Benoît XVI : de la réalité des anges
déchus |
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Rome, le 30 juillet 2008 -
(E.S.M.) - L'athéisme pratique comporte non seulement la mort
de Dieu mais la mort de l'homme. Le pape Benoît XVI l'exprime
souvent [...], l'homme séparé de Dieu ne
parvient plus à trouver son identité ni sa raison d'être.
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Le "prince de ce
monde" -
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Benoît XVI : de la réalité des anges déchus
C'est le titre que nous pouvons lire aujourd'hui dans "La
Stampa", un quotidien italien, qui reprend un
entretien de
Monseigneur Andrea Gemma, unique évêque catholique qui pratique habituellement
le ministère de l'exorcisme où il livre quelques réflexions personnelles et affirme : "Le Diable existe et je l'ai rencontré" et il ajoute : "Depuis
qu'il est élu, le pape Benoît XVI parle souvent de l'existence réelle de
l'enfer et de l'action néfaste du démon dans le monde."
En préambule, pour que vous ne pensiez pas que le texte qui suit ne concerne
que le XVIème siècle, nous pensons qu'il est essentiel de dire que
l'enseignement de l'Église, aujourd'hui, n'a pas varié. Le pape Benoît XVI a
développé cette parole dans son encyclique
"Deus Caritas est" : "Nous avons reconnu l'amour que
Dieu a pour nous et nous y avons cru"
(1Jn 4,16). La vie chrétienne, aujourd'hui
comme hier, exige la volonté d'aller à contre-courant. Elle est toujours
un choix entre égoïsme et amour, elle nous demande de choisir entre
honnêteté
et malhonnêteté, finalement entre Dieu et Satan.
C'est ce qu'a développé le pape Benoît XVI dans une inoubliable homélie
prononcée à Velletri.
(lire) A une autre occasion, en présence de
plusieurs milliers de jeunes, le pape les invite à se tenir ferme contre
les ruses du diable (L'enfer
existe éternellement). Plus
récemment, il rencontra le clergé de Rome, l'attention fut concentrée en
grande partie sur l'existence réelle de l'enfer
(mise en garde). Nous pourrions continuer
ainsi, il est temps de vous laisser à votre lecture :
Pages précédentes :
1)
Oui, Jean-Paul II l'a dit - "le temps des martyrs est revenu !" - 23.07.08
2)
La civilisation de l'amour - une exigence
chrétienne au service de la solidarité universelle - 24.07.08
3)
Avec Jean Paul II, Patrick de Laubier nous invite à entrer dans l'espérance
- 26.07.08
4)
Sexualité et Église Catholique - 27.07.08
Marie-Isabelle ALVIRA
UNE RÉFLEXION SUR LE DIABLE SUGGÉRÉE PAR LA LECTURE
DE SAINTE THÉRÈSE D'AVILA
Les derniers temps, c'est-à-dire le temps de l'Église qui s'écoule de la
Résurrection du Christ à la fin du monde, revêt un caractère de lutte
particulièrement acharnée contre le démon. Celui-ci, en effet, se sachant
vaincu par la Croix salvifique du Christ (Catéchisme
de l'Eglise catholique, no 1086, no1708), veut mettre à
profit ce qui reste de l'histoire humaine pour ôter à Dieu un maximum de
gloire. Le combat est dès lors inévitable. Voilà pourquoi l'Apocalypse en
particulier décrit la vie de l'Église avec cette vision de lutte.
Comme Patrick de Laubier le rappelle dans Le Temps de la fin des temps,
l'expérience des mystiques nous est précieuse par les informations qu'elles
nous apportent sur les réalités surnaturelles.
Sainte Thérèse d'Avila est peut-être l'une des mystiques chrétiennes qui a
le mieux décrit l'action de Dieu dans son âme. Elle nous livre aussi de
nombreuses descriptions et réflexions sur l'action du diable dans sa vie.
En effet, s'il est vrai que le diable tente de détourner l'humanité entière
de Dieu, il mène aussi un combat particulièrement rude contre les saints,
car ce sont eux qui lui enlèvent le plus de proies;
plus l'action du saint sera profonde et universelle, plus le diable
s'acharnera d'une manière ou d'une autre contre lui,
comme l'histoire de l'Église nous le montre.
Les récits de Sainte Thérèse nous permettront de guider et d'orienter notre
réflexion sur la nature et l'activité du diable. Ils renferment en outre une
véritable praxis sur la conduite à tenir à son sujet pour le maîtriser et le
vaincre. La sainte d'Avila était en toute circonstance une femme pratique.
Elle faisait sien l'adage castillan : " Celui qui se sauve a le vrai
savoir, autrement il ne sait rien " (Dictionnaire
Académie Espagnole Ed. Gredos, 1984, Lettre S, p.4).
Le savoir définitif est le savoir qui sauve, c'est-à-dire le savoir pratique
qui comporte le bon usage de la volonté. Notre savoir sur le diable doit par
conséquent, nous conduire à la victoire sur lui.
1. Nature et identité du diable
Nous connaissons bien le mot de Baudelaire : "La
plus belle ruse du diable est da nous persuader qu'il n'existe pas."
Mais il en a élaboré une autre pour ceux qui ont refusé de nier ouvertement
son existence : les convaincre que son "statut" n'est pas personnel. Cette
opinion a, en effet, souvent été exprimée ces dernières années : "Dire le
diable personnel, cela nous semble équivoque (...) Nous dirions volontiers
que le diable "ne mérite pas" d'être personnel. Il n'a pas assez de valeur
positive pour être personnel (...) Son existence, tout à fait particulière,
ne prend pas forcément forme personnelle. C'est pourquoi nous préférons, en
ce qui nous concerne, parler de "forces diaboliques" ou encore du
"diabolique" plus que du diable proprement dit" (La
diable, oui ou non ? PASCAL THOMAS, Paris, Centurion, 1939, p.205)..
L'argumentation sur laquelle s'appuie cette thèse est énoncée clairement par
des théologiens comme Urs van Balthasar : "La personne présuppose
toujours une relation positive à une autre personne, une forme de sympathie
ou du moins une forme d'inclination ou d'intérêt naturel. Mais voilà
précisément ce qu'on ne pourrait plus dire d'un être qui aurait rejeté
entièrement, radicalement, Dieu, c'est-à-dire l'Amour même"
(Espérer pour tous, Paris, Desclée de Brouwer, 1987).
Néanmoins : ce n'est pas parce que le diable ne peut plus aimer qu'il ne
possède plus son caractère de personne. Il ne faut pas confondre le plan
ontologique et le plan moral. En effet, si le diable est devenu, à cause de
son péché, le "professionnel" du mal par excellence, il a été pourtant créé
bon, excellent, par Dieu (Catéchisme de l'Église
Catholique, no 391) 6 (ibid. n° 2851). Et Dieu, après la faute,
n'a pas annihilé ni modifié sa nature. Étant un ange, créature spirituelle,
il est une personne (Vie, In Œuvres complètes da Ste
Thérèse de Jésus. Paris. Éd. du Seuil, 32. p.345), caractérisée -
comme toute personne par son irréductibilité et sa capacité de relation.
C'est pourquoi Dieu peut lui parler, comme Goethe nous le rappelle dans son
célèbre Faust.
Si l'ange déchu n'a pas perdu, en péchant, son caractère de personne, il a,
par contre, perdu à jamais - tout comme l'homme damné -l'espoir
de trouver sa vraie identité. Il en est ainsi parce que les créatures
personnelles, anges et hommes, ne peuvent trouver leur identité, séparées de
Dieu. Créées par lui et pour lui, leur nature ne trouve son accomplissement
et sa raison d'être qu'en Dieu.
D'où le drame des damnés et des démons. Il n'y aurait plus de malheur moral
pour eux s'ils cessaient d'être des personnes. Mais la description que
Sainte Thérèse nous fait de l'enfer nous détrompe : là, en effet, toutes les
souffrances sensibles que l'on ressent "ne sont rien encore auprès de
l'agonie de l'âme. Elle éprouve une oppression, une angoisse, une affliction
si sensible, une peine si désespérée et si profonde, que je ne saurais
l'exprimer. Si je dis que l'on vous arrache continuellement l'âme, c'est
peu, car, dans ce cas, c'est un autre qui semble vous ôter la vie. Mais ici
c'est l'âme elle-même qui se met en pièces" .
Tout comme l'homme damné, le diable a perdu tout espoir de se retrouver
lui-même et se met continuellement "en pièces", devenant l'agitation et
l'agitateur par excellence.
2. Action du diable
L'agir suit l'être. Chaque être se comporte selon ce qu'il est. Le diable se
comporte comme ce qu'il est : un être où coïncident de manière paradoxale le
meilleur et le pire : la meilleure nature créée et la
pire volonté libre tournée entièrement vers le mal. Comme le dit le
vieil adage philosophique : "Corruptio optimi, pessima".
Tout le pouvoir du démon est par conséquent
destructeur, négatif. Refusant de servir Dieu, Satan s'efforce d'éloigner la
création de son Créateur. Il ne veut pas qu'elle accomplisse sa fin :
rendre gloire à Dieu.
Selon l'interprétation de la philosophie classique, le péché est à l'origine
du désordre de l'univers. Le professeur R. Spaemann, dans son livre Das
Natürliche und das Vernünftige a défendu la thèse selon laquelle le
péché qui a brisé l'ordre universel a été le péché de l'ange, le diable
étant appelé "le prince de ce monde".
S'il est "prince de ce monde" (Jn 14, 30),
l'homme, lui, est le roi de la création et, comme nous le rappelle un autre
mystique, il doit ramener à Dieu.
Ce monde où le démon a introduit le désordre : "Il convient Seigneur que
je t'aime, afin que je mérite d'être servi par les créatures, qui n'ont
d'autre manière de parvenir à toi si ce n'est en me servant moi, lorsque je
te sers; lorsque je t'aime et que je suis celui que je dois être, alors
toutes les créatures s'unissent à toi et atteignent le but de leur création
: moi pour toi et les créatures à travers moi. Mais quand je ne suis pas
celui que je dois être, je sème la confusion et perds et pervertis tout ce
que tu as créé. En revanche, lorsque je t'aime, par l'amour que je te voue,
je répare, unis et conserve l'univers tout entier"
(Diego de Estella, Ed. Catalica, 1948, p.384).
Comment le diable s'y prendra-t-il pour s'opposer à ce dessein ? Car si
Dieu Créateur ne s'impose pas à sa créature,
respectant ainsi sa liberté, le diable, lui, peut encore moins le faire. Son
pouvoir est grand, mais limité. Il sait qu'il ne peut pas s'imposer
directement à un être libre. Il doit agir "en biais", en déployant une
stratégie rusée et séductrice. Cette stratégie consiste en un exercice
constant de séparation.
Il est possible de discerner deux sortes de stratégies de la part du démon :
I - Une générale, qu'il essaie de
déployer à travers l'histoire.
II - Une particulière, qui s'adresse à
chaque homme.
I - Sa stratégie générale vise
successivement deux fronts:
a) Le front surnaturel : spirituel, ecclésial, théologique.
b) Le front naturel : philosophique et
moral.
a) Il s'agit d'abord de couper les hommes de la vie da la grâce, de
l'union avec Dieu. Pour cela, il voudrait en finir
avec l'Église qui dispense la grâce à travers les sacrements, ou tout
au moins en écarter le maximum de chrétiens. Sainte Thérèse a été témoin au
cours du XVIème siècle de l'effort réalisé pour relativiser la valeur des
sacrements. En effet, ce furent des chrétiens désireux de parvenir à une
conception plus pure du christianisme, qui supprimèrent dans une grande
partie de l'Europe les sacrements de l'Ordre, de l'Eucharistie et de la
Pénitence.
La mort du Christ sur la Croix inaugure la victoire
"historique" sur le diable. Or, la Sainte Messe célébrée par le
prêtre in persona Christi perpétue et renouvelle le Sacrifice du
Calvaire. L'absence du prêtre implique l'absence de la
Messe, l'absence de la présence réelle du Christ, l'absence du sacrement de
Réconciliation qui redonne la vie de la grâce à celui qui l'a perdue...
Quand on observe une carte de l'Europe du XVI" siècle - le siècle de Sainte
Thérèse ainsi que de la Réforme Protestante - on peut avoir l'impression
d'assister à l'effondrement de l'Église Catholique, tant les défections des
peuples ont été massives à la suite de leur roi. C'est ce qui pousse Sainte
Thérèse à s'écrier : "0 mon Rédempteur, je ne puis supporter ce spectacle
sans que mon coeur soit brisé de douleur ! Que sont devenus aujourd'hui les
chrétiens ? (...) Le monde est en feu l On voudrait, pour ainsi dire,
condamner de nouveau Jésus-Christ puisqu'on l'accable de tant de calomnies !
On voudrait en finir avec son Église ! (Chemin de la
Perfection, ch 1, p. 584-585).
Cependant, même si l'on peut quitter l'Église et croire toujours en Dieu, du
déisme à l'athéisme, il n'y a pas une grande distance à parcourir. Le seuil
a été vite franchi. Pourtant l'athéisme théorique implique une
justification, une réflexion sur Dieu. L'athéisme absolu et plus achevé est
sans doute l'athéisme pratique qui se passe de toute préoccupation
intellectuelle, de toute référence. Il a par conséquent l'avantage d'être
moins prétentieux, de se présenter de manière plus modeste : à chacun sa
vérité, tout est relatif, il faut surtout vivre...
"La philosophie, selon F. Vandenbroucke, a cherché les bases rationnelles
d'une négation de Dieu sans précédent dans l'histoire de la pensée humaine.
Cette recherche a suivi une courbe qui commença par la 'sécularisation' du
Christianisme, pour atteindre sa 'liquidation', au terme de laquelle
apparaît paradoxalement le déchaînement des forces démoniaques"
(Vld. "Démon" in Dictionnaire de Spiritualité Ascétique et
Mystique, Paris, Beauchesne.1937 - 1988, coll. 231-232).
b) une fois le front surnaturel "dépassé", le diable peut facilement
s'attaquer au front "naturel", car une nature sans sur-nature est forcément,
dans l'état actuel de l'homme, une nature pécheresse.
L'athéisme pratique comporte non seulement la mort de
Dieu mais la mort de l'homme, comme nombre de philosophes modernes
l'ont mis en relief. Et cela parce que, tout comme
l'ange, l'homme séparé de Dieu ne parvient plus à trouver son identité ni sa
raison d'être. La grâce est la lumière qui lui permet de se
reconnaître, de voir en lui ce Dieu dont il est
à l'image. Car il est image... Mais s'il la
rejette, il tombe comme Satan dans cet orgueil qui le pousse à vouloir être
Dieu le Père, Créateur et origine de toute chose. Alors, il veut toute la
gloire pour lui-même; alors il veut remodeler sa nature et se dégager de
toute loi morale; alors il veut être maître de la vie et de la mort...
Il - Cependant le diable sait qu'une stratégie générale n'est pas
suffisante. Voilà pourquoi il dresse, selon l'expression de Sainte Thérèse,
toute une "batterie" pour gagner chaque âme. Son arme ordinaire est la
tentation qui est une invitation "personnalisée". Cette invitation est
lancée à travers un dialogue rusé et séducteur, car il s'agit en définitive
de tromper l'intelligence de l'homme et d'affaiblir sa volonté pour le
pousser à pécher.
a) Action sur l'intelligence
Il est intéressant de signaler que le diable cherche à accéder à
l'intelligence et à la volonté de l'homme à travers l'imagination et
l'appétit sensible.
"C'est l'imagination que le démon trompe et séduit" (V.D.
3 p. 917). Il n'a pas beaucoup de difficultés à le faire dans un
monde matérialiste où l'imagination reproductrice d'images est constamment
sollicitée et comme exacerbée. En revanche, l'imagination créatrice,
intimement liée à l'intelligence et à l'effort intellectuel est devenue très
pauvre.
Or, l'intelligence nous a été donnée pour saisir la
vérité et en définitive pour contempler la Vérité par excellence : Dieu.
"Cette vérité dont je parle, et qui a daigné se révéler à moi, est en soi
la Vérité même; elle est sans commencement et sans fin. Toutes les autres
vérités dépendent de cette Vérité, comme tous les autres amours, de cet
Amour, et toutes les autres grandeurs, de cette Grandeur"
(Vie 40, p.463).
En revanche, "tout ce qui vient du démon est
mensonge comme lui" (Vie 15, p.152).
Alors que le Christ est le Logos, la Parole, le diable est le parler
trompeur. Grand connaisseur des techniques rhétoriques, il cherche à
obscurcir la raison et à confondre les idées. "Le
mensonge est l'offense la plus directe à la vérité. (...) En
blessant la relation de l'homme à la vérité et au prochain, le mensonge
offense la relation fondatrice de l'homme et de sa parole au Seigneur"
(Catéchisme de l'Église Catholique n° 2483).
L'une des manières les plus efficaces pour semer la confusion dans les
esprits, c'est la suppression des symboles. Le mot "diable" est le contraire
du mot "symbole" : diabolos = ce qui sépare; Symbolon = ce qui
unit, signe de reconnaissance. Le mépris et la suppression des symboles
laissent l'intelligence de l'homme dans le vide, car les réalités les plus
profondes se manifestent à nous à travers des signes extérieurs et à travers
des symboles.
"D'une manière habituelle, notre pensée a besoin d'un appui"
(Vie 22, p. 226) .
En effet, "l'homme étant un être à la fois corporel et spirituel, il exprime
et perçoit les réalités spirituelles à travers des signes et des symboles
matériels. Comme être social, l'homme a besoin de signes et de symboles pour
communiquer avec autrui, par le langage, par des gestes, par des actions. Il
en est de même pour la relation à Dieu" (Catéchisme de
l'Église Catholique n" 1146).
"Il y avait en moi si peu d'aptitude pour me peindre les objets à l'aide
de l'entendement, que je ne pouvais imaginer les choses que je n'avais pas
sous les yeux (...) Voilà le motif pour lequel j'aimais tant les
images. Hélas I qu'ils sont malheureux ceux qui, par leur faute, se privent
d'une ressource aussi précieuse l On voit bien qu'ils n'aiment pas notre
Seigneur. S'ils l'aimaient, ils seraient contents de voir son portrait; car
même ici-bas c'est une joie de voir le portrait d'un ami"
(Vie 9, p. 91).
C'est donc une ruse caractérisée du démon d'enlever d'abord tout ce qui peut
réveiller en nous l'amour de Dieu, ainsi que tout ce qui nous rappelle la
dignité, la nature, la profondeur, la raison d'être, la finalité des
diverses réalités voulues par Dieu. La suppression ou le mépris des signes
comporte une subversion profonde, comme l'histoire récente nous le montre.
b) Action sur la volonté
Le diable cherche à affaiblir la volonté par deux moyens essentiels :
1 - En inspirant la peur de faire le bien. Il
cherche à décourager.
2 - En incitant au péché. Tout péché enchaîne
la volonté.
1- Il inspire la peur sur les personnes ordinaires, afin de les
empêcher de viser la sainteté et de les installer ainsi dans la tiédeur et
dans la médiocrité. C'est le cri : "je ne peux pas
!"
Il veut d'abord, par dessus tout, empêcher le dialogue personnel de la
prière, car elle est la porte et le chemin sûr de l'amour de Dieu. C'est
dans la prière que naissent les grands désirs de sainteté ainsi que la force
pour les mettre en œuvre.
Or "le diable ne veut pas que tous soient saints"
(Lettre de Sainte Thérèse au Père Gratien, novembre 1576). "Je
crois que le démon porte beaucoup de préjudice aux âmes qui font oraison, et
les empêche de réaliser de grands progrès par les fausses idées qu'il leur
donne de l'humilité. Il leur représente qu'il y a de l'orgueil à entretenir
de grands désirs, à vouloir imiter les saints, à souhaiter le martyre
(...) Nos cœurs sont tellement étroits que la terre, ce semble, va nous
manquer, sî nous venons à négliger tant soit peu le corps, pour veiller aux
intérêts de l'âme" (Vie 13, p. 124).
Alors qu'il agit habituellement sur l'imagination pour inspirer la peur, il
doit avoir recours à des moyens plus importants pour inspirer la peur
paralysante aux saints : c'est ce qu'il a fait avec Sainte Thérèse à maintes
reprises, en lui apparaissant et en la soumettant à des tourments, lui
infligeant des coups, etc. (Vld. Vie, 31).
Il percevait sans doute le rayonnement de sa vie et de son œuvre au long de
l'histoire, ses appels pressants à une vie de prière. La vie mystique, telle
que Sainte Thérèse l'a vécue, suppose en quelque sorte un avant-goût du
ciel, une présence extraordinaire de Dieu dans l'âme. La mystique
thérésienne, tout comme les autres mystiques espagnols du XVIème siècle,
lance une invitation universelle à la prière mentale. En outre, sa
personnalité attrayante et son langage populaire touchent un très large
public. Les difficultés auxquelles le mouvement mystique et la Réforme
Carmélitaine ont eu affaire ont été immenses.
2 - Le diable incite au péché en introduisant ainsi une triple
séparation :
* le péché brise l'unité de l'homme, produisant en lui une tension
inévitable. La paix est le fruit de l'union des puissances de l'homme entre
elles et avec Dieu.
* le péché brise l'unité avec les autres
* le péché brise l'unité avec Dieu
Rien, nous le savons, ne désintègre autant la personnalité humaine, la
société et le monde que le péché.
Enfin, dans cette situation, le démon est aussi Satan, l'accusateur.
L'accusateur de Dieu et de l'homme. Il prétend par là empêcher le retour à
Dieu, en enlevant la confiance et en poussant au désespoir.
3. Pouvoir de l'homme sur le diable
Arrivés à ce stade de notre réflexion, nous pouvons nous demander ce que
nous pouvons faire pour vaincre le diable.
Le diable est soumis à Dieu. S'il a reçu de Dieu la permission de mettre
l'homme à l'épreuve, il ne peut outrepasser le pouvoir qui lui a été donné.
De plus, comme nous l'avons dit, il ne peut pas faire violence à la liberté
de l'homme. Le péché" est toujours volontaire.
"Ma fille, la lumière est bien différente des ténèbres; je suis fidèle;
personne ne se perdra sans le savoir" (Relation 22,
p.547). Après de violentes tentations, Sainte Thérèse écrit : "Parfois,
il m'a semblé que les démons s'amusaient à se renvoyer mon âme comme une
balle, sans qu'elle put s'échapper de leurs mains (...) La seule
lumière du libre arbitre demeure toujours" (Vie 30, p.
318)..
La tradition chrétienne propose de nombreux moyens pour vaincre le diable.
Etant impossible de les énumérer tous, nous soulignerons, suivant Sainte
Thérèse, trois moyens qui se rattachent à l'exercice des vertus théologales
:
1. La recherche d'une science humble, ce qui fortifie la foi : "A
mon avis, le démon redoute souverainement la science humble et vertueuse; il
sait qu'alors ses ruses seront déjouées et qu'il sortira vaincu du combat"
(Vie 13, p.133).
"Il redoute comme la peste les dispositions fondées sur la vérité. Il est
ami du mensonge et le mensonge même; aussi, il ne fera
jamais de pacte avec celui qui marche dans la vérité"
(Vie 25, p.266).
2. La détermination, doublée de la bonne humeur, ce qui est une
manifestation de la vertu d'espérance : "Le démon
redoute beaucoup les âmes vaillantes. L'expérience lui a appris quels
préjudices elles lui causent Tout ce qu'il fait pour leur nuire tourne à
leur avantage et à celui du prochain, et finalement c'est lui qui y perd"
(Chemin de la Perfection 25, p.702).
"Si, en effet, ce Maître est tout-puissant, comme je le vois et je le
sais, si les démons sont ses esclaves, comme la foi ne me permet pas d'en
douter, quel mal peuvent-ils me faire à moi, dès lors que je suis la
servante de ce Seigneur et de ce Roi ? Pourquoi n'aurais-je pas la force de
combattre contre tout l'enfer réuni ? Je prenais à la main une croix et il
me semblait en vérité que Dieu me donnait du courage. En très peu de temps,
je me vis toute transformée et je n'aurais pas craint de me mesurer avec
tous les démons à la fois; il me semblait qu'avec cette croix, je pouvais
facilement les vaincre tous.
Aussi, je leur disais : maintenant, venez tous, je suis la servante de Dieu,
je veux voir ce que vous pouvez contre moi !
Ce qui est hors de doute, à mon avis, c'est qu'ils avaient peur de moi. Je
me trouvais si tranquille et si rassurée contre eux tous que toutes mes
craintes antérieures se sont dissipées. S'il m'est arrivé parfois de les
voir depuis lors (...), non seulement je n'en avais presque aucune
crainte, mais il me semblait plutôt que j'étais pour eux un objet de
terreur. J'avais donc acquis, par la bonté manifeste du Maître du monde, un
tel empire contre eux, que je n'en faisais pas plus de cas que de simples
mouches. A mon avis, ils sont tellement lâches que, s'ils se voient
méprisés, ils n'ont plus aucun courage. (...) Daigne Sa Majesté
imprimer en nos coeurs la seule crainte que nous devons avoir et nous faire
comprendre' qu'un seul péché véniel peut nous causer plus de mal que tout
l'enfer réuni, comme c'est la vérité" (Vie 25, p. 265
- 266).
Et elle ajoute plus loin : "Je ne puis concevoir les craintes qui
provoquent ces exclamations : Le démon ! Le démon l quand nous pouvons dire
: Mon Dieu I Mon Dieu I et faire ainsi trembler l'esprit de ténèbres. Ne
savons-nous pas qu'il ne peut faire le moindre mouvement, si Dieu ne le lui
permet ? Pourquoi donc ces frayeurs ? Pour moi, je l'affirme,
je redoute bien plus ces hommes si timides devant le
démon, que le démon lui-même" (lbid. p.287).
3. Le recours au pardon de Dieu est ce qui nous
permet de recouvrer la charité. Sainte Thérèse ne cesse de nous parler tout
au long de ses œuvres de la miséricorde de Dieu. "Elle gémît
d'avoir offensé Dieu, mais elle se sent dilatée par sa miséricorde"
(lbid. 30, p. 317).
Le recours au pardon divin est le chemin sûr et
efficace pour revenir vers Lui, et échapper ainsi à l'emprise du diable.
Car, par le péché, il nous tient soumis à lui.
Les textes thérésiens sur la miséricorde de Dieu et sur le recours au
sacrement de pénitence sont innombrables. Le pardon est l'une des
manifestations les plus éclatantes de l'Amour : Dieu nous rachète en
rachetant notre passé : "Tous tes péchés sont devant moi comme s'ils
n'avaient jamais existé ; il te faut maintenant prendre courage"
(Relations 58, p.574).
C'est ce même courage, manifestation éclatante du pouvoir de l'amour, qui
soutiendra, selon Sainte Thérèse, les "apôtres des
derniers temps" : "Faisant un jour oraison, avec beaucoup de
recueillement, de douceur et de quiétude, il me semblait que j'étais toute
environnée d'anges et très rapprochée de Dieu. Je me mis à prier avec
ferveur Sa Majesté pour les besoins de l'Église. Il me fut donné de voir le
grand bien qu'un certain Ordre devait faire dans les derniers temps et le
courage avec lequel ses membres soutiendraient la foi"
(Vie 40, p.468-469).
En effet, celui qui contente Dieu "peut
fouler aux pieds tout l'enfer" (Vie 28,
p.292).
Sources : spip.php-article154 -
E.S.M.
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un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 30.07.08 -T/Théologie |