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Benoît XVI : ma liberté compromise par la volonté
de Dieu ?
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Le 01 février 2023 -
(E.S.M.)
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A partir de la
création, la volonté humaine est orientée vers la volonté divine.
Dans l'adhésion à la volonté
divine, la volonté humaine trouve son achèvement et non sa destruction.
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Celui qui fait la volonté de
Dieu, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère -
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Benoît XVI : ma liberté compromise par la volonté
de Dieu ?
3. La volonté de Jésus et la volonté du Père
Mais qu'est-ce que cela signifie ? Que veut dire « ma »
volonté opposée à « ta » volonté ? Qui sont ceux qui s'opposent ? Le Père et
le Fils ? Ou bien l'homme Jésus et Dieu, le Dieu trinitaire ? En aucun autre
lieu de l'Écriture sainte nous ne pouvons scruter aussi profondément le
mystère intérieur de Jésus comme dans la prière sur le Mont des Oliviers. Ce
n'est donc pas un hasard si la recherche passionnée de l'Église primitive
pour comprendre la figure de Jésus a trouvé sa forme achevée dans la
réflexion, éclairée par la foi, sur la prière du Mont des Oliviers.
À ce point, il est sans doute nécessaire de jeter
rapidement un regard sur la christologie de l'Église antique, pour
comprendre sa conception de la compénétration de la volonté divine et
humaine en Jésus Christ. Le concile de Nicée (325) avait clarifié le concept
chrétien de Dieu. Les trois Personnes - Père, Fils et Esprit Saint - sont
une seule chose dans l'unique « substance » de Dieu. Plus de cent ans après,
le concile de Chalcédoine (451) a tenté de saisir de manière conceptuelle
l'union de la divinité et de l'humanité de Jésus Christ par la formulation
qui, en lui, l'unique Personne du Fils de Dieu embrasse et porte les deux
natures - l'humaine et la divine - « sans confusion et
dans l'unité ».
C'est ainsi que la différence infinie entre Dieu et l'homme,
entre le Créateur et la créature est préservée : l'humanité reste humanité
et la divinité reste divinité. L'humanité en Jésus n'est pas absorbée ou
diminuée par la divinité. Elle existe entièrement comme telle et cependant,
elle est soutenue par la Personne divine du Logos. En même temps,
dans la diversité non annulée des natures, est exprimée par l'expression «
unique Personne », l'unité radicale dans laquelle, dans le Christ,
Dieu est entré avec l'homme. Cette formulation - deux natures, une unique
Personne - a été conçue par le pape Léon le Grand, dans une intuition qui
dépassait de beaucoup le moment historique et qui a reçu immédiatement
l'assentiment enthousiaste des Pères conciliaires.
Pourtant il s'agissait là d'une anticipation : sa signification concrète
n'avait pas encore été explorée jusqu'au bout. Que veut dire « nature » ?
Mais surtout, que veut dire « personne » ? Comme cela ne fut pas du tout
expliqué, de nombreux évêques dirent après Chalcédoine qu'ils préféraient
penser à la manière des pêcheurs et non comme Aristote ; la formule resta
donc obscure. C'est pour cette raison que la réception de Chalcédoine a
progressé de manière très confuse et au milieu de litiges acharnés. C'est
finalement la division qui est demeurée : seules les Eglises de Rome et de
Byzance ont accepté définitivement le Concile et sa formule. Alexandrie
(Egypte) préférait garder la formule une « nature divinisée » (monophysisme)
; à l'Orient, la Syrie resta sceptique devant ce concept d'une « unique
personne » en ce que, justement, celui-ci semblait compromettre l'humanité
réelle de Jésus (nestorianisme). Mais plus que les concepts, c'étaient
certaines formes de dévotion qui avaient le plus d'impact. Elles
s'opposaient les unes aux autres et accentuaient la différence par la charge
émotionnelle des sentiments religieux, et la rendaient ainsi impossible à
surmonter.
Le concile œcuménique de Chalcédoine reste pour l'Église de tous les temps
l'indication contraignante de la voie qui introduit dans le mystère de Jésus
Christ. Mais il nous revient de nous l'approprier à nouveau dans le contexte
de la pensée contemporaine où les concepts de nature et de personne ont pris
une autre signification par rapport à cette époque-là. Et cet effort en vue
d'une nouvelle compréhension doit aller de pair avec le dialogue œcuménique
qu'il faut poursuivre avec les Églises préchalcédoniennes, en vue de
retrouver l'unité perdue précisément en ce qui est au
cœur de notre foi, la confession du Dieu qui s'est fait homme en Jésus
Christ.
Dans les grandes luttes qui se sont développées après Chalcédoine
spécialement dans le milieu byzantin, il s'agissait essentiellement de la
question suivante: si en Jésus il n'y a qu'une unique personne divine qui
embrasse les deux natures, qu'en est-il alors de la nature humaine ? Est-ce
qu'elle peut, soutenue par l'unique personne divine, subsister vraiment
comme telle dans sa particularité et dans son essence ? Est-ce qu'elle ne
doit pas nécessairement être absorbée par le divin, au moins dans sa partie
la plus élevée, dans la volonté ? Et ainsi, la dernière grande hérésie
christologique s'appelle « monothélisme ». En s'en tenant à l'unité de la
personne - affirme-t-on - il ne peut exister qu'une unique volonté; une
personne avec deux volontés serait schizophrène : la personne, en fin de
compte, se manifeste dans la volonté, et s'il n'y a qu'une seule
personne, alors il ne peut y avoir qu'une seule volonté. Contre cette
affirmation surgit cependant cette question : quel genre d'homme est celui
qui ne possède pas une volonté humaine propre ? Un homme sans volonté est-il
véritablement un homme? Dieu s'est-il vraiment fait homme en Jésus, si cet
homme n'avait pas une volonté ?
Le grand théologien byzantin Maxime le Confesseur (|† 662) a élaboré la
réponse à cette question au cours des controverses pour la compréhension de
la prière de Jésus sur le Mont des Oliviers. Maxime est avant tout et
surtout un adversaire acharné du monothélisme : la nature humaine de Jésus
n'est pas amputée à cause de l'unité avec le Logos, mais elle demeure
complète. Et la volonté fait partie de la nature humaine. Cette dualité
irrécusable en Jésus d'un vouloir humain et d'un vouloir divin ne doit pas,
toutefois, conduire à la schizophrénie d'une double personnalité. C'est
pourquoi nature et personne doivent être considérées chacune selon le propre
mode d'être. Ce qui veut dire qu'il existe en Jésus la « volonté naturelle »
de la nature humaine, mais qu'il n'y a qu'une seule « volonté de la personne
», qui accueille en elle la « volonté naturelle ». Et cela est possible sans
destruction de l'élément essentiellement humain, parce
que, à partir de la création, la volonté humaine est orientée vers la
volonté divine. Dans l'adhésion à la volonté
divine, la volonté humaine trouve son achèvement et non sa destruction.
Maxime dit à ce propos que la volonté humaine, selon la création, tend à la
synergie (à la coopération) avec la volonté de Dieu, mais, à cause du péché,
cette synergie s'est transformée en opposition. L'homme, qui trouve
l'accomplissement de sa volonté dans son adhésion à la volonté de Dieu,
sent alors sa liberté compromise par la volonté de
Dieu. Il voit dans le « oui » à la volonté de Dieu non pas la
possibilité d'être pleinement lui-même, mais une menace pour sa liberté, et
il y oppose alors sa résistance.
Le drame du Mont des Oliviers consiste en ce que Jésus ramène la volonté
naturelle de l'homme de l'opposition à la synergie et rétablit ainsi l'homme
dans sa grandeur. Dans la volonté humaine naturelle de Jésus est en quelque
sorte présente en Jésus lui-même toute la résistance de la nature humaine
contre Dieu. Notre obstination à tous, toute l'opposition à Dieu est là, et
Jésus entraîne dans son combat la nature récalcitrante vers le haut, vers
son essence véritable.
Christoph Schönborn dit à ce propos que « le passage de l'opposition entre
les deux volontés vers leur communion se réalise par la Croix de
l'obéissance. Dans l'agonie de Gethsémani ce passage s'accomplit » (Christus-Ikone,
p. 131). Ainsi, la prière « non pas ma volonté, mais la tienne » (cf. Lc
22,42) est vraiment une prière du Fils au Père, dans laquelle la volonté
humaine naturelle a été totalement attirée à l'intérieur du « Je » du Fils,
dont l'essence s'exprime justement par ce « non pas
moi, mais toi » - dans l'abandon total du « Moi » au « Toi » de Dieu
le Père. Ce « Moi », toutefois, a accueilli en lui l'opposition de
l'humanité et l'a transformée, si bien que maintenant, dans l'obéissance du
Fils, nous sommes tous présents, nous sommes entraînés dans la condition de
fils.
Ceci nous amène au dernier moment de cette prière, à sa véritable clé
d'interprétation, à l'invocation: « Abbà, Père » (Mc 14,36). Joachim
Jeremias a écrit en 1966 un livre important sur cette parole de la prière de
Jésus ; livre dont je voudrais citer deux réflexions essentielles : « Alors
que dans la littérature hébraïque de prière il n'existe aucune preuve de
cette appellation Abbà adressée à Dieu, Jésus (à l'exception du cri
de la Croix, Mc 15,34 et par.) a toujours appelé Dieu ainsi. Nous
nous trouvons donc face à une caractéristique absolument évidente de l'ipsissima
vox lesu » (Abbà, p. 59). En outre, Jeremias montre que cette parole
« Abbà » appartient au langage des enfants - c'est ainsi que dans une
famille l'enfant s'adresse à son père. « Pour la sensibilité hébraïque, il
aurait été irrévérencieux et donc impensable de s'adresser à Dieu en
utilisant cette parole familière. C'était chose
nouvelle et incroyable que Jésus ose franchir ce pas. Il parlait avec Dieu
comme un enfant parle avec son père... Cet Abbà par lequel
Jésus avait coutume d'appeler Dieu nous dévoile l'essence intime de sa
relation avec Dieu » (p. 63). Il est donc complètement absurde que certains
théologiens pensent que, dans la prière sur le Mont des Oliviers, l'homme
Jésus ait pu s'adresser au Dieu trinitaire. Non, ici
c'est vraiment le Fils qui parle, lui qui a pris sur lui toute volonté
humaine et qui l'a transformée en volonté du Fils.
Table tome 2
Chapitre 5
La dernière Cène ►
Benoît XVI
1. La date de la dernière Cène
►
Benoît XVI
2. L'institution de l'Eucharistie ►
Benoît XVI
3. La théologie des paroles de l'institution ►Benoît
XVI
4. De la Cène à l'Eucharistie du dimanche matin
►
Benoît XVI
Chapitre 6
1. En marche vers le Mont des Oliviers
►
Benoît XVI
2. La prière du Seigneur ►
Benoît XVI
3. La volonté de Jésus et la volonté du Père
►
Benoît XVI
4. La prière de Jésus sur le Mont des Oliviers, dans la Lettre aux Hébreux
►
Jésus de Nazareth, tome 1
►
Benoît XVI
Sources :Texte original des écrits du Saint Père Benoit XVI -
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.)
1er février
2023
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