Benoît XVI: entrer dans le silence de
Dieu |
 |
CITE DU VATICAN, le 30 Janvier 2007 -
(E.S.M.) - Liturgie: Une autre attitude consiste à promouvoir une
critique de la réforme et parfois à défendre l’idée d’une « réforme de
la réforme ». Ce type de
position se revendique parfois des écrits du Cardinal Ratzinger devenu
depuis le Saint Père Benoît XVI.
|
Entrer dans le silence de
Dieu
Le pape Benoît XVI:entrer dans le
silence de Dieu pour arriver à la source même de la Parole rédemptrice.
Nous devons nous concentrer sur le mystère de la foi, sur le Christ
qui est au milieu de nous, et qui s'est donné au Père pour nous et pour la
multitude des hommes. C'est sa mort et sa résurrection que nous annonçons,
afin qu'elles se réalisent au milieu de nous. C'est le centre de notre foi,
sa source et son sommet comme le rappelle sans cesse le Concile.
Le Père
Patrick Prétot,
Moine bénédictin,
Directeur de l’Institut Supérieur de Liturgie à l’institut Catholique de
Paris.
Au terme du colloque qui a marqué le 50e anniversaire de la naissance de I.S.L.
(Institut Supérieur de Liturgie - Paris),
le P. Prétot a effectué une
vaste réflexion sur la responsabilité propre d’un institut de liturgie à l’égard
de la vie de l’Église alors que nous approchons du cinquantenaire de la
convocation du Concile Vatican II.
Ce texte dont nous vous communiquons le lien est complexe et s'adresse à un
public expérimenté, nous nous sommes donc contentés d'en extraire quelques
passages:
(...) La relation
étroite entre la
foi et la liturgie, si fortement soulignée jadis par saint
Pie X dans son Catéchisme, et à sa suite par tout le Mouvement Liturgique du XXe siècle, interdit de séparer la considération des pratiques liturgiques,
celles du passé et celles d’aujourd’hui, la réflexion théologique et enfin
la formation en ce domaine.
Parce que la liturgie est « sommet et source de la vie de l’Église » (SC
10), sa pratique et son enseignement ne peuvent sans risques pour la vie du
peuple chrétien devenir un lieu de remises en question ou un objet de débats
mal engagés. Si le monde contemporain croit, parfois avec une certaine
naïveté, faire de l’inédit, le liturgiste sait que la nouveauté en ce
domaine sort d’une longue familiarité avec le passé. C’est là que le n. 23
de
Sacrosanctum Concilium -
Constitution conciliaire sur la Sainte Liturgie, en posant les exigences de la réforme qui allait
être faite, demeure un repère très éclairant pour toute recherche et une
sorte de programme pour un institut de liturgie :
« Afin, dit le Concile, que soit maintenue la saine tradition, et que
pourtant la voie soit ouverte à un progrès légitime, pour chacune des
parties de la liturgie qui sont à réviser, il faudra toujours commencer par
une soigneuse étude théologique, historique, pastorale. (...) Enfin, on ne
fera des innovations que si l’utilité de l’Église les exige vraiment et
certainement, et après s’être bien assuré que les formes nouvelles sortent
des formes déjà existantes par un développement en quelque sorte organique.»
Sacrosanctum Concilium
(...) Reprenant une homélie du Saint Père Benoît XVI prononcée début
octobre devant la Commission théologique internationale (Benoît
XVI : "chercher l'obéissance à la vérité" avant tout), je voudrais
en mode conclusif, exprimer ce qui est à mes yeux, l’âme du service de l’Église
à travers les études liturgiques, l’âme aussi d’une pastorale qui vise la
promotion de ce que Dom Lambert Beauduin a désigné avec bonheur comme la «piété de l’Église». Les études et la pastorale en liturgie ne peuvent
qu’être polarisées par le souci de la vie spirituelle du peuple de Dieu, une
tâche dont l’horizon est profondément théologal puisqu’il s’agit de conduire
à la glorification du Dieu trinitaire révélé en Jésus Christ et manifesté
dans le mystère pascal.
« L’Institut, dit Dom Botte, Fondateur de l'Institut, a pour objet la liturgie et non la pastorale. Ce n’est
pas arbitrairement que nous avons évité le titre de « pastorale liturgique »
qui n’aurait pas répondu à notre but (...) Il serait donc tout à fait faux
de se figurer l’Institut comme une sorte de laboratoire où l’on fabrique des
solutions pour la pastorale liturgique. Ce serait sortir de notre domaine de
compétence. (...) Nous entendons nous en tenir à notre domaine : l’étude
scientifique de la liturgie. »
« Cela n’implique aucune désaffection vis-à-vis de la pastorale, et nous
espérons pouvoir servir indirectement ceux qui travaillent dans ce domaine.
Mais il faut que chacun soit à sa place, et on ne doit pas mettre la charrue
devant les bœufs. (...) Nous espérons que nos élèves (...),
pourront aider
efficacement leurs évêques selon les directives du Saint-Siège, dans le
domaine de la pastorale. Mais notre devise est : formation d’abord ! »
En définitive, l’étude de la tradition et la formation à une intelligence
des textes et des rites, deux réalités fondamentales aux yeux de Dom Botte,
sont au service de la capacité des liturgistes formés à faire face à la
diversité et à la complexité des réalités pastorales. C’est pourquoi la
recherche doit conduire à mettre à jour les structures et les dynamismes de
la pratique liturgique pour que cet ajustement permanent puisse reposer sur
des bases solides.
De cette réflexion, nous pouvons retenir une conséquence toujours actuelle.
C’est à la mise en œuvre avec intelligence et fidélité des livres
liturgiques que vise une formation liturgique. Et cette intelligence prend
sa source dans une connaissance approfondie de ce que l’on peut appeler
l’épaisseur de la tradition mais aussi la largeur de l’anthropologie des
rites. Cette tâche, à laquelle doit se consacrer également l’action
pastorale, est permanente comme le soulignait Jean-Paul II dans la lettre
pour le 25e anniversaire de
Sacrosanctum Concilium. [7] Il s’agit donc de
permettre à nos contemporains, en tenant compte des repères culturels qui
sont les leurs, de découvrir la richesse des institutions liturgiques dont
nous avons héritées de la tradition à travers l’œuvre de Vatican II. C’est
donc à la mise en place des fondements théologiques que doit se consacrer le
travail des liturgistes, en ne quittant jamais le double horizon de la
tradition de l’Église et des conditions actuelles de la société
contemporaine dans laquelle s’exerce la mission de l’Église.
Former en liturgie au temps de la mondialisation et de la crise de la
transmission
Beaucoup de formateurs aujourd’hui et pas seulement en liturgie
s’interrogent sur leur responsabilité et sur la tâche à laquelle ils sont
appelés. La lettre au Catholiques de France de 1996 a mis en lumière
l’arrière-fond qui préside à cette perplexité et qu’elle désigne sous le
thème de la « crise généralisée de la transmission. » La liturgie qui
est à la fois une pratique et un art, se transmettant si j’ose dire
corporellement par l’usage et la répétition, est bien sûr touchée de plein
fouet par cette crise de la transmission. La formation en liturgie doit donc
trouver de nouveaux repères pour faire face à un monde qui n’est plus celui
du milieu du XXe siècle.
Dès lors, l’heure est à la recherche d’une sagesse de la formation dans un
temps de mutations rapides. C’est souvent sur des questions très concrètes
que se manifestent avec le plus d’intensité les défis de l’acte de formation
dans ce temps de crise de la transmission. Je cite quelques exemples de
questions soulevées récemment lors d’une rencontre de formateurs :
« Comment prier
sans imposer sa sensibilité ? Comment développer des capacités d’adaptation
aux publics divers ? »
La crise de la transmission nous empêche de nous contenter de vouloir
expliquer les textes et les rites. La question est désormais celle de notre
capacité à initier à la liturgie et plus encore d’initier par la liturgie,
je veux dire ici entrer dans le mystère de la foi de l’Église, par le chemin
de la vie liturgique.
Plus encore, Dom Botte réfléchissait encore dans le contexte de stabilité
rituelle qui a marqué l’Église Catholique depuis le Concile de Trente, même
s’il ne faut jamais sous-estimer les multiples transformations qui eurent
lieu, notamment en France, durant la période moderne, transformations dont
le combat de
dom Guéranger pour le retour des églises de France à la liturgie romaine
ne fut pas le moindre des moteurs. (Lire
également: Le premier de nos liturgistes modernes, Dom Guéranger:
Benoît XVI)
(...) Ce paradigme explicatif hérité d’un Concile de
Trente qui demandait aux pasteurs d’expliquer la liturgie aux fidèles et
dont l’Explication de la messe de Bossuet est un des exemples les plus
remarquables, n’est pas suffisant pour faire face aux nouvelles
requêtes que la crise de la transmission dans un temps de mondialisation
rapide impose à la formation liturgique. La responsabilité actuelle des
formateurs se trouve dans la nécessité de rendre accessible à nos
contemporains, non seulement les textes et les rites, ce qui n’est déjà pas
simple, mais l’expérience de la liturgie elle-même. Et cela pour répondre à
une double requête qui traverse nos sociétés au moins en Occident, celle de
fournir des chemins d’identité et d’expérience à la fois humainement
crédibles et spirituellement fécondes.
La tâche du formateur en liturgie est donc de nos jours beaucoup plus
complexe et cela d’autant plus que la vie liturgique est prise en tension
entre des mouvements contradictoires tendant les uns aux particularismes et
les autres à l’uniformisation. Je ne pense pas que nous ayons trouvé les
moyens pour parvenir à avancer sur ces chemins difficiles, mais le fait
d’identifier les questions est une première étape importante.
La liturgie comme expérience et proposition de la foi dans un monde
éclaté
Parce que la liturgie suscite les expériences croyantes qui font l’Église,
elle est le lieu où se conjuguent, dans un même mouvement, la dimension
personnelle de la confession de foi qui fait dire « je crois », et la
dimension collective qui fait vivre un corps animé par l’Esprit et tourné
avec le Fils vers le Père en disant : « Notre Père... Donne-nous... »
À un monde éclaté et traversé par tant de questions et de contradictions,
elle propose donc une identité relationnelle qui édifie les personnes et les
communautés en inscrivant dans une tradition. En effet,
on ne fabrique pas
la liturgie, mais on y « entre », c’est-à-dire qu’elle se reçoit comme un
agir qui porte une précédence. Mais en accueillant cet agir qui s’origine
jusque dans l’Ancien Testament et même dans le fonds des religions de
l’humanité, il redevient contemporain et se trouve projeté dans le monde qui
est le nôtre. L’inculturation de la liturgie ne peut se jouer de l’extérieur
par la recherche fébrile d’éléments de la culture moderne que l’on pourrait
intégrer dans les vieilles outres de la tradition. Elle se joue de
l’intérieur comme une genèse sans cesse renouvelée. Ainsi la liturgie
est-elle toujours neuve car elle est le lieu d’une rencontre entre la
précédence du rite et la disponibilité de celui qui accepte de se laisser
façonner par lui.
Ceci n’est pas nouveau et c’est ainsi que la tradition liturgique s’est
forgée peu à peu dans son irréductible pluralité. La rencontre entre le
donné de la foi et les diverses cultures a forgé des rites.
Mais la diversité des pratiques est plus difficile à réguler lorsque la
circulation immédiate de l’information tend à l’unification des modes de
vie. Grâce à internet, on accède aujourd’hui directement à des propositions
liturgiques émanant de communautés autrichiennes ou québécoises mais aussi à
la troisième édition de la Présentation Générale du Missel Romain qui
entrera en vigueur en France lorsque la traduction en aura été approuvée par
la Congrégation pour le Culte divin.
(La traduction française de la
Nouvelle
Présentation Générale du Missel Romain)
Il est impossible aujourd’hui, même pour des équipes de spécialistes, de
maîtriser une masse énorme de documentation à laquelle des millions de
personnes accèdent d’un simple clic sur un ordinateur, sans avoir toujours
les repères nécessaires pour en vérifier la provenance et la qualité. Ainsi,
grâce à certains portails ou à des moteurs de recherches, l’internaute peut
aussi bien lire les homélies d’un curé ou d’un pasteur protestant, le
compte-rendu d’une réunion d’équipe liturgique ou les orientations en
pastorale sacramentelle proposées par un évêque diocésain.
Ce régime de communication généralisée où toutes les questions peuvent être
abordées et débattues pose de réels problèmes à la régulation des croyances
et suscite des questions majeures quand on considère les pratiques. En effet
si une conception réductrice de la tolérance conduit à accepter que «
chacun
pense ce qu’il veut », quand il s’agit de pratiques liturgiques
communautaires ou même de pratiques rituelles individuelles mais publiques,
il est impossible, si l’on veut assurer la possibilité d’un vivre ensemble,
d’esquiver la question d’une instance de régulation. C’est là que se joue
l’importance pour une formation en liturgie du rapport ecclésiologie et
liturgie, ce qui passe aussi par une prise au sérieux
du droit canonique.
Au regard de vingt siècles d’histoire, il s’agit là d’une situation tout à
fait nouvelle pour la liturgie dont nous n’avons pas encore eu le temps de
prendre la mesure. Pendant des siècles, les usages liturgiques se sont
transmis comme une tradition vivante à l’intérieur d’un espace géographique.
(...) En célébrant
l’eucharistie, nous avons accès à ce qui est le plus universel, le cœur de
la foi chrétienne, ce qui unit le peuple de Dieu dans l’espace et dans le
temps, à savoir l’action de grâces de l’Église qui offre sans cesse au Père
le sacrifice du Christ offert une fois pour toutes sur la croix. Or on sait
depuis Irénée que ce sacrifice rejoint le désir humain le plus universel :
« Ce n’est pas qu’il (Dieu) ait besoin de notre sacrifice, mais celui qui
offre est lui-même glorifié en ce qu’il offre. » ( IRÉNÉE DE
LYON, Adversus Haereses, IV,18,1)
Trois modèles pour comprendre l’acte de formation
À la lumière de cette désignation du présent, et afin d’essayer de mettre un
peu d’ordre dans la réflexion, je voudrais proposer une typologie comprenant
trois grandes attitudes possibles en matière de formation. Cette typologie
entend éclairer le champ de l’acte de formation dans le temps dont je viens
d’essayer de mettre en lumière certaines caractéristiques.
1) La première attitude consiste en une forme d’apologétique de la réforme
de Vatican II qui tendrait à en manifester la pertinence et la nécessité, ce
qui conduit parfois à une critique des pratiques antérieures. Le risque
d’une telle posture est que la fréquente confusion entre liturgie vécue et
liturgie prescrite, rend suspecte la valorisation des institutions
liturgiques héritées de la réforme au nom des défaillances constatées dans
leur mise en œuvre. On le sait trop bien, l’expérience vient protester
contre une vision idéalisée des bénéfices de la réforme :
des pratiques
liturgiques qui se réclament de Vatican II ne sont pas forcément conformes à
ce qu’est la liturgie réformée.
(...) Il faut rappeler que la réforme liturgique fut une œuvre d’Église et qu’elle
a été voulue et contrôlée par le magistère notamment Paul VI mais aussi Jean
Paul II et avant déjà par Pie XII.
2) La deuxième attitude consiste à promouvoir une critique de la réforme et
parfois à défendre l’idée d’une « réforme de la réforme ». Ce type de
position se revendique parfois des écrits du Cardinal Ratzinger devenu
depuis le Saint Père Benoît XVI.
(Cf. le colloque de Fontgombault de 2001 avec la conférence du Cardinal
Ratzinger : « La théologie de la liturgie » ou l’article de l’abbé Q.
SAUVONNET intitulé «Pensées
de Benoît XVI sur la crise liturgique actuelle» : « S’inspirant de Romano Guardini,
pionnier du mouvement liturgique, le cardinal Ratzinger rappelait dans son
livre Un Chant nouveau pour le Seigneur les trois dimensions ontologiques
dans lesquelles se déploie la liturgie :
le cosmos, l’histoire et le
mystère. Si le cardinal
a formulé des réserves sérieuses sur la réforme liturgique, c’est que ces
aspects en sont absents.
La nouvelle liturgie, en effet
: a)
n’est pas cosmique, étant
limitée au groupe. b)
Elle n’a pas d’histoire,
puisqu’elle affirme son émancipation par rapport à toute donnée extrinsèque
et à tout héritage. c)
Elle ne connaît pas le
mystère, tout s’y expliquant et devant être expliqué.
»)
Il me paraît essentiel de rappeler que la liturgie est un art spirituel, un
lieu où la grâce se fait miséricorde pour nos défauts, et donc une pratique
dans laquelle nous sommes tous et toujours des débutants, qui doivent se
tenir à distance d’une quête de performance.
(...) C’est l’histoire des pratiques qui manifeste combien la liturgie fut
à chaque époque une tâche difficile, un combat sans cesse à reprendre et
dans lequel les failles de nos réalisations peuvent être, si elles ne sont
pas la marque du laisser-aller, l’ouverture à la grâce qui seule fait de
nous des liturges qui plaisent à Dieu parce qu’ils se tournent vers Lui en
répétant sans cesse « Dieu viens à mon aide... »
3) C’est vers une troisième attitude que j’essaie de m’orienter : elle
consiste à prendre appui sur le Concile Vatican II et la réforme liturgique
en les considérant comme un acte de Tradition, c’est-à-dire un acte de plus
haut degré magistériel, qui ayant considéré à nouveaux frais le trésor
bimillénaire de l’histoire de la liturgie, a voulu tirer de ce trésor, comme
le scribe de l’Evangile, du neuf et de l’ancien, c’est-à-dire les vivres
dont l’Église contemporaine avait besoin. Dès lors, nous pouvons nous
considérer comme des héritiers de l’œuvre de Vatican II, reconnaissant dans
ce Concile l’œuvre de l’Esprit Saint agissant dans l’Église.
(Les analyses des courants
traditionalistes qui contestent le Concile et les papes qui l’ont conduit,
notamment Jean XXIII et Paul VI sont, à notre
avis, irrecevables au nom même des principes qu’ils entendent défendre).
L’âme de la formation en liturgie
Le formateur en liturgie doit être un formateur qui rappelle par son
existence et surtout par sa manière d’être (plus encore que par son
enseignement) que la liturgie est un art qui se déploie dans la grâce et qui
s’exerce dans la fragilité, qu’elle l’a toujours été et que c’est ce qui
fait son caractère le plus précieux.
En ce domaine, on est dans l’ordre du « savoir être
» et non du « savoir » y
compris du « savoir faire » (même s’il y a une part de savoir faire en la
matière.) Et le « savoir être » de l’enseignant de liturgie est plus
important que son savoir en liturgie. Former en liturgie, c’est témoigner de
l’humilité dans laquelle nous place l’action liturgique. « Nous ne savons
pas prier comme il faut » ... Nous ne « saurons » jamais célébrer.
Dans un monde de la technologie, former au discernement théologique et
pastoral est par conséquent une tâche primordiale et indispensable :
la
liturgie séparée de la réflexion théologique se transforme vite en technique
qui peut devenir néfaste dans la mesure où elle n’est pas accompagnée d’un
véritable respect des personnes et des communautés. Il y a ici une sagesse
spirituelle qui préfère la charité et s’éloigne de l’exercice d’une volonté
de puissance sur les personnes et les groupes. La vie liturgique et la
science liturgique impliquent une réelle « démaîtrise » : pour dire notre
confiance à Dieu, il convient d’accepter de se confier à l’acte lui-même en
tant qu’il est prescrit par l’Église. Il s’agit aussi d’accepter que nos
savoirs ne soient que des préalables car le don de Dieu dans la liturgie
s’adresse aussi bien aux pauvres et aux petits (enfants, handicapés mentaux
etc.) qu’aux liturgistes !
Liturgie, contemplation et silence
C’est au Saint Père, Benoît XVI que je voudrais emprunter cette ultime
réflexion. Dans une
homélie adressée le 6 octobre
dernier aux membres de la Commission théologique internationale, le Pape
évoquait la belle figure de saint Bruno qui était fêté ce jour-là, en
soulignant que la mission du fondateur des Chartreux « fut de silence et de
contemplation qui lui
servirent à trouver une profonde union avec Dieu dans la dispersion de la
vie quotidienne. »
Ces propos de circonstances constituaient cependant, aux yeux de Benoît XVI,
une sorte de définition de la vocation du théologien. Car c’est en
s’appuyant sur cette figure monastique singulière, que Benoît XVI précise
que la mission du théologien est « aujourd’hui comme hier, dans le bruit de
la société et l’inflation des propos, de rendre présent les paroles
essentielles. »
Dès lors, la vocation d’un lieu de formation théologique, et plus encore
celle d’un institut de liturgie, consiste à rendre possible cette présence
des « paroles essentielles. » Dans la crise actuelle de la transmission,
l’étude de la liturgie en lien étroit avec la pratique de la liturgie,
renvoie à un approfondissement de la foi et de la vie spirituelle.
L’itinéraire de cet approfondissement passe pas trois étapes décisives que
notre exposé a permis d’identifier : l’initiation, la construction
d’identités en relation et la recherche de moyens de régulation qui allient
le respect des institutions liturgiques et des impulsions du magistère et en
même temps le discernement responsable des acteurs sur le terrain.
Il nous faut aller plus loin dans la question de savoir ce que la liturgie
nous dit du mystère de Dieu, par quelles médiations elle fait accéder à la
révélation, et de quelle écoute de la Parole de Dieu, elle est le lieu. De
ce point de vue, la tâche de la science liturgique rejoint celle que doit
accomplir la théologie systématique dans un destin commun que les
circonstances et les conditions actuelles rendent de plus en plus urgente.
Le Saint Père ajoutait en effet que cette tâche doit passer « par une
purification de nos paroles, de celles du monde, et par le silence qui nous
est nécessaire et qui devient contemplation, qui nous fait
entrer dans le
silence de Dieu pour arriver à la source même de la Parole rédemptrice. »
Il y a dans ces propos quelque chose de fondamental pour les liturgistes,
une attitude profonde que le Pape décrit ainsi :
« Notre mode de penser et de parler devrait tendre à donner un espace
d’écoute dans le monde à ce que Dieu dit. Nous sommes ainsi invités à
renoncer à nos propres paroles, à nous engager dans la voie de la
purification
afin que nos propos ne soient que des instruments par lesquels
Dieu parle, lui qui n’est en fait pas l’objet mais le sujet de la
théologie. ».
Puissent ces paroles nous guider pour le travail des années à venir afin que
nous devenions les serviteurs de la paix que Dieu accorde aux hommes de
bonne volonté qui célèbrent son nom par toute leur vie.
Extrait de:
Une parole pour un cinquantenaire
12 janvier 2007 par
Patrick Prétot
Sources:
cinquantenaire -
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 30.01.2007 - BENOÎT XVI - Liturgie |