Le pape Benoît XVI raconte l'après-concile
Vatican II |
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Rome, le 27 juillet 2007 -
(E.S.M.) - L'après-concile Vatican II rappelle
à Benoît XVI le "chaos total" qui suivit le Concile de Nicée, le premier
de l'histoire. C'est pourtant de ce Concile orageux qu'est venu le
"Credo". Et aujourd'hui ? Voici la réponse du Saint Père.
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Le pape Benoît XVI
et son auditoire -
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Le pape Benoît XVI raconte l'après-concile Vatican II
Tous contre tous: l'après-concile raconté par
Joseph Ratzinger, théologien et pape
Comme à Aoste pendant l’été 2005, Benoît XVI a voulu, au cours de ses
vacances de cette année dans les Alpes, rencontrer les prêtres de la région
et répondre à leurs questions.
Il l’a fait dans la matinée du mardi 24 juillet, à Auronzo di Cadore, dans
l’église Sainte-Justine Martyre, dans les Dolomites.
La rencontre, qui réunissait quelque deux cents prêtres des diocèses de
Bellune, Feltre et Trévise, a eu lieu à huis clos. Mais, le lendemain, le
bureau de presse du Vatican diffusait le texte de l’enregistrement.
Le pape Benoît XVI a répondu de manière spontanée à dix questions, portant
sur les sujets les plus divers.
Par exemple, à propos de la présence croissante, en
Italie et en Europe, d’immigrés non chrétiens, il a expliqué comment
concilier l’annonce de l’Évangile et le dialogue avec les autres religions,
en partant d’un "consensus sur les valeurs fondamentales exprimées dans les
dix commandements, résumées dans l’amour du prochain et dans l’amour de
Dieu".
A propos des catholiques divorcés et remariés,
il a surtout recommandé de préparer les couples à un "mariage naturel, selon
les vues du Créateur", en les libérant de l'idée répandue selon laquelle "il
est normal de se marier, de divorcer, de se remarier et personne ne pense
que cela aille contre la nature humaine", Et, en cas d’échec, il a encouragé
les prêtres à faire en sorte que les divorcés se sentent toujours "aimés par
le Christ et membres de l’Église, même s’ils sont dans une situation
difficile".
A propos de l’affrontement entre créationnisme et
évolutionnisme "comme s’ils s’agissait de deux alternatives qui
s’excluent mutuellement", il a expliqué que "cette opposition est une
absurdité parce que, d’une part, il y a de très nombreuses preuves
scientifiques en faveur de l'évolution", mais que, d'autre part "la doctrine
de l'évolution ne répond pas à la grande question: d’où vient tout ?". Et il
a invité ses auditeurs à relire
son Discours intégral de Ratisbonne: pour que "la raison s’ouvre
toujours davantage".
Mais la réponse la plus intéressante a été la dernière des dix. A un
prêtre qui se disait déçu parce que les très nombreux rêves qu’avait fait
naître en lui le Concile Vatican II s’étaient ensuite dissipés,
Benoît XVI a répondu en évoquant son expérience et ses
jugements sur le Concile et l’après-concile: les enthousiasmes du
début, les oppositions marquées entre ceux qui interprétaient le vrai
"esprit" du Concile comme une sorte de révolution culturelle et ceux qui, au
contraire, réagissaient contre le Concile lui-même, les changements d’époque
marqués par 1968 et 1989, la capacité de l’Église à continuer sur le bon
chemin, malgré tout, en silence et humblement...
On trouvera ci-après la transcription intégrale de la réponse de Benoît XVI
sur le Concile et l’après-concile:
"Nous avons tellement espéré, mais les
choses se sont révélées plus difficiles..."
par Benoît XVI
Question: Il me revient de poser la dernière question et je serais très tenté
d'en changer parce qu'il s'agit d'une question mineure et après neuf
échanges où Votre Sainteté a su trouver le chemin pour nous parler de Dieu
et nous conduire très haut, ce que je vais vous demander me semble presque
banal et pauvre. Il s'agit d'une question qui touche ceux de ma génération;
pour nous qui nous sommes préparés pendant les années du Concile, puis
sommes partis avec enthousiasme et peut-être aussi avec la prétention de
changer le monde, nous avons aussi beaucoup travaillé et aujourd'hui, nous
nous trouvons un peu en difficulté, parce que nous sommes fatigués, parce
que beaucoup de rêves ne se sont pas réalisés et aussi parce que nous nous
sentons un peu isolés. Les plus anciens nous disent: "Vous voyez que nous
avions raison d'être plus prudents" et les jeunes quelquefois nous traitent
de "nostalgiques du Concile". Notre question
est la suivante: "Pouvons-nous encore apporter un don à notre Église, en
particulier avec cet attachement aux personnes dont il nous semble qu'il
nous a caractérisés?". Aidez-nous à retrouver espérance et sérénité...
Réponse du pape Benoît XVI : Merci, c'est une question importante et que je
connais très bien. Moi aussi j'ai vécu les temps du Concile, en ayant été
dans la Basilique Saint-Pierre avec un grand enthousiasme et voyant comment
s'ouvraient de nouvelles portes et que cela paraissait réellement être la
nouvelle Pentecôte, où l'Église pouvait à nouveau convaincre l'humanité,
après l'éloignement du monde de l'Église des XIX et XX siècles, il semblait
que se rencontraient à nouveau l'Église et le monde et que renaissaient à
nouveau un monde chrétien et une Église du monde et véritablement ouverte au
monde.
Nous avons tant espéré, mais les choses en réalité se sont révélées
plus difficiles. Toutefois demeure le grand héritage du Concile, qui a
ouvert une route nouvelle, qui est toujours une magna charta du
chemin de l'Église tout à fait essentielle et fondamentale.
Mais pourquoi
les choses sont-elles allées ainsi ? Tout d'abord, je voudrais peut-être
commencer avec une remarque historique. Les temps d'un post-Concile sont
presque toujours très difficiles. Après le grand Concile de Nicée - qui est
pour nous réellement le fondement de notre foi, en effet nous confessons la
foi formulée à Nicée - n'a pas vu le jour une situation de réconciliation et
d'unité comme l'avait espéré Constantin, promoteur de ce grand Concile, mais
une situation réellement chaotique de conflits de tous contre tous.
Saint Basile dans son livre sur l'Esprit Saint compare
la situation de l'Église après le Concile de Nicée à une bataille navale de
nuit où personne ne connaît plus l'autre, mais tous sont contre tous.
C'était réellement une situation de chaos total: ainsi saint Basile
décrit-il avec des couleurs fortes le drame de l'après-Concile, de l'après-Nicée.
Puis cinquante ans après, lors du le Premier Concile de Constantinople,
l'empereur invite saint Grégoire de Nazianze à participer à celui-ci et
saint Grégoire de Nazianze répond: Non je ne viens pas, parce que je connais
ces choses, je sais que de tous les Conciles naissent seulement confusion et
conflits, et donc je ne viens pas. Et il n'y est pas allé.
Ainsi, ce n'est
pas maintenant rétrospectivement une surprise tellement grande comme elle
l'était pour nous dans un premier temps d'assimiler le Concile, ce grand
message. L'insérer dans la vie de l'Église, le recevoir pour qu'il devienne
vie de l'Église, le mettre en œuvre dans les diverses réalités de l'Église,
est une souffrance, et c'est seulement dans la souffrance que se réalise
également la croissance. Croître signifie toujours aussi souffrir, parce que
c'est sortir d'un état et passer dans un autre.
Et dans le concret de l'après-Concile,
nous devons constater qu'il y a deux grandes césures historiques.
Dans l'après-Concile,
la césure de 1968, le début ou
l'explosion - dirais-je - de la grande crise
culturelle de l'Occident. La génération de l'après-guerre s'était
éteinte, une génération qui après toutes les destructions et en voyant
l'horreur de la guerre, des combats et en constatant le drame de ces grandes
idéologies qui avaient réellement conduit les personnes vers le gouffre de
la guerre, nous avions redécouvert les racines chrétiennes de l'Europe et
nous avions commencé à reconstruire l'Europe sur ces grandes inspirations.
Mais avec la fin de cette génération, on constatait également tous les
échecs, les lacunes de cette reconstruction, la grande misère dans le monde
et ainsi commença, explosa la crise de la culture occidentale, je dirais une
révolution culturelle qui veut changer radicalement. Elle dit: non n'avons
pas créé en deux mille ans de christianisme un monde meilleur. Nous devons
reprendre à zéro de manière absolument nouvelle; le marxisme semble la
recette scientifique pour créer finalement le nouveau monde.
Et là, - disons
- dans ce grave et grand conflit entre la nouvelle et saine modernité,
voulue par le Concile, et la crise de la modernité, tout devient difficile
comme après le Concile de Nicée.
Une partie était de l'avis que cette
révolution culturelle était ce qu'avait voulu le Concile, elle confondait
cette nouvelle révolution culturelle marxiste avec la volonté du Concile;
elle disait: c'est cela le Concile. Dans leur lettre, les textes sont encore
un peu désuets, mais derrière les paroles écrites, il y a cet esprit, telle
est la volonté du Concile, nous devons faire ainsi. Et de l'autre côté,
naturellement, la réaction: de cette manière, vous détruisez l'Église. La
réaction - disons - absolue contre le Concile, l'anti-conciliarité et -
disons - une timide, humble recherche d'appliquer le véritable esprit du
Concile. Et comme le dit le proverbe "Si tombe un arbre, il fait beaucoup de
bruit, si pousse une forêt l'on n'entend rien parce que se développe un
processus sans bruit" et donc durant ces grands bruits du progressisme
erroné, de l'anti-conciliarisme, le chemin de l'Église grandit très
silencieusement, avec beaucoup de souffrance et aussi avec tant de pertes
dans la construction d'un nouveau passage culturel.
Puis la seconde césure en 1989. L'effondrement des régimes communistes, mais
la réponse ne fut pas le retour à la foi, comme on pouvait peut-être s'y
attendre, ce ne fut pas la redécouverte du fait que l'Église avait justement
apporté la réponse à travers le Concile authentique. La réponse fut en
revanche le scepticisme total, ce qu'on appelle la post-modernité. Rien
n'est vrai, chacun doit envisager sa manière de vivre; c'est le temps où
s'affirment un matérialisme, un scepticisme pseudo-rationaliste aveugle qui
finit dans la drogue, qui finit dans tous ces problèmes que nous connaissons
et ferme à nouveau les chemins de la foi, parce que cela est si simple, si
évident. Non, il n'y rien de vrai. La vérité est intolérante, nous ne
pouvons pas prendre ce chemin.
Voilà, dans les contextes de ces deux chocs
culturels, la première, la révolution culturelle de 1968, la seconde, la
chute pourrions-nous dire du nihilisme après 1989, l'Église, avec humilité,
au milieu des passions du monde et la gloire du Seigneur, suit sa route.
Sur
cette route, nous devons croître avec patience et nous devons à présent
apprendre d'une nouvelle façon ce que veut dire renoncer au triomphalisme.
Le Concile avait dit de renoncer au triomphalisme - et il avait pensé au
baroque, à toutes ces grandes cultures de l'Église.
L'on dit: commençons de
manière moderne, nouvelle.
Mais un autre triomphalisme avait grandi, celui
de penser: nous, à présent, nous faisons les choses, nous avons trouvé la
route et nous trouvons sur celle-ci un monde nouveau. Mais l'humilité de la
Croix, du Crucifié, exclut justement aussi ce triomphalisme, nous devons
renoncer au triomphalisme selon lequel naît à présent réellement la grande
Église de l'avenir. L'Église du Christ est toujours humble et c'est
précisément ainsi qu'elle est grande et joyeuse.
Il me semble très important
qu'à présent, nous puissions voir, les yeux grand ouverts, ce qu'il y a
également eu de positif dans l'après-Concile: dans le renouveau de la
liturgie, dans les synodes, les synodes romains, les synodes universels, les
synodes diocésains, dans les structures paroissiales, dans la collaboration,
dans la nouvelle responsabilité des laïcs, dans la grande coresponsabilité
interculturelle et intercontinentale, dans une nouvelle expérience de la
catholicité de l'Église, de l'unanimité qui croît dans l'humilité et
toutefois qui est la véritable espérance du monde.
Et ainsi, nous devons, me
semble-t-il, redécouvrir le grand héritage du Concile qui n'est pas un
esprit reconstruit derrière les textes, mais ce sont justement les grands
textes conciliaires relus à présent avec les expériences que nous avons eues
et qui ont porté du fruit dans de nombreux mouvements, de nombreuses
nouvelles communautés religieuses. Au Brésil, je suis arrivé en sachant que
se répandent les sectes et que l'Église catholique semble un peu sclérosée;
mais une fois là-bas, j'ai vu que presque chaque jour au Brésil naît une
nouvelle communauté religieuse, naît un nouveau mouvement, et les sectes ne
sont pas les seules à croître. L'Église croît avec de nouvelles réalités
pleines de vitalité, pas de manière à remplir les statistiques - cela est
une espérance fausse, la statistique n'est pas notre divinité - mais elles
croissent dans les âmes et elles créent la joie de la foi, elles créent la
présence de l'Evangile, elles créent de cette manière aussi le vrai
développement du monde et de la société.
Ainsi me semble-t-il que nous
devons conjuguer la grande humilité du Crucifié, d'une Église qui est
toujours humble et toujours entravée par les grands pouvoirs économiques,
militaires, etc., mais nous devons apprendre ensemble également avec cette
humilité le vrai triomphalisme de la catholicité qui croît dans tous les
siècles. La présence du Crucifié ressuscité, qui a et porte encore ses
blessures croît aujourd'hui encore; il est blessé, mais c'est précisément
ainsi qu'il renouvelle le monde, qu'il donne son souffle qui renouvelle
aussi l'Église malgré toute notre pauvreté. Et je dirais que, dans cet
ensemble d'humilité de la Croix et de joie du Seigneur ressuscité, qui dans
le Concile nous a donné un grand indicateur sur la route à suivre, nous
pouvons aller de l'avant avec joie et emplis d'espérance.
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Liens vers les textes intégraux de cette rencontre
collective et des précédentes, comportant des questions et les réponses de
Benoît XVI:
Avec les prêtres des diocèses de Bellune, Feltre et
Trévise, 24 juillet 2007 - texte italien
: ►
24 juillet 2007
Rencontre
du saint Père avec le clergé de Belluno- Feltre et Trévise: Réponse à 10
questions
►
C'est ici
Les photos des vacances
►C'est
ici
Avec les prêtres de Rome, 22 février 2007 :
Benoît XVI recommande les
exercices de
piété populaire:
(1)
►
Benoît XVI
Benoît XVI rappelle
aux jeunes
que Dieu est le Visage de la miséricorde: (2)
►
Benoît XVI
L'important
précise Benoît XVI
est de ne pas fractionner l'Écriture Sainte: (3) ►
Benoît XVI
La première règle, précise, Benoît XVI, est de ne
pas étouffer les charismes: (4) ►
Benoît XVI
Être pasteur, exprime Benoît XVI, est en soi un
acte spirituel : (5) ►
Benoît XVI
Avec les prêtres du diocèse d’Albano, 31 août 2006
: ►
Benoît XVI s'exprime sur l'avenir de l'Eglise
Avec les jeunes, Rome, 6 avril 2006 :
►
Benoît XVI
Avec les prêtres de Rome, 2 mars 2006 :
►
Benoît XVI a rencontré le clergé de son diocèse
Avec les enfants de la première communion, Rome, 15
octobre 2005 : ►
Benoît XVI
Avec les prêtres du diocèse d’Aoste, 25 juillet
2005
►
1ère partie de son discours - 25 juillet 2005
►
2ème partie de son discours - 25 juillet 2005
Le discours de Benoît XVI à la curie du 22 décembre
2005, sur l'interprétation du Concile Vatican II: ►
Benoît XVI
Sources:
La chiesa.it -
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 27.07.2007 - BENOÎT XVI |