Carême 2010. Les cendres du pape
Benoît XVI |
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Rome, le 17 février 2010 -
(E.S.M.)
- Sa préoccupation: la disparition de la foi. Son programme:
conduire les hommes à Dieu. Son outil préféré: l'enseignement. Mais, au
Vatican, la curie l’aide peu. Et même, parfois, elle lui nuit
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Le pape Benoît XVI
Carême 2010. Les cendres du pape Benoît XVI
Le 17 février 2010 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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Aujourd’hui, mercredi des cendres, commence le
Carême selon le rite romain. Et l’évêque de Rome y entre, comme chaque
année, les cendres au front, par une procession pénitentielle et une messe
célébrée à l'antique basilique Sainte-Sabine.
Le Carême est aujourd’hui bien affaibli dans la mentalité commune en
Occident, où le Ramadan musulman attire plus l’attention. Mais Benoît XVI
tient visiblement à redonner du sens et de la vigueur à ce temps de
préparation à Pâques.
Cette année, en plus de son message aux fidèles reproduit ci-dessous, et de
l'audience générale et de l'homélie du mercredi des cendres, le pape Joseph
Ratzinger ouvre le Carême par une double "lectio divina".
La première, il y
a quelques jours, était destinée aux séminaristes de Rome ; la seconde,
demain, le sera aux prêtres du diocèse.
La "lectio divina" est une réflexion sur le sens des Saintes Écritures : on
choisit un passage de la Bible et on le commente. Le pape Benoît XVI a
coutume de les improviser, dans le style des anciens Pères de l’Église et
des grands maîtres théologiens du Moyen Âge, mais toujours en étant attentif
à la culture actuelle.
Vendredi dernier, 12 février, commentant aux séminaristes de Rome un passage
du chapitre 15 de l’Évangile de Jean, le pape a parlé d’une lettre que lui a
écrite un professeur de l'université de Ratisbonne, qui contestait la vision
chrétienne de Dieu.
Benoît XVI a dit qu’il avait reconnu dans les objections de ce professeur
"l’éternelle tentation du dualisme, à savoir qu’il n’y a peut-être pas
seulement un principe bon, mais aussi un principe mauvais, un principe du
mal, et que le Dieu bon n’est qu’une partie de la réalité".
Et il a ajouté :
"La thèse selon laquelle Dieu ne serait pas tout-puissant se répand
actuellement dans la théologie elle-même, y compris dans la théologie
catholique. On cherche ainsi une apologie de Dieu : celui-ci ne serait donc
pas responsable du mal que l’on trouve largement répandu dans le monde. Mais
quelle pauvre apologie ! Un Dieu qui n’est pas tout-puissant ! Le mal n’est
pas dans ses mains ! Comment pourrions-nous faire confiance à ce Dieu ?
Comment pourrions-nous être sûrs de son amour si cet amour finit là où
commence le pouvoir du mal ?".
Il y a une similitude impressionnante entre ces propos du pape et ce qu’a
dit Robert Spaemann, un philosophe allemand qu’il estime beaucoup, au
colloque international sur Dieu que la conférence des évêques d’Italie a
organisé à Rome en décembre dernier :
"Qui croit en Dieu croit que la puissance absolue et le bien absolu ont
la même référence : la sainteté de Dieu. Les gnostiques des premiers siècles
chrétiens niaient cette identité. Ils attribuaient les deux attributs à deux
divinités, une puissance mauvaise, le 'deus universi', dieu et créateur de
ce monde, et un dieu qui est lumière et apparaît de loin dans l’obscurité de
ce monde. [...] Il est important de souligner cela aujourd’hui, puisque les
prêtres, plutôt que d’appeler sur nous la bénédiction du Dieu tout-puissant,
ne parlent en fait que du 'Dieu bon'. Le discours sur la bonté de Dieu, sur
Dieu qui est amour, perd son côté bouleversant s’il n’indique pas qui est
celui dont on dit qu’Il est amour, c’est-à-dire s’il n’indique pas qu’Il est
la puissance qui dirige notre vie et le monde. [...] Si le bien
n’appartenait pas à l’être, l’être ne serait pas tout, il ne serait pas la
totalité. [...] Mais le contraire est vrai aussi : si le bien était
impuissance, alors il ne serait pas le bien tout court. Parce que
l’impuissance du bien n’est pas le bien. La foi en la puissance du bien est
ce qui nous permet de nous abandonner activement à la réalité, sans avoir à
craindre que, dans un monde absurde, même les bonnes intentions soient
considérées comme des absurdités".
La très grande attention qu’il porte à cette question montre de manière de
plus en plus évidente que Benoît XVI a vraiment pris comme "priorité"
de son pontificat "de rendre Dieu présent dans ce monde et d’ouvrir aux
hommes l'accès à Dieu" (comme il est dit dans sa lettre
aux évêques du 10 mars 2009). Priorité qu’il a récemment rappelée
par sa proposition d’"ouvrir une cour des Gentils" pour tous ceux qui
cherchent Dieu.
La volonté de concentrer sa mission de pape sur la prédication est donc de
plus en plus claire chez Ratzinger. Une prédication d’une grande vigueur
doctrinale, visant à consolider les fondements de la doctrine et à "confirmer"
dans la foi une Église très tentée par des visions spiritualisées et
réductives de Dieu, mais aussi de Jésus et des dogmes chrétiens.
*
Toutefois on est étonné que, dans cette entreprise audacieuse, le pape
Ratzinger ne reçoive pas de sa curie un soutien adéquat.
Le communiqué de la secrétairerie d’état du 9 février dernier est le plus
récent signe de ce décalage entre le magistère du pape et l'activité de la
machine vaticane.
Beaucoup de gens ont jugé excessif d’impliquer le pape et de s’abriter
derrière lui pour démentir la transmission de documents du Vatican à un
journal, l'utilisation d’un gendarme pontifical comme facteur et
l’attribution à la curie d’un article sous une fausse signature, dans le
cadre d’une affaire qui reste en tout cas inchangée dans ses traits
essentiels de conflit entre la secrétairerie d’état et la conférence des
évêques d’Italie, conflit auquel le pape était et est supérieur, et dont
personne ne l’accuse. Non seulement c’est sans lien, mais c’est en
opposition flagrante avec la qualité et le contenu du magistère du pape
Benoît XVI, malgré l'approbation de forme qu’il a donnée à la publication du
communiqué et la confiance qu’il a renouvelée à ses collaborateurs.
Cette affaire a déjà été traitée, il y a quelques jours, dans l’article
suivant ►
Italie, États-Unis, Brésil. Du Vatican à la conquête du monde
Mais pour en revenir aux "choses d’en haut", on trouvera sur ce lien le
message par lequel le pape a voulu ouvrir le Carême de cette année. ►
Message
du pape Benoît XVI pour le Carême 2010
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La transcription intégrale de la "lectio divina"
de Benoît XVI aux séminaristes de Rome, le 12 février 2010
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Lectio divina
L'audience générale du 17 février 2010
►
Le temps du Carême
L'homélie à la messe du mercredi des cendres
►
Homélie de Benoît XVI, messe des Cendres
Et la "lectio divina" au clergé de Rome, le 18 février 2010
►
Benoît XVI reçoit le clergé de Rome
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La lettre adressée le 10 mars 2009 par Benoît XVI aux évêques, avec la
dénonciation des conflits internes à l’Église et l'indication que la
question de Dieu est la "priorité" de son pontificat
►
"Si
vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, prenez garde : vous
allez vous détruire les uns les autres"
Le colloque international organisé par la conférence des évêques d’Italie
sur "Dieu aujourd’hui. Avec lui ou sans lui, cela change tout"
►
Toutes
les raisons de Dieu. Une enquête
Le discours adressé le 21 décembre 2009 par Benoît XVI à la curie romaine,
avec la proposition d’"une cour des Gentils" pour tous ceux qui
cherchent Dieu ►
"Je pense qu'aujourd'hui aussi l'Eglise
devrait ouvrir une cour des Gentils"
Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
Source: Sandro Magister
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 17.02.2010 -
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