Benoît XVI
explique que Dieu ne laisse pas tomber l'homme |
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ROME, le 7 Juin 2007 -
(E.S.M.) -
Le Livre de Job peut aussi nous aider à distinguer
entre mise à l'épreuve et tentation. Pour mûrir, pour passer vraiment de
plus en plus d'une piété superficielle à une profonde union avec la
volonté de Dieu, l'homme a besoin d'être mis à l'épreuve, souligne
Benoît XVI.
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Les
épreuves de Job -
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C'est ici
Job sur son fumier
Dérision de Job par sa femme
Dérision de Job par ses amis
Mort des enfants de Job pendant un festin
Benoît XVI explique que Dieu ne laisse pas tomber l'homme
LA PRIÈRE DU SEIGNEUR - Analyse du pape Benoît XVI
(p. 184 à 188)
Et ne nous soumets pas à la tentation
La formulation de cette demande, fait très justement remarquer le pape
Benoît XVI, semble choquante aux yeux de beaucoup de
gens. Dieu ne nous soumet quand même pas à la tentation. Saint Jacques nous
dit en effet : « Dans l'épreuve de la tentation, que personne ne dise : "Ma
tentation vient de Dieu." Dieu en effet ne peut être
tenté de faire le mal, et lui-même ne tente personne »
(Jc 1, 13).
Nous pourrons avancer d'un pas si nous nous rappelons le mot de l'Évangile :
« Alors Jésus fut conduit au désert par l'Esprit pour être tenté par le
démon » (Mt 4, 1). La tentation
vient du diable, mais la mission messianique de Jésus exige qu'il surmonte
les grandes tentations qui ont conduit et qui conduisent encore l'humanité
loin de Dieu. Il doit, nous l'avons vu, faire lui-même l'expérience de ces
tentations jusqu'à la mort sur la croix et ainsi ouvrir pour nous le chemin
du salut. Ce n'est pas seulement après la mort, mais en elle et durant toute
sa vie, qu'il doit d'une certaine façon « descendre aux enfers », dans le
lieu de nos tentations et de nos défaites, pour nous prendre par la main et
nous tirer vers le haut. La Lettre aux Hébreux a particulièrement insisté
sur cet aspect en y voyant une étape essentielle du chemin de Jésus : «
Ayant souffert jusqu'au bout l'épreuve de sa Passion, il peut porter secours
à ceux qui subissent l'épreuve » (He 2,
18). « En effet, le grand prêtre que nous avons n'est pas
incapable, lui, de partager nos faiblesses ; en toutes choses, il a connu
l'épreuve comme nous, et il n'a pas péché »
(He 4, 15).
Un regard sur le Livre de Job, où se dessine déjà à maints égards le mystère
du Christ, peut nous aider à y voir plus clair. Satan, relève Benoît XVI, se
moque des hommes pour ainsi se moquer de Dieu. La créature que Dieu a faite
à son image est une créature misérable. Tout ce qui semble bon en elle n'est
que façade. En réalité, l'homme, c'est-à-dire chacun de nous, ne se soucie
toujours que de son bien-être. Tel est le diagnostic de Satan que
l'Apocalypse désigne comme « l'accusateur de nos frères », « lui qui les
accusait jour et nuit devant notre Dieu» (Ap
12, 10). Blasphémer l'homme et la créature
revient en dernière instance à blasphémer Dieu et à justifier le refus de
lui.
Satan se sert de Job, le juste, afin de prouver sa thèse : si on lui prend
tout, il va rapidement laisser tomber aussi sa piété. Ainsi, Dieu laisse
Satan libre de procéder à cette expérimentation, mais, certes, dans des
limites bien définies. Dieu ne laisse pas tomber
l'homme, mais il permet qu'il soit mis à l'épreuve. Très
discrètement, implicitement, apparaît ici déjà le mystère de la satisfaction
vicaire qui prendra toute son ampleur en Isaïe 53. Les souffrances de Job
servent à la justification de l'homme. À travers sa foi éprouvée par les
souffrances, il rétablit l'honneur de l'homme. Ainsi, les souffrances de Job
sont par avance des souffrances en communion avec le Christ, qui rétablit
notre honneur à tous devant Dieu et qui nous montre le chemin, nous
permettant, dans l'obscurité la plus profonde, de ne pas perdre la foi en
Dieu.
Le Livre de Job peut aussi nous aider à distinguer entre mise à l'épreuve et
tentation. Pour mûrir, pour passer vraiment de plus en plus d'une piété
superficielle à une profonde union avec la volonté de Dieu,
l'homme a besoin d'être mis à l'épreuve, souligne Benoît XVI.
Tout comme le jus du raisin doit fermenter pour devenir du bon vin, l'homme
a besoin de purifications, de transformations, dangereuses pour lui, où il
peut chuter, mais qui sont pourtant les chemins indispensables pour se
rejoindre lui-même et pour rejoindre Dieu. L'amour est
toujours un processus de purifications, de renoncements, de transformations
douloureuses de nous-mêmes, et ainsi le chemin de la maturation. Si
François Xavier a pu dire en prière à Dieu : « Je t'aime, non pas parce que
tu as à donner le paradis ou l'enfer, mais simplement parce que tu es celui
que tu es, mon Roi et mon Dieu », il fallait certainement un long chemin de
purifications intérieures pour arriver à cette ultime liberté - un chemin de
maturation où la tentation et le danger de la chute guettaient - et pourtant
un chemin nécessaire.
Dès lors, nous pouvons interpréter la sixième demande du Notre Père de façon
un peu plus concrète. Par elle, nous disons à Dieu : « Je sais que j'ai
besoin d'épreuves, afin que ma nature se purifie. Si tu décides de me
soumettre à ces épreuves, si - comme pour Job - tu laisses un peu d'espace
au mal, alors je t'en prie, n'oublie pas que ma force
est limitée. Ne me crois pas capable de trop de choses. Ne trace pas
trop larges les limites dans lesquelles je peux être tenté, et sois proche
de moi avec ta main protectrice, lorsque l'épreuve devient trop dure pour
moi. » C'est dans ce sens que saint Cyprien a interprété la demande. Il dit
: lorsque nous demandons « Ne nous soumets pas à la tentation », nous
exprimons notre conscience que « l'ennemi ne peut rien contre nous, si Dieu
ne l'a pas d'abord permis. Ainsi nous devons mettre entre les mains de Dieu
nos craintes, nos espérances, nos résolutions, puisque le démon ne peut nous
tenter qu'autant que Dieu lui en donne le pouvoir
(10) ».
En prenant la mesure de la forme psychologique de la tentation, il développe
deux raisons différentes pour lesquelles Dieu accorde un pouvoir limité au
mal. Tout d'abord pour nous punir de nos fautes, pour
tempérer notre orgueil, afin que nous redécouvrions la pauvreté de notre
foi, de notre espérance et de notre amour, et pour nous empêcher de
nous imaginer que nous pourrions être grands par nos propres moyens. Pensons
au pharisien qui parlait à Dieu de ses propres œuvres et qui croyait pouvoir
se passer de la grâce. Malheureusement, Cyprien ne développe pas plus
longuement ce que signifie l'autre forme d'épreuve, la tentation que Dieu
nous impose ad gloriam, pour sa gloire. Mais ne devrions-nous pas
considérer ici que Dieu a imposé une charge particulièrement lourde de
tentations aux personnes qui lui sont les plus proches, aux grands saints, à
commencer par Antoine dans le désert jusqu'à Thérèse de Lisieux dans
l'univers pieux de son carmel ? Ils se tiennent en quelque sorte dans
l'imitation de Job, comme une apologie de l'homme qui est en même temps une
défense de Dieu. Plus encore, ils se tiennent d'une façon toute spéciale
dans la communion avec Jésus Christ, qui a vécu nos tentations dans la
souffrance. Ils sont appelés à surmonter, pour ainsi dire, dans leur corps,
dans leur âme, les tentations d'une époque, de les porter pour nous, les
âmes ordinaires, jusqu'au bout et de nous aider à aller vers celui qui a
pris sur lui notre fardeau à tous.
Lorsque nous disons la sixième demande du Notre Père, nous devons nous
montrer prêts, précise Benoît XVI à prendre sur nous le fardeau de
l'épreuve, qui est à la mesure de nos forces. D'autre part, nous demandons
aussi que Dieu ne nous impose pas plus que nous ne pouvons supporter, qu'il
nous ne laisse pas sortir de ses mains. Nous formulons cette demande dans la
certitude confiante, pour laquelle saint Paul nous a dit : «
Et Dieu est fidèle : il ne permettra pas que vous
soyez éprouvés au-delà de ce qui est possible pour vous. Mais, avec
l'épreuve, il vous donnera le moyen d'en sortir et la possibilité de la
supporter » (1 Co 10, 13).
Notes
10. Saint Cyprien, Dom. orat., n. 25.
(à suivre)
La prière du Seigneur, cinquième chapitre du livre
du Saint-Père Benoît XVI, "Jésus de Nazareth :
1) La vérité, indique Benoît XVI, c'est d'abord
Dieu, le Royaume de Dieu :►
Benoît XVI
2) Benoît XVI désigne le Malin comme l'ultime
menace pour l'homme :►
Benoît XVI
3) Notre Père qui es aux cieux : ►
Benoît XVI
4) Que ton nom soit sanctifié : ►
Benoît XVI
5) Que ton règne vienne : ►
Benoît XVI
6)
Benoît XVI commente que la terre devienne "ciel" : ►
Benoît XVI
7)
Benoît XVI explique que nous pouvons demander
et nous devons demander
:
►
03.06.07
8) Si nous appartenons au Christ, le reste n'a plus
aucun pouvoir :
►
04.06.07
9) Avec le Christ, précise Benoît XVI, nous devons
résorber le mal par l'amour :►
Benoît XVI
NE NOUS LAISSEZ PAS SUCCOMBER À LA TENTATION
(ndrl. suite des
notes de cours)
Le démon séduit
(...) Dans ses méthodes comme dans ses buts, l'action du démon s'inscrit
très exactement à l'opposé de celle de Dieu. La séduction diabolique est
tout le contraire de « l'épreuve » car elle est à base de tromperie et
d'illusion. Le père du mensonge séduit l'homme afin de le détourner de la
lumière et de la vérité. Il lui propose à cette fin une image trompeuse du
monde ou de sa propre excellence: Vous serez comme
des dieux (Gn 3 5).
Prisonnier de son orgueil et de son amour-propre, l'homme est alors mûr pour
toutes les chutes.
Pour le séduire, le démon exploite les tendances inscrites dans sa nature et
que la faute originelle a rendues plus virulentes. Certes, ainsi que le
remarque saint Jacques: Chacun est tenté par sa
propre convoitise qui l'attire et le leurre. Puis, la convoitise ayant
conçu, donne naissance au péché, et le péché parvenu à son terme, enfante la
mort (Jc 1 14,15).
S'il est bien vrai que la convoitise, à elle seule, suffit le plus souvent à
rendre compte de la tentation et de la chute; cependant, le tentateur ne
manque jamais de la réveiller, de la solliciter, et de « souffler sur le feu
», renouvelant ainsi en chacun de nous la tactique utilisée auprès d'Ève.
Aussi ne méditerons-nous jamais assez le récit douloureux mais profondément
révélateur de la Genèse, puisque la séduction y est présentée à l'état pur
et sous sa forme « exemplaire ».
Satan commence par se cacher en prenant une apparence d'emprunt; premier
mensonge qui sera suivi de beaucoup d'autres. En effet, à la femme qui, à sa
proposition captieuse de manger du fruit de l'arbre, répond que Dieu le leur
a défendu, à Adam et à elle sous peine de mort, Satan réplique: Pas du
tout, vous ne mourrez pas, mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez
vos yeux s'ouvriront et vous serez comme des dieux qui connaissent le bien
et le mal (Gn 3 5). Paroles
empoisonnées qui éveillent et développent en ceux qui les écoutent, non
seulement l'orgueil et l'amour-propre, mais encore un désir désordonné
d'indépendance à l'égard d'un Dieu faussement présenté comme un despote
arbitraire et jaloux.
Satan parvient ainsi à faire basculer d'un seul coup les plus nobles
aspirations du cœur humain, en même temps que ses désirs les plus légitimes,
dans le sens de l'orgueil et de la révolte. Détournant ses regards d'un Dieu
en qui désormais il ne voit plus un père, mais un maître injuste et cruel,
Adam les tourne sur soi et se prend pour fin. Du coup, il entre dans un
monde d'illusion et d'erreur; il ne voit plus les réalités dans leur vérité,
c'est-à-dire dans la lumière divine, mais colorées et déformées par son
désir. Trompé, il se trompe sur leur valeur et sur leur fin; séduit, il se
laisse prendre à leur pouvoir. Dès lors le voici engagé sur un chemin qui
conduit à la chute. Lorsqu'il s'en aperçoit, lorsque le goût délicieux du
fruit défendu a fait place à l'amère saveur du péché, ses yeux s'ouvrent,
mais trop tard: Qu as-tu fait là ?- dit Yahvé à la
femme. - Et Ève de répondre: C'est le serpent qui m'a séduite, et j'ai mangé
(Gn 3 13).
Subtile en apparence, la tactique du démon est en réalité assez grossière.
Sans les intelligences qu'il rencontre dans la place, et qu'il utilise, il
échouerait bien souvent. En particulier cette ruse qui consiste pour lui à
agir par personnes interposées serait déjouée; il sait-en effet que, plus il
se cache, mieux il parvient à ses fins. A peine a-t-il séduit Ève, qu'il
s'abrite derrière elle et en fait son auxiliaire pour tenter Adam. Le fruit
défendu aura plus de chance de séduire l'homme sans méfiance, s'il lui est
présenté par sa compagne. Mensonge, illusion,
séduction, ruse; le démon remet volontiers ses propres armes à ceux qui sont
devenus ses auxiliaires et ses complices. Si déjà des objets
inanimés peuvent devenir entre ses mains des sources de concupiscence et de
séduction, que dire alors des êtres intelligents et libres, lorsqu'il peut
les utiliser à son gré ! C'est ainsi, que de proche en proche, il tisse de
par le monde, un réseau toujours plus serré dans lequel il s'efforce
d'emprisonner les hommes. En leur faisant prendre le mensonge pour la
vérité, et en leur laissant l'illusion de leur liberté, il les enferme dans
une prison sans barreaux, il en fait des esclaves, chaque jour moins
capables de résister, et finalement impuissants, à force de céder sans
combat, à donner jusqu'à un sens au mot « tentation
».
Le Christ a dénoncé avec une âpre violence cette immense entreprise de
séduction de Satan, ce père du mensonge, homicide dès le commencement
(Jn 8 44) et l'Évangile
johannique souligne la collusion entre le «monde» et celui qui en est le
«prince». Invisible, omniprésent, connaissant nos faiblesses multiples et
sachant habilement en tirer parti, il rôde à la
poursuite d'une proie à dévorer
(1 P 5 8), aidé dans sa
tâche par une multitude d'esprits mauvais et de créatures à sa solde. Sa
puissance est donc redoutable; il ne faudrait cependant pas l'exagérer et
considérer que nous lui sommes remis, pieds et poings liés. Dieu nous
ferait-il encore lui demander son aide dans la tentation, si nous étions
incapables de résister victorieusement à Satan ? Bien mieux, cette puissance
redoutable doit être vaincue et le Christ nous a dit qu'en un sens, elle
l'est déjà par la vertu de la Croix: Je voyais Satan tomber du ciel comme
l'éclair (Lc 10 18).
Il reste que, par une permission divine, le démon dispose jusqu'à la fin du
monde, du pouvoir de séduire les hommes, qu'il en use inlassablement, et
qu'aucune créature ne sera jamais à l'abri de ses embûches.
Ainsi, parce que Dieu a mis entre nos mains la vie et la mort, et qu'à
notre gré, l'une ou l'autre nous est donnée
(Ec 15 17), et parce que grande
est notre faiblesse, nous sommes tentés, soit par l'épreuve, soit par la
séduction. Cette tentation est une conséquence et une manifestation de notre
nature. Il ne peut donc être question que nous soit épargné ce qui manifeste
la tension dans laquelle nous sommes appelés à vivre. C'est même la
tentation qui nous donne d'en prendre conscience d'une manière souvent
douloureuse il est vrai, et d'y découvrir un moyen privilégié de pratiquer à
l'égard de Dieu une fidélité méritoire. (...)
NE RETIRE PAS DE MOI TON ESPRIT SAINT
(...) Devant la soudaineté, l'agressivité et la subtilité de la tentation,
les âmes les plus saintes - Adam et Ève eux-mêmes, établis pourtant dans
l'intimité avec Dieu - ont pu tomber par surprise ou être frappées de
désarroi. Une faille est toujours possible, par laquelle la tentation
s'introduit en nous. Mais c'est la fuite de Dieu
qui, seule, signe notre défaite et nous y enfonce, et c'est là, vraiment, la
chute.
La vie chrétienne est tout entière, vie cachée en Dieu avec Jésus Christ
(Col 3 3) et elle est placée sous
la conduite de l'Esprit-Saint.
Ayant assumé notre nature et connu la tentation, le Christ sait à quel point
nous avons besoin de son Esprit pour y résister. C'est pourquoi il nous a
promis de nous l'envoyer. Le Pater qui évoque cette menace de la tentation
toujours suspendue au-dessus de nous, constitue un véritable appel à
l'Esprit. Nous ne lui demandons pas qu'elle nous soit épargnée et pas
davantage à la subir, car elle est ordinairement trop redoutable et souvent
trop délectable; nous demandons à la repousser avec son aide.
Trop souvent, les chrétiens pour se défendre de la tentation, n'ont recours
qu'aux injonctions de la loi morale derrière laquelle ils se retranchent;
mais cette loi morale, les païens l'ont aussi. Son efficacité viendrait-elle
donc pour le chrétien de ce qu'un châtiment est réservé à sa désobéissance?
Est-ce vraiment ainsi qu'il convient de traiter les choses de Dieu? et la
crainte du châtiment est-elle le seul ressort de la lutte contre la
tentation ? Dans ce cas les païens auraient le droit de nous mépriser. En
vérité, le chrétien, pour résister à la tentation, dispose d'une réalité
infiniment plus puissante qu'une loi morale ou que des interdictions:
l'amour et la foi en cette Présence qui l'habite, et dont se détourner
équivaudrait à trahir une amitié et une alliance qui doivent lui être plus
précieuses et plus chères que tout.
Le premier effet de la tentation lorsque nous l'accueillons, lorsqu'elle «
entre en nous » c'est de nous désensibiliser aux
choses de Dieu, de nous rendre
progressivement sourds à ses appels, et plus spécialement de nous fermer à
l'action de son Esprit. C'est en effet de
l'Esprit-Saint que la tentation nous détache en premier lieu; et,
nous détachant de lui, elle rend par là impuissant en nous l'Amour du Père
et du Fils. Sitôt que nous l'accueillons, la tentation nous frappe d'une
sorte de paralysie spirituelle, qui nous isole de Dieu, et nous rend
incapables d'aller à lui. Pour la vaincre nous avons donc besoin d'un
supplément de foi « vive ». Mais au moment de la tentation il est trop tard
pour l'acquérir. Seule, une prière humble et fervente eût pu prévenir à
l'avance notre faiblesse et nous armer contre elle.
Nous ne savons pas par quels chemins nous viendra demain la tentation; mais
nous savons que même si elle est au-delà de nos seules forces humaines, elle
ne sera jamais au-delà des forces divines. Si nous demandons à Dieu son
aide, si nous ne nous séparons pas de lui: Ne retire pas de moi ton esprit
saint (Ps 51 13), il nous
assistera selon ses promesses.
A côté des tentations nées des passions du cœur et des sens auxquelles il
peut sembler que se rapporte plus particulièrement ce qui a été dit
jusqu'ici, il en est d'autres plus insidieuses, en ce sens qu'elles ne sont
pas reconnues comme telles par qui les subit. Le péché est alors commis sans
lutte, comme l'arbre donne son fruit, car le danger n'a pas même été
discerné. Aucun signal d'alarme n'a retenti, le péché n'ayant pas été
reconnu comme faute. Ainsi en va-t-il de bien des péchés contre l'honnêteté
et la charité. On pourrait presque dire qu'en pareil cas, il n'y a pas eu
tentation proprement dite; et peut-être est-ce contre ce danger, que la
dernière partie de la demande du Pater s'élève avec force.
Nous sommes si misérables en effet, que nous ne
reconnaissons même pas le mal lorsqu'il se présente à nous, lorsqu'il nous
envahit, lorsqu'il s'empare de nous. Sans doute un tel aveuglement ne
serait pas possible si la vie divine était vraiment nôtre, si nous vivions
de Dieu et en Dieu. Mais nous sommes si naturellement pécheurs, notre pente
est si pré accordée au péché, que nous le commettons sans y reconnaître le
Mauvais; le péché nous semble même une chose bonne et naturelle et nous
découvrons au surplus d'excellentes raisons de le commettre. Ce n'est qu'en
avançant sur les chemins de Dieu que nous démasquons sa malice; si bien que
pour se sanctifier, la première chose est sans doute de se connaître
pécheur, non point pécheur par accident, comme la tentation tendrait à nous
le faire croire, mais de façon permanente,
comme le prouve la propension que nous avons à commettre le péché sans
débat, ni conflit, sans avertissement et sans honte. Nous ne résisterons à
la tentation, que dans la mesure où nous réaliserons notre état foncier de
pécheur.
Dans cet état qui est le nôtre, les lois morales ne sont ni des « guides ni
des appuis suffisants. Seul un surcroît de lumière intérieure et toute
divine, nous permet de démasquer le vrai visage du péché. Mais c'est là
quitter le domaine de la tentation pour entrer dans celui du mal.
TENTATIONS DE LUMIÈRE
Les tentations dont il vient d'être question peuvent toutes être qualifiées
de tentations de ténèbres. Plus difficiles à
reconnaître celles qui, naissant dans l'esprit, ont pour elles l'évidence
et la raison. Ce ne sont plus alors des tentations d'ombre, mais
de « plus grande lumière », qui surgissent au terme d'un raisonnement et
s'imposent avec la force d'une idée claire. Oublierions-nous donc que le
prince des ténèbres peut se transformer en « ange de lumière » et que sous
ce déguisement il est plus subtilement que jamais, dangereux pour l'homme,
car il fait luire devant lui une clarté mensongère qu'il ne possède plus
qu'en apparence. En même temps, pour mettre le comble à la confusion, c'est
du côté de Dieu que se trouvent la nuit et les ténèbres. Mais précisément,
et c'est là ce qui devrait nous mettre sur nos gardes, nous devrions savoir
que la lumière divine n'est pas perceptible aux sens, ni même à notre
esprit; que les conduites de Dieu échappent à notre raison et qu'il est le
Dieu caché. Une évidence contraire, parce qu'elle est
une évidence simplement «humaine» devrait nous apparaître un piège pour
notre foi. N'ayant plus que « notre » évidence et « nos »
raisonnements, nous devrions une fois encore, nous défier de cette «
solitude » qui accompagne toute tentation et prélude à la chute.
Certes, ce n'est plus ici la solitude affective, l'insensibilité, la
sécheresse, mais une solitude qui vient d'une
rupture de contact avec la Lumière de Dieu, avec sa Sagesse, avec son Esprit.
Nous devrions sentir que nous cessons d'être « abandonnés » à lui, remis à
lui, que nous avons repris en mains notre propre conduite et que Dieu n'en
est plus le maître. Autrement dit, que nous avons usurpé en nous, la place
qui de plein droit revient à Dieu.
Pour être averti de cette montée de la tentation, il faut être fidèle à
vivre dans l'intimité du Dieu Vérité, et de sa Lumière. Celui qui
n'accepterait le dogme ou l'autorité de l'Église qu'en tant qu'ils lui
paraîtraient raisonnables, ne peut manquer, le jour où une objection
sérieuse, ou encore une puissante raison affective viendraient à la
traverse, de donner prise à la tentation.
En revanche, celui sur lequel Dieu veille et dont il protège d'une haie
la tente (Jb 29 2,4) ne se
résignera pas, si évidentes que puissent lui apparaître telles ou telles
objections, à leur faire une place... Il se battra s'il le faut contre
lui-même, pour justifier ou pour que soit justifiée une « déraison »
infiniment supérieure à ses raisons. Tel est le cas de Job qui n'accepte pas
la solitude où le place la tentation; alors même qu'il ignore qu'il s'agit
d'une tentation, il prend position pour Dieu et veut que ce soit lui qui ait
raison; il le somme même d'avoir raison. Pourtant, Dieu ne répondra à son
serviteur éprouvé et tenté au-delà de toute imagination qu'en restant
semblable à lui-même, c'est-à-dire au-delà de toute raison humaine :
Inconnaissable et Incompréhensible. C'est ainsi que Job sera amené à
s'enraciner dans son option fondamentale et dans sa fidélité inviolable, et
à soumettre sa raison à un Dieu totalement mystérieux. Ce sera tout ensemble
la victoire de Dieu en lui et sa propre victoire.
A la dimension psychologique de la tentation et à son rôle en chacun de
nous, se superposent une autre dimension et un autre rôle d'ordre
surnaturel. Nous devons nous souvenir en effet, qu'à l'occasion de la
tentation, le monde invisible est tout entier mobilisé, soit afin de la
provoquer soit pour nous aider à la surmonter. Ce n'est plus seulement comme
dans le pardon donné à notre prochain, le monde d'ici-bas qui s'y trouve
engagé, c'est encore l'enfer; c'est aussi le ciel
entier; la Vierge, les anges, les saints nous aident en effet de leur
intercession et de leurs prières, tandis que nos victoires ou nos chutes
retentissent sur la destinée de toutes les âmes militantes de la terre et de
toutes les âmes souffrantes du purgatoire. On peut donc dire qu'en chaque
tentation, toute l'armée du ciel lutte contre la milice infernale.
Si nous gardions les yeux de la foi fixés sur ces réalités invisibles, nous
éviterions de céder à la tendance aujourd'hui assez générale, à faire de la
tentation et du péché, une conséquence sans portée morale, des déterminismes
qui pèsent sur nous. La seule manière de nous prémunir contre une telle «
tentation » est de considérer le Christ priant la face contre terre au
jardin des Oliviers, et engageant ses forces et son amour, pour nous
obtenir, au prix de son sang, la grâce de vaincre la tentation. C'est aussi
de nous souvenir qu'il prie pour nous afin que notre foi ne défaille pas
(Lc 22 32) et que sa prière est
toute-puissante. Et de plus, ce regard sur le Christ à Gethsémani, nous
permettrait de découvrir le rôle positif et sanctifiant de la tentation.
(...)
(à suivre)
(ndlr)
« PATER » : LE DÉBAT RELANCÉ ?
L'actuelle traduction de la sixième demande du « Notre Père » - « Ne nous
soumets pas à la tentation » -, fixée en 1965 par une commission liturgique
œcuménique francophone, soulève un grave problème théologique. Dans un
entretien publié par La Croix, le R.P. Tournay, o.p., de l'École biblique et
archéologique française de Jérusalem, relance le débat.
Un dominicain de l'École biblique et archéologique française de Jérusalem,
le Père Raymond J. Tournay, soulève après bien d'autres ecclésiastiques et
laïcs depuis trente ans, le problème posé par la traduction française de la
sixième demande du Notre Père : « Ne nous
soumets pas à la tentation ». Outre le tutoiement à l'égard de Dieu,
tutoiement qui gêne certains par le manque de respect à l'égard de la
toute-puissance et de la transcendance divines, l'emploi du verbe «
soumettre » à l'impératif négatif laisse entendre que Dieu nous pousse à la
tentation, que la tentation vient de Lui. Or, la théologie nous dit que
Dieu, s'il permet que la tentation se fasse pour nous laisser ainsi gagner
des mérites en la surmontant, ne peut s'ingénier à nous « soumettre à la
tentation ». « Tentateur » est en revanche l'un des noms du démon.
Le Catéchisme de l’Église Catholique souligne lui-même
implicitement l'erreur de cette traduction : « Traduire en un seul mot le
terme grec est difficile : il signifie "ne permets
pas d'entrer dans", "ne nous laisse
pas succomber à la tentation" »
(n° 2846). Et de poursuivre sur le
« combat » spirituel que nous devons mener. Si le commentaire de cette
sixième demande est orthodoxe, l'on peut se demander pourquoi la traduction
qui est utilisée est celle que l'on entend le plus fréquemment et que le
Père Tournay dénonce.
Cette traduction erronée est le fruit d'une commission liturgique œcuménique
francophone réunie en 1965, où le pasteur Bonnard, de Lausanne, et un
bénédiction belge, le P. Dupont, ont fixé cette formule. Elle ne fait
l'unanimité ni chez les catholiques, ni chez certains protestants : au
Portugal et en Espagne, l'on préfère garder l'ancienne traduction «
ne nous laisse pas succomber à la tentation
», et des protestants francophones disent «
ne nous laisse pas entrer dans la tentation ». La France est donc au
premier rang pour déshonorer Dieu et induire les âmes en erreur.
La traduction littérale
Cela dit, la traduction de la Vulgate, ne nos inducas in tentationem,
si l'on traduit littéralement le verbe induco par « faire entrer dans
», ne convient pas non plus. Cela, le Père Tournay le mentionne également.
Les traductions françaises que nous en connaissons ont donné une traduction
plus juste par le « ne nous laissez pas
succomber à la tentation » qui date du XVIIème siècle.
Auparavant, l'on s'en tenait au texte latin de la Vulgate que tout bon
catholique savait interpréter de façon juste. Par ailleurs, il faut savoir
que les textes de l'Écriture Sainte s'éclairent mutuellement. Cette parole
du Pater peut très bien trouver une clef de lecture dans l'épître de saint
Jacques lorsqu'il est écrit : « ...Dieu ne peut être tenté de faire le mal
et ne tente personne » (Jc 12, 13-14).
Cela le pape Benoît XVI le redit clairement dans le premier paragraphe
repris au début de cette page. L'idée à retenir, c'est que Dieu sait que
nous pouvons être tenter, par notre concupiscence, par le monde et surtout
par le démon. Qui oserait faire croire que Dieu Qui est la bonté infinie
puisse être Celui qui nous induise en erreur ? C'est proprement
blasphématoire, et des esprits éminents comme l'Abbé Jean Carmignac l'ont
dit ouvertement (1). La tentation existe, et c'est précisément la prière qui
est notre plus grand recours.
La question de traduction du Pater pose problème avec d'autres langues
mortes. Le texte grec, qui est celui qui fait foi et autorité d'après les
Pères de l'Eglise, se traduit selon certains par : « ne fais pas entrer »;
ce que conteste également le Père Tournay. D'autres ont traduit beaucoup
plus justement par « fais que nous n'entrions pas dans
la tentation ». S'il est légitime de demander à ne pas être tenté (le
Christ dit à ses disciples sur le mont des Oliviers : « veillez et priez
afin de ne pas entrer en tentation »), un chrétien ne doit-il pas être
instruit et formé sur la souffrance et la tentation, deux données
inévitables en ce bas monde qui, vaincues et offertes au Christ Rédempteur,
contribuent à son salut ? Ne confondons pas tentation et péché.
Il n'y a péché que lorsque la volonté consent à la tentation.
Mais enseigne-t-on toujours aux hommes à exercer leur volonté, cette
deuxième principale faculté de l'âme après l'intelligence ?
Le Père Tournay souligne par ailleurs que la traduction araméenne donnerait
: « Ne nous laisse pas entrer en tentation ».
L'Abbé Carmignac, lui, d'après ses travaux sur les manuscrits de Qumrân,
traduit les textes sémitiques par : « Garde-nous de
consentir à la tentation ». N'oublions pas cependant que la
traduction grecque fait référence.
Sources:
www.vatican.va
-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 07.06.2007 - BENOÎT XVI -
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