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19 Avril 2005
 

Benoît XVI : la révolution advenue au milieu du XIXe siècle

Le 25 février  2023 - (E.S.M.) -  Or l'homme est capable de réfléchir sur le logos, le sens de l'être, parce que son propre logos, sa propre intelligence est logos de l'unique Logos, pensée de la Pensée, de l'Esprit Créateur, Principe de tout être.

Manuscrit latin (traduit du grec) du XIVe. - Pour agrandir l'image ► Cliquer   

 

4) Limite de la conception moderne de la réalité et point d'insertion de la foi

    Si, à la lumière de nos connaissances historiques, nous jetons un coup d'œil sur l'évolution de l'esprit humain, nous pourrons constater, aux différentes époques, différentes formes de prise de position à l'égard de la réalité : orientations magiques, métaphysiques et scientifiques (au sens des sciences de la nature). Chacune de ces orientations fondamentales a un certain rapport avec la foi, et chacune à sa façon lui fait obstacle. Aucune ne la recouvre, mais aucune ne lui est simplement indifférente ; chacune peut la servir et en même temps la desservir. L'attitude scientifique moderne, qui conditionne à notre insu nos sentiments et qui nous situe à une place déterminée dans la réalité, est caractérisée par le fait qu'elle se limite aux « phénomènes », à ce qui est apparent et saisissable. Nous avons renoncé à rechercher l'en-soi caché des choses, à sonder l'essence de l'être; cette recherche nous apparaît comme une entreprise inutile, puisque, en définitive, nous ne pouvons jamais atteindre le fond de l'être. Notre point de perspective, c'est ce que nous pouvons voir et mesurer. La méthode expérimentale est fondée sur cette limitation aux phénomènes. Ils nous suffisent ; avec eux, nous pouvons agir à notre guise et nous forger ce monde qui nous permettra de vivre en hommes. Ainsi s'est créée peu à peu dans la pensée moderne et dans la vie pratique, une nouvelle conception de la vérité et de la réalité, qui marque inconsciemment nos pensées et nos paroles, mais qu'il nous faut rendre consciente pour la juger et la dominer. Ici apparaît la fonction de la pensée non scientifique, qui vise à réfléchir sur ce qui a été accepté sans réflexion et à amener dans le champ de la conscience la problématique humaine sous-jacente à une telle orientation.

a) Premier stade : la genèse de l'historisme

    Si nous essayons de comprendre comment l'on est arrivé à cette position que nous venons de mentionner, nous pourrons, à mon avis, constater deux stades successifs de la révolution spirituelle. Le premier stade, préparé par Descartes, reçoit son expression plénière chez Kant, et déjà, dans un contexte de pensée un peu différent, chez le philosophe italien Giambattista Vico (1688-1744). Celui-ci a sans doute été le premier à formuler une idée entièrement nouvelle de la vérité et de la connaissance. Dans une audacieuse anticipation, il a forgé la formule typique de l'esprit moderne, concernant le problème de la vérité et de la réalité. A l'équation scolastique : « verum est ens = l'être est la vérité », il oppose sa formule : « verum quia factum », ce qui veut dire : nous ne pouvons connaître que ce que nous avons fait nous-mêmes. Cette formule, à mon sens, sonne le glas de la vieille métaphysique et annonce l'esprit spécifiquement moderne. Ici éclate avec une netteté inimitable la révolution de la pensée moderne, en opposition avec tout le passé. Pour l'antiquité et le Moyen Age, l'être lui-même est vrai, c'est-à-dire connaissable, parce que Dieu, l'Intelligence absolue, l'a ainsi fait ; II l'a fait en le pensant. Penser et faire se confondent dans l'Esprit Créateur, le Spiritus Creator. Les choses sont parce qu'elles sont pensées. Dans la perspective antique et médiévale, tout être est une pensée de l'Esprit absolu. Inversement, puisque tout être est pensée, tout être est sens, « logos », vérité 9. La pensée humaine devient de ce fait « re-pensée » (Den-kenjNach-denken) de l'être lui-même, réflexion de la pensée qu'est l'être lui-même. Or l'homme est capable de réfléchir sur le logos, le sens de l'être, parce que son propre logos, sa propre intelligence est logos de l'unique Logos, pensée de la Pensée, de l'Esprit Créateur, Principe de tout être.

    Dans cette même perspective, l'œuvre humaine apparaît, à l'opposé, comme contingente et transitoire. L'être est pensée, donc pensable, objet de la pensée et de la science qui aspire à la sagesse. L'œuvre humaine au contraire, est un mélange de logique et d'illogique, qui peu à peu se perd dans le passé. Elle ne saurait être comprise tout à fait, car il lui manque la présence nécessaire pour être objet de vision, ainsi que le logos, l'intelligibilité complète. Pour cette raison, dans les milieux scientifiques de l'antiquité et du Moyen Age, la connaissance des réalités humaines était regardée comme technè, comme un savoir purement pratique, non comme une vraie connaissance et une vraie science. Aussi, à l'Université médiévale, les artes, les arts demeuraient une simple introduction à la véritable science dont le propre est de réfléchir sur l'être lui-même. On peut encore trouver ce point de vue chez Descartes au début des temps modernes, quand il refuse expressément à l'histoire un caractère scientifique. L'historien, qui prétend connaître l'histoire ancienne de Rome, en connaît moins, en fin de compte, qu'un cuisinier romain de ce temps-là ; et comprendre le latin veut dire ne pas en savoir plus long que la servante de Cicéron. Un siècle plus tard, Vico renversera de fond en comble ce canon médiéval de la vérité, qui s'était ainsi encore exprimé chez Descartes, et marquera le tournant fondamental pris par l'esprit moderne. C'est alors seulement que commence l'ère « scientifique », dont le développement se continue encore toujours10.

    Essayons d'approfondir ce point, fondamental pour notre propos. Descartes n'acceptait comme vraiment certain que la certitude formelle de la raison, débarrassée de toutes les incertitudes du donné de fait. Mais il annonce déjà le glissement vers les temps nouveaux, lorsqu'il envisage cette certitude rationnelle essentiellement à partir de la certitude mathématique, exaltant les mathématiques comme le type de toute pensée rationnelle. Cependant alors que les « faits » sont encore éliminés ici, pour arriver à la certitude, Vico pose la thèse exactement contraire. Disciple d'Aristote, il déclare que la science réelle est la science des causes. Je connais une chose lorsque j'en connais la cause. Mais de cet axiome antique il tire des conclusions entièrement nouvelles : si pour connaître vraiment, il faut la connaissance des causes, alors nous ne pourrons connaître vraiment que ce que nous avons fait nous-mêmes, car nous ne connaissons que nous-mêmes. Ainsi, à la place de l'ancienne équation « vérité/être », il faut mettre la nouvelle équation « vérité/fait réel », car seul est connaissable le factum, ce que nous avons fait nous-mêmes. L'esprit humain n'a pas à réfléchir sur l'être, il n'en a pas la possibilité ; son devoir, c'est de réfléchir sur le factum, sur sa création : là est son propre domaine, le seul que nous pouvons vraiment connaître. L'homme n'a pas produit le cosmos, dont les profondeurs lui resteront toujours impénétrables. Il ne peut accéder à une connaissance parfaite et démontrable que dans les fictions mathématiques et dans les sciences historiques. L'histoire est le domaine des créations de l'homme et par conséquent l'objet de sa science. Au sein du doute qui menace l'humanité après la débâcle de l'ancienne métaphysique, au début de l'ère nouvelle, on découvre ainsi à nouveau dans le « factum », la terre ferme sur laquelle l'homme pourra reconstruire une nouvelle existence. Le règne du « fait » commence, c'est-à-dire que l'homme se tourne radicalement vers sa propre création ; il la considère comme sa seule certitude.

    Ainsi s'opère la transformation des valeurs qui engendre des temps vraiment « nouveaux » par rapport aux temps anciens. L'histoire, dédaignée auparavant comme non-scientifique, demeure maintenant la seule science, à côté des mathématiques. La méditation sur le sens de l'être, regardée jusque-là comme seule digne d'un esprit libre, apparaît dès lors comme une occupation oiseuse et sans issue qui n'est pas un savoir véritable. Ainsi les mathématiques et l'histoire prennent la première place parmi les différentes disciplines ; l'histoire absorbe même, pour ainsi dire, tout l'ensemble des sciences, et cela jusqu'à imposer à toutes une transformation fondamentale. La philosophie est ramenée par Hegel, et de manière différente par Comte, à un problème d'histoire, où l'être lui-même doit être conçu comme un processus historique ; la théologie devient avec F. Chr. Baur de l'histoire, par le moyen d'une sévère recherche historique, qui explore les faits passés dans l'espoir de découvrir la vérité authentique ; l'Économie nationale est pensée dans la perspective historique chez Marx ; les sciences de la nature elles-mêmes subissent l'influence de cet engouement pour l'histoire : Darwin conçoit l'évolution biologique comme une histoire de la vie ; à la théorie fixiste préconisant la fixité des espèces créées, succède la théorie de l'évolution, en vertu de laquelle toutes les choses viennent les unes des autres et peuvent être ramenées les unes aux autres11. De ce fait, le monde n'apparaît plus comme le solide édifice de l'être, mais comme un processus dont le développement permanent est le mouvement même de l'être. En d'autres termes, l'homme ne peut connaître le monde qu'en tant que celui-ci est son œuvre. Il aura beau faire, il lui sera impossible de regarder au-delà de lui-même, sinon sur le plan du factum. Là il est bien obligé de constater que lui-même est un produit du hasard, le résultat de transformations millénaires. Dès lors il se trouve dans une situation extrêmement singulière. Du moment où, selon un anthropocentrisme radical, l'homme ne peut connaître que son œuvre propre, il se voit réduit à s'accepter comme un produit purement fortuit, comme un simple « factum ». Et le voilà tombé de ce ciel qu'il avait pris pour son origine ; il ne lui reste plus que la terre des faits, cette terre où il s'efforce de déchiffrer, à la bêche, la laborieuse histoire de son devenir.

b) Deuxième stade : évolution vers la pensée technique

    « Verum quia factum », ce programme, qui ne cherchait la vérité que dans l'histoire, était naturellement insuffisant. Il n'eut son effet plénier qu'en se combinant avec un deuxième motif, celui que, cent ans plus tard, Marx devait énoncer dans une formule célèbre : « Jusqu'à présent les philosophes ont interprété le monde de différentes manières, il s'agit maintenant de le transformer. » II définit ainsi l'objet de la philosophie d'une façon totalement nouvelle. Suivant le langage de la tradition philosophique, on pourrait dire que l'axiome « verum quia factum » - est connaissable et vrai ce que l'homme a fait et qu'il peut dès lors contempler - est remplacé par l'axiome nouveau : « verum quia faciendum », la vérité dont il s'agit dorénavant, c'est celle de « l'opérationnel12 » (Machbarkeit). Autrement, dit, la vérité à rechercher ne se trouve pas dans l'être ni même dans les événements antérieurs, mais dans la transformation du monde, dans l'organisation du monde ; c'est la vérité qui se rapporte à l'avenir et à l'action.

    « Verum quia faciendum », cela revient à dire : au règne du « fait » se substitue, depuis le milieu du XIXe siècle, de plus en plus le règne du faciendum, de ce qui est « opérationnel », et ainsi le règne de la technique supplante celui de l'histoire. En effet, plus l'homme avance dans la voie nouvelle, pour se concentrer uniquement sur les faits en vue d'y trouver la certitude, plus il est amené à constater que même le fait, donc sa propre création, lui échappe à bien des égards. La vérité historique fournie à l'historien par les documents, qui, au XIXe siècle, semblait triompher sur la spéculation, garde toujours son côté ambigu, en raison de la subjectivité de sa reconstruction et de son interprétation. A telles enseignes que déjà au début de notre siècle, l'histoire subit une crise, et que l'historisme, avec sa fière prétention de science, devint sujet à caution. On voyait de plus en plus clairement que le fait brut et sa certitude prétendue absolue n'existent pas en réalité. Car au fait s'ajoute fatalement l'ambiguïté de son interprétation. De plus en plus il fallait se rendre à l'évidence que l'on ne tenait pas encore cette fameuse certitude promise, par l'abandon de la spéculation pour ne s'en tenir qu'aux faits. Ainsi prit corps, toujours plus, la conviction que l'homme ne pouvait connaître en dernière analyse que ce qui est à chaque instant expérimentalement renouvelable. Tout ce qui relève de témoignages indirects reste le passé, nous échappe toujours en partie malgré les documents. Et nous voici au point de départ de la méthode des sciences de la nature, qui résulte de la combinaison des mathématiques (Descartes) et du recours à la « facticité » (Faktizitat), sous la forme de l'expérience renouvelable, seul critère de certitude absolue. La pensée mathématique combinée avec la pensée positive a engendré cet esprit scientifique de l'homme moderne, qui s'intéresse à la réalité dans la mesure où elle est « opérationnelle ». (Objet de transformation par le travail) le factum a donné naissance au faciendum, à ce qui est « faisable », renouvelable, vérifiable, en quoi le factum trouve sa justification. On en arrive au primat de « l'opérationnel », de « ce-qui-est-à-faire » sur « ce-qui-a-été-fait ». Quel intérêt en effet l'homme peut-il trouver à ce qui est passé ? Ce n'est pas en se faisant le gardien du musée de son passé qu'il pourra dominer son présent.

    Ainsi la technique, comme antérieurement l'histoire, cesse d'être un degré inférieur du développement spirituel de l'homme, même si elle garde encore, pour une conscience plus sensible aux valeurs de l'esprit, un certain relent de barbarie. Du point de vue spirituel en général, la situation est fondamentalement changée : la technique n'est plus reléguée dans la Chambre Basse, ou plutôt la Chambre Basse est montée au poste de commandement, la Chambre Haute n'apparaît plus que comme une pension de Lords. La technique, voilà le véritable domaine de l'homme, de ses possibilités, de ses obligations. Ce qui jusqu'à présent se trouvait au bas de l'échelle s'est haussé au sommet; de là un nouveau changement de perspective : dans l'antiquité et au Moyen Age, l'homme s'est intéressé à l'absolu ; puis, durant le règne éphémère de l'historisme, il s'est tourné vers le passé, maintenant, le faciendum, « l'opérationnel » l'oriente vers l'avenir, vers ce qu'il peut créer lui-même. Si auparavant, en vertu de la théorie de l'évolution, il a dû se résigner à n'être par son origine que « de la terre », un pur hasard de l'évolution, s'il a pu être déçu par une telle science et s'il s'est senti dégradé, désormais il n'aura plus à s'en troubler, car il pourra, quelle que soit son origine, envisager sans crainte son avenir, il pourra se hisser au niveau que lui-même se fixera ; rien ne l'empêche de se faire Dieu, dont désormais la place est à la fin, en tant que « faciendum », comme visée de son opération, et non plus au commencement en qualité de logos, de sens. On peut d'ailleurs en voir la répercussion dans la forme que prend la problématique anthropologique. Bien plus importante que la théorie de l'évolution, pratiquement acquise comme une évidence, apparaît aujourd'hui la cybernétique, la possibilité d'une prospective pour créer un homme nouveau. Du point de vue théologique également, les possibilités de l'homme de prévoir et d'accomplir sa propre transformation présentent un problème bien plus urgent que la question de son origine. Cependant ces deux questions sont inséparables et dans une large mesure, elles dépendent l'une de l'autre : réduire l'homme à un simple factum est le présupposé pour arriver à le concevoir comme faciendum, qui, à partir de ce qu'il est, doit être amené à un avenir nouveau.

c) Point d'insertion de la foi

    Ce deuxième pas accompli par l'esprit moderne, la conversion vers « l'opérationnel », a fait échouer en même temps une première tentative de la théologie pour apporter une réponse aux données nouvelles. En effet, pour s'adapter à la problématique de l'historisme, qui réduisait la vérité aux « faits », elle avait présenté la foi elle-même comme de l'histoire. A première vue, elle ne pouvait que se féliciter de cette tournure. Car enfin, par son contenu essentiel, la foi chrétienne se réfère à l'histoire. Les affirmations bibliques ont un caractère historique et non pas métaphysique. La théologie devait donc apparemment se réjouir, en voyant la métaphysique relayée par l'histoire. Il pouvait même sembler que son heure à elle était maintenant venue ; peut-être même pouvait-elle enregistrer cette nouvelle évolution comme un résultat de son propre point de départ.

    Mais lorsque la technique se mit à détrôner de plus en plus l'histoire, un tel espoir fut vite déçu. Alors une nouvelle idée se fait jour et l'on éprouve le besoin d'établir la foi non plus sur le plan du factum, mais sur celui du faciendum, et de la présenter, grâce à une « théologie politique », comme un ressort de la transformation du monde. On ne fait que revenir ainsi, me semble-t-il, à l'entreprise tentée dans la conjoncture de l'historisme, par suite d'une pensée unilatéralement dominée par la perspective de l'histoire du salut. Voyant le monde moderne se tourner résolument vers l'opérationnel, l'on veut y répondre en transposant la foi elle-même sur ce plan. Loin de moi la pensée de vouloir taxer ces deux tentatives d'absurdes. Ce serait les méconnaître. Toutes deux ont mis en lumière certains aspects essentiels plus ou moins négligés. La foi chrétienne, d'une part, se réfère à des faits, elle est située d'une manière très spécifique sur le plan historique ; d'ailleurs ce n'est pas un hasard si l'historisme et l'histoire se sont développés dans la sphère de la foi chrétienne. D'autre part, il est certain que la foi n'est pas sans incidence sur la transformation du monde, sur son organisation, en élevant sa protestation contre l'inertie des institutions humaines et contre les profiteurs. Et derechef on peut difficilement y voir un pur hasard si la conception du monde, comme objet de transformation par le travail (Mach-barkeit), a germé à l'intérieur de la tradition judéo-chrétienne, et si Marx, inspiré par cette tradition bien qu'en opposition avec elle, a pu penser et formuler une telle conception. On ne peut donc nier que dans les deux cas un aspect réel de la foi chrétienne, resté trop caché, n'ait été ainsi mis en relief. La foi chrétienne est liée de façon décisive aux forces dynamiques essentielles de notre temps. A la vérité, c'est la chance de cette heure historique que nous puissions comprendre d'une manière toute nouvelle la structure de la foi, en la situant entre le factum et le faciendum; la théologie a le devoir de percevoir et de saisir cette occasion pour découvrir et combler les lacunes du passé.

Cependant, s'il ne faut pas se hâter de condamner, une mise en garde s'impose tout de même. Car dans la mesure où ces deux tentatives deviennent exclusives, pour situer la foi uniquement sur le plan du factum ou du faciendum, on masque finalement la véritable signification de la profession de foi chrétienne. En effet, en disant « Je crois », le chrétien ne veut pas d'abord esquisser un programme pour la transformation du monde, et il ne veut pas non plus se considérer comme un simple chaînon au bout de la longue suite des événements passés. Pour souligner son caractère particulier, je dirais volontiers que le processus de la foi n'appartient pas à la relation « savoir/faire », qui caractérise une pensée centrée sur « l'opérationnel »; il correspond plutôt à une relation totalement différente : « Prendre appui/comprendre » (stehenjverstehen). Ce sont là, me semble-t-il, deux conceptions, deux possibilités de l'être humain, qui ne sont pas indépendantes l'une de l'autre mais qu'il ne faut pas confondre.     A suivre - LA FOI : PRENDRE APPUI - COMPRENDRE
 

9. Il est vrai que cette affirmation ne vaut pleinement que pour la pensée chrétienne qui, avec l'idée de creatio ex nihilo, réfère également la matière à Dieu, alors que pour l'antiquité celle-ci demeurait alogique, étrangère au divin, et marquait ainsi également la limite de l'intelligibilité du réel.
10. Pour la documentation historique, voir l'aperçu général dans K. LOwrrH, Weltgeschichte und Heilsgeschehen, Stuttgart, 1953, pp. 109-128, ainsi que N. Scrar-PERS, Anfragen der Physik an die Théologie, Düsseldorf, 1968.
11. K. LOWITH, ot. cit., p. 38. - Sur la révolution advenue au milieu du xix' siècle, cf. l'enquête instructive de J. DÔRMANN, « War J. J. Bachofen Evolutionist 7 », dans Anthropos 60 (1965), pp. 1-48.
12. Nous traduisons, ici et dans les pages qui suivent, par « opérationnel » et « l'opérationnel », les mots allemands machbar, Machbarkeit qui signifient littéralement : « faisable », « caractère de ce qui est faisable ». (N.d. T.)




  
 

Sources :Texte original des écrits du Saint Père Benoit XVI -  E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde - (E.S.M.) 23.02.2023

 

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