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Benoît XVI : le pouvoir du mensonge et de
l'orgueil
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Le 31 janvier 2023 -
(E.S.M.)
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L'invitation à la vigilance a déjà été un thème de fond de l'annonce
à Jérusalem et maintenant elle apparaît ici avec une urgence
imminente. Pourtant, tout en étant lié précisément à cette heure,
cet appel renvoie à l'avance à l'histoire à venir de la chrétienté.
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L'agonie de Jésus -
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Benoît XVI : le pouvoir du mensonge et de l'orgueil
2. La prière du Seigneur
Nous avons cinq relations de la prière sur le Mont des
Oliviers qui suit maintenant : d'abord dans les trois Evangiles synoptiques
(cf. Mt 26,36-46 ; Mc 14,32-42 ; Lc 22,39-46); à cela
s'ajoute un bref passage dans L'Évangile de Jean, qui toutefois est
inséré par Jean dans la série de discours tenus au Temple le « dimanche des
Rameaux » (cf. 12,27s.) ; et enfin un texte de la Lettre aux Hébreux,
qui se fonde sur une tradition particulière (cf. 5,7s.). Essayons
maintenant, en prêtant attention à tous ces textes, de nous approcher autant
que possible du mystère de cette heure de Jésus.
Après la récitation rituelle commune des Psaumes, Jésus prie
seul - comme au long de tant de nuits auparavant. Il laisse toutefois proche
de lui le groupe des trois - que l'on connaît grâce à d'autres contextes, en
particulier par le récit de la Transfiguration : Pierre, Jacques et Jean.
Ainsi, même s'ils sont à plusieurs reprises vaincus par le sommeil, ceux-ci
deviennent les témoins de son combat nocturne. Marc nous raconte que Jésus
commence à « ressentir effroi et angoisse ». Le Seigneur dit aux disciples :
« Mon âme est triste à en mourir; demeurez ici et veillez » (14,33s.).
L'invitation à la vigilance a déjà été un thème de fond de
l'annonce à Jérusalem et maintenant elle apparaît ici avec une urgence
imminente. Pourtant, tout en étant lié précisément à cette heure, cet appel
renvoie à l'avance à l'histoire à venir de la chrétienté.
La somnolence des disciples demeure tout au long des
siècles l'occasion favorable pour les puissances du mal.
Cette somnolence est un engourdissement de l'âme qui
ne se laisse pas émouvoir par le pouvoir du mal dans le monde, par toute
l'injustice et toute la souffrance qui dévastent la terre. Il s'agit d'une
insensibilité qui préfère ne pas percevoir tout cela; elle se tranquillise
en se disant qu'au fond tout cela n'est pas si grave, afin de pouvoir rester
ainsi dans la jouissance d'une vie satisfaite d'elle-même. Mais cette
insensibilité des âmes, ce manque de vigilance aussi bien à l'égard de la
présence toute proche de Dieu qu'à l'égard de la puissance menaçante du mal,
confère au Malin un pouvoir sur le monde. En présence des disciples
ensommeillés et peu disposés à s'alarmer, le Seigneur dit : « Mon âme est
triste à en mourir. » C'est une parole du Psaume 43,5, où se
retrouvent aussi d'autres expressions des Psaumes.
Dans sa Passion aussi - au Mont des Oliviers comme sur la
Croix - Jésus parle de lui et à Dieu Père, en utilisant les mots des
Psaumes. Mais ces paroles, prises des Psaumes, sont devenues tout à fait
personnelles. Elles sont absolument propres à Jésus dans son épreuve : il
est de fait le véritable priant de ces Psaumes, leur véritable sujet. La
prière la plus personnelle et l'action de prier avec les paroles
d'invocation de l'Israël croyant et souffrant sont ici une seule et même
chose.
Après cette exhortation à la vigilance, Jésus s'éloigne un
peu. Commence alors la prière proprement dite du Mont des Oliviers. Matthieu
et Marc nous disent que Jésus tombe la face contre terre - c'est l'attitude
de prière qui exprime la soumission absolue à la volonté de Dieu, le plus
radical abandon à lui ; c'est une attitude que la liturgie occidentale
prévoit encore le Vendredi saint et pour la Profession monastique comme
aussi pour l'ordination diaconale, ainsi que pour les ordinations
presbytérale et épiscopale.
Luc dit, par contre, que Jésus prie à genoux. D'après cette
position de prière, il introduit ce combat nocturne de Jésus dans le
contexte de l'histoire de la prière chrétienne : Étienne, durant sa
lapidation, fléchit les genoux et prie (cf. Ac 7,60); Pierre
s'agenouille avant de ressusciter Tabitha (cf. Ac 9,40) ; Paul se met
à genoux au moment de prendre congé des anciens d'Éphèse (cf. Ac,
20,36), et une autre fois encore lorsque les disciples lui disent de ne pas
monter à Jérusalem (cf. Ac, 21,5). À ce propos, A. Stôger fait
remarquer: « Tous ceux-là, devant la mort, prient à genoux; le martyre ne
peut être supporté que grâce à la prière. Jésus est le modèle des martyrs »
(Das Evangelium nach Lukas, p. 247).
Vient alors la vraie prière où est présent tout le drame de
notre rédemption. Marc commence par dire, comme en résumé, que Jésus priait
afin que « s'il était possible, cette heure passât loin de lui » (14,35).
Puis il rapporte ainsi la phrase essentielle de la prière de Jésus : «Abba
(Père)! tout t'est possible: éloigne de moi cette coupe; pourtant pas ce que
je veux, mais ce que tu veux! » (14,36s.).
Nous pouvons distinguer dans cette prière de Jésus trois
éléments. Il y a tout d'abord l'expérience primordiale de la peur, le
trouble devant le pouvoir de la mort, l'épouvante devant l'abîme du néant
qui le fait trembler et même, selon Luc, lui fait répandre une sueur comme
de gouttes de sang (cf. 22,44). En Jean (cf. 12,27), ce bouleversement est
exprimé, comme chez les Synoptiques, en référence au Psaume 43,5, mais en
employant un mot qui rend de manière particulièrement évidente le caractère
abyssal de la peur de Jésus : tetâraktai - c'est le même mot
tarâssein que Jean utilise pour montrer le trouble profond de Jésus
devant le tombeau de Lazare (cf. 11,33), comme aussi son trouble intérieur
lorsqu'au Cénacle il annonce la trahison de Judas (cf. 13,21).
De cette manière, Jean exprime sans nul doute l'angoisse
primordiale de la créature à l'approche de la mort, mais il y a toutefois
quelque chose de plus : le trouble particulier de Celui qui est la Vie même
devant l'abîme de tout le pouvoir de la destruction, du mal, de ce qui
s'oppose à Dieu et qui maintenant le submerge, qu'il doit maintenant et sans
délai prendre sur lui, bien plus, qu'il doit accueillir en lui au point
d'être personnellement « fait péché » (2 Co 5,21).
Et justement, parce qu'il est le Fils, il peut voir avec une
extrême clarté toute la marée immonde du mal,
tout le pouvoir du mensonge et de l'orgueil,
toute la ruse et l'atrocité du mal qui met sur
lui le masque de la vie et œuvre continuellement à
détruire l'être, à défigurer et à anéantir la vie. Précisément parce
qu'il est le Fils, il éprouve en profondeur l'horreur,
tout le dégoût et la perfidie qu'il doit boire dans ce « calice » qui lui
est destiné : tout le pouvoir du péché et de la mort. C'est tout cela
qu'il doit accueillir en lui, afin qu'en lui, tout cela soit privé de
pouvoir et vaincu.
Bultmann dit avec justesse : Jésus est là « non seulement
comme le prototype en qui le comportement demandé à l'homme devient visible
de manière exemplaire... mais il est aussi et surtout Celui qui révèle,
celui dont le seul choix rend possible l'option humaine pour Dieu en une
telle heure » (p. 328). L'angoisse de Jésus est quelque chose de beaucoup
plus radical que l'angoisse qui assaille tout homme face à la mort : c'est
l'affrontement même entre la lumière et les ténèbres, entre la vie et la
mort - le drame véritable du choix qui caractérise l'histoire humaine. En ce
sens, nous pouvons, avec Pascal et de manière tout à fait personnelle,
appliquer l'événement du Mont des Oliviers à nous-mêmes : mon péché à moi
aussi était présent dans ce calice d'épouvanté. « Ces gouttes de sang, je
les ai versées pour toi », telles sont les paroles que Pascal entend comme
lui étant adressées par le Seigneur en agonie sur le Mont des Oliviers (cf.
Pensées VII 553).
Les deux parties de la prière de Jésus apparaissent comme
l'opposition de deux volontés : la « volonté naturelle
» de l'homme Jésus, qui regimbe devant l'aspect monstrueux et
destructif de l'événement et qui voudrait demander que le calice « s'éloigne
» ; et la « volonté du Fils », qui s'abandonne
entièrement à la volonté du Père. Si nous voulons, autant que cela soit
possible, essayer de comprendre ce mystère des « deux volontés », il nous
est utile de jeter une fois encore un regard sur la version johannique de
cette prière. Chez Jean aussi, nous trouvons les deux demandes de Jésus: «
Père, sauve-moi de cette heure ! »; «
Père, glorifie ton nom ! » (12,27s.).
En Jean, le lien entre les deux demandes n'est pas
fondamentalement différent de celui que l'on retrouve dans les Synoptiques.
Le tourment de l'âme humaine de Jésus (« mon âme est troublée »; Bultmann
traduit « j'ai peur », p. 327), pousse Jésus à demander d'être sauvé de
cette heure. Mais la conscience de sa mission, le fait qu'il soit venu
justement pour cette heure, lui fait prononcer la deuxième demande - la
demande que Dieu glorifie son nom. La Croix précisément, l'acceptation de
cette chose horrible, le fait d'entrer dans l'ignominie de l'anéantissement
de la dignité personnelle, dans l'ignominie d'une mort infamante, tout cela
devient la glorification du nom de Dieu. C'est en effet ainsi précisément
que Dieu se manifeste pour ce qu'il est : le Dieu qui, dans l'abîme de son
amour, dans le fait de se donner lui-même, oppose à toutes les puissances du
mal le vrai pouvoir du bien. Ces demandes, Jésus les a énoncées toutes les
deux, mais la première, celle d'être « sauvé », se fond avec la seconde, qui
demande la glorification de Dieu dans la réalisation de sa volonté - et
ainsi l'opposition dans l'existence humaine intime de Jésus est recomposée
en unité.
Table tome 2
Chapitre 5
La dernière Cène ►
Benoît XVI
1. La date de la dernière Cène
►
Benoît XVI
2. L'institution de l'Eucharistie ►
Benoît XVI
3. La théologie des paroles de l'institution ►Benoît
XVI
4. De la Cène à l'Eucharistie du dimanche matin
►
Benoît XVI
Chapitre 6
1. En marche vers le Mont des Oliviers
►
Benoît XVI
2. La prière du Seigneur ►
Benoît XVI
3. La volonté de Jésus et la volonté du Père
►
Jésus de Nazareth, tome 1
►
Benoît XVI
Sources :Texte original des écrits du Saint Père Benoit XVI -
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 31.01.2023
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