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Le pape Benoît XVI : liturgiquement inclassable
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Le 24 janvier 2023 -
(E.S.M.)
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Nous avons le plaisir de partager avec nos lecteurs une tribune
découverte sur "Esprit de la Liturgie", tribune libre de Dom
Alcuin Reid, dont nous partageons le propos sans pour autant être
associés à son monastère. C'est un historien de la liturgie et
spécialiste du Mouvement Liturgique et des réformes du rite romain
au XXème siècle. LeTitre original de cette tribune en anglais est :
Pope Benedict XVI’s liturgical uncategorisability
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Benoît XVI
Le pape Benoît XVI : liturgiquement inclassable
Le 24 janvier 2023 - E.
S. M. - Le problème que posait Benoît XVI est qu’on ne pouvait
pas le mettre dans une case ou lui coller une étiquette politique.
Pour ceux qui vivent dans de telles cases, c’est là un obstacle
infranchissable. Pour un traditionaliste, comment ce pape pouvait-il
approuver la célébration de la liturgie d’après la réforme
liturgique ? Pour les positivistes ultramontains (dont le
positivisme s’arrête brusquement au 6 août 1978) comment pouvait-il
réhabiliter, et encore pire, libérer, la liturgie d’avant la réforme
? Pour le sempiternellement anonyme “tradical” d’Internet, quelque
soit la date de l’histoire de la liturgie à laquelle il se réfère,
Benoît XVI n’est ni un traditionaliste d’une quelconque espèce, ni
un moderniste : il est une incompréhensible énigme.
Dans une certaine mesure, c’est chose fâcheuse. Il est bien
pratique, sur les plans psychologique, sociologique, théologique et
liturgique, de se trouver une boîte, de s’y réfugier, et de profiter
de la camaraderie qui y règne, pour ainsi dire. Ceux qui sont dedans
vous applaudiront ; ceux qui sont dehors sont un rebut voué à la
perdition. Mais que faire de quelqu’un qui jette un coup d’œil
par-dessus le bord de la boîte, qui comprend et compatit avec les
raisons de s’y réfugier, mais qui comprend également qu’il y a, et
doit y avoir, une vie en-dehors d’elle aussi bien qu’au-dedans ?
Tel, en effet, était Joseph Ratzinger ; tel, également, Benoît XVI –
sur les plans liturgique, ecclésial, pastoral. Il connaissait en
effet la tradition, et il savait combien elle avait besoin – pour
user d’un mot piégé – d’aggiornamento : d’un renouveau, d’un
ressourcement en parfaite continuité avec la Tradition, qui
permettrait à la splendeur de la Tradition de rayonner à nouveau
avec clarté, et de jeter sur notre monde sordide sa lumière
salvatrice.
Oui, tel était Joseph Ratzinger, prêtre, théologien, peritus au plus
récent Concile Œcuménique, Archevêque, Cardinal-Préfet, et Pape.
C’était un homme déconcertant, jamais disposé à s’asservir à un
parti politique, qu’il soit ecclésial ou mondain. Il préférait, pour
trouver l’inspiration, se tourner vers l’Orient, plutôt que vers les
hommes.
Cependant, comme souvent lorsque l’âge et de grandes responsabilités
pèsent sur les épaules et la conscience, il avait désigné de claires
priorités pour son ministère comme Souverain Pontife de l’Église
Universelle. La première était d’enseigner clairement l’idéal :
liturgiquement, cela se retrouve dans son Exhortation Apostolique de
2007
Sacramentum Caritatis. Les “tradicaux” ne l’ont probablement
jamais lue – elle y admet que les rites d’après la réforme existent
! Mais ils apprendraient beaucoup s’ils la lisaient. Ceux pour qui
prennent les rites postconciliaires comme marque idéologique ne sont
pas en reste : dans
Sacramentum Caritatis, Benoît XVI replace ces rites dans le seul
contexte où ils peuvent constituer des éléments acceptables dans la
tradition liturgique catholique – dans une herméneutique de la
continuité avec tout ce qui est reçu dans la Tradition. Le rejet de
ces efforts sans autre forme de procès, même sur ce point, par tant
de gens, est un témoignage suffisamment éloquent.
La deuxième priorité était l’application de ces principes, comme on
le voit dans le Motu Proprio
Summorum Pontificum de la même année – avec
Anglicanorum coetibus (2009), tous deux des exercices
exceptionnels de la juridiction papale à notre époque.
Summorum Pontificum est une autre leçon d’histoire de la
liturgie, une leçon sur la nature de la Tradition catholique, et une
leçon d’ecclésiologie, Le Souverain Pontife a acté qu’il était
impossible d’interdire les anciennes liturgies du rite romain, non à
cause de sa préférence personnelle, mais à cause de la nature de
l’Église, de la Sainte Liturgie, et de la Tradition. L’Histoire s’en
souviendra, une fois que les chiens auront cessé d’aboyer, comme
d’une affirmation selon la réalité et la vérité, et non selon une
préférence politique ou une idéologie : ceux qui la traitent ainsi
se couvrent tout simplement de ridicule.
De même,
Summorum Pontificum fut une sage réalisation de “ce que
l’Esprit dit aux Églises” (Apocalypse 3:22).
Benoît XVI pouvait voir clairement que beaucoup de gens, dont un
grand nombre de jeunes, faisaient l’expérience, dans les rites
anciens de l’Église, de cette participation pleine, consciente et
réelle aux rites liturgiques à laquelle le Second Concile du Vatican
avait appelé (cf.
Sacrosanctum Concilium, 14). Bien que cela eût été tout à fait
inattendu (puisque tout le monde partait du principe que les
réformes du rite étaient essentielles pour atteindre à cette
participation désirée par le Concile), c’était et est toujours une
réalité vivante et fertile dans l’Église du vingt-et-unième siècle.
Cette réalité doit non seulement être reconnue, mais aussi, pour le
bien de l’Église et le salut des âmes, doit pouvoir vivre et
croître, libre des contraintes de tant de potentats, dont les
carrières ecclésiastiques incarnent à la perfection la fanfaronnade
du “Modern Major-General” de Gilbert et Sullivan et de son insolent
succès: “Et je n’ai jamais pensé à penser par moi-même”!
Joseph Ratzinger/Benoît XVI pensait bien par lui-même, de même que,
fervemment, il priait, et aimait profondément. Voilà pourquoi il ne
tenait pas dans une boîte (ni ne risquait d’y tomber). Ceux d’entre
nous qui seraient tentés d’y trouver refuge feraient bien
d’apprendre de sa sagesse et de son courage. Il y a du bon et du
moins bon dans et au-dehors des frontières que nous avons nous-même
tracées. Nous devons acquérir – et plaise à Dieu que Benoît XVI
puisse bientôt intercéder pour nous à cette intention – la capacité
à sortir de nos boîtes, qu’elles soient de carton, de verre, de
cristal, de pierre, et à reconnaître, apprécier et contribuer à tout
ce qui est vrai, beau et bon (et reconnaître clairement ce qui ne
l’est pas) dans les circonstances si rapidement changeantes de
l’Église et du monde au début du vingt-et-unième siècle.
Dom Alcuin Reid. Prieur
Monastère Saint-Benoit, Brignoles, France
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Sources : espritdelaliturgie
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E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 24.01.2023
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