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Benoît XVI : Le Jour du Seigneur
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Le 29 janvier 2023 -
(E.S.M.)
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Ce que l'Église célèbre dans
la messe n'est pas la dernière Cène, mais ce que le Seigneur, durant
la dernière Cène, a institué et confié à l'Église : la mémoire de sa
mort sacrificielle »
(Josef Andréas Jungmann, Messe im Gottesvolk, p. 24)
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Abbaye
de Cîteaux -
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Benoît XVI : Le Jour du
Seigneur
4. De la Cène à l'Eucharistie
du dimanche matin
Chez Paul et Luc, après la parole « Ceci est mon corps donné pour vous »
suit le commandement de la répétition : « Faites cela en mémoire de moi ! »
Paul le rapporte de façon plus ample une fois encore après les paroles sur
le calice. Marc et Matthieu ne transmettent pas cette directive. Mais
puisque la forme concrète de leurs récits porte l'empreinte de la pratique
liturgique, il est évident qu'eux aussi ont interprété cette parole
comme une institution : ce qui était arrivé
pour la première fois devait se continuer dans la communauté des disciples.
Mais alors surgit cette question : qu'a donc ordonné
précisément le Seigneur de répéter ? Certainement pas
le repas pascal (au cas où la dernière Cène de Jésus ait été un repas
pascal). La Pâque était une fête annuelle dont
la célébration récurrente en Israël était clairement régulée par la sainte
tradition et liée à une date précise. Même si, ce soir-là, il ne s'agissait
pas d'un vrai repas pascal selon le droit juif, mais d'un ultime banquet
terrestre avant la mort, cela n'est pas dans l'objectif du commandement de
répétition.
Le commandement se réfère donc à ce qui, dans ce que Jésus a
accompli ce soir-là, était une nouveauté : le fait de rompre le pain, la
prière de bénédiction et d'action de grâce et avec elle les paroles de la
transsubstantiation du pain et du vin. Nous pourrions dire : par ces
paroles, notre moment actuel est entraîné dans le moment de Jésus. Ce que
Jésus a annoncé en Jean 12,32 se vérifie : de la Croix, il les
attirera tous à lui, en lui.
Ainsi, avec les paroles et les gestes de Jésus l'élément
essentiel du nouveau « culte » avait bien été donné, mais une forme
liturgique définitive n'avait pas encore été établie. Elle devait encore se
développer dans la vie de l'Église. Il était évident que, selon le modèle de
la dernière Cène, d'abord on dînait ensemble et ensuite avait lieu
l'Eucharistie. Rudolf Pesch a montré que, étant donné la structure sociale
de l'Église naissante et les habitudes de vie, ce repas comportait de toute
façon probablement seulement du pain, sans autres aliments.
Dans la Première lettre aux Corinthiens (11,20s. 34),
nous voyons que, dans un autre type de société, les choses allaient
diversement : les personnes aisées portaient avec elles leur repas et se
servaient abondamment, alors que pour les pauvres là aussi il n'y avait que
du pain. Des expériences de ce genre ont donc très tôt conduit à un
détachement de la Cène du Seigneur du repas normal et en même temps ont
accéléré la formation d'une structure liturgique spécifique. En aucun cas,
nous ne devons penser que lors de la « Cène du Seigneur » ne furent
simplement récitées que les paroles de consécration. À partir de Jésus
lui-même, elles apparaissent comme une partie de sa berakha, de sa
prière d'action de grâce et de bénédiction.
Pour quoi Jésus a-t-il rendu grâce ? Pour l'« exaucement » (cf.
He 5,7). Il a rendu grâce par avance du fait que
le Père ne l'abandonnerait pas à la mort (cf. PS 16,10).
Il a rendu grâce pour le don de la Résurrection et,
sur la base de celle-ci, déjà à ce moment, dans le pain et le vin, il
pouvait donner son corps et son sang comme gage de la Résurrection et de la
vie éternelle (cf. Jn 6,53-58).
Nous pouvons penser au schéma des Psaumes de promesse, dans
lesquels l'opprimé annonce qu'une fois sauvé, il rendra grâce à Dieu et
proclamera l'action salvifique de Dieu devant la grande assemblée. Le
Psaume 22 applicable à la Passion, qui commence par les paroles : « Mon
Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » se termine par une promesse
qui anticipe l'exaucement : « De toi vient ma louange dans la grande
assemblée, j'accomplirai mes vœux devant ceux qui le craignent. Les pauvres
mangeront et seront rassasiés. Ils loueront le Seigneur ceux qui le
cherchent » (v. 26s.). De fait - maintenant cela se réalise : « Les pauvres
mangeront » - ils reçoivent plus que la nourriture terrestre,
ils reçoivent la vraie manne, la communion avec Dieu
dans le Christ ressuscité.
Naturellement, c'est seulement peu à peu que ces connexions
sont devenues claires pour les disciples. Mais, à partir des paroles
d'action de grâce de Jésus, qui confèrent à la berakha juive un
nouveau centre, la prière d'action de grâce, l'eucharistia, se révèle
toujours plus comme le vrai modèle influent, comme la forme liturgique dans
laquelle les paroles d'institution prennent leur sens et où se présente le
culte nouveau qui remplace les sacrifices du Temple : glorification de Dieu
dans la parole, mais dans une Parole qui s'est faite chair en Jésus et qui
désormais, à partir de ce corps de Jésus qui a traversé la mort, concerne
l'homme tout entier, toute l'humanité - et devient le commencement d'une
nouvelle création.
Josef Andréas Jungmann, le grand connaisseur de l'histoire de
la Célébration eucharistique et l'un des artisans de la réforme liturgique,
résume tout cela en disant: « La forme fondamentale est la prière d'action
de grâce sur le pain et le vin. C'est de la prière d'action de grâce, après
le banquet du dernier soir, que la liturgie de la messe a commencé, et non
du banquet lui-même. Ce dernier était considéré aussi peu essentiel et aussi
facilement séparable que déjà dans l'Église primitive il était omis. La
liturgie et toutes les liturgies, par contre, ont développé la prière
d'action de grâce prononcée sur le pain et sur le vin...
Ce que l'Église célèbre dans la messe n'est pas la
dernière Cène, mais ce que le Seigneur, durant la dernière Cène, a institué
et confié à l'Église : la mémoire de sa mort sacrificielle » (Josef
Andréas Jungmann, Messe im Gottesvolk, p. 24).
Dans la même ligne s'inscrit la constatation historique selon
laquelle « dans toute la tradition du christianisme, après que l'Eucharistie
a été détachée d'un vrai repas (où apparaît l'acte de "rompre le pain" et la
"Cène du Seigneur") », un mot signifiant « repas » n'est jamais utilisé,
jusqu'à la Réforme du XVIe siècle, pour désigner la célébration de
l'Eucharistie (p. 23, note 73).
Dans la formation du culte chrétien, cependant, un autre
élément est encore déterminant. Certain d'être exaucé, le Seigneur avait
déjà donné à ses disciples, à la dernière Cène, son corps et son sang comme
don de la Résurrection : Croix et Résurrection font partie de l'Eucharistie,
qui sans cela n'est pas elle-même. Mais puisque le don de Jésus est
essentiellement un don enraciné dans la Résurrection, la célébration du
sacrement devait nécessairement être reliée à la mémoire de la Résurrection.
La première rencontre avec le Ressuscité était advenue le matin du premier
jour de la semaine - du troisième jour après la mort de Jésus - donc le
dimanche matin. Par là, le matin du premier jour devenait spontanément le
moment du culte chrétien, le dimanche devenait le « Jour du Seigneur ».
Cette détermination chronologique de la liturgie chrétienne,
qui, en même temps définit sa nature profonde et sa forme, s'est mise très
vite en place. Ainsi le rapport d'un témoin oculaire dans les Actes
20,6-11 nous raconte le voyage de saint Paul et de ses compagnons vers Troas
et il dit : « Le premier jour de la semaine, nous étions réunis pour rompre
le pain... » (20,7). Cela signifie que déjà durant la période des Apôtres le
fait de « rompre le pain » avait été fixé pour le matin du jour de la
Résurrection - l'Eucharistie était célébrée comme rencontre avec le
Ressuscité.
Dans ce contexte se trouve aussi la disposition donnée par
Paul que la collecte pour Jérusalem soit toujours effectuée « le premier
jour de la semaine » (cf. 1 Co 16,2). Il est vrai que là on ne parle
pas de la Célébration eucharistique, mais évidemment le dimanche est le jour
de l'assemblée de la communauté de Corinthe et, par conséquent, certainement
aussi le jour de son culte. Enfin, nous trouvons en Apocalypse 1,10,
pour la première fois l'expression « Jour du Seigneur
» pour qualifier le dimanche. La nouvelle articulation chrétienne de la
semaine est modelée de façon claire. Le jour de la Résurrection est le Jour
du Seigneur et par conséquent aussi le jour de ses disciples, de l'Église. À
la fin du Ie siècle, la tradition est désormais clairement fixée, quand, par
exemple, la Didachè (vers l'an 100) dit comme une évidence: «
Le Jour
du Seigneur rassemblez-vous, rompez le pain et rendez grâce, après
avoir d'abord confessé vos péchés » (14,1). Pour
Ignace d'Antioche (mort vers
110), la vie « selon le Jour du Seigneur » est désormais la caractéristique
définitive des chrétiens face à ceux qui célèbrent le sabbat (Ad Magn.
9,1).
Il était logique qu'à la Célébration eucharistique soit liée
la liturgie de la Parole — lecture de l'Écriture, explication et prière -
initialement pratiquée dans la synagogue. Et donc, la formation du culte
chrétien, dans ses composantes essentielles, était achevée au début du IIe
siècle. Ce processus de développement fait partie de l'institution
elle-même. L'institution suppose - comme on l'a dit - la Résurrection et par
conséquent aussi la communauté vivante qui, sous la conduite de l'Esprit de
Dieu, donne au don du Seigneur sa forme dans la vie des fidèles.
Un archaïsme qui voudrait retourner avant la Résurrection et
à sa dynamique pour imiter seulement la dernière Cène, ne correspondrait pas
du tout à la nature du don que le Seigneur a laissé à ses disciples. Le jour
de la Résurrection est le lieu extérieur et intérieur du culte chrétien, et
l'action de grâce, comme anticipation créatrice de la Résurrection de la
part de Jésus, est la manière par laquelle, dans son don, il nous bénit et
il nous entraîne dans la transformation qui, à partir des dons, doit nous
gagner et se répandre sur le monde: « jusqu'à ce qu'il vienne » (1 Co
11,26).
Chapitre 5
La dernière Cène ►
Benoît XVI
1. La date de la dernière Cène
►
Benoît XVI
2. L'institution de l'Eucharistie ►
Benoît XVI
3. La théologie des paroles de l'institution ► Benoît
XVI
4. De la Cène à l'Eucharistie du dimanche matin
►
Benoît XV
Sources :Texte original des écrits du Saint Père Benoit XVI -
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 29.01.2023
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