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Le synodalisme, aboutissement du pontificat du pape François
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Le 23 avril 2023 -
E.S.M.
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Peut-être « l’église synodale » du pape François
n’est-elle pas tout à fait celle que souhaitent les
évêques allemands mais il est certain, néanmoins,
qu’elle accueille leurs exigences et que son modèle est
à des années-lumière du modèle traditionnel.
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Le « synodalisme », aboutissement du pontificat du pape François
Le 23 avril 2023 -
E.S.M. -
Après dix ans de pontificat, le point d’aboutissement du règne du
pape François semble bien être le synode des évêques d’octobre 2023,
lequel aura pour thème : Pour une Eglise synodale : communion,
participation et mission. Pour comprendre la confusion sémantique
d’un synode sur la synodalité, il faut avant tout bien distinguer
les deux termes : le synode est un événement historique précis,
alors que la synodalité est « un « chemin » un « processus » qui,
dans l’horizon idéologique du pape François, correspond au primat de
la praxis sur la doctrine.
Le mot synode, dérivé du grec σύνοδος, équivalent du latin
concilium,
signifie en fait « assemblée » ou « réunion » et appartient à la
Tradition de l’Eglise. « Synodalité », par contre, est un néologisme
aux contours imprécis, susceptible d’interprétations et de lectures
multiples. Aux origine de ce terme, il y a celui de « collégialité
», introduit dans le langage théologique par le Père Yves-Marie
Congar, comme l’équivalent du concept de sobornost’, forgé par les
théologiens orthodoxes russes du XIX è siècle (Le peuple fidèle et
la fonction prophétique de l’Eglise, in Irenikon, n. 24 (1951), pp.
440-466). En slave, sobor signifie assemblée ou conseil. Et
sobornost traduit la réalité d’une église universelle fondée sur des
synodes, ou des conciles, présidés non par une autorité commune mais
par le Saint-Esprit. Congar fit du concept de sobornost la pierre
angulaire d’une réforme de l’Eglise qui visait, comme son adversaire
direct, le primat romain défendu par l’école théologique «
ultramontaine ».
Dans les années du Concile Vatican II, le dogme de la primauté
romaine constituait la pierre d’achoppement principale du dialogue
œcuménique. Dès lors, pour favoriser ce dialogue, il importait de
mettre en lumière la dimension « collégiale » du gouvernement de
l’Eglise. Cela permettait une convergence avec la pratique synodale
de l’église orthodoxe et de l’église protestante. De plus, au sein de
la théologie progressiste, resurgissaient les courants du
conciliarisme du XV siècle, du fébronianisme du XVIII et de l’ anti-infaillibilisme
du XIX qui tous avaient cherché à limiter, en des temps et selon des
modes différents, l’autorité et l’influence de la papauté. Il y
avait enfin une raison de caractère plus politique. Dans les milieux
progressistes, le modèle de l’Eglise comme « monarchie absolue »
semblait jurer avec la processus de « modernisation » de la société.
La collégialité, ou synodalité, exprimait les exigences «
démocratiques » de la société moderne.
Le mot d’ordre était : libérer l’Eglise du carcan juridique qui
l’étouffe et transformer sa structure pyramidale en structure
démocratique et égalitaire. « Pendant mille ans chez nous, on a tout
vu et construit dans l’optique dela papauté, pas dans l’optique de
l’épiscopat et de sa collégialité. Il faut aujourd’hui faire cette
histoire, cette théologie, ce droit canon » écrivait Congar le 25
septembre 1964. Il considérait sa lutte contre la « pauvre
ecclésiologie ultramontaine » comme une véritable « mission » (Diario
del Concilio, San Paolo, Cinisello Balsamo (Mi) 2005, vol. II, pp.
136,20) (trad. française : Mon journal du concile, Cerf, Paris
2002).
En 1972, le jésuite allemand Karl Rahner consacrait à son tour un
essai explosif au Changement structurel de l’Eglise comme tâche et
comme chance (tr. it. Queriniana, Brescia, 1975). Il affirmait que
l’Eglise du futur devait être « décléricalisée » , « ouverte », «
œcuménique et pluraliste », « démocratique dans son gouvernement »
et « critique envers la société ». Dans cette ligne se situe le
théologien dominicain Jean-Marie Tillard (Eglise d’églises.
L’ecclésiologie de communion, Cerf, Paris, 1987) disciple de Congar,
qui oppose la synodalité des églises locales au pouvoir vertical de
l’Eglise centrale, tandis que le jésuite John O’Malley cherche à
démolir les origines « ultramontaines » de l’Eglise antérieure à
Vatican II (Vatican I: The Council and the Making of the
Ultramontane Church, Harvard University Press, Cambridge (MA) 2018).
La catégorie de « synodalité » n’est donc pas née avec le pape
François mais elle est devenue avec lui un paradigme officiel qui
correspond au concept d’une « église en sortie » « aux portes
ouvertes » (Encyclique
Evangelii Gaudium du 24 novembre 2013, n.
46). A l’image de « l’église pyramidale », François a substitué
celle de « l’église polyédrique ».« Pensons au polyèdre ; le
polyèdre est une unité, mais avec toutes les parties différentes ;
chacune a sa particularité, son charisme. Telle est l’unité dans la
diversité. C ‘est sur cette route que nous, chrétiens, faisons ce
que nous appelons du nom théologique d’œcuménisme : nous essayons de
faire en sorte que cette diversité soit plus harmonisée par
l’Esprit-Saint et devienne unité »( Discours du pape François,
Eglise pentecôtiste dela Réconciliation, Caserte, 28 juillet 2014).
Dès 2015, lors du cinquantième anniversaire de l’institution du
Synode des évêques, le pape François affirmait que « le chemin de la
synodalité » est « la dimension constitutive de l’Eglise »( Discours
du 17 octobre 2015), mais sans préciser en quoi consiste cette
dimension. La voie, pourtant, avait été ouverte et la Conférence
épiscopale allemande a décidé de s’y engager : le 1er décembre 2019
, dans une Lettre aux fidèles signée par le cardinal Reinhard Marx
et par le Président du Comité central des catholiques allemands (ZDK),
Thomas Sternberg, elle annonçait qu’elle s’était convoquée elle-même
pour prendre la tête d’un « chemin synodal » avec l’objectif
d’étendre à l’Eglise universelle les décisions « contraignantes » de
son« synode permanent ». Une étude récente de Diego Benedetto
Panetto montre bien comment, derrière le chemin synodal allemand, se
cache un projet de réforme de l’Eglise universelle destiné à «
démocratiser » l’Eglise et à redéfinir la papauté.(Il cammino
sinodale tedesco e il progetto di una nuova chiesa, Tradizione
Famiglia Proprietà, Rome 2020). L’ultime étape de ce processus s’est
déroulée le 11mars dernier à Francfort où un tonnerre
d’applaudissements a accueilli la demande d’étendre à l’Eglise
universelle l’abolition du célibat, le diaconat sacramentel des
femmes, la communion aux divorcés et la bénédiction des couples
homosexuels.
Peut-être « l’église synodale » du pape François n’est-elle pas tout
à fait celle que souhaitent les évêques allemands mais il est
certain, néanmoins, qu’elle accueille leurs exigences et que son
modèle est à des années-lumière du modèle traditionnel. La «
dimension synodale de l’Eglise » est, de plus, à l’évidence, une
utopie ; elle partage la puissance dévastatrice de toutes les
utopies, en étant dépourvue de toute capacité à construire. Tenter
de réaliser ce rêve monstrueux requiert l’exercice d’un pouvoir
autoritaire et tyrannique. L’église synodale est donc une église
égalitaire et acéphale qui se réalise en fait à travers la dictature
de la synodalité. Il serait catastrophique de vouloir combattre les
abus de pouvoir auxquels nous sommes confrontés par la négation ou
la limitation du principe d’autorité. C’est là une tâche que peuvent
accomplir, en restant cohérents avec leurs principes, les
catholiques libéraux, gallicans ou modernistes ; certainement pas
ceux qui se revendiquent de la Tradition de l’Eglise.
La doctrine catholique affirme que le pouvoir de juridiction
revient, iure divino, au pape et aux évêques. La plénitude du
pouvoir de juridiction appartient toutefois seulement au pape sur
qui est fondé tout l’édifice de l’Eglise. Le pontife romain est
l’autorité souveraine de toute l’Eglise, et en vertu de son primat
de gouvernement universel, il en reste le législateur suprême. Cette
doctrine déjà exposée au Concile de Florence en 1439 et dans la
Professio Fidei tridentine fut définie solennellement, au Premier
Concile du Vatican, par la constitution dogmatique
Pastor Aeternus (18 juillet 1870) qui réaffirme le primat non seulement d’honneur
mais de véritable juridiction du pontife romain sur l’Eglise
universelle et son infaillibilité sous des conditions bien précises.
Ce sont ces dogmes, providentiellement promulgués par le bienheureux
Pie IX, que les catholiques doivent utiliser comme levier contre le
synodalisme. C’est là, en vérité, l’unique route qui permettra à
l’Eglise, toujours vivante et indéfectible, de renaître dans toute
sa splendeur et toute sa puissance.
Roberto de Mattei
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Sources : correspondance
europeenne
-
E.S.M.
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constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 23.04.2023
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