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Homélie de Benoît XVI à la commission théologique
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ROME, le 17 octobre 2006 -
(E.S.M.) - Le Saint-Siège a publié, en français,
l'Homélie du pape Benoît XVI pour les membres de la Commission
théologique Internationale.
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Le pape Benoît XVI
Homélie de
Benoît XVI à la commission théologique
CONCÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE POUR LES MEMBRES
DE LA COMMISSION THÉOLOGIQUE INTERNATIONALE
HOMÉLIE DU
PAPE BENOÎT XVI
Chers frères et soeurs,
Je n'ai pas
préparé de véritable homélie, a expliqué le pape Benoît XVI, mais seulement
quelques notes pour guider la méditation. La mission de saint Bruno, le
saint du jour, apparaît avec clarté, elle est - pouvons-nous dire -
interprétée dans la prière de ce jour qui, même si elle est assez différente
dans le texte italien, nous rappelle que sa mission
fut faite de silence et de contemplation. Mais silence et
contemplation ont un but: ils servent à conserver,
dans la dispersion de la vie quotidienne, une union permanente avec Dieu.
Tel est le but: que dans notre âme soit toujours présente l'union avec Dieu
et qu'elle transforme tout notre être.
Silence et contemplation -
une caractéristique de saint Bruno - servent à pouvoir trouver dans la
dispersion de chaque jour cette union profonde, continuelle, avec Dieu.
Silence et contemplation: la belle vocation du théologien est de parler.
Telle est sa mission: dans la logorée de notre époque, et d'autres
époques, dans l'inflation des paroles, rendre
présentes les paroles essentielles. Dans les paroles, rendre présente
la Parole, la Parole qui vient de Dieu, la Parole qui est Dieu.
Mais
comment pourrions-nous, en faisant partie de ce monde avec toutes ses
paroles, rendre présente la Parole dans les paroles, sinon à travers un
processus de purification de notre pensée, qui doit surtout être également
un processus de purification de nos paroles? Comment pourrions-nous ouvrir
le monde, et tout d'abord nous-mêmes, à la Parole sans entrer
dans le silence de Dieu, duquel procède sa Parole?
Pour la purification de nos paroles, et donc pour la purification des
paroles du monde, nous avons besoin de ce silence qui devient contemplation,
qui nous fait entrer dans le silence de Dieu et arriver ainsi au point où
naît la Parole, la Parole rédemptrice.
Saint Thomas d'Aquin,
rappelle le pape Benoît XVI, s'inscrivant dans une longue tradition, dit
que, dans la théologie, Dieu n'est pas l'objet dont nous parlons. Telle est
notre conception normale. En réalité, Dieu n'est pas l'objet; Dieu est le
sujet de la théologie. Celui qui parle dans la théologie, le sujet parlant,
devrait être Dieu lui-même. Et nos paroles et nos pensées devraient
uniquement servir pour que Dieu qui parle, la Parole de Dieu puisse être
écoutée, puisse trouver un espace dans le monde. Et ainsi, nous sommes
invités à nouveau sur ce chemin du renoncement à nos propres paroles; sur ce
chemin de la purification, pour que nos paroles ne soient que l'instrument
par l'intermédiaire duquel Dieu puisse parler, et que
Dieu soit ainsi réellement non pas l'objet, mais le sujet de la théologie.
Dans ce contexte, il me vient à l'esprit une très belle parole de la
Première Lettre de saint Pierre, dans le premier chapitre, verset 22. En
latin, elle dit ceci: "Castificantes animas nostras in oboedentia veritatis".
L'obéissance à la vérité doit "rendre chaste" notre âme, et conduire ainsi à
la parole juste et à l'action juste. En d'autres termes, parler pour
susciter les applaudissements, parler en fonction de ce que les hommes
veulent entendre, parler en obéissant à la dictature
des opinions communes, cela est considéré comme une sorte de
prostitution de la parole et de l'âme. La "chasteté" à laquelle fait
allusion l'Apôtre Pierre est de ne pas se soumettre à ces règles, ne pas
rechercher les applaudissements, mais rechercher l'obéissance à la vérité.
Telle est, selon moi, la vertu fondamentale du théologien, cette discipline
quelquefois difficile de l'obéissance à la vérité qui fait de nous des
collaborateurs de la vérité, bouche de la vérité, parce que nous ne parlons
pas nous-mêmes dans ce fleuve de paroles d'aujourd'hui, mais réellement
purifiés et rendus chastes par l'obéissance à la vérité, pour que la vérité
parle en nous. Et nous pouvons vraiment être ainsi des porteurs de la
vérité.
Cela me fait penser à saint Ignace d'Antioche et à l'une de
ses belles expressions: "Qui a compris les paroles du Seigneur comprend son
silence, parce que le Seigneur doit être connu dans son silence". L'analyse
des paroles de Jésus arrive jusqu'à un certain point, mais elle demeure dans
notre pensée. C'est uniquement lorsque nous arrivons à ce silence du
Seigneur, dans sa présence avec le Père dont proviennent les paroles, que
nous pouvons réellement commencer à comprendre la profondeur de ces paroles.
Les paroles de Jésus sont nées dans son silence sur la
Montagne, comme le dit l'Ecriture, dans sa présence avec le Père.
C'est de ce silence de la communion avec le Père, de l'immersion dans le
Père, que naissent les paroles et ce n'est qu'en arrivant à ce point, et en
partant de ce point, que nous arrivons à une véritable profondeur de la
Parole et que nous pouvons être d'authentiques interprètes de la Parole. Le
Seigneur nous invite, en parlant, à gravir avec Lui la Montagne, et dans son
silence, à apprendre ainsi, à nouveau, le véritable sens des paroles.
En disant cela, conclu le pape Benoît XVI, nous sommes arrivés aux deux
lectures d'aujourd'hui. Job avait crié vers Dieu, il avait également
combattu avec Dieu face aux évidentes injustices avec lesquelles il le
traitait. A présent, il est confronté à la grandeur de Dieu. Et il comprend
que, face à la véritable grandeur de Dieu, toutes nos paroles ne sont que
pauvreté et elles sont même très loin d'arriver à la grandeur de son être et
il dit ceci: "J'ai parlé deux fois, je n'ajouterai rien" (Jb 40, 5). Silence
devant la grandeur de Dieu, parce que nos paroles deviennent trop petites.
Cela me fait penser aux dernières semaines de la vie de saint Thomas. Au
cours de ces dernières semaines, il n'a plus écrit, il n'a plus parlé. Ses
amis lui demandent: Maître, pourquoi ne parles-tu plus, pourquoi n'écris-tu
pas? Et il dit: Devant ce que j'ai vu, à présent, toutes mes paroles me
semblent comme paille. Le grand spécialiste de saint Thomas, le Père
Jean-Pierre Torrel, nous dit de ne pas mal interpréter ces paroles. La
paille, ce n'est pas rien. La paille porte le blé et cela est la grande
valeur de la paille. Elle porte le blé. Et la paille des paroles aussi
demeure valable comme porteuse de blé. Mais cela est aussi pour nous,
dirais-je, une relativisation de notre travail et, en même temps, une
valorisation de celui-ci. C'est aussi une indication, afin que notre manière
de travailler, notre paille, porte réellement le blé de la Parole de Dieu.
L'Evangile finit avec les mots: "Qui vous
écoute, m'écoute" (Lc 10, 16). Quelle mise en garde, quel examen
de conscience que ces paroles! Est-il vrai que celui qui m'écoute, écoute
réellement le Seigneur? Prions et travaillons pour qu'il soit toujours plus
vrai que celui qui nous écoute, écoute le Christ. Amen!
Sources: © Copyright 2006 - Libreria Editrice Vaticana - 6 octobre 2006
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) - 17.10.2006 - BENOÎT XVI - THEOLOGIE |