Benoît XVI développe les noces de Dieu avec les
hommes |
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Rome, le 13 août 2007 -
(E.S.M.) - «Je suis la vraie vigne» ,
dit le Seigneur. Cette vigne, fait observer Benoît XVI, ne pourra plus
jamais être arrachée, elle ne pourra plus jamais être livrée à l'abandon
ni au pillage. Elle appartient définitivement à Dieu. Par le Fils, Dieu
lui-même vit en elle. La promesse est irrévocable, l'unité est devenue
indestructible.
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Le temple vivant de la
gloire du Christ notre Dieu la Vierge pure bénie entre toutes les femmes est
portée dans le Temple de la loi pour demeurer dans le sanctuaire -
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Benoît XVI développe les noces de Dieu avec les hommes
Chapitre 8 : Les
grandes images de l'Évangile de Jean -
Pages précédentes, voir à la fin du texte
9) La vigne et le vin (3)
- Le
chant de la vigne.
(p. 285 à 290)
Revenons au texte de la parabole. Chez Isaïe, aucune promesse ne se faisait
jour à ce moment-là. Dans le Psaume, la souffrance s'était transformée en
prière, alors que la menace allait s'accomplir. Telle est sans cesse la
situation d'Israël, de l'Église et de l'humanité. Nous nous trouvons
toujours dans l'obscurité de l'épreuve, et nous ne pouvons qu'invoquer Dieu
: relève-nous ! Mais la parole de Jésus contient une promesse, un début de
réponse à la demande : prends soin de cette vigne !
Le royaume est remis à
d'autres serviteurs, voilà, explique Benoît XVI, un énoncé qui exprime à la fois la menace d'un
jugement et une promesse. Il signifie que le Seigneur tient à sa vigne et
qu'il n'est pas lié aux serviteurs actuels. Cette menace-promesse ne
concerne pas que les cercles dirigeants dont parle Jésus et avec lesquels il
parle. Elle vaut aussi au sein du nouveau peuple de Dieu. Certes, elle ne
concerne pas l'Église dans sa totalité, mais certainement et toujours plus
les Églises locales, comme en témoigne la parole du Ressuscité adressée à
l'Église d'Éphèse : « Convertis-toi, reviens à ta conduite première.
Sinon
je vais venir à toi et je déplacerai ton chandelier »
(Ap 2, 5).
(ndlr : le pape
Benoît XVI s'exprimant sur l'avenir de l'Église... dans la deuxième question
:
Benoît XVI)
Mais la menace et la promesse de confier la vigne à d'autres serviteurs sont
encore suivies d'une promesse d'un tout autre ordre. Le Seigneur cite le
Psaume 118 [117], 22 : « La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue
la pierre d'angle. » La mort du fils n'est pas le dernier mot. Celui qui a
été tué ne reste pas dans la mort, il ne reste pas « rejeté ». Il est un
nouveau commencement. Jésus laisse entendre qu'il sera lui-même le fils tué.
Il prédit sa croix et sa résurrection et il annonce qu'à partir de lui, de
celui qui a été tué et qui est ressuscité, Dieu érige une nouvelle
construction, un nouveau Temple dans le monde.
L'image de la vigne est abandonnée et relayée par l'image du
Temple vivant
de Dieu. La croix n'est pas la fin, mais le recommencement. Le chant de la
vigne ne se termine pas par la mise à mort du fils. Elle ouvre l'horizon à
une nouvelle intervention de Dieu. Et Benoît XVI de redire que le lien avec le chapitre 2 de Jean
évoquant la destruction du Temple et sa reconstruction est on ne peut plus
clair. Dieu n'échoue pas. Si nous sommes infidèles, lui demeure fidèle (cf.
2 Tm 2, 13). Il trouve des chemins nouveaux, des chemins plus grands pour
son amour. Ici, la christologie indirecte des premières paraboles est
dépassée par une affirmation christologique particulièrement claire.
(ndlr : magnifique
Homélie du pape Benoît XVI
: "Dieu n'échoue pas")
La parabole de la vigne dans le discours d'adieu de Jésus prolonge toute
l'histoire de la pensée et du discours bibliques autour de la vigne et
s'ouvre à une ultime profondeur : «Je suis la vraie vigne»
(Jn 15, 1), dit
le Seigneur. Ce qui importe d'abord dans ce mot, c'est l'adjectif « vraie ». Barrett dit très bien à ce sujet : « Des fragments de sens, indiqués
implicitement par d'autres vignes, sont ramassés par lui et rendus
explicites. Lui est la vraie vigne
(Ch. K. Barrett, Das Evangelium nach Johannes, p.
461). » Mais ce qui est au fond le plus
important dans
cette phrase, c'est la tournure « Je suis ». Le Fils lui-même s'identifie à
la vigne, il est devenu lui-même la vigne. Il s'est laissé planter dans la
terre. Il est entré dans la vigne. Le mystère de l'Incarnation, dont Jean a
parlé dans le prologue, est repris de façon surprenante. Dès lors, la vigne
n'est plus une créature que Dieu regarde avec amour, mais qu'il peut aussi
arracher et rejeter. Dans le Fils, il est lui-même devenu la vigne, il s'est
pour toujours et ontologiquement identifié à la vigne.
Cette vigne, fait observer Benoît XVI,
ne pourra plus jamais être arrachée, elle ne pourra plus jamais
être livrée à l'abandon ni au pillage. Elle appartient définitivement à
Dieu. Par le Fils, Dieu lui-même vit en elle. La promesse est irrévocable,
l'unité est devenue indestructible. Voilà le grand et nouveau pas historique
de Dieu qui constitue le sens le plus profond de la parabole :
l'Incarnation, la Mort et la Résurrection se manifestent dans toute leur
ampleur. « Le Fils de Dieu, le Christ Jésus... n'a pas été à la fois "oui"
et "non" ; il n'a jamais été que "oui". Et toutes les promesses de Dieu ont
trouvé leur "oui" dans sa personne » (2 Co 1, 19-20). C'est ainsi que
l'exprime saint Paul.
Que par le Christ, la vigne soit le Fils lui-même, voilà une réalité qui est
à la fois nouvelle et déjà annoncée par la tradition biblique. Le Psaume 80
[79], v. 18, avait déjà associé étroitement le « Fils de l'homme » à la
vigne. Si, inversement, le Fils est devenu lui-même la vigne, il continue
justement de cette façon à ne faire qu'un avec les siens, avec tous les
enfants de Dieu dispersés qu'il est venu rassembler
(cf. Jn 11, 52). La
vigne en tant qu'élément christologique contient aussi toute une
ecclésiologie, elle signifie l'union indissoluble de Jésus avec les siens
qui, par lui et avec lui, sont tous la vigne et dont la vocation consiste à
« demeurer » dans la vigne. Jean ne connaît pas l'image paulinienne du «
corps du Christ ». Mais la parabole de la vigne exprime de fait la même
chose : le fait que Jésus est inséparable des siens, leur union avec lui et
en lui. Ainsi, le discours de la vigne manifeste l'irrévocabilité du don
offert par Dieu, qui ne sera pas repris. Dans l'Incarnation, Dieu s'est lié
lui-même. Cependant, le discours évoque aussi l'exigence liée à ce don, une
exigence qui nous met sans cesse de nouveau en cause.
La vigne ne peut plus être arrachée, elle ne peut plus être livrée au
pillage, disions-nous. Mais elle a toujours à nouveau besoin d'être
nettoyée, purifiée. Purification, fruit, demeurer, commandement, amour,
unité — voilà les grands mots clés du drame d'être dans la vigne, dans le
Fils et avec lui, drame que, par ses paroles, le Seigneur pose devant notre
âme. Cette purification, l'Église, l'individu en ont sans cesse besoin. Les
processus de purification, aussi douloureux que nécessaires, traversent
toute l'histoire ; ils traversent la vie des hommes qui se sont donnés au
Christ. Dans cette purification, le mystère de la Mort et de la Résurrection
est toujours présent. L'exaltation propre à l'homme et aux institutions doit
être émondée. Ce qui a trop poussé doit être à nouveau ramené à la
simplicité et à la pauvreté du Seigneur lui-même. C'est seulement à travers
ces processus de mort que la fécondité se préserve et se renouvelle.
La purification vise à obtenir des fruits, nous dit le Seigneur. Mais quel
est le fruit qu'il attend ? Regardons d'abord le fruit qu'il a porté
lui-même dans sa mort et sa résurrection. Isaïe et toute la tradition
prophétique, rappelle Benoît XVI, avaient dit que Dieu attendait de sa vigne des raisins et donc
un vin délicieux. C'est une image de la justice, de la droiture
qui se forme grâce à la vie dans la parole de Dieu, dans la volonté de Dieu.
La même tradition dit qu'à la place, Dieu ne trouve que des raisins aigres
et inutilisables qu'il ne peut que jeter. C'est une image de la vie qui
s'éloigne de Dieu pour s'enfoncer dans l'injustice, dans la corruption et
dans la violence. La vigne doit porter des raisins nobles, qui donneront un
vin précieux grâce à la vendange, au pressurage et à la fermentation.
N'oublions pas que la parabole de la vigne est intégrée dans le contexte de
la dernière Cène de Jésus. Après la multiplication des pains, Jésus a parlé
du vrai pain du ciel, qu'il donnera. Ainsi, il a fourni d'avance une
interprétation profonde du pain eucharistique. Il est difficilement
concevable que, dans le discours de la vigne, il ne fasse que très
discrètement allusion au nouveau vin, celui auquel renvoie déjà Cana et que
désormais il donnera : le vin issu de sa passion, de son « amour qui va
jusqu'au bout » (Jn 13, 1). Dans cette perspective, le fond de la parabole
de la vigne est clairement eucharistique. Elle renvoie au fruit que Jésus
apporte : son amour qui se donne sur la Croix. Cet amour est le nouveau vin
délicieux qui fait partie des noces de Dieu avec les hommes. Ainsi,
l'Eucharistie devient intelligible dans toute sa profondeur et toute sa
grandeur, sans être mentionnée explicitement. Elle nous renvoie au fruit que
nous pouvons et que nous devons porter en tant que sarments avec le Christ
et en vertu du Christ. Le fruit que le Seigneur attend de nous est l'Amour
qui accepte avec lui le mystère de la Croix, l'Amour qui nous fait
participer à son don de soi pour devenir la vraie justice,
celle que Dieu
attend de nous et qui prépare le monde en l'orientant vers le règne de Dieu.
La purification et le fruit vont ensemble. C'est seulement parce que Dieu
nous purifie que nous pouvons porter le fruit qui débouchera sur le mystère
eucharistique pour conduire ainsi vers les noces qui sont le dessein de Dieu
sur l'histoire. Le fruit et l'amour forment un tout. Le vrai fruit, c'est
l'Amour qui est passé par la Croix, par les purifications pratiquées par
Dieu. À tout cela s'ajoute le fait de « demeurer ». En Jean 15, 1-10, nous
rencontrons dix fois le verbe grec menein (demeurer). Ce que les Pères
nomment perseverantia, le fait de se tenir patiemment dans la communion avec
le Seigneur au milieu des vicissitudes de l'existence, est ici clairement
mis au centre. Au début, on est facilement enthousiaste, mais il faut
ensuite marcher avec constance sur les chemins monotones du désert qu'on est
appelé à parcourir dans la vie. Il faut avancer patiemment, laisser se
briser l'élan romantique du départ pour ne laisser que l'adhésion profonde
et pure à la foi. C'est justement ainsi que le vin se bonifie. Après les
illuminations rayonnantes du début, après l'heure de la conversion, saint
Augustin a profondément vécu le poids de cette patience. Et c'est
précisément ainsi qu'il a appris l'amour du Seigneur et la joie profonde
d'avoir trouvé celui qu'il avait cherché.
Si le fruit que nous devons porter est l'Amour, cela présuppose précisément
de « demeurer », élément qui est profondément lié à la foi que nous laisse
le Seigneur. Au verset 7, il est question de la prière comme d'un moment
essentiel de ce « demeurer ». L'homme de prière est assuré d'obtenir ce
qu'il demande. Cependant, prier au nom de Jésus, ce n'est pas demander
n'importe quoi, mais demander le don essentiel que Jésus, dans le discours
d'adieu, nommait « la joie» et que Luc nommait l'Esprit-Saint
(cf. 11, 13),
ce qui est fondamentalement la même chose. Les mots qui évoquent le fait de
demeurer dans l'amour anticipent déjà
le dernier verset de la prière sacerdotale de Jésus
(cf. Jn 17, 26), tout en
liant le discours de la vigne au grand thème de l'unité que le Seigneur pose
comme une demande devant le Père.
Après l'eau et le vin, Benoît XVI va développer le
thème du pain, à suivre.
Chapitre 8 : Les
grandes images de l'Evangile de Jean -
Pages précédentes
1) Introduction : la question johannique (p.
245 à 249)
L'image de Jésus proposée par Jean
2) C'est le Paraclet qui interprète et conduit à la
vérité (p. 249 à 255)
Benoît XVI
3) Le caractère Ecclésial du 4e Évangile
(p. 255 à 259)
Benoît XVI
4) L'Évangile de Jean repose entièrement sur l'Ancien
Testament (p. 260 à 264)
Benoît XVI
5) Les grandes images de l'Évangile de Jean - L'eau
(1) (p. 265 à 268)
Benoît XVI
6) Jésus est le rocher vivant, dont jaillira l'eau
nouvelle - L'eau (2) (p. 269 à 274)
Benoît XVI
7) La vigne et le vin (1)
-
Les éléments fondamentaux des sacrements de l'Église
(p. 275 à 279)
Benoît XVI
8) La vigne et le vin (2)
- Le
chant de la vigne.
(p. 280 à 284)
Le chant de la vigne
9) La vigne et le vin (3) - Les noces de Dieu avec
les hommes
(p. 285 à 290)
Benoît XVI
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"Jésus de Nazareth"
Sources:
www.vatican.va
-
E.S.M.
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un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 13.08.2007 - BENOÎT XVI -
Table Jésus |