Message du pape Benoît XVI pour le
Carême 2010 |
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Le 04 février 2010 -
(E.S.M.)
- Ce jeudi 4 février 2010 à 11h30, dans la Salle Jean Paul II de la Salle de
presse du Saint-Siège, s'est tenue la Conférence de presse pour la
présentation du Message du pape Benoît XVI pour le Carême, sur le thème : «
La justice de Dieu s'est manifestée par la foi en en Jésus-Christ »
(Rm 3, 21-22).
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Message du pape Benoît XVI pour le
Carême 2010
Le 04 février 2010 - Eucharistie
Sacrement de la Miséricorde
- Ce jeudi 4 février 2010 à 11h30, dans la Salle Jean Paul II de la Salle de
presse du Saint-Siège, s'est tenue la Conférence de presse pour la
présentation du Message du pape Benoît XVI pour le Carême, sur le thème : «
La justice de Dieu s'est manifestée par la foi en en Jésus-Christ »
(Rm 3, 21-22).
MESSAGE DE SA SAINTETÉ
BENOÎT XVI
POUR LE CARÊME 2010
La justice de Dieu s’est manifestée
moyennant la foi au Christ (Rm 3, 21-22)
Chers frères et sœurs,
Chaque année, à l’occasion du carême, l’Église nous invite à une révision de
vie sincère à la lumière des enseignements évangéliques. Cette année
j’aimerais vous proposer quelques réflexions sur un vaste sujet, celui de la
justice, à partir de l’affirmation de saint Paul : « La justice de Dieu
s’est manifestée moyennant la foi au Christ. » (Rm 3,
21-22)
Justice : « dare cuique suum »
En un premier temps, je souhaite m’arrêter sur le sens du mot « justice
» qui dans le langage commun revient à « donner à chacun ce qui lui est
dû - dare cuique suum » selon la célèbre expression d’Ulpianus, juriste
romain du III siècle. Toutefois cette définition courante ne précise pas en
quoi consiste ce « suum » qu’il faut assurer à chacun. Or ce qui est
essentiel pour l’homme ne peut être garanti par la loi. Pour qu’il puisse
jouir d’une vie en plénitude il lui faut quelque chose de plus intime, de
plus personnel et qui ne peut être accordé que gratuitement : nous pourrions
dire qu’il s’agit pour l’homme de vivre de cet amour que Dieu seul peut lui
communiquer, l’ayant créé à son image et à sa ressemblance. Certes les biens
matériels sont utiles et nécessaires. D’ailleurs, Jésus lui-même a pris soin
des malades, il a nourri les foules qui le suivaient et, sans aucun doute,
il réprouve cette indifférence qui, aujourd’hui encore, condamne à mort des
centaines de millions d’êtres humains faute de nourriture suffisante, d’eau
et de soins. Cependant, la justice distributive ne rend pas à l’être humain
tout ce qui lui est dû. L’homme a, en fait, essentiellement besoin de vivre
de Dieu parce que ce qui lui est dû dépasse infiniment le pain. Saint
Augustin observe à ce propos que « si la justice est la vertu qui rend à
chacun ce qu’il lui est dû... alors il n’y a pas de justice humaine qui ôte
l’homme au vrai Dieu » (De Civitate Dei XIX, 21)
D’où vient l’injustice?
L’évangéliste Marc nous transmet ces paroles de Jésus prononcées à son
époque lors d’un débat sur ce qui est pur et ce qui est impur : « Il
n’est rien d’extérieur à l’homme qui, pénétrant en lui, puisse le
souiller... ce qui sort de l’homme voilà ce qui souille l’homme. Car c’est
du dedans, du cœur des hommes que sortent les desseins pervers. »
(Mc 7, 14-15 ; 20-21) Au-delà du problème immédiat
de la nourriture, nous pouvons déceler dans la réaction des pharisiens une
tentation permanente chez l’homme : celle de pointer l’origine du mal dans
une cause extérieure. En y regardant de plus près, on constate que de
nombreuses idéologies modernes véhiculent ce présupposé : puisque
l’injustice vient du dehors, il suffit d’éliminer les causes extérieures qui
empêchent l’accomplissement de la justice. Cette façon de penser, nous
avertit Jésus, est naïve et aveugle. L’injustice, conséquence du mal, ne
vient pas exclusivement de causes extérieures ; elle trouve son origine dans
le cœur humain où l’on y découvre les fondements d’une mystérieuse
complicité avec le mal. Le psalmiste le reconnaît douloureusement : «
Vois dans la faute je suis né, dans le péché ma mère m’a conçu. »
(Ps 51,7). Oui, l’homme est fragilisé par une
blessure profonde qui diminue sa capacité à entrer en communion avec
l’autre. Naturellement ouvert à la réciprocité libre de la communion, il
découvre en lui une force de gravité étonnante qui l’amène à se replier sur
lui-même, à s’affirmer au-dessus et en opposition aux autres : il s’agit de
l’égoïsme, conséquence du péché originel. Adam et Eve ont été séduits par le
mensonge du Satan. En s’emparant du fruit mystérieux, ils ont désobéi au
commandement divin. Ils ont substitué une logique du soupçon et de la
compétition à celle de la confiance en l’Amour, celle de l’accaparement
anxieux et de l’autosuffisance à celle du recevoir et de l’attente confiante
vis-à-vis de l’autre (cf. Gn 3, 1-6) de sorte qu’il en est résulté un
sentiment d’inquiétude et d’insécurité. Comment l’homme peut-il se libérer
de cette tendance égoïste et s’ouvrir à l’amour ?
Justice et Sedaqah
Au sein de la sagesse d’Israël, nous découvrons un lien profond entre la foi
en ce Dieu qui « de la poussière relève le faible »
(Ps 113,7) et la justice envers le prochain. Le mot sedaqah, qui
désigne en hébreux la vertu de justice, exprime admirablement cette
relation. Sedaqah signifie en effet l’acceptation totale de la volonté du
Dieu d’Israël et la justice envers le prochain (cf. Ex
20,12-17), plus spécialement envers le pauvre, l’étranger,
l’orphelin et la veuve (cf. Dt 10, 18-19). Ces
deux propositions sont liées entre elles car, pour l’Israélite, donner au
pauvre n’est que la réciprocité de ce que Dieu a fait pour lui : il s’est
ému de la misère de son peuple. Ce n’est pas un hasard si le don de la Loi à
Moïse, au Sinaï, a eu lieu après le passage de la Mer Rouge. En effet,
l’écoute de la Loi suppose la foi en Dieu qui, le premier, a écouté les cris
de son peuple et est descendu pour le libérer du pouvoir de l’Égypte
( cf. Ex 3,8). Dieu est attentif au cri de celui qui est dans la
misère mais en retour demande à être écouté : il demande justice pour le
pauvre (cf. Sir 4,4-5. 8-9), l’étranger
(cf. Ex 22,20), l’esclave (cf.
Dt 15, 12-18). Pour vivre de la justice, il est nécessaire de
sortir de ce rêve qu’est l’autosuffisance, de ce profond repliement sur-soi
qui génère l’injustice. En d’autres termes, il faut accepter un exode plus
profond que celui que Dieu a réalisé avec Moïse, il faut une libération du
cœur que la lettre de la Loi est impuissante à accomplir. Y a-t-il donc pour
l’homme une espérance de justice ?
Le Christ, Justice de Dieu
L’annonce de la bonne nouvelle répond pleinement à la soif de justice de
l’homme. L’apôtre saint Paul le souligne dans son Épître aux Romains : «
Mais maintenant sans la Loi, la justice de Dieu s’est manifestée...par la
foi en Jésus Christ à l’adresse de tous ceux qui croient. Car il n’y a pas
de différence : tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu et ils
sont justifiés par la faveur de sa grâce en vertu de la rédemption accomplie
par le Christ Jésus. Dieu l’a exposé instrument de propitiation par son
propre sang moyennant la foi. » (3, 21-25)
Quelle est donc la justice du Christ ? C’est avant tout une justice née de
la grâce où l’homme n’est pas sauveur et ne guérit ni lui-même ni les
autres. Le fait que l’expiation s’accomplisse dans « le sang » du Christ
signifie que l’homme n’est pas délivré du poids de ses fautes par ses
sacrifices, mais par le geste d’amour de Dieu qui a une dimension infinie,
jusqu’à faire passer en lui la malédiction qui était réservée à l’homme pour
lui rendre la bénédiction réservée à Dieu (cf. Gal 3,
13-14). Mais immédiatement pourrait-on objecter : de quel type de
justice s’agit-il si le juste meurt pour le coupable et le coupable reçoit
en retour la bénédiction qui revient au juste ? Est-ce que chacun ne
reçoit-il pas le contraire de ce qu’il lui est dû ? En réalité, ici, la
justice divine se montre profondément différente de la justice humaine. Dieu
a payé pour nous, en son Fils, le prix du rachat, un prix vraiment
exorbitant. Face à la justice de la Croix, l’homme peut se révolter car elle
manifeste la dépendance de l’homme, sa dépendance vis-à-vis d’un autre pour
être pleinement lui-même. Se convertir au Christ, croire à l’Évangile,
implique d’abandonner vraiment l’illusion d’être autosuffisant, de découvrir
et accepter sa propre indigence ainsi que celle des autres et de Dieu, enfin
de découvrir la nécessité de son pardon et de son amitié.
On comprend alors que la foi ne soit pas du tout quelque chose de naturel,
de facile et d’évident : il faut être humble pour accepter que quelqu’un
d’autre me libère de mon moi et me donne gratuitement en échange son soi.
Cela s’accomplit spécifiquement dans les sacrement de la réconciliation et
de l’eucharistie. Grâce à l’action du Christ, nous pouvons entrer dans une
justice « plus grande », celle de l’amour (cf. Rm 13,
8-10), la justice de celui qui, dans quelque situation que ce
soit, s’estime davantage débiteur que créancier parce qu’il a reçu plus que
ce qu’il ne pouvait espérer.
Fort de cette expérience, le chrétien est invité à s’engager dans la
construction de sociétés justes où tous reçoivent le nécessaire pour vivre
selon leur dignité humaine et où la justice est vivifiée par l’amour.
Chers frères et sœurs, le temps du carême culmine dans le triduum pascal, au
cours duquel cette année encore, nous célébrerons la justice divine, qui est
plénitude de charité, de don et de salut. Que ce temps de pénitence soit
pour chaque chrétien un temps de vraie conversion et d’intime connaissance
du mystère du Christ venu accomplir toute justice. Formulant ces vœux,
j’accorde à tous et de tout cœur ma bénédiction apostolique.
Cité du Vatican, le 30 octobre 2009
BENEDICTUS PP. XVI
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Présentation du message de Benoît XVI pour le Carême 2010
Sources : www.vatican.va
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E.S.M.
© Copyright 2009 - Libreria Editrice Vaticana
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 04.02.2010 -
T/Benoît XVI
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