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Poutine et les Juifs de Russie. La dénonciation du grand rabbin
rebelle
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Le 13 mars 2023 - E.S.M.
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C’est ainsi que la revue américaine « Foreign Policy » a
intitulé fin février l’impressionnant récit qu’a fait
Pinchas Goldschmidt des rapports difficiles entres les
Juifs russes et le régime de Vladimir Poutine, des
rapports qui se sont davantage compliqués après son
agression contre l’Ukraine.
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Alexander Boroda à droite des
deux rabbins convoqués par Poutine au Kremlin le 26 janvier -
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Poutine et les Juifs de Russie. La dénonciation du grand rabbin rebelle
Le 13 mars 2023 - E.S.M. -
« J’étais le grand rabbin de Moscou. La Russie m’a contraint à fuir
». C’est ainsi que la revue américaine «
Foreign Policy » a intitulé fin février l’impressionnant récit
qu’a fait Pinchas Goldschmidt des rapports difficiles entres les
Juifs russes et le régime de Vladimir Poutine, des rapports qui se
sont davantage compliqués après son agression contre l’Ukraine.
Dans cette guerre, le facteur religieux a son importance.
Avec des racines lointaines qui, pour les Juifs de Russie, remontent
aux soixante-dix années de dictature communiste, dont ils sont
sortis pratiquement détruits. Ce n’est qu’après le tournant de 1989,
quand avec Mikhaïl Gorbatchev « la perestroïka et la glasnost
battaient leur plein », que le rabbin Goldschmidt est arrivé à
Moscou, avec l’intention de « reconstruire la communauté juive ».
Quatre années plus tard, en 1993, Goldschmidt devient grand
rabbin de Moscou. Mais à l’aube du deuxième millénaire, avec
l’arrivée de Poutine à la présidence, les signaux repassent à
nouveau au rouge. À l’hiver 2003, le rabbin est convoqué par des
fonctionnaires des services de sécurité fédéraux, le FSB, l’héritier
du célèbre KGB, qui lui demandent de se mettre à leur service en
tant qu’informateur. Goldschmidt refusa. Par la suite, les
fonctionnaires reviennent plusieurs fois à la charge, toujours sans
succès, jusqu’à ce qu’en 2005 – écrit-il – « j’ai été expulsé de
Russie, peut-être justement à cause de mon refus de collaborer avec
les agences d’espionnage ».
Et il ajoute : « Je n’ai pu revenir que grâce à
l’intervention du premier ministre italien de l’époque, Silvio
Berlusconi », évidemment grâce à l’amitié que ce dernier avait créée
avec Poutine.
Mais les agents du FSB ne s’avouèrent pas vaincus : « il
tenaient sous contrôle, visitaient et intimidaient » un nombre
croissant de Juifs russes. Jusqu’à la conclusion d’un accord avec la
Fédération des communautés juives de Russie, la FEOR, qui se plia à
deux conditions bien précises du Kremlin.
La première était de blanchir l’image de Poutine de tout
soupçon d’antisémitisme, pendant qu’il se battait contre les
oligarques d’origine juive Mikhail Fridman, Vladimir Gusinsky,
Mikhail Khodorkovsky et Boris Berezovsky.
La seconde condition du Kremlin était d’utiliser la
Fédération des Juifs russes comme porte-parole en direction les
Juifs d’Occident, « pour faire passer le message que, quoiqu’on
puisse penser de Poutine, toute autre alternative serait pire et
aboutirait à la persécution des Juifs ». Et la Fédération ne manqua
pas de remplir sa part du contrat par la suite : quand Poutine
annonça sa volonté de revenir à la présidence en 2012, les rabbins
de la FEO « s’empressèrent de faire en sorte que les Juifs de Moscou
renoncent à participer aux manifestations ».
Et quand la Russie s’appropria la Crimée en 2014, « les
leaders de la FEOR s’activèrent au maximum pour donner la ligne à
suivre, en dépit des protestations des Juifs russes : Juifs, ne vous
en mêlez pas, ce n’est pas notre guerre ».
Quant aux années de guerre dans le Donbass qui suivirent,
Goldschmidt écrit : « Dans le contexte du discours de propagande
russes pour soutenir la lutte contre les néo-nazis en Ukraine, le
Musée de la Tolérance, construit par la FEOR et centré sur
l’histoire de la seconde guerre mondiale, a été utilisé à de
nombreuses reprises pour accréditer la thèse selon laquelle la
guerre contre l’Ukraine était une guerre contre le retour du
nazisme. Telle était la ligne adoptée par le rabbin Alexander Boroda,
président de la FEOR, pour soutenir la guerre. Les
organisations-sœur de la FEOR situées hors de Russie, comma Chabad,
n’ont pas dit un mot. »
Sur la photo ci-dessus (de Mikhaïl Metzel pour Sputnik et
l’AFP via Getty Images), Alexander Boroda est l’homme à droite des
deux rabbins convoqués par Poutine au Kremlin le 26 janvier de cette
année.
Entretemps, le Service de sécurité fédéral, c’est-à-dire les
services secrets, « ont poursuivi leur guerre d’usure contre les
rabbins, principalement ceux d’origine étrangère, en expulsant ces
dix dernières années plus de onze rabbins appartenant aux
différentes communautés, c’est-à-dire ceux qui ne suivaient pas la
ligne du parti fixée par le FSB sur le modèle de l’Église orthodoxe
russe ».
Et c’est là, dans son récit dans « Foreign Policy », que Goldscmidt ouvre le chapitre sur le « rôle essentiel » joué par
l’Église orthodoxe russe « dans la guerre du Kremlin contre
l’Ukraine », un rôle « dans lequel la religion a été utilisée – et
pervertie – comme arme pour justifier des crimes contre
l’humanité ».
En premier lieu, Goldschmidt fait remarque que c’est avec la
montée au pouvoir de Poutine que l’orthodoxie russe « a connu une
véritable renaissance », reconstruisant ces vingt dernières années
« encore plus de nombreuses églises et monastères, environ 10.000,
qu’avant la révolution de 1917 »
En second lieu, Goldschmidt présente « les deux options » qui
s’offraient à l’Église orthodoxe au sortir de l’Union soviétique :
« ou bien devenir un véhicule de démocratisation comme l’étaient les
Églises catholiques et protestantes d’Europe occidentale, en
soutenant leurs propres fidèles dans une lutte pour une vie
meilleure ; ou bien se ranger du côté des tendances autoritaires du
gouvernement et en récolter les bénéfices qui en découlaient, comme
la construction de somptueuses églises dans tout le pays ».
Et donc, poursuit le rabbin : « le patriarche Cyrille, le
chef de l’Église dans la Russie de Poutine, a choisi la deuxième
option. Dans un pays dépourvu d’idéologie, l’Église s’est unie à
l’État pour fournir une nouvelle idéologie à la propagande anti-occidentale du régime et, dans une certaine mesure, elle a
remplacé le parti communiste dans sa création de culture et de
valeurs. Le rôle de l’Église a visé à fournir un fondement
idéologique à un régime étranger au respect des droits de l’homme, à
la démocratie et aux élections libres, le poussant à attaquer la
faveur de l’Occident pour les droits des gays et le laxisme
sexuel ».
Ce rôle de l’Église orthodoxe, poursuit Goldschmidt, « est
devenu plus clair quand Poutine a qualifié la dissolution de l’Union
soviétique comme la plus grande catastrophe géopolitique du XXe
siècle. Par une série de guerres et de conquêtes, Poutine s’est
engagé à recréer l’Union soviétique, même sans le marxisme ».
Il est un fait que Cyrille « est devenu le partisan le plus
acharné de l’invasion de l’Ukraine, conférant à l’invasion le statut
d’une guerre sainte et promettant l’absolution et une place au
paradis pour tous les soldats tombés ». Avec pour conséquence que
« les voix ne soutenant pas l’invasion au sein de l’Église ont
immédiatement été réduites au silence : le métropolite Hilarion,
chef des relations étrangères et en pratique numéro deux du
patriarche de Moscou, a été exilé dans la minuscule communauté
orthodoxe de Budapest, en Hongrie, pour avoir refusé de soutenir la
guerre ».
Et lui, Goldschmidt, grand rabbin de Moscou depuis trente
ans ? « Deux semaines après l’invasion de l’Ukraine, j’ai moi aussi
décidé de quitter la Russie pour l’Europe et ensuite Israël. Je
m’étais rendu compte que j’aurais été contraint à soutenir la guerre
et qu’exprimer une opinion dissonante aurait été dangereux ».
La raison de l’absence actuelle, en Russie, de voix
dissonantes de la part des chrétiens ou des autres groupes religieux
s’explique selon Goldschmidt par l’absence, après soixante-dix
années de dictature communiste, d’une véritable catharsis nationale,
comparable à la réconciliation en Afrique du Sud après l’apartheid
ou à la dénazification de l’Allemagne de l’après-guerre.
En Russie, peu de choses ont changé. Comme à l’époque
soviétique, personne n’obtenait une charge religieuse sans passer
par les services du KGB, aujourd’hui, sous la domination de Poutine,
« les vieilles tactiques sont revenues en force et le FSB a
recommencé à recruter des représentants du clergé de toutes les
religions en recourant aux menaces, au chantage et à la manipulation
pour contrôler tous les groupes religieux. Il ne s’est pas limité à
s’assurer de la soumission de l’Église orthodoxe russe et à
infiltrer la communauté juive, le FSB a également fait en sorte de
place ses agents à l’intérieur du leadership religieux musulman ».
Cet asservissement est tel, poursuit Golschmidt, que « si
un jour un nouveau régime démocratique montait au pouvoir en Russie »,
le contrecoup inévitable serait « l’exode de millions de personnes
de la base populaire de l’Église orthodoxe russe ».
Et il conclut : « Tous les leaders religieux devraient se
rappeler d’un principe fondamental : leur ressource principale ce
sont les personnes, pas les cathédrales. Et il y a un prix à payer
pour une fusion totale avec l’État. Une fois que l’État et l’Église
ne font plus qu’un, l’un d’eux finit toujours pas devenir
dangereusement et terriblement superflu ».
Un article de
Sandro Magister, vaticaniste à
L’Espresso.
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Sources :
diakonos.be E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
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(E.S.M.)
13.03.2023
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