des affaires étrangères du Vatican, l’archevêque Paul R.
Gallagher, a accordée le 22 février à Gerard O’Connell pour la revue
« America » :
►
Interview: Vatican foreign minister on a year of war in Ukraine, the
growing nuclear threat and relations with Putin
Un article de
Sandro Magister, vaticaniste à
L’Espresso.
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Sources :diakonos.be
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E.S.M.
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(E.S.M.) 27.02.2023
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