Benoît XVI a rencontré le clergé de son diocèse
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ROME, Jeudi 2 mars. Benoît XVI a rencontré jeudi matin le clergé de son diocèse : rencontre affectueuse et à l’enseigne de la franchise de près de deux heures dans la salle des bénédictions du Vatican.
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Benoît XVI aux prêtres de son diocèse : 2 heures d'un fructueux dialogue
Rencontre du Pape Benoît XVI avec le clergé du diocèse de Rome au début du
Carême
Discours du Pape
Le jeudi 2 mars 2006, Benoît XVI a reçu en audience, dans la Salle des
Bénédictions, les membres du clergé du diocèse de Rome, à l'occasion de la
traditionnelle rencontre de début du Carême: "La relation fondamentale - dit le
Pape - est la relation avec le Créateur. Choisir Dieu: tel est l'essentiel. Un
monde vide de Dieu, un monde qui a oublié Dieu, perd la vie et tombe dans une
culture de la mort. Choisir la vie, faire le choix de la vie, signifie donc
avant tout choisir l'option-relation avec Dieu. Avec le Dieu qui a montré son
visage dans le Christ, qui a vaincu la haine sur la Croix, nous choisissons la
vie".
Interventions des prêtres
Quinze prêtres ont ouvert, au nom de tous leurs confrères, leur coeur au Saint-Père
Benoît XVI en lui manifestant leur joie pour cette rencontre. Parmi les nombreux
thèmes abordés figuraient le souvenir du pontificat de Jean-Paul II, la culture
de la vie, le rôle des mères et la famille, l'Adoration eucharistique,
l'expérience sacerdotale du Pape, l'évocation de Pie XII, la solidarité, le
martyre dans l'Eglise et la situation de l'Afrique, les jeunes, l'oecuménisme. Face à un "déficit d'espérance" que connaît notre monde, les prêtres sont venus
chercher auprès de Benoît XVI, des paroles d'orientation et d'espérance contenues dans
l'Encyclique Deus caritas est.
Discours du pape au clergé de Rome 2 mars
Texte intégral
Début mars, Benoît XVI a reçu les membres du clergé de Rome, au Vatican, comme
il a coutume de le faire en début de carême. Nous publions l'intégralité du
discours prononcé par le pape et, au-dessous, un résumé des interventions des
prêtres auxquelles Benoît XVI répond dans son discours.
Je prends la parole immédiatement, - commence d'emblée Benoît
XVI - sinon mon monologue risque de devenir trop
long, si j'attends la fin de toutes les interventions. Je voudrais avant tout
exprimer ma joie d'être ici avec vous, chers prêtres de Rome. C'est une joie
réelle: celle de voir tant de bons pasteurs au service du «
Bon Pasteur » ici,
au premier Siège de la chrétienté, dans l'Eglise qui « préside à la charité » et
qui doit être le modèle des autres Eglises locales. Merci pour votre service!
Nous avons l'exemple lumineux de Dom Andrea, qui nous indique ce que signifie «
être » prêtre jusqu'au bout : mourir pour le Christ au moment de la prière et
ainsi, témoigner, d'une part, de l'intériorité de sa propre vie dans le Christ
et, de l'autre, donner son témoignage pour les hommes dans un lieu réellement «
périphérique » du monde, entouré de la haine et du fanatisme. Il s'agit d'un
témoignage qui inspire chacun à suivre le Christ, à donner sa vie pour les
autres et à trouver, précisément ainsi, la Vie.
Voici les résumés des interventions des prêtres, proposés par
le site du Vatican auxquels Benoît XVI a répondu.
Q.1)
Le père Lucio Maria Zappatore, carme, curé de « Santa Maria Regina Mundi », à
Torre Spaccata (Secteur Est, XVIe Préfecture), a été le premier à prendre la
parole. «Très Saint-Père, a-t-il dit, c'est la première fois que nous nous
réunissons avec vous pour cette rencontre de carême. Je voudrais évoquer le
bien-aimé Serviteur de Dieu Jean-Paul II. La dernière fois que nous l'avons
rencontré, lors du carême 2004, il nous a salués avec les trois phrases en
dialecte romain qui sont désormais devenues célèbres: « Dàmose da fà ! » («
Remuons-nous ! »), « Volèmose bene! » (« Aimons-nous
! »), « Semo romani ! » («
On est des romains ! »), et qui ont fait le tour du monde ». «Quant à nous,
curés de Rome, a ajouté le père Lucia Maria, nous les conservons jalousement
dans nos cœurs, comme son testament spirituel. Mais à présent, nous devons
regarder devant nous. Aujourd'hui, c'est le nouveau pape que nous rencontrons.
J'ai voulu pour ma part percevoir un signe de continuité entre vous et votre
bien-aimé prédécesseur dans la phrase que vous avez prononcée lors des
funérailles du pape Karol Wojtyla. Une phrase qui a suspendu, l'espace d'un
instant, la tristesse de nos cœurs et a fait retentir la Place Saint-Pierre d'un
tonnerre interminable d'applaudissements, lorsque vous avez dit: «
Nous pouvons
être sûrs que notre pape bien-aimé est maintenant à la fenêtre de la Maison du
Père, qu'il nous voit et qu'il nous bénit ». A ce moment-là, a-t-il précisé,
nous avons tous réalisé que nous avions le nouveau pape devant nous ». A partir
de cette phrase, le religieux carme a composé un sonnet en dialecte romain qu'il
a dédié à Benoît XVI, intitulé « Na finestra su ner cielo » (Une fenêtre,
là-haut, dans le ciel).
R.1) Benoît XVI répond à cette première
intervention en se référant au pontificat du pape Jean-Paul II.
En ce qui concerne la première intervention, je voudrais
- a dit Benoît XVI - avant tout adresser un
grand merci pour cette merveilleuse poésie ! Il existe également des poètes et
des artistes dans l'Eglise de Rome, parmi les prêtres de Rome, et j'aurai encore
la possibilité de méditer et d'intérioriser ces belles paroles et de garder à
l'esprit le fait que cette « fenêtre » est toujours « ouverte ».
C’est peut-être
l'occasion de rappeler l'héritage fondamental du grand pape Jean-Paul II,
pour
continuer d'assimiler toujours plus cet héritage.
Hier, nous avons commencé le Carême. La liturgie d'aujourd'hui nous offre une
profonde indication de la signification essentielle du Carême: il s'agit d'un
indicateur sur le chemin de notre vie. C'est pourquoi il me semble — je parle en
me référant au pape Jean-Paul II — que nous devons insister un peu sur la
première Lecture de la journée d'aujourd'hui. Le grand discours de Moïse sur le
seuil de la Terre Sainte, après un pèlerinage de quarante ans dans le désert,
est un résumé de toute la Torah, de toute la Loi. Nous trouvons ici l'essentiel
non seulement pour le peuple juif, mais également pour nous. Cet élément
essentiel est la parole de Dieu: « Je te propose la vie ou la mort, la
bénédiction ou la malédiction; choisis donc la vie » (Dt 30, 19). Cette parole
fondamentale du Carême est également la parole fondamentale de l'héritage de
notre grand pape Jean-Paul II: choisir la vie. Telle est notre vocation
sacerdotale: choisir nous aussi la vie et aider les autres à choisir la vie. Il
s'agit de renouveler pendant le Carême, notre « option fondamentale » en quelque
sorte, l'option pour la vie.
Mais une question se pose immédiatement: comment choisit-on la vie? Comment
fait-on ? En réfléchissant, il m'est venu à l'esprit que la grande défection du
christianisme qu’a vécu l’Occident au cours des cent dernières années s’est
réalisée précisément au nom de l'option pour la vie. On a dit — je pense à
Nietzsche, mais également à tant d'autres — que le christianisme est une option
contre la vie. A travers la Croix, à travers tous les commandements, à travers
tous les « non » qu'il nous propose, il nous ferme la porte de la vie. Mais
nous, nous voulons avoir la vie, et nous choisissons, nous optons, finalement,
pour la vie en nous libérant de la Croix, en nous libérant de tous ces
commandements et de tous ces « non ». Nous voulons avoir la vie en abondance,
rien d'autre que la vie. Ici vient immédiatement en mémoire la parole de
l'Evangile d'aujourd'hui : « Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais
celui qui perdra sa vie pour moi la sauvera » (Lc 9, 24).
Tel est le paradoxe
que nous devons avant tout garder en mémoire dans l'option pour la vie. Ce n'est
pas en s’arrogeant la vie pour soi-même qu’on la trouve, mais seulement en la
donnant, ce n'est pas en ayant la vie et en la prenant, mais en la donnant,
qu’on peut la trouver. Tel est le sens ultime de la Croix: ne pas garder pour
soi, mais donner la vie.
Ainsi, Nouveau et Ancien Testament vont de pair. Dans la première Lecture du
Deutéronome, la réponse de Dieu est: « Écoute les commandements que je te donne
aujourd'hui: aimer le Seigneur ton Dieu, marcher dans ses chemins, garder ses
ordres, ses commandements et ses décrets. Alors, tu vivras et te multiplieras ;
le Seigneur ton Dieu te bénira dans le pays dont tu vas prendre possession »
(30, 16). A première vue, cela ne nous plaît pas, mais c’est le chemin: l'option
pour la vie et l'option pour Dieu sont identiques. Le Seigneur le dit dans
l'Evangile de saint Jean: « La vie éternelle, c'est de te connaître, toi » (Jn
17, 3). La vie humaine est une relation. Ce n'est qu'au sein d'une relation, et
non pas fermés sur nous-mêmes, que nous pouvons avoir la vie. Et la relation
fondamentale est la relation avec le Créateur, car les autres relations sont
fragiles. Choisir Dieu est donc l'essentiel. Un monde vide de Dieu, un monde qui
a oublié Dieu perd la vie et tombe dans une culture de la mort. Choisir la vie,
faire le choix de la vie, signifie donc avant tout choisir l'option-relation
avec Dieu. Mais la question suivante se pose aussitôt: avec quel Dieu ? Ici
encore, l'Evangile nous vient en aide: avec ce Dieu qui nous a montré son visage
dans le Christ, avec le Dieu qui a vaincu la haine sur la Croix, c'est-à-dire
dans l'amour jusqu'à la fin. Ainsi, en choisissant ce Dieu, nous choisissons la
vie.
Le pape Jean-Paul II nous a donné la grande encyclique
Evangelium
Vitae.
Il apparaît de façon visible, dans cette encyclique — qui est en quelque sorte
un tour d'horizon des problèmes de la culture actuelle, de ses espérances et de
ses dangers — qu'une société qui oublie Dieu, qui exclut Dieu, précisément pour
avoir la vie, tombe dans une culture de la mort. C'est précisément en voulant
avoir la vie que l'on dit « non » à l'enfant, car il ôte quelque chose à ma vie;
on dit « non » à l'avenir, pour avoir tout le présent
; on dit « non » tant à la
vie qui naît qu'à la vie qui souffre, qui va vers la mort. Cette apparente
culture de la vie devient l'anti-culture de la mort, dans laquelle Dieu est
absent, dans laquelle est absent le Dieu qui n'ordonne pas la haine, mais qui
vainc la haine. Ici, nous faisons le choix véritable de la vie. Tout est alors
lié: l'option la plus profonde pour le Christ crucifié avec l'option la plus
totale pour la vie, du premier jusqu’au dernier moment.
Cela me semble, d'une certaine façon, également le coeur de notre pastorale;
aider à faire un véritable choix pour la vie, renouveler la relation avec Dieu
comme la relation qui nous donne la vie et nous indique le chemin vers la vie.
Et ainsi, aimer à nouveau le Christ qui, de l'Etre le plus inconnu auquel nous
n'arrivions pas et qui demeurait énigmatique, est devenu un Dieu connu, un Dieu
au visage humain, un Dieu qui est amour. Nous gardons précisément à l'esprit ce
point fondamental pour la vie et nous considérons que dans ce programme est
présent tout l'Evangile, de l'Ancien au Nouveau Testament, qui a comme centre le
Christ. Le Carême, pour nous aussi, devrait être un temps pour renouveler notre
connaissance de Dieu, notre amitié avec Jésus, pour être ainsi capables de
guider les autres de façon convaincante à l'option pour la vie, qui est avant
tout une option pour Dieu. Nous devons comprendre clairement qu'en choisissant
le Christ, nous n'avons pas choisi la négation de la vie, mais nous avons
réellement choisi la vie en abondance.
L'option chrétienne est, au fond, très simple: il s'agit de l'option du « oui »
à la vie. Mais ce « oui » ne se réalise qu'avec un Dieu qui n’est pas inconnu,
avec un Dieu au visage humain. Il se réalise en suivant ce Dieu dans la
communion de l'amour. Ce que j'ai dit jusqu'à présent veut être une façon de
renouveler notre souvenir à l'égard du grand pape Jean-Paul II.
Q.2)
Le Père Flavio Allegro, de la congrégation de Saint-Joseph, curé de « San
Leonardo Murialdo » (Secteur Sud, XXIIIe Préfecture) a pris comme point de
départ sa rencontre, un après-midi, il y a dizaine d'années devant la crèche de
la Place Saint-Pierre, avec celui qui était alors le cardinal Joseph Ratzinger.
« Je suis venu à votre rencontre pour vous saluer, a-t-il raconté, et la foule
nombreuse qui était derrière nous, vous reconnaissant, a commencé à applaudir.
Alors, de manière très affable, en indiquant une dame âgé et fragile qui était
venue avec vous, vous aviez alors dit: Ne m'applaudissez donc pas, applaudissez
plutôt cette dame. C'est une mère de famille ». Le Père Allegro a voulu rappeler
l'épisode, pour demander, en tant que curé, une parole de réconfort et de joie:
« En nous souvenant de nos mères, a-t-il expliqué, de leur foi, de l'influence
et de la force spirituelle qu'elles ont apportées à notre formation humaine et
chrétienne, aidez-nous, Votre Sainteté, à parler aux mères de tous les enfants,
des jeunes qui fréquentent le catéchisme, souvent distraits et facilement
absents. Votre Sainteté, dites-nous un mot, que nous puissions ramener chez
nous, à ces mères de famille, pour que nous puissions leur dire: ‘voici ce que
vous dit le pape’ ».
R.2) Réponse de Benoît XVI au
sujet du rôle des mères et la famille.
Venons-en à présent à la deuxième intervention, si sympathique, à propos des
mères. Je dirais qu'à présent, je n'ai pas de grands programmes, de paroles que
vous puissiez transmettre aux mères. Dites simplement: le pape vous remercie !
Il vous remercie, car vous avez donné la vie, car vous voulez aider cette vie
qui grandit et vous voulez ainsi construire un monde humain, contribuant à un
avenir humain. Et vous le faites non seulement en donnant la vie biologique,
mais en communiquant le centre de la vie, en voulant faire connaître Jésus, en
introduisant vos enfants à la connaissance de Jésus, à l'amitié avec Jésus. Tel
est le fondement de toute catéchèse. Il faut donc remercier les mères, surtout
car elles ont eu le courage de donner la vie. Et il faut prier les mères de
compléter ce don de la vie par le don de l'amitié avec Jésus.
Q.3)
Dom Alberto Pacini est le Recteur de « Sant'Anastasia al Palatino », qui, de
1959 à 1999, fut confiée aux Bénédictins olivétains et qui durant le Jubilé de
l'an 2000, a été rouverte après être restée fermée 32 ans pour des travaux de
restauration. Depuis cinq ans, cette église est un lieu d'adoration
eucharistique perpétuelle, jour et nuit; elle est ouverte vingt-quatre heures
sur vingt-quatre. Le Très Saint Sacrement y est exposé à la vénération des
fidèles qui se succèdent. Cela a engendré 14 initiatives semblables, dont une à
Rome et les autres dans diverses régions d'Italie; elle est également le siège
d'un mouvement très actif d'évangélisation eucharistique. «
Ma proposition, ma
suggestion, mon souhait, mon aspiration, a dit le Recteur, serait que dans
chacun des cinq Secteurs de Rome il puisse y avoir une adoration eucharistique
perpétuelle, en considérant qu'on en trouve déjà six, au sein d'instituts
religieux, principalement du Secteur Ouest. C'est également dans se secteur que
se trouve la paroisse de la Mère de la Divine Providence. Etant donné que Rome
devrait tenir une place d'honneur dans la « charité eucharistique », a-t-il
ajouté, il serait souhaitable qu'il y ait de très nombreux lieux où, à travers
la rencontre avec l'Eucharistie, l'Eglise puisse se régénérer: vocations,
évangélisation, confessions, parce que là où le Christ est exposé, là où la
prière est incessante, le Seigneur attire à lui ses fils ».
R.3)
La troisième intervention était du recteur de l'église Sainte-Anastasie
soulignait Benoît XVI.
Je
voudrais dire ici, entre parenthèses, que l'église Sainte-Anasthasie m'était
déjà chère avant d’y rendre visite, car c'était l'église titulaire de notre cher
cardinal Faulhaber. Il nous a toujours dit qu'à Rome, il avait une église, celle
de Sainte-Anasthasie. Nous nous sommes toujours rencontrés avec cette communauté
à l'occasion de la deuxième Messe de Noël, consacrée à la « station » de sainte
Anasthasie. Les historiens disent que c'est là que le pape devait rendre visite
au gouverneur byzantin, qui y avait son siège. L'église nous fait penser
également à cette sainte, et également à l'« Anastasis »: à Noël, nous pensons
également à la Résurrection. Je ne savais pas, et je suis content d’en avoir été
informé, qu'à présent, cette église est le siège de l'«
Adoration perpétuelle
»;
il s'agit donc d'un point central de la vie de foi à Rome. Je place avec
confiance cette proposition de créer, dans les cinq secteurs du diocèse de Rome,
cinq lieux d'adoration perpétuelle, entre les mains du Cardinal-Vicaire. Je
voudrais simplement dire que je rends grâce à Dieu, car après le Concile, après
une période où le sens de l'adoration eucharistique manquait quelque peu, la
joie de cette adoration a été redécouverte partout dans l'Eglise, comme nous
l'avons vu et entendu au cours du Synode sur l'Eucharistie. Certes, à travers la
Constitution conciliaire sur la Liturgie, on a surtout redécouvert toute la
richesse de l'Eucharistie célébrée, dans laquelle se réalise le testament du
Seigneur: Il se donne à nous et nous répondons en nous donnant à Lui. Mais à
présent, nous avons découvert que cet aspect central que nous a donné le
Seigneur en pouvant célébrer son sacrifice et entrer ainsi en communion
sacramentelle, presque corporelle, avec Lui, perd de sa profondeur et également
de sa richesse humaine s'il manque l'Adoration, comme acte découlant de la
communion reçue : l'adoration consiste à entrer, au plus profond de notre cœur,
en communion avec le Seigneur, qui est présent de façon corporelle dans
l'Eucharistie. Dans l'Ostensoir, il se donne toujours entre nos mains, et nous
invite à nous unir à sa Présence, à son Corps ressuscité.
(Page sur Sainte-Anasthasie:
Soutien de Benoît XVI au projet d'adoration perpétuelle à Rome)
Q.4)
Dans sa brève intervention, Dom Andrea Lonardo, curé de « Santa Melania Juniore
» (Secteur Sud, XXVIIe Préfecture), a qualifié Benoît XVI de « Maître »
orientant la pensée vers une foi « pleinement humaine ». « Nous sommes toujours
touchés par vos interventions, a-t-il dit, par l'harmonie avec laquelle chaque
point retrouve son centre, ses relations, ses nœuds. Et cela d'autant plus à une
époque où tout est fragmenté. Cette capacité qui est la vôtre nous aide, parce
qu'elle est une synthèse vivante, et non abstraite, qui va à la rencontre de
l'homme du passé et de l'homme d'aujourd'hui; des non-croyants et des très
nombreuses autres manières de penser. Vous pourriez nous aider, a-t-il demandé
au Saint-Père, en évoquant pour nous la manière dont vous avez mûri, dont vous
avez compris, lorsque vous étiez encore séminariste, puis prêtre, lors de
nombreuses rencontres, l'importance de tout cela. Comment pouvons-nous mieux
comprendre ? Comment pouvons-nous grandir dans notre réalité de prêtres romains
? Comment pouvons-nous aider les laïcs à comprendre cette synthèse harmonieuse,
cette catholicité de la foi, qui ensuite va justement rencontrer, toucher,
éclairer la réalité de la vie de notre temps ? »
R.4) l'expérience sacerdotale du Pape.
A présent, venons-en à la quatrième question.
Si j'ai bien compris, - confie le pape Benoît XVI - mais je n'en
suis pas sûr, c'était la suivante: « Comment parvenir à une foi vivante, à une
foi réellement catholique, à une foi concrète, vive et efficace ? ». La foi, en
définitive, est un don. La première condition est donc de se laisser donner
quelque chose, de ne pas être auto-suffisants, de pas faire tout tout seul, car
cela n'est pas possible, mais de nous ouvrir, conscients du fait que le Seigneur
donne réellement. Il me semble que ce geste d'ouverture est également le premier
geste de la prière: être ouvert à la présence du Seigneur et à son don. C’est
aussi le premier pas lorsque nous recevons quelque chose que nous ne faisons pas
et que nous ne pouvons pas avoir par nous-mêmes. Ce geste d'ouverture, de prière
— donne-moi la foi, Seigneur ! — doit être réalisé de tout notre être. Nous
devons entrer dans cette disponibilité d'accepter ce don et de laisser ce don
imprégner notre pensée, nos sentiments, notre volonté. Il me semble très
important ici de souligner un point essentiel: personne ne croit, seul, par
lui-même. Nous croyons toujours dans et avec l'Eglise. Le credo est toujours un
acte partagé, qui nous introduit dans une communion de chemin, de vie, de
parole, de pensée. Nous n'« accomplissons » pas la foi, en ce sens que c'est
avant tout Dieu qui la donne. Mais nous ne l'« accomplissons » pas également
dans le sens où elle ne doit pas être inventée par nous. Nous devons nous
laisser entraîner, d’une certaine manière, dans la communion de la foi, de
l'Eglise. Croire est un acte catholique en soi. C'est une participation à cette
grande certitude, qui est présente dans le sujet vivant de l'Eglise. Ce n'est
qu'ainsi que nous pouvons également comprendre l'Ecriture Sainte dans la
diversité d'une lecture qui se développe depuis mille ans. Il s'agit d'une
Ecriture, car c'est l'expression de l'unique sujet — le Peuple de Dieu — qui, au
cours de son pèlerinage, est toujours le même sujet. Naturellement, il s'agit
d'un sujet qui ne parle pas de lui-même, mais c'est un sujet créé par Dieu —
l'expression classique est « inspiré » —, un sujet qui reçoit, puis qui traduit
et communique cette parole. Cette synergie est très importante. Nous savons que
le Coran, selon la foi islamique, est une parole donnée oralement par Dieu, sans
médiation humaine. Le Prophète n'y est pour rien. Il l'a uniquement écrite et
transmise. C'est la pure parole de Dieu. Tandis que pour nous, Dieu entre en
communion avec nous, il nous fait coopérer, il crée ce sujet et c'est dans ce
sujet que croît et se développe sa parole. Cette partie humaine est essentielle,
et nous donne également la possibilité de voir que les paroles individuelles ne
deviennent réellement Parole de Dieu que dans l'unité de toute l'Ecriture, dans
le sujet vivant du peuple de Dieu. Le premier élément est donc le don de Dieu;
le second est la participation à la foi du peuple en pèlerinage, la communion
dans la Sainte Eglise, qui, pour sa part, reçoit le Verbe de Dieu, qui est le
Corps du Christ, animé par la Parole vivante, par le Logos divin. Nous devons
approfondir, jour après jour, notre communion avec la Sainte Eglise et ainsi
avec la Parole de Dieu. Il ne s'agit pas de deux choses opposées, si bien que
nous ne pouvons pas dire: je préfère l'Eglise ou je préfère la Parole de Dieu.
On fait partie de l'Eglise, on devient membre de l'Eglise, et en même temps on
vit de la Parole de Dieu, qui est la force de vie dans l'Eglise. Et celui qui
vit de la Parole de Dieu ne peut la vivre que parce qu'elle est active et vitale
dans l'Eglise vivante.
Q.5)
Dom Gennaro Perucatti, salésien, vicaire de « San Giovanni Bosco » (Secteur Est,
XXe Préfecture) a parlé du pape Pie XII: « Le 2 mars 1876 naissait à Rome
Eugenio Pacelli et le 2 mars 1939, il était élu pape. Sur ce grand pape, il est
peut-être tombé un léger voile de silence. Eugenio Pacelli a été consacré évêque
par Benoît XV dans la Chapelle Sixtine, le 13 mai 1917, alors que Marie
apparaissait à Fatima et tandis que Marie de Cléophée, en Russie, était
assaillie par les cavaliers bolcheviques, qui assassinèrent les enfants du
catéchisme. Pie XII aimait la Vierge: il a été le pape du dogme de l'Assomption;
le pape de l'Année mariale. Il aimait les papes et il a été le dernier à
canoniser un Souverain Pontife, saint Pie X. Il aimait les jeunes, et il
canonisa Maria Goretti et Domenico Savio ». En s'adressant à Benoît XVI, le
prêtre salésien a poursuivi: « Nous devons véritablement beaucoup à ce Souverain
Pontife; et pourtant, il me semble qu'en descendant dans les Grottes Vaticanes,
l'on ne parvient plus à trouver sa tombe, car le parcours ne le permet pas. Et
sa tombe n'est pas fleurie.Votre Sainteté, redonnez-nous ce grand Souverain
Pontife Pastor angelicus, qui aimait l'Allemagne. D'ailleurs, les
Allemands aussi aimaient Pie XII, Nonce apostolique à Berlin ». « Votre
Sainteté, a-t-il conclu, nous souhaitons véritablement tous, qu'aux côtés des
Serviteurs de Dieu Jean-Paul II, Paul VI et Jean-Paul Ier, ainsi que du
Bienheureux Jean XXIII, nous puissions voir également Eugenio Pacelli, Pie XII
».
R.5)
La cinquième intervention concernait Pie XII.
Merci pour cette intervention.
C'était le pape de ma jeunesse. Nous l'avons tous vénéré. Comme nous l'avons dit
à juste titre, il a beaucoup aimé le peuple allemand, il l'a défendu également
au cours de la grande catastrophe après la guerre. Et je dois ajouter qu'avant
d'être Nonce à Berlin, il était Nonce à Münich, car au début, Berlin n'avait pas
encore de représentation pontificale. Il était même très proche de nous. Cela me
semble une occasion propice pour exprimer ma gratitude à tous les grands papes
du siècle dernier. Le siècle s'est ouvert avec saint Pie X, puis Benoît XV, puis
Pie XI, Pie XII, Jean XXIII, Paul VI, Jean-Paul Ier et Jean-Paul II. Il me
semble que cela représente un don spécial dans un siècle aussi difficile, avec
deux guerres mondiales, avec deux idéologies destructrices: le fascisme-nazisme
et le communisme. C'est précisément au cours de ce siècle, qui s'est opposé à la
foi de l'Eglise, que le Seigneur nous a donné une succession de grands papes, et
ainsi, un héritage spirituel qui a confirmé, dirais-je, historiquement, la
vérité du primat du successeur de Pierre.
Q.6)
Dom Paolo Ricciardi, curé de « Santa Silvia » (Secteur Ouest, XXIXe Préfecture),
est parti du présupposé que ces dernières années, le diocèse de Rome s'interroge
sur la manière de répondre au mieux aux demandes et aux besoins des familles
d'aujourd'hui. « Il faut, a-t-il dit, redonner vitalité à la famille, faire des
familles non l'objet, mais le sujet de la pastorale, en faisant de nos
communautés un milieu familial, dont personne ne se sente exclu. La famille est
menacée par le relativisme et par l'indifférence de notre époque; les enfants du
catéchisme manifestent sans s'en cacher, un fort désir de famille. Souvent, les
pères sont absents; les grands-parents ont beaucoup à faire; aujourd'hui,
certaines familles n'en ont plus que le nom et même au sujet de l'éducation, les
parents semblent résignés, en particulier lorsque les enfants arrivent à
l'adolescence. Il n'est pas facile aujourd'hui de soutenir et d'aider les
familles: dans les programmes pastoraux, nous essayons d'ouvrir, au-delà des
voies traditionnelles, de nouveaux chemins: la catéchèse familiale, les
rencontres avec les parents avant et après le baptême, les groupes familiaux. Je
crois toutefois que les familles d'aujourd'hui ont soif de rapports humains, de
redécouverte de relations; un besoin d'accueil et d'ouverture. Elles ont besoin
de prêtres experts en humanité, afin de reconnaître ce Dieu qui par amour s'est
fait homme, en partageant les joies et les difficultés de tout homme et qui
continuellement s'offre à chacun justement à travers la famille ». Le curé de « Santa Silvia » indique comme un domaine d'action extrêmement enrichissant,
l'accompagnement des fiancés vers le mariage. « Ils proviennent de situations
extrêmement diverses, beaucoup ne fréquentent plus la paroisse depuis la
Confirmation, voire depuis la Première Communion. Ils arrivent avec quelques
préjugés, mais ensuite ils se sentent accueillis, aimés et jamais jugés, ils
découvrent dans la communauté une source qui réanime chez beaucoup la foi. Les
cours de préparation au mariage deviennent alors des parcours de redécouverte de
Dieu et de l'Eglise; des parcours où la Parole de Dieu doit être annoncée et
partagée. Il faut proposer aux fiancés une annonce crédible et enthousiaste de
l'amour de Dieu, qu'ils seront appelés à manifester grâce au sacrement nuptial;
ils ont besoin, comme toutes les familles que nous rencontrons, de quelqu'un qui
non seulement leur parle de Dieu, mais qui parle à Dieu avec eux et écoute Dieu
avec eux. De très nombreux couples demandent ensuite à poursuivre sur le chemin
de la foi, même après le mariage et cela devient une voie précieuse qu'il faut
réinventer et parcourir même si elle est exigeante ». Dom Ricciardi estime
nécessaire d'accompagner immédiatement les nouveaux époux. « Il faut leur faire
ressentir leur importance, les aider à raviver la grâce du Sacrement, entrer
dans leurs maisons avec amitié également pour prier ensemble, pourquoi pas en
leur faisant rencontrer d'autres familles déjà en chemin depuis davantage de
temps. Etre proche des couples est une grâce également pour notre sacerdoce: les
deux vocations non seulement se complètent, mais ne peuvent se passer l'une de
l'autre ». Enfin, après avoir remercié le pape Benoît XVI, au nom des familles,
d’avoir consacré à l'amour sa première Encyclique, il a conclu en citant l'œuvre
théâtrale de Jean-Paul II, « La Boutique de l'Orfèvre » où celui-ci décrivait le
chemin serein ou difficile de trois couples d'époux qui avaient en commun
l'artisan de leurs alliances. « Votre Sainteté, a dit Dom Ricciardi, aidez-nous
à aider les familles à fixer le regard sur cet orfèvre qui pèse la foi des époux
à la balance de son amour ».
R.6)
L'intervention suivante consacrée à la famille provenait du curé de Santa
Silvia.
Ici, je ne peux qu'être entièrement d'accord. Dans les visites « ad
limina » également, je parle toujours avec les évêques, de la famille, menacée,
de diverses façons, dans le monde. Elle est menacée en Afrique, car on rencontre
des difficultés à passer du « mariage coutumier » au « mariage religieux » par
peur d'une situation définitive.
Tandis qu'en Occident, la peur de l'enfant est motivée par la crainte de perdre
quelque chose de la vie, là-bas, c'est le contraire: jusqu'à ce qu'il soit
prouvé que la femme aura des enfants, on ne peut oser le mariage définitif.
C'est pourquoi le nombre de mariage religieux demeure relativement bas, et de
nombreux « bons » chrétiens, qui ont une très grande volonté d’être chrétiens,
ne franchissent pas ce dernier pas. Le mariage est menacé également en Amérique
latine pour d'autres raisons, et il est fortement menacé, comme nous le savons,
en Occident. Nous devons aider d’autant plus, en tant qu'Eglise, les familles
qui représentent la cellule fondamentale de toute société saine. C’est le seul
moyen de créer dans la famille une communion des générations, dans laquelle la
mémoire du passé vit dans le présent et s'ouvre à l'avenir. Ainsi, la vie se
poursuit, se développe et va réellement de l'avant. Aucun véritable progrès
n'est possible sans cette continuité de vie, et, de même, sans l'élément
religieux. Sans la confiance en Dieu, sans la confiance dans le Christ qui nous
donne également la capacité de la foi et de la vie, la famille ne peut survivre.
Nous le voyons aujourd'hui. Seule la foi dans le Christ et seul le partage de la
foi de l'Eglise sauve la famille et, d'autre part, l’Eglise ne peut vivre que si
la famille est sauvée. Je ne possède pas de solution toute faite. Mais il me
semble que nous devons toujours garder cela à l'esprit. C'est pourquoi nous
devons faire tout notre possible pour sauvegarder la famille: cercles familiaux,
catéchèses familiales, enseigner la prière en famille. Cela me semble très
important: là où l'on prie ensemble, là où le Seigneur est présent, est présente
cette force qui peut également rompre la «sclérose», la dureté du cœur qui,
selon le Seigneur, est le véritable motif du divorce. Seule la présence du
Seigneur, nous aide à vivre réellement ce qui était voulu dès le début par le
Créateur et qui a été renouvelé par le Rédempteur. Enseigner la prière familiale
et ainsi, inviter à la prière avec l'Eglise. Et trouver ensuite d’autres moyens.
Q.7)
Le père Marco Valentini, vicaire paroissial de « San Girolamo a Corviale »
(Secteur Ouest, XXXIe Préfecture), a prononcé une intervention inspirée par la
rencontre avec une mère de famille et plusieurs sœurs engagées dans l'aide aux
prêtres en difficulté. « Cette expérience, a-t-il dit, m'a conduit à penser:
pourquoi ne pas associer également la femme au gouvernement de l’Eglise ? Du
reste, leur point de vue sur les décisions à prendre est différent du point de
vue masculin. La femme travaille souvent au niveau charismatique à travers la
prière ou au niveau pratique, comme l'a fait sainte Catherine de Sienne, qui a
ramené le pape à Rome. C'est pourquoi il faudrait réaffirmer son rôle, également
au niveau institutionnel et connaître le point de vue des femmes qui est
différent de celui des hommes, pour aider non seulement les prêtres en
difficulté, mais tous les prêtres lorsqu'ils doivent prendre des décision
difficiles ».
R.7) Je réponds à présent au vicaire de Saint-Jérôme
- je constate également qu'il
est très jeune — qui nous parle de ce qu'accomplissent les femmes dans l'Eglise,
également pour les prêtres. Je dois souligner que je suis toujours très
impressionné, dans le premier Canon, le Canon romain, par la prière spéciale
pour les prêtres: « Nobis quoque peccatoribus ». Voilà, dans cette humble
réalité des prêtres, nous, précisément en tant que pécheurs, nous prions le
Seigneur pour qu'il nous aide à être ses serviteurs. Dans cette prière pour les
prêtres, et seulement dans celle-ci, apparaissent sept femmes qui entourent le
prêtre. Celles-ci se présentent précisément comme les femmes croyantes qui nous
aident sur notre chemin. Chacun a certainement vécu cette expérience. Et ainsi,
l'Eglise a une grande dette de reconnaissance à l'égard des femmes. Et vous avez
justement souligné que, au niveau charismatique, les femmes font beaucoup,
j'oserais dire, pour le gouvernement de l'Eglise, à commencer par les
religieuses, par les sœurs des grands Pères de l'Eglise, comme saint Ambroise,
jusqu'aux grands noms du Moyen-âge — sainte Hildegarde, sainte Catherine de
Sienne, puis sainte Thérèse d'Avila — et jusqu'à Mère Teresa. Je dirais que ce
secteur charismatique se distingue certainement du secteur ministériel au sens
strict du terme, mais il s'agit d'une participation véritable et profonde au
gouvernement de l'Eglise. Comment pourrait-on imaginer le gouvernement de
l'Eglise sans cette contribution, qui devient parfois très visible, comme
lorsque sainte Hildegarde critique les évêques ou lorsque sainte Brigitte et
sainte Catherine de Sienne lancent des admonestations et obtiennent le retour
des papes à Rome? Il s'agit toujours d'un facteur déterminant, sans lequel
l'Eglise ne peut pas vivre. Toutefois, vous dites à juste titre: nous voulons
voir de manière plus visible, également de façon ministérielle, les femmes dans
le gouvernement de l'Eglise. Disons que la question est la suivante. Le
ministère sacerdotal du Seigneur est, comme nous le savons, réservé aux hommes,
dans la mesure où le ministère sacerdotal est un gouvernement au sens profond
qui, en définitive, est le Sacrement qui gouverne l'Eglise. Voilà le point
décisif. Ce n'est pas l'homme qui fait quelque chose, mais le prêtre fidèle à sa
mission qui gouverne, dans le sens où il est le Sacrement; c'est-à-dire, qu’à
travers le Sacrement c'est le Christ lui-même qui gouverne, que ce soit à
travers l'Eucharistie ou les autres Sacrements, et ainsi le Christ préside
toujours. Toutefois, il est juste de se demander si, dans le service ministériel
aussi — malgré le fait que le Sacrement et le charisme sont ici la voie unique
par laquelle se réalise l'Eglise —, on ne peut pas offrir plus de place, plus de
postes de responsabilité aux femmes.
Q.8) Mgr Lorenzo Minuti,
directeur de la Section romaine du GRIS (Groupe de recherche
et d'information socio-religieuse sur les sectes), auquel la Conférence
épiscopale italienne a confié la mission d'aider les victimes de sectes
religieuses à s'en sortir, a voulu remercier le pape Benoît XVI au nom de ces
victimes. « Je vous remercie, a-t-il dit, de vos condamnations répétées
relatives aux dommages provoqués par les sectes et je ne m'attarde donc pas sur
des faits que vous connaissez bien tels que: certains torts irrémédiables portés
à la foi; le naufrage de tant de familles, déchirées par l'adhésion de leurs
membres; les torts portés à la vie, à travers les innombrables suicides
provoqués par le climat de terreur et d'égarement entretenu volontairement ;
l'accaparement de biens. Tout cela est provoqué non par des doctrines élaborées,
mais par de simples et subtiles manipulations qui, en altérant l'histoire, la
Bible et des citations faisant autorité, demeurent bien cachées et
insoupçonnables; latentes mais efficaces, imaginées précisément pour faire
douter et pour impressionner afin d'obtenir une confiance mal placée. De très
nombreuses personnes naïves, a-t-il ajouté, incapables de reconnaître seules ces
artifices, se retrouvent comme les malheureux qui furent au mauvais moment sur
la route entre Jérusalem et Jéricho: ils ont besoin de l'aide de Samaritains
expérimentés et bien informés. Très Saint-Père, a-t-il demandé, cette
préparation de Samaritains qualifiés n'est-elle pas d'une urgente actualité?
Celle-ci n'aurait-elle pas sa place dans les séminaires, dans des cours
spécifiques de nos universités et dans la formation permanente du clergé qui
prend déjà soin des âmes ? ». Enfin, Mgr Minuti a cité un ancien antipape,
Hippolyte Romain, qui écrivait qu'à l'époque, à Rome, on enseignait sur des
thèmes religieux « dans une ombre complice » ; dans ce but, les membres du GRIS
demandent des bénédictions à Pierre pour rendre comme il le faut raison de leur
espérance.
R.8)
Je n'ai pas totalement compris les termes de la huitième intervention. En
substance, j'ai compris qu'aujourd'hui, l'humanité, en marchant de Jérusalem à
Jéricho, rencontre les voleurs sur son chemin. Le Bon Samaritain l'aide avec la
miséricorde du Seigneur. Nous pouvons seulement souligner que, à la fin, c'est
l'homme qui est tombé et qui retombe toujours parmi les voleurs, et c'est le
Christ qui nous guérit. Nous devons et nous pouvons l'aider, que ce soit
dans le
service de l'amour ou dans le service de la foi, qui est aussi un ministère
d'amour.
Q.9)
Le père Alfio D'Agostino, curé des «Santi Martiri dell'Uganda», «al Laurentino» (Secteur Sud, XXIIe Préfecture) a voulu partager son expérience
personnelle. Il a tout d'abord rappelé le 3 juin 1999 lorsque le cardinal Ruini
l'appela à sa charge actuelle. « Je rends aujourd'hui grâce à Dieu pour
l'enrichissement qu'a constitué pour moi cette expérience pastorale. Puis j'ai
pensé que le 3 juin est la fête des patrons de la paroisse, à laquelle
collaborent deux prêtres vicaires, un diacre qui sera ordonné prêtre le 7 mai et
un prêtre venu apporter son aide. Nous tentons, a-t-il conclu, de constituer un
presbyterium et de prier ensemble».
R.9)
Ensuite, les martyrs de l'Ouganda. Merci de cette contribution. Cela nous fait
penser au continent africain, qui est la grande espérance de l'Eglise. J'ai reçu
ces derniers mois une grande partie des évêques africains en visite « ad limina
». Cela a été très édifiant pour moi, et aussi réconfortant, de voir des évêques
de haut niveau théologique et culturel, des évêques zélés, qui sont réellement
animés par la joie de la foi. Nous savons que cette Eglise se trouve entre de
bonnes mains, mais qu’elle souffre, car les nations ne se sont pas encore
formées. En Europe, c'est précisément par l'intermédiaire du christianisme que,
au-delà des ethnies qui existaient, se sont formés les grands corps des nations,
les grandes langues, et ainsi des communions de cultures et des espaces de paix.
Même si, ensuite, ces grands espaces de paix se sont opposés entre eux et ont
aussi créé une nouvelle espèce de guerre qui n'existait pas auparavant.
Toutefois, en Afrique, dans de nombreuses régions, cette situation existe
encore, surtout là où il y a des ethnies dominantes. Le pouvoir colonial a
ensuite imposé des frontières, entre lesquelles doivent à présent se former des
nations. Mais il existe encore cette difficulté à se retrouver dans un grand
ensemble et à trouver, au-delà des ethnies, l'unité du gouvernement démocratique
et également la possibilité de s'opposer aux abus coloniaux qui continuent. De
plus, l’Afrique continue à être, toujours de la part des grandes puissances,
l'objet d'abus, et de nombreux conflits n'auraient pas pris cette forme sans la
présence des intérêts des grandes puissances. J'ai pu constater aussi que
l'Eglise, dans toute cette confusion, avec son unité catholique, est le grand
facteur qui unit face à la dispersion. Dans de nombreuses situations, surtout
après la grande guerre dans la République démocratique du Congo, l'Eglise est
restée l'unique réalité qui fonctionne et qui permet que la vie se poursuive,
qui apporte l'assistance nécessaire, qui garantit la coexistence et qui aide à
trouver la possibilité de réaliser un grand ensemble. C'est pourquoi, dans ces
situations, l'Eglise accomplit également un service remplaçant l’action
politique, dans la mesure où elle donne la possibilité de vivre ensemble et de
reconstruire, après les destructions, la communion, de reconstruire l'esprit de
réconciliation, après que la haine ait éclaté. De nombreuses personnes m'ont dit
que, précisément dans ces situations, le Sacrement de la Pénitence est d'une
grande importance comme force de réconciliation et doit également être
administré dans ce sens. Je voulais, en un mot, dire que l'Afrique est un
continent de grande espérance, de grande foi, de réalités ecclésiales
émouvantes, de prêtres et d'évêques zélés. Mais c'est également toujours un
continent qui a besoin — après les destructions que l'Europe y a causées — de
notre aide fraternelle. Celle-ci ne peut que naître de la foi, qui crée
également la charité universelle au-delà des divisions humaines. Telle est notre
grande responsabilité en ce temps. L'Europe a importé ses idéologies, ses
intérêts, mais elle a également importé, avec la mission, le facteur de la
guérison. Aujourd'hui, nous avons encore davantage la responsabilité d'avoir
nous aussi une foi zélée, qui puisse être communiquée, qui veut aider les
autres, qui est bien consciente que donner la foi ne signifie pas introduire une
force d'aliénation, mais apporter le don véritable dont l'homme a besoin,
précisément pour être aussi une créature de l'amour.
Q.10)
Le Père Damiano La Manna, des Carmes Déchaux, est vicaire de « Santa Teresa
d'Avila » et animateur du Mouvement des Carmes à Rome: ces trois services, ces
trois obédiences, a-t-il expliqué, « me rendent heureux de ma vocation à la vie
religieuse, à l'Eglise diocésaine et à un mouvement ecclésial, et me font
également poser sur la situation de Rome un regard préoccupé. Je pense suivre le
Seigneur dans l'obéissance aux activités normales d'une paroisse; aux
rencontres, à l'animation de la catéchèse avec les enfants; aux jeunes familles,
avec une préoccupation particulière pour les adolescents. J'ai entendu dire, il
y quelques temps, qu’on a pu définir les jeunes comme une “périphérie de
l'humain”. Lorsque j'en parle avec d'autres frères ou des laïcs qui s'occupent
de la jeunesse, j'ai l'occasion de dire qu'ici à Rome, la “périphérie de
l'humain” se touche à pleine main et quelquefois, les familles également
semblent être à la “périphérie de l'humain”, comme en ce qui concerne les
enfants qui sont à la “périphérie des familles”. A la mort du père Andrea Santoro, je me suis dit qu'il serait beau de mourir ainsi; puis je me suis dit
qu'il est beau de mourir également comme vicaire qui se consume de ne pas avoir
l'opportunité de voir tant de jeunes venir à la Messe. Cette “périphérie” doit
être combattue également dans le chemin que parcourt l'Eglise. Très Saint-Père,
dans votre Encyclique, vous concluez par une exhortation à regarder les exemples
de sainteté chrétienne. Jean-Paul II a consacré plusieurs passages de Novo
millennio ineunte à la nécessité d'une pastorale qui soit une pastorale
mystique, où le cœur de l'homme doit être conduit à “tomber amoureux du
Seigneur”». Et il concluait: « Je crois que nous devons rapprocher nos fidèles,
en particulier les plus jeunes, du centre de l'Eglise. Rome vit cette
contradiction: tout semble proche, mais en s'éloignant d'à peine trois
kilomètres, l'on se croirait en une lointaine périphérie. Je crois que nous
devons apprendre à remettre en jeu nos charismes — prêtres, laïcs, religieux —
au service de la catéchèse. Peut-être devons-nous recommencer à regarder les
saints: à les contempler, à les aimer et à nous laisser conduire par eux ».
R.10)
Le dernier point était celui abordé par le vicaire de l'ordre des Carmes, de
Sainte-Thérèse d'Avila, qui nous a révélé à juste titre ses préoccupations.
Un
simple optimisme superficiel qui ne tiendrait pas compte des grandes menaces à
l'égard des jeunes d'aujourd'hui, des enfants, des familles, serait certainement
erroné. Nous devons percevoir avec un grand réalisme ces menaces qui naissent là
où Dieu est absent. Nous devons sentir toujours davantage notre responsabilité,
afin que Dieu soit présent, et ainsi, l'espérance et la capacité d'avancer avec
confiance vers l'avenir.
Après les réponses de Benoît XVI aux dix
premières interventions
Le père Giacomo Martinelli, délégué pastoral de l'Académie pontificale de l'Immaculée, a
pris la parole. Il a rappelé que le jeudi — dans le cadre de la présentation de
l'Encyclique Deus caritas est à Saint-Jean-de-Latran — le Prof. Andreoli,
psychiatre et psychologue, avait soutenu que les victimes du « désert d'amour »
actuel sont les adolescents, parce qu'ils souffrent terriblement du manque
d'amour qu'il y a dans le monde. En décrivant les jeunes « dissociés
intérieurement » et comme des « adolescents en rupture », il soulignait leur
double souffrance: causée à la fois par la peur d'être seuls et par le poids du
sentiment d'être incompris. Ces deux mots, solitude et incompréhension
— a
rappelé le père Martinelli — « je les avais également entendus lors de la
rencontre de Benoît XVI cet été avec les prêtres du Val d'Aoste. Ils avaient
manifesté cette solitude et cette incompréhension de leur identité et de leur
fonction ecclésiale. Cela m'a fait penser, a-t-il poursuivi, que nous, prêtres,
avons nous aussi du mal à passer “de l'amour de soi au don de soi”. C'est
pourquoi, comme il existe des “couples brisés”, il existe peut-être aussi des
“prêtres brisés”, qui souffrent de cette incapacité. Parce qu'il est vrai que
nous souffrons, que nous sommes exposés, nous qui devons être des
“professionnels” de l'agape. Nous vous demandons alors, Votre Sainteté:
comment pouvons-nous durablement demeurer dans la plénitude d'amour nécessaire
pour pouvoir demeurer durablement dans le don total de nous-mêmes ? ». En se
référant ensuite à l'homélie de Benoît XVI du 8 décembre dernier — qui est «
presque une Encyclique » — le père Martinelli a rappelé l'image de la « goutte
de venin qui est dans le cœur des hommes et dont Marie a été exemptée ». « Pour
ma part, a-t-il commenté, ce fut une nouveauté de découvrir que dans le principe
pétrinien et dans le principe marial (qui sont fondateurs de l'Eglise comme il y
est fait allusion en parlant d'« institution » et de « charisme ») en réalité
l'un est sous-jacent à l'autre; il faut vivre l'institutionnalité sous cet
aspect, dans la positivité avec laquelle la Vierge façonne, d'un point de vue
ecclésial, ceux qui revêtent la dimension institutionnelle. C'est pourquoi,
a-t-il conclu, l'on peut exercer le charisme ministériel seulement au sein de
cette communion, que l'on apprend de la Vierge ».
Ensuite est intervenu le père Carmelo Vitrugno, carme, aumônier de l'hôpital «
Sandro Pertini » qui en 2000 a été confié à la protection du prophète Elie,
carrefour entre les religions monothéistes ; un hôpital laïc, où il n'y a pas de
sœurs, mais où est menée une expérience de volontariat laïc chrétien. Le prêtre
a adressé au Saint-Père la salut de ses confrères qui travaillent dans le milieu
hospitalier, des malades, des professionnels de la santé et des assistants
spirituels. Ensuite, le père Vitrugno, tout en reconnaissant ne pas être un
expert dans le domaine des communications sociales, a dénoncé les graves dégâts
provoqués par la « mère-télévison » devenue une « très dangereuse marâtre ». «
L'Eglise doit se réveiller de sa torpeur, a-t-il dit, et engager ses meilleures
énergies: laïcs, hommes et femmes, prêtres et évêques qui sont disposés à être
sel, lumière et levain dans ce domaine. Il faut humaniser et évangéliser les
mass media; et à travers les mass media continuer à évangéliser ». Le second
thème de son intervention se rattachait davantage à la pastorale de la santé. «
Nous vous demandons une parole d'encouragement, a-t-il demandé, une parole pour
les séminaristes, pour ceux qui sont en train de se former; parce que l'Eglise
doit aujourd'hui jouer la carte gagnante qui est toujours la sienne: car Jésus
est venu pour guérir l'homme de manière radicale ». Enfin, le chapelain a invité
le Saint-Père à rendre visite à l'hôpital « Sandro Pertini ».
Le père Egidio Motta, curé de « Santi Francesco e Caterina Patroni d'Italia »
(Secteur Ouest, XXXe Préfecture), a eu la joie, au mois de septembre dernier, de
participer avec celui qui était alors évêque auxiliaire, Mgr Apicella, avec
l'évêque élu, Mgr Tuzia, et d'autres prêtres romains, à une rencontre œcuménique
accueillie par le patriarcat grec orthodoxe d'Athènes à l'initiative du Conseil
pontifical pour la Promotion de l'Unité des Chrétiens. « Je rends grâce au
Seigneur de m'avoir offert cette précieuse expérience de dialogue extrêmement
enrichissante pour moi, a-t-il dit, ainsi que pour la retombée qu'elle a sur la
pastorale ordinaire de la vie paroissiale. Non seulement parce qu'il y a dans
nos paroisses une présence orthodoxe à travers les personnes immigrées, le plus
souvent des aides à domicile pour les personnes âgées, et des personnes
appartenant à d'autres confessions; mais également pour la variété de
convictions que nous rencontrons chaque jour chez les personnes qui viennent
vers nous. Je crois, a-t-il ajouté, que notre existence de prêtres exige d'être
capables de fuir toutes les tentations d'isolement, d'oppositions, et
d'instaurer un dialogue franc et serein avec tous ». Le père Motta a ensuite
exprimé sa gratitude à Benoît XVI pour la rencontre. « Je vous demande, a-t-il
conclu, de nous aider à travers des initiatives analogues et à travers votre
parole; afin d'être des personnes capables de dialoguer avec tous ».
Le père Paolo Agosto Lojudice, ancien curé, est depuis quelques mois directeur
spirituel au Grand Séminaire pontifical romain. Il s'est arrêté sur deux tâches:
tout d'abord le travail de la « charité pastorale », un thème tiré de
l'Encyclique Deus caritas est, en particulier dans la seconde partie. «
Vous êtes, a-t-il dit, extrêmement éclairant: je me suis retrouvé dans de très
nombreux aspects, parce que vous nous invitez à une charité directe, qu'il ne
faut pas attendre mais rechercher: il ne faut pas accueillir le pauvre lorsque
l'occasion s'en présente, mais il faut aller au devant de lui, il faut faire
quelque chose de concret pour lui. Nos paroisses à Rome constituent toutes des
présences significatives; une puissance qui n'est pas indifférente dans le tissu
social, alors je me pose une question, et je vous la pose: est-il opportun,
est-il nécessaire de mettre également à disposition nos locaux, les espaces dont
nous disposons pour en faire des lieux d'accueil, à la lumière du primat de la
charité ? ».
En second lieu, il a évoqué le « travail éducatif » à accomplir. Aujourd'hui,
a-t-il expliqué, « les prêtres ont des difficultés à transmettre la foi, en
particulier aux nouvelles générations, à tous les niveaux: des enfants qu'il
faut éduquer aux sacrements jusque chez les plus grands; et même chez les jeunes
qui fréquentent les groupes paroissiaux, lorsque nous nous rendons compte du
nombre de ceux qui souffrent de conduire une double vie, se comportant d'une
certaine manière à la paroisse et d'une autre à l'extérieur, avec tant de
duplicités. Alors je me demande — à la lumière de mon engagement actuel dans le
diocèse — pourquoi chaque curé attend-il toujours un vicaire jeune et doué
lorsqu'il y a un remplacement ? Moi aussi j'ai vécu cette expérience. Alors
quelquefois les attentes sont déçues. Pourquoi ? Nous sommes pourtant sortis du
même séminaire, quelquefois à très peu d'années de distance. Peut-être
avons-nous des attentes disproportionnées à l'égard des jeunes prêtres ? ou
peut-être la formation est-elle en partie mal adaptée; ou alors, nous oublions
que la formation ne peut pas se limiter au petit nombre d'années passées au
séminaire, mais qu'elle doit être poursuivie et que le curé est justement
responsable de la formation du jeune prêtre ? ». D'où la demande sur ce dont a
besoin le séminaire diocésain pour être vraiment formateur, c'est-à-dire pour
être capable de « donner forme » au prêtre, selon le cœur de Dieu. La conclusion
du père Lojudice est un souhait: « Sainteté, a-t-il dit, vous faites combattre
toute l'Eglise au service de la Vérité. Et cela comporte des risques, des
mauvaises humeurs, des critiques. C'est pourquoi je demande à Dieu qu'il fasse
que nous soyons tous unis dans cette lutte au service de la Vérité, sans
gaspiller les énergies, sans s'égarer dans de vaines discussions à un moment
historique particulier où l'unité est vraiment indispensable ».
Enfin, le père Marco Gnavi, Secrétaire de la Commission diocésaine pour
l'œcuménisme et le dialogue, a parlé « du grand déficit d'espérance » qu'il y a
aujourd'hui dans le monde: « Sainteté, a-t-il dit, vous avez évoqué plusieurs
lieux où règne la culture de la mort, des continents qui attendent de renaître.
En pensant au père Andrea Santoro et à tant d'autres chrétiens, je voudrais dire
que croire dans l'Eglise et avec l'Eglise catholique signifie répondre à ce
“déficit d'espérance” en retrouvant uniquement ce qui est nécessaire, et que
vous nous avez indiqué dans Deus caritas est ». Le prêtre a raconté sa
récente rencontre avec de jeunes pakistanais « qui vivent dans un contexte de
minorité en aimant les pauvres avec bonheur et en ayant pour centre la liturgie
de l'Eglise ». Contre la tentation de répéter que « transmettre la foi est plus
difficile aujourd'hui », le prêtre a invité à « se recentrer sur l'amour
convaincant dont le pape Benoît XVI a parlé tout au long de l'Encyclique Deus caritas
est ». Pour les prêtres en particulier, il n'y a pas que des raisons
extérieures. On trouve parfois un sécularisme des chrétiens. Votre Sainteté
elle-même l’a rappelé. Pour les prêtres, ce n'est que dans la contemplation
qu'il est possible de comprendre intimement l'autre ». « Cette indication, a
conclu le père Gnavi, vaut également pour nous prêtres de Rome, afin d'être plus
croyants; c'est un moyen simple pour être plus chrétiens, avec vous, et pénétrer
ainsi dans une compréhension de la réalité qui vient de cette contemplation ».
Après l'intervention de cinq autres prêtres, le pape Benoît
XVI a conclu son
discours ainsi:
Je reprends à présent la parole, en commençant par l'Académie pontificale.
Ce
que vous avez dit sur le problème des adolescents, sur leur solitude et sur
l'incompréhension de la part des adultes, trouve en nous un écho concret
aujourd'hui. Il est intéressant de voir que ces jeunes, qui, dans les
discothèques cherchent à être très proches les uns des autres, souffrent en
réalité d'une grande solitude, et naturellement aussi d'incompréhension. Cela me
semble, d'une certaine façon, l'expression du fait que les pères, comme on l'a
dit, sont en grande partie absents de la formation de la famille. Mais les mères
aussi doivent travailler à l'extérieur. La communion entre eux est très fragile.
Chacun vit dans son monde: ce sont des îlots de la pensée, du sentiment, qui ne
s'unissent pas. Le grand problème propre à notre époque —
dans lequel chacun, en
voulant avoir sa vie pour soi, la perd parce qu'il s'isole et isole l'autre de
lui — est de retrouver la profonde communion qui, à la fin, ne peut venir que
d'un fond commun à toutes les âmes, de la présence divine qui nous unit tous. Il
me semble que la condition est de surmonter la solitude et également de
surmonter l'incompréhension, car celle-ci est aussi le résultat du fait que
la
pensée est aujourd'hui fragmentée. Chacun cherche sa façon de penser, de vivre,
et il n'y a pas de communication dans une vision profonde de la vie. La jeunesse
se sent exposée à de nouveaux horizons qui n'ont pas été transmis par la
génération précédente, car il manque la continuité de la vision du monde, pris
dans une séquence toujours plus rapide de nouvelles inventions. En dix ans ont
été réalisés des changements qui, par le passé, ne s'étaient même pas produits
en cent ans. C'est ainsi que se séparent réellement deux mondes. Je pense à ma
jeunesse et à la naïveté, si je puis dire, dans laquelle nous avons vécu, dans
une société entièrement agricole, par rapport à la société d'aujourd'hui. Nous
voyons que le monde change toujours plus rapidement, si bien qu'il se fragmente
également à cause de ces changements. C'est pourquoi, dans un moment de
renouveau et de changement, l'élément de la permanence devient plus important.
Je me souviens lorsque la Constitution conciliaire «GAUDIUM
ET SPES» a été
discutée. D'une part, il y avait la reconnaissance de l’aspect nouveau, de la
nouveauté, le « oui » de l'Eglise à l'époque nouvelle avec ses innovations, le «
non » au romantisme du passé, un « non » juste et nécessaire. Mais ensuite les
Pères — on en trouve également la preuve dans le texte — ont également dit que
malgré cela, malgré la disponibilité nécessaire à aller de l'avant, à abandonner
d'autres choses qui nous étaient chères, il y a quelque chose qui ne change pas;
c'est ce qui est humain, lié à l'état de créature. L'homme n'est pas entièrement
historique. Donner à l'histoire un caractère absolutiste, au sens où l'homme ne
serait toujours qu'une créature fruit d'une certaine période, ne correspond pas
à la vérité. Il y a la condition de créature et celle-ci nous donne précisément
la possibilité de vivre dans le changement ou de rester identiques à nous-mêmes.
Il ne s'agit pas d'une réponse concrète à ce que nous devons faire,
mais il me semble que que le premier pas est d'établir
un diagnostic.
Pourquoi cette solitude
dans une société qui, d’autre part, apparaît comme une société de masse ?
Pourquoi cette incompréhension dans une société dans laquelle tous cherchent à
se comprendre, où la communication signifie tout et où la transparence de tout à
tous est la loi suprême? La réponse se trouve dans le fait que nous voyons le
changement dans notre propre monde et que nous ne vivons pas suffisamment
l'élément qui nous relie tous, l'élément de notre condition de créature, qui
devient accessible et qui devient réalité dans une certaine histoire:
l'histoire du Christ, qui
n'est pas contre la condition de créature, mais qui restitue ce qui était voulu
par le Créateur, comme le dit le Seigneur à propos du mariage.
Le christianisme, précisément en soulignant l'histoire et la religion comme une
donnée historique, donnée dans une histoire, à commencer par Abraham, et donc
comme une foi historique, ayant ouvert sa porte à la modernité avec son sens du
progrès, de la marche constante en avant, est aussi, dans le même temps, une foi
qui se base sur le Créateur, qui se révèle et se rend présente dans une histoire
à laquelle il donne sa continuité, donc la possibilité de communication entre
les âmes. Je pense donc, ici aussi, qu'une foi vécue en profondeur et avec toute
l'ouverture à l'égard du moment actuel, mais aussi avec toute l'ouverture à
l'égard de Dieu, unit les deux choses: le respect de l'altérité et de la
nouveauté, et la continuité de notre être, la communicabilité entre les
personnes et les temps.
L'autre point était: comment pouvons-nous vivre la vie comme un don ? C'est une
question que nous nous posons surtout à présent, pendant le Carême. Nous voulons
renouveler l'option pour la vie qui est, comme je l'ai dit, une option pour ne
pas se posséder soi-même mais pour se donner soi-même. Il me semble que nous ne
pouvons le faire que grâce à un dialogue permanent avec le Seigneur et à un
dialogue entre nous. Grâce également à la « correctio fraterna » il est
nécessaire de mûrir toujours plus face à une capacité de vivre le don de
soi-même toujours insuffisante. Mais il me semble que, ici aussi, nous devons
unir les deux choses. D'une part, nous devons accepter nos insuffisances avec
humilité, accepter ce « moi » qui n'est jamais parfait, mais qui tend toujours
vers le Seigneur pour arriver à la communion avec le Seigneur et avec tous.
Cette humilité d'accepter également ses propres limites est très importante. Ce
n'est qu'ainsi, d'autre part, que nous pouvons grandir, mûrir et prier le
Seigneur pour qu'il nous aide à ne pas nous fatiguer sur le chemin, tout en
acceptant avec humilité que nous ne serons jamais parfaits, en acceptant aussi
l'imperfection, surtout de l'autre. En acceptant la sienne, on peut accepter
plus facilement celle de l'autre, en nous laissant former et réformer sans cesse
par le Seigneur.
A présent les hôpitaux. Merci pour le salut qui vient des hôpitaux. Je ne
connaissais pas la mentalité selon laquelle un prêtre se retrouve dans la
situation d'exercer son ministère dans un hôpital parce qu'il a fait quelque
chose de mal. J'ai toujours pensé que le service premier du prêtre est de
servir les malades, les personnes qui souffrent, car le Seigneur est surtout
venu pour être avec les malades. Il est venu pour partager nos souffrances et
pour nous guérir. A l'occasion de leur visite « ad limina », je dis toujours aux
évêques africains que les deux piliers de notre travail sont
l'éducation —
c'est-à-dire la formation de l'homme, qui implique de nombreuses dimensions
comme l'éducation pour apprendre, le professionnalisme, l'éducation à l'intimité
de la personne — et la guérison. Le service fondamental, essentiel de l'Eglise
est donc celui de guérir. C'est précisément dans les pays africains que se
réalise tout cela: l'Eglise offre la guérison. Elle présente les personnes qui
aident les malades, qui aident à guérir dans le corps et dans l'âme. Il me
semble donc que nous devons voir précisément dans le Seigneur, notre modèle de
prêtre pour guérir, pour aider, pour assister, pour accompagner vers la
guérison. Cela est fondamental pour l'engagement de l'Eglise; cela est la forme
fondamentale de l'amour et cela est donc l'expression fondamentale de la foi. En
conséquence, cela est aussi le point central du sacerdoce.
Je réponds ensuite au vicaire des Saints-Patrons d'Italie, qui nous a parlé du
dialogue avec les orthodoxes et du dialogue œcuménique en général. Dans la
situation mondiale actuelle, nous voyons que le dialogue est fondamental à tous
les niveaux. Il est encore plus important que les chrétiens ne soient pas
renfermés sur eux-mêmes, mais ouverts, et précisément dans les rapports avec les
orthodoxes je vois à quel point les relations personnelles sont fondamentales.
Du point de vue de la doctrine, nous sommes essentiellement unis sur tous les
points fondamentaux. Toutefois, toujours dans ce domaine, il semble très
difficile d'accomplir des progrès. Mais se rapprocher dans la communion, dans
l'expérience commune de la vie de foi, constitue la façon de se reconnaître
réciproquement comme des fils de Dieu et des disciples du Christ. Telle est mon
expérience depuis au moins quarante ans, presque cinquante ans: cette expérience
de partager la condition de disciples, que nous vivons finalement dans la même
foi, dans la même succession apostolique, avec les mêmes sacrements et donc
aussi avec la même grande tradition de prière; cette diversité et cette
multiplicité des cultures religieuses, des cultures de foi est très belle. Avoir
vécu cette expérience est fondamental et il me semble que la conviction de
certains, d'une partie des moines du Mont Athos contre l'œcuménisme, découle
aussi du fait de l'absence de cette expérience dans laquelle on voit et on se
rend compte concrètement que l'autre aussi appartient au même Christ, appartient
à la même communion avec le Christ dans l'Eucharistie. Cela est donc d'une
grande importance: nous devons supporter la séparation qui existe. Saint Paul
dit que les schismes sont nécessaires pendant un certain temps et que le
Seigneur sait pourquoi: pour nous mettre à l'épreuve, pour nous exercer, pour
nous faire mûrir, pour nous rendre plus humbles. Mais, dans le même temps, nous
sommes obligés d'aller vers l'unité et aller vers l'unité est déjà une forme
d'unité.
Nous répondons à présent au Père spirituel du séminaire. Le premier problème
était la difficulté de la charité pastorale. D'une part, nous la vivons, mais,
de l'autre, je voudrais aussi dire: courage. L'Eglise accomplit tant grâce à
Dieu, en Afrique, mais aussi à Rome et en Europe! Elle accomplit tant et de
nombreuses personnes lui sont reconnaissantes, que ce soit dans le secteur de la
pastorale des malades, ou de la pastorale des pauvres et des
laissés-pour-compte. Continuons avec courage et cherchons à trouver ensemble les
meilleures voies.
L'autre point était centré sur le fait que la formation sacerdotale entre des
générations, même proches, semble être un peu différente pour de nombreuses
personnes, et cela complique l'engagement commun pour la transmission de la foi.
J'ai noté cela lorsque j'étais archevêque de Munich. Quand nous sommes entrés au
séminaire, nous avions tous une spiritualité catholique commune, plus ou moins
mûre. Disons que le fondement spirituel était commun. A présent, les prêtres
viennent d'expériences spirituelles très différentes. J'ai constaté dans mon
séminaire qu'ils vivaient dans différents « îlots » de spiritualité qui
communiquaient difficilement. Nous en rendons davantage grâce au Seigneur, car
il a donné de nombreuses et nouvelles impulsions à l'Eglise et aussi de
nombreuses formes de vie spirituelle, de découverte de la richesse de la foi.
Il ne faut surtout pas négliger la spiritualité catholique
commune, qui s'exprime
dans la Liturgie et dans la grande Tradition de la foi. Cela me semble très
important. Ce point est important également par rapport au Concile. Il ne faut
pas vivre — comme je l'ai dit avant Noël à la Curie romaine — l'herméneutique de
la discontinuité, mais vivre l'herméneutique du renouveau, qui est la
spiritualité de la continuité, du mouvement en avant dans la continuité. Cela me
semble très important. Ce point est important également par rapport à la
Liturgie. Je prends un exemple concret, qui m'est venu précisément aujourd'hui
avec la brève méditation de ce jour. La « Statio » de ce jour, jeudi après le
Mercredi des Cendres, est la saint Georges. Il y avait autrefois deux lectures
sur deux saints soldats, correspondant à ce saint soldat. La première parle du
roi Ezéchiel, qui, malade, est condamné à mort et prie le Seigneur en pleurant:
Donne-moi encore un peu de vie! Et le Seigneur est bon et lui accorde encore
dix-sept ans de vie. C'est donc une belle guérison et ce soldat peut à nouveau
reprendre en main son activité. La deuxième lecture est l'épisode de l'Evangile
qui rapporte l'histoire de l'officier de Capharnaüm avec son serviteur malade.
Nous avons ainsi deux motifs: celui de la guérison et celui de la « milice » du
Christ, de la grande lutte. A présent, dans la liturgie actuelle, nous avons
deux lectures totalement opposées. Nous avons celle du Deutéronome: « Choisis la
vie » et celle de l'Evangile: « Suivre le Christ et prendre la croix avec soi »,
ce qui veut dire ne pas chercher sa propre vie, mais donner la vie, et c'est une
interprétation de ce que signifie « choisis la vie ». Je dois dire que j'ai
toujours beaucoup aimé la liturgie. J’aimais vraiment le chemin quadragésimal de
l'Eglise, avec ces « églises stations » et les lectures liées à ces églises: une
géographie de la foi qui devient une géographie spirituelle du pèlerinage avec
le Seigneur. Et j'avais été un peu déçu qu'on nous ait enlevé ce lien entre la «
station » et les lectures. Aujourd'hui, je vois que ces lectures sont vraiment
très belles et expriment le programme du Carême: choisir la vie, c'est-à-dire
renouveler le « oui » du Baptême, qui est précisément le choix de la vie. Dans
ce sens, il existe une intime continuité et il me semble que nous devons
l'apprendre de cela, qui n'est qu'un très petit exemple entre discontinuité et
continuité. Nous devons accepter la nouveauté, mais également aimer la
continuité et voir le Concile dans cette optique de la continuité. Cela nous
aidera également à servir de médiateurs entre les générations dans leur façon de
transmettre la foi.
Pour finir, le prêtre du Vicariat de Rome a terminé par un mot que je reprends
entièrement, de façon à pouvoir conclure avec celui-ci: devenir plus simples.
Cela me semble un très beau programme. Cherchons à le mettre en pratique et
ainsi, nous serons plus ouverts au Seigneur et aux personnes.
Merci!
©
Copyright du texte original en italien : Libreria Editrice Vaticana
Eucharistie, Sacrement de la Miséricorde.
03.03.2006 - BENOIT XVI
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