Le chant de la vigne développé minutieusement par Benoît XVI |
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Rome, le 12 août 2007 -
(E.S.M.) - Benoît XVI
nous explique que si nous déclarons que Dieu est mort, alors nous sommes
nous-mêmes Dieu. Nous cessons enfin d'être la propriété d'un autre, nous
sommes le propriétaire de nous-mêmes et les propriétaires du monde. Nous
pouvons enfin faire ce qu'il nous plaît. Nous nous débarrassons de
Dieu...
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cette vigne, protège-la -
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Le chant de la vigne développé minutieusement par Benoît XVI
Chapitre 8 : Les
grandes images de l'Évangile de Jean -
Pages précédentes, voir à la
fin du texte
8) La vigne et le vin (2)
-
Le chant de la vigne.
(280 à 284 )
La Loi n'est pas niée, elle n'est pas écartée, mais son attente intrinsèque
se parachève. Pour Benoît XVI, l'ablution rituelle reste en fin de compte
un rituel ; elle
reste un geste d'espérance. Elle reste « de l'eau
», de même que l'action
tout individuelle de l'homme reste « de l'eau
» devant le Seigneur.
Finalement, l'ablution rituelle n'est jamais suffisante pour rendre l'homme
« capable » de Dieu, pour le rendre vraiment « pur » pour Dieu. L'eau
devient du vin. Les efforts des hommes rencontrent dès lors le don de Dieu
qui se donne lui-même en créant la fête de la joie, que seules peuvent
fonder la présence de Dieu et la présence du don qu'il fait de lui-même.
La recherche en histoire des religions évoque volontiers, comme pendant
préchrétien de l'histoire de Cana, le mythe de Dionysos, du dieu qui aurait
découvert la vigne et qui passe également pour avoir transformé de l'eau en
vin, un événement mythique qui a été célébré de façon liturgique. Le grand
théologien juif Philon d'Alexandrie (vers 13 av. J.-C. à environ 45/50 ap.
J.-C.) a réinterprété cette histoire en la démythologisant.
Le vrai
dispensateur du vin, dit-il, est le Logos divin. C'est lui qui nous dispense
la joie, la douceur et l'allégresse du vin véritable. Par la suite
cependant, Philon rattache sa théologie du Logos dans la perspective de
l'histoire du salut à Melchisédech qui offrit du pain et du vin. En
Melchisédech, c'est le Logos qui agit et qui nous offre les présents
essentiels à l'humanité. Le Logos apparaît donc comme le prêtre d'une
liturgie cosmique
(Ch. K. Barrett, Das Evangelium nach Johannes, p.
211s).
Il est plus que douteux, pense Benoît XVI, que Jean ait eu à l'esprit ce genre d'éléments. Mais
comme Jésus, dans l'interprétation de sa mission, renvoie au Psaume 110
[109] où apparaît le sacerdoce de Melchisédech
(cf. Mc 12, 35-37) ; comme la
Lettre aux Hébreux, qui est théologiquement proche de l'Évangile de
Jean, développe explicitement la théologie de Melchisédech ;
comme Jean
présente Jésus comme le Logos de Dieu et Dieu lui-même ; comme, pour finir,
le Seigneur a donné le pain et le vin comme les supports de la Nouvelle
Alliance, il n'est certes pas interdit de penser dans de tels contextes et
de voir transparaître dans l'histoire de Cana le mystère du Logos et de sa
liturgie cosmique, dans laquelle le mythe de Dionysos est complètement
transformé tout en étant conduit à sa vérité cachée.
Si l'histoire de Cana parle du fruit de la vigne et de sa riche symbolique,
Jésus reprend chez Jean au chapitre 15, dans le contexte du discours
d'adieu, la très ancienne tradition de l'image de la vigne et
porte à son
accomplissement la vision qu'elle contient. Si nous voulons comprendre ce
discours de Jésus, nous devons examiner au moins un des textes
vétérotestamentaires traitant de la vigne et méditer brièvement une parabole
apparentée des Évangiles synoptiques qui reprend et transforme le texte
vétérotestamentaire.
En Isaïe 5, 1-7 - que va développer
minutieusement Benoît XVI - nous rencontrons un chant de la vigne. Le prophète a dû le
chanter dans le contexte de la fête des Tentes, dans une atmosphère joyeuse
qui sied à une fête de huit jours (cf. Dt 16, 14). On peut s'imaginer
comment, sur les places entre les cabanes de branchages et de feuillages, on
a pu réciter et chanter, comment le prophète se joint aussi à la fête en
annonçant un chant d'amour, le chant de son bien-aimé et de sa vigne. Tout
le monde savait que la « vigne » était l'image représentant une fiancée
[cf.
Ct 2, 13 ; 4, 7-12 et plusieurs autres passages]. Ils s'attendaient donc à
quelque chose de divertissant et conforme à l'atmosphère festive. Et en
effet, le chant commence bien. Le bien-aimé avait sur un coteau plantureux
une vigne où
il installa des plants de choix qu'il cultivait avec beaucoup de soin. Mais
l'atmosphère change de manière imprévue. La vigne déçoit, elle ne donne pas
de beaux raisins, mais seulement de petits raisins sauvages, durs et
immangeables. L'auditoire comprend ce que cela signifie : la fiancée a été
infidèle, elle a déçu la confiance et l'espérance, elle a déçu l'amour que
le bien-aimé attendait. Comment cette histoire va-t-elle se poursuivre ?
Le
bien-aimé livre sa vigne à l'abandon et au pillage, il rejette la fiancée
dans le déshonneur, dont elle est seule responsable.
Maintenant, tout devient clair. La vigne, la fiancée, c'est Israël, ce sont
les auditeurs eux-mêmes, auxquels Dieu a montré dans la Torah le chemin de
la justice, qu'il a aimés et pour lesquels il a tout fait,
et qui ont
répondu par une violation du droit et un régime inique. Et Benoît
XVI poursuit : le chant d'amour se
transforme en menace de jugement. Il se termine sur un horizon sombre, avec
un regard sur l'abandon d'Israël par Dieu et la disparition de toute
promesse. Ici est esquissée une situation qui, lorsqu'elle aura été
réalisée, sera décrite au plus profond de la misère dans le Psaume 80
[79] dans la plainte devant Dieu : « La vigne que tu as prise à l'Égypte, tu la
replantes en chassant des nations. Tu déblaies le sol devant elle...
Pourquoi as-tu percé sa clôture ? Tous les passants y grappillent en chemin
» (v. 9-15). Dans le Psaume, la plainte devient une demande : « Visite cette
vigne, protège-la... celle qu'a plantée ta main puissante... Seigneur, Dieu
de l'univers, fais-nous revenir ; que ton visage s'éclaire, et nous serons
sauvés » (v. 15-20).
Après toutes les péripéties de l'histoire depuis l'exil, telle était au fond
toujours et encore la situation dans laquelle Jésus vivait en Israël et
parlait au cœur de son peuple. Dans une parabole tardive, à la veille de la
passion, il reprend
sous une forme modifiée le chant d'Isaïe (cf. Mc 12, 1-12). Cependant, ce
n'est plus la vigne qui est l'image d'Israël dans son discours.
Maintenant,
Israël est représenté par les vignerons auxquels la vigne a été donnée en
fermage. Le maître de la vigne, parti en voyage, réclame de loin sa part des
fruits de la vigne. L'histoire de la lutte sans cesse recommencée de Dieu
pour et avec Israël est représentée par une série de « serviteurs » envoyés
par le maître pour venir chercher sa part des fruits. L'histoire des
prophètes, leur souffrance et la vanité de leurs efforts transparaissent
dans ce récit qui parle des serviteurs roués de coups, insultés, voire tués.
Finalement, le maître envoie en dernier son fils « bien-aimé », l'héritier
qui, en tant que tel, peut faire aboutir le droit au fermage devant les
tribunaux et qui peut donc s'attendre à être respecté. C'est le contraire
qui se produit. Les fermiers tuent le fils justement parce qu'il est
l'héritier. Ainsi, ils veulent s'approprier la vigne définitivement. Jésus
poursuit ainsi la parabole : « II viendra, fera périr les vignerons, et
donnera la vigne à d'autres » (Mc 12, 9).
À cet endroit, la parabole passe, tout comme le chant d'Isaïe, de la
narration apparente d'un passé à l'évocation de la situation concrète des
auditeurs. Subitement, l'histoire devient réalité présente. Les auditeurs
savent : c'est de nous qu'il parle (cf. v. 12). Vous voulez me tuer tout
comme les prophètes ont été maltraités et tués. Je parle de vous et de moi.
L'exégèse moderne s'arrête à cet endroit - constate Benoît XVI - et replace ainsi la parabole
dans
le passé. La parabole parlerait seulement de la situation d'antan, du rejet
du message de Jésus par ses contemporains, de sa mort sur la croix.
Mais le
Seigneur
parle toujours au présent et en vue de l'avenir.
Il parle justement avec
nous et de nous. Si nous ouvrons les yeux, alors ce qui est dit dans la
parabole n'évoque-t-il pas le moment présent ? N'est-ce pas la logique des
temps modernes, de notre temps ? Si nous déclarons que Dieu est mort, alors
nous sommes nous-mêmes Dieu. Nous cessons enfin d'être la propriété d'un
autre, nous sommes le propriétaire de nous-mêmes et les propriétaires du
monde. Nous pouvons enfin faire ce qu'il nous plaît.
Nous nous débarrassons
de Dieu. Il n'y a pas de mesure et de modèle au-dessus de nous, nous sommes
notre propre instrument de mesure. La «
vigne » est à nous. Ce qui arrive
alors aux hommes et au monde, nous commençons à l'entrevoir...
(à suivre)
Chapitre 8 : Les
grandes images de l'Evangile de Jean -
Pages précédentes
1) Introduction : la question johannique (p.
245 à 249)
L'image de Jésus proposée par Jean
2) C'est le Paraclet qui interprète et conduit à la
vérité (p. 249 à 255)
Benoît XVI
3) Le caractère Ecclésial du 4e Évangile
(p.255 à 259)
Benoît XVI
4) L'Évangile de Jean repose entièrement sur l'Ancien
Testament (p.260 à 264)
Benoît XVI
5) Les grandes images de l'Évangile de Jean - L'eau (1) (p.265 à
268)
Benoît XVI
6) Jésus est le rocher vivant, dont jaillira l'eau
nouvelle - L'eau (2)
(p.269 à 274)
Benoît XVI
7) La vigne et le vin (1)
-
Les éléments fondamentaux des sacrements de l'Église
(275 à 279)
Benoît XVI
8) La vigne et le vin (2)
-
Le chant de la vigne.
(280 à 284 )
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"Jésus de Nazareth"
Sources:
www.vatican.va
-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 12.08.2007 - BENOÎT XVI |