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Homélie du pape Benoît XVI "Dieu n'échoue pas"
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ROME, Mercredi 15 novembre 2006 -
(E.S.M.) - Dans cette
Homélie le pape Benoît XVI nous enseigne que Dieu n'échoue pas, pas
même aujourd'hui. Même si nous entendons de nombreux "non", nous
pouvons en être certains.
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Le pape Benoît XVI, le doux visage du Christ sur terre
HOMÉLIE DU PAPE
BENOÎT XVI - MEDITATION
Chapelle Redemptoris Mater
Chers confrères,
Les textes que
nous venons d'écouter - la Lecture, le Psaume responsorial et l'Evangile -
ont un thème commun qui pourrait être résumé dans cette phrase:
Dieu n'échoue pas. Ou, plus exactement:
initialement, Dieu échoue toujours, il laisse exister la liberté de l'homme
et celle-ci dit toujours "non". Mais l'imagination de Dieu, la force
créatrice de son amour est plus grande que le "non" humain. A travers tout
"non" humain, est donnée une nouvelle dimension de son amour, et Il trouve,
commente le pape Benoît XVI, une voie nouvelle, plus grande, pour réaliser
son oui à l'homme, à son histoire et à la création. Dans le grand hymne au
Christ de la Lettre aux Philippiens par laquelle nous avons commencé, nous
entendons avant tout une allusion à l'histoire d'Adam, qui n'était pas
satisfait de l'amitié avec Dieu; c'était trop peu pour lui, car lui-même
voulait être un dieu. Il considéra l'amitié comme une dépendance et se crut
un dieu, comme s'il pouvait exister uniquement par lui-même. C'est pourquoi
il dit "non" pour devenir lui-même un dieu, et, précisément de cette façon,
se jeta lui-même de toute sa hauteur. Dieu "échoue" en Adam - et il en est
ainsi apparemment au cours de toute l'histoire. Mais
Dieu n'échoue pas, car à présent il devient
lui-même homme et recommence ainsi une nouvelle humanité; il enracine la
condition de Dieu dans la condition d'homme et descend dans les abîmes les
plus profonds de la condition d'homme; il s'abaisse jusqu'à la croix.
Il vainc l'orgueil par l'humilité et par l'obéissance de la croix.
Et ainsi advient ce qu'Isaïe, chap. 45, avait prédit. Du temps où
Israël était en exil, et avait disparu des cartes géographiques, le prophète
avait prédit que le monde entier - "tout genou" - fléchirait devant ce Dieu
impuissant. Et la Lettre aux Philippiens le confirme: à présent, cela a eu
lieu. Au moyen de la croix du Christ, Dieu s'est approché des hommes, il est
sorti d'Israël et il est devenu le Dieu du monde. Et à présent, l'univers
s'agenouille devant Jésus Christ, ce que nous aussi nous pouvons constater
aujourd'hui de façon merveilleuse: sur tous les
continents, jusque dans les plus humbles cabanes, le Crucifié est présent.
Le Dieu qui avait "échoué", à présent, à travers son amour, conduit
véritablement l'homme à s'agenouiller, et ainsi, vainc le monde par son
amour.
Nous avons chanté comme Psaume responsorial la seconde partie
du Psaume de la passion 21/22. C'est le Psaume du juste qui souffre, et
avant tout d'Israël qui souffre et qui, face au Dieu muet qui l'a abandonné,
s'écrie: "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné? Comment as-tu pu
m'oublier? A présent, je ne suis presque plus rien. Tu ne fais plus rien, tu
ne dis plus rien. Pourquoi m'as-tu abandonné?". Jésus s'identifie avec
Israël qui souffre, avec les justes de tout temps qui souffrent, abandonnés
par Dieu, et porte le cri de l'abandon de Dieu, la souffrance d'être oublié
l'élève jusqu'au coeur de Dieu lui-même et transforme ainsi le monde. La
seconde partie du Psaume, celle que nous avons récitée, nous dit ce qui en
découle: les pauvres mangeront et seront rassasiés. C'est, rappelle le pape
Benoît XVI, l'Eucharistie universelle qui provient
de la croix. A présent, Dieu rassasie les hommes dans le monde
entier, les pauvres qui ont besoin de lui. Il les rassasie selon leurs
besoins: il donne Dieu, il se donne lui-même.
Puis le Psaume dit: "Tous les lointains de la terre se souviendront et
reviendront vers Yahvé". C'est de la croix que naît l'Eglise universelle.
Dieu va au-delà des juifs et embrasse le monde entier pour l'unir au banquet
des pauvres.
Et, enfin, le message de l'Evangile. A nouveau l'échec
de Dieu. Ceux qui ont été invités en premier se dérobent, ne viennent pas.
La salle de Dieu reste vide, le banquet semble avoir été préparé en vain.
C'est ce dont Jésus fait l'expérience dans la phase finale de son activité:
les groupes officiels, faisant autorité, disent "non" à l'invitation de
Dieu, qui est Lui-même. Ils ne viennent pas. Son message, son appel finit
dans le "non" des hommes. Mais ici non plus: Dieu
n'échoue pas. La salle vide devient une occasion d'appeler un
plus grand nombre de personnes. L'amour de Dieu, l'invitation de Dieu
s'élargit - Luc nous raconte cela en deux étapes: d'abord, l'invitation est
adressée aux pauvres, aux personnes abandonnées, à ceux qui ne sont invités
par personne dans la ville. De cette façon, Dieu fait ce que nous avons
entendu dans l'Evangile d'hier. (L'Evangile d'aujourd'hui fait partie d'un
petit symposium dans le cadre d'un dîner chez un Pharisien. Nous trouvons
quatre textes: d'abord la guérison de l'hydropique, puis la parabole sur la
dernière place, puis l'enseignement de ne pas inviter les amis qui
pourraient rendre la pareille, mais ceux qui ont véritablement faim, et qui
ne peuvent pas rendre l'invitation, et enfin suit notre récit). Dieu fait à
présent ce qu'il a dit au Pharisien: Il invite ceux qui ne possèdent rien,
qui ont vraiment faim, qui ne peuvent pas l'inviter, qui ne peuvent rien lui
donner. Puis a lieu la deuxième étape: Il sort de la ville, sur les routes
de campagne; il invite les sans-abri. Nous pouvons supposer que Luc a
compris ces deux étapes dans le sens où les premiers à arriver dans la salle
sont les pauvres d'Israël et après - étant donné qu'ils ne sont pas assez
nombreux, car le domaine de Dieu est plus grand - l'invitation s'étend
au-delà de la Ville Sainte vers les autres nations. Ceux qui n'appartiennent
pas du tout à Dieu, qui sont au-dehors, sont à présent invités pour remplir
la salle. Et Luc, qui nous a transmis cet Evangile a certainement vu en cela
la représentation anticipée de façon imagée des événements qu'il rapporte
ensuite dans les Actes des Apôtres, où c'est précisément ce qui a lieu:
Paul, développe le pape Benoît XVI, commence toujours sa mission dans la
synagogue, par ceux qui ont été invités en premier, et ce n'est que lorsque
les personnes faisant autorité se sont dérobées et que n'est resté qu'un
petit groupe de pauvres qu'il sort et va vers les païens. Ainsi, l'Evangile,
à travers ce parcours de crucifixion toujours nouveau, devient universel,
englobe tout, et arrive finalement à Rome. A Rome, Paul appelle les chefs de
la synagogue, leur annonce le mystère de Jésus Christ, le royaume de Dieu
dans Sa personne. Mais les notables se dérobent, et il prend congé d'eux par
ces paroles: étant donné que vous n'écoutez pas, ce message est annoncé aux
païens, et eux l'écouteront. C'est par cette certitude que se conclut le
message de l'échec: eux écouteront; l'Eglise des païens se formera. Et elle
s'est formée et continue de se former. Au cours des visites ad limina,
j'entends parler de nombreuses choses graves et difficiles, mais toujours -
précisément du tiers-monde -, j'entends également cela: que les hommes
écoutent, qu'ils viennent, qu'aujourd'hui aussi, le message arrive sur les
routes jusqu'aux confins de la terre et que les hommes se pressent dans la
salle de Dieu, à son banquet.
Nous devrions donc nous demander:
Que signifie tout cela pour nous? Cela
signifie avant tout une certitude: Dieu n'échoue
pas. Il "échoue" continuellement, mais précisément pour cela, il
n'échoue pas, car il en tire de nouvelles opportunités de miséricorde plus
grande, et son imagination est inépuisable. Il n'échoue pas, souligne
inlassablement le pape Benoît XVI, car il trouve toujours de nouveaux moyens
d'atteindre les hommes et d'ouvrir davantage sa grande maison, afin qu'elle
se remplisse complètement. Il n'échoue pas car il ne se soustrait pas à la
perspective de solliciter les hommes afin qu'ils viennent s'asseoir à sa
table, à prendre la nourriture des pauvres, dans laquelle est offert le don
précieux, Dieu lui-même. Dieu n'échoue pas, pas
même aujourd'hui. Même si nous entendons de nombreux "non",
nous pouvons en être certains. De toute
cette histoire de Dieu, à partir d'Adam, nous pouvons conclure: Il n'échoue
pas. Aujourd'hui aussi, il trouvera de nouvelles voies
pour appeler les hommes et il veut que nous soyons à ses côtés comme ses
messagers et ses serviteurs.
Précisément à notre époque, nous
connaissons très bien le "non" prononcé par ceux qui ont été invités en
premier. En effet, les chrétiens d'Occident,
c'est-à-dire les nouveaux "premiers invités", se
dérobent aujourd'hui en grand nombre, ils n'ont pas le temps d'aller
vers le Seigneur. Nous connaissons bien les Eglises qui se vident toujours
plus, les séminaires qui continuent de se vider, les maisons religieuses qui
se vident toujours plus; nous connaissons toutes les formes sous lesquelles
se présente ce "non, j'ai d'autres choses importantes à faire". Et cela nous
fait peur et nous bouleverse d'être témoins de ces invités qui s'excusent et
se dérobent, et qui en réalité, devraient comprendre la grandeur de
l'invitation et devraient se presser dans cette direction.
Mais que devons-nous faire?
Nous
devons avant tout nous poser une question: pourquoi cela a-t-il précisément
lieu? Dans sa parabole, le Seigneur cite deux raisons:
la possession et les relations humaines, qui absorbent tellement les
personnes qu'elles considèrent qu'elles n'ont plus besoin de rien d'autre
pour remplir totalement leur temps et donc leur existence intérieure.
Saint Grégoire le Grand, dans sa présentation de ce texte, a tenté d'aller
plus loin et s'est demandé: mais comment est-il possible qu'un homme dise
"non" à ce qu'il y a de plus grand; qu'il n'ait pas de temps pour ce qui est
plus important, qui contient en soi sa propre existence? Et il répond: En
réalité, les hommes n'ont jamais fait l'expérience de Dieu; ils n'ont jamais
"goûté" à Dieu, ils n'ont jamais
ressenti combien il est délicieux d'être "touché"
par Dieu! Il leur manque ce "contact"
et, à travers cela, le "goût de Dieu".
Ce n'est que si, pour ainsi dire, nous le goûtons que nous venons alors au
banquet. Saint Grégoire cite le Psaume, dont est tirée l'Antienne de la
communion d'aujourd'hui: goûtez et dégustez, et voyez; goûtez, et alors,
vous verrez et vous serez illuminés! Notre devoir est d'aider les personnes
à pouvoir goûter, afin qu'elles puissent sentir à nouveau le goût de Dieu.
Dans une autre homélie, saint Grégoire le Grand a approfondi plus encore la
même question, et s'est demandé: Comment se fait-il que l'homme ne veuille
pas même "goûter" Dieu? Et il répond: lorsque l'homme est occupé entièrement
par son monde, par les choses matérielles, par ce qu'il peut faire, par tout
ce qu'il peut réaliser pour connaître le succès, par tout ce qu'il peut
produire ou comprendre, alors, sa capacité de perception à l'égard de Dieu
s'affaiblit, l'organe qui perçoit Dieu dépérit, devient incapable de
percevoir et insensible. Il ne perçoit plus le Divin, car l'organe
correspondant en lui s'est desséché, il ne n'est plus développé. Lorsqu'il
utilise trop les autres organes, ceux empiriques, alors, il peut advenir que
précisément le sens de Dieu s'affaiblisse; que cet organe meure; et que
l'homme, comme le dit saint Grégoire, ne perçoive plus le regard de Dieu, le
fait d'être regardé par Lui - cette chose précieuse
qu'est son regard qui se pose sur moi!
Je pense que saint
Grégoire le grand a décrit exactement la situation de notre époque - en
effet, il s'agissait d'une époque très semblable à la nôtre. Et la question
se pose encore: que devons-nous faire?
Je pense que la première chose est celle que le Seigneur nous dit
aujourd'hui dans la première Lecture et que saint Paul nous proclame au nom
de Dieu: "Ayez en vous les mêmes sentiments qui
sont dans Jésus Christ! - Touto phroneite en hymin ho kai en
Christo Iesou". Apprenez à penser comme a pensé le
Christ, apprenez à penser avec Lui! Et cette façon de penser
n'est pas seulement celle de l'esprit, mais également une pensée du coeur.
Nous apprenons les sentiments de Jésus Christ lorsque nous apprenons à
penser avec Lui et donc, lorsque nous apprenons à penser également à son
échec et à sa façon de traverser l'échec, à l'accroissement de son amour
dans l'échec. Si nous entrons dans ses sentiments, si nous commençons à nous
exercer à penser comme Lui et avec Lui, alors se réveille en nous la joie à
l'égard de Dieu, la certitude qu'Il est de toute façon le plus fort; oui,
nous pouvons le dire, l'amour pour Lui se réveille en nous. Nous ressentons
combien il est beau qu'Il soit là et que nous puissions Le connaître - que
nous le connaissions dans le visage de Jésus Christ, qui a souffert pour
nous. Je pense que c'est la première chose: que nous entrions nous-mêmes
dans un contact vivant avec Dieu, avec le Seigneur Jésus, le Dieu vivant;
que se renforce en nous l'organe qui perçoit Dieu; que nous portions en nous
la perception de son "goût exquis". Cela
encourage également notre action; car nous aussi, nous courons un risque: on
peut faire beaucoup, tant de choses, dans le domaine ecclésial, tout pour
Dieu et ce faisant, se tenir totalement à l'écart, sans jamais rencontrer
Dieu. L'engagement se substitue à la foi, mais ensuite, se vide de
l'intérieur. Je pense donc que nous devrions nous engager surtout dans
l'écoute du Seigneur, dans la prière, dans la participation intime aux
sacrements, dans l'apprentissage des sentiments de Dieu sur le visage et
dans les souffrances des hommes, pour être ainsi contaminés par sa joie, par
son zèle, par son amour, et pour regarder avec Lui, et à partir de Lui, le
monde. Si nous réussissons à faire cela, alors même au milieu de tant de
"non", nous trouverons à nouveau les hommes qui L'attendent et qui sont
souvent peut-être insolites - la parabole le dit clairement - mais qui sont
tout de même appelés à entrer dans sa salle.
Une fois de plus, en
d'autres termes: il s'agit de la place centrale de Dieu, et précisément non
pas d'un dieu quelconque, mais du Dieu qui a le
visage de Jésus Christ. Cela est important aujourd'hui. Il y a
tant de problèmes que l'on pourrait énumérer mais qui - tous - ne peuvent
être résolus si Dieu n'est pas placé au centre, si Dieu ne devient pas à
nouveau visible dans le monde, s'il ne devient pas déterminant dans notre
vie et s'il n'entre pas également à travers nous de façon déterminante dans
le monde. C'est en cela, je pense, que se décide aujourd'hui le destin du
monde dans cette situation dramatique: si Dieu - le
Dieu de Jésus Christ - existe et est reconnu comme tel, ou s'il
disparaît. Nous faisons en sorte qu'il soit présent.
Que devrions-nous faire? En ultime analyse?
Nous nous adressons à Lui! Nous célébrons cette Messe votive de l'Esprit
Saint, en L'invoquant: "Lava quod est sordidum, riga quod est aridum, sana
quod est saucium. Flecte quod est rigidum, fove quod est frigidum, rege quod
est devium". Nous L'invoquons afin qu'il irrigue,
réchauffe, redresse, afin qu'il nous entoure de la force de sa flamme sacrée
et qu'il renouvelle la terre. Pour cela, nous le prions de tout notre coeur
en ce moment, en ces jours. Amen.
Source: Vatican
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) - 15.11.2006 - BENOÎT XVI - MEDITATION |