 |
La primauté du Pape divise les Églises. Mais François empêche qu’on
la réforme
|
Le 11 novembre 2024 -
E.S.M.
- Le Pape François a programmé une rencontre
à Iznik avec le patriarche de Constantinople,
Bartholomée, ainsi que d’autres chefs des Églises
d’Orient, dans l’intention s’entendre une fois pour
toutes sur une date commune pour la célébration de
Pâques, qui par une heureuse coïncidence des divers
calendriers, tombera le même jour l’an prochain, le 20
avril.
|
|
Pour agrandir
l'image ►
Cliquer
La primauté du Pape divise les Églises. Mais François empêche qu’on la
réforme
Le 11 novembre 2024 -
E.S.M. -
Pour l’Église de Rome, l’année 2025 ne sera pas seulement celle du
jubilé. On fêtera également le 1700e anniversaire du premier
concile œcuménique de l’histoire, qui a eu lieu dans la ville de Nicée,
aujourd’hui Iznik, en Anatolie, non loin du Bosphore.
Pour
l’occasion, le Pape François a programmé une rencontre à Iznik avec
le patriarche de Constantinople, Bartholomée, ainsi que d’autres
chefs des Églises d’Orient, dans l’intention s’entendre une fois
pour toutes sur une date commune pour la célébration de Pâques, qui
par une heureuse coïncidence des divers calendriers, tombera le même
jour l’an prochain, le 20 avril.
Mais surtout, l’anniversaire de Nicée sera l’occasion de faire
avancer le dialogue œcuménique sur la primauté du pape, sur la manière
de le redéfinir et de le mettre en pratique avec le consensus de toutes
les Églises séparées de Rome, d’Orient comme d’Occident. Une entreprise
pour le moins ardue mais qui a cependant fait quelques pas en avant ces
dernières décennies, comme le révèle un texte publié cette année par le
Dicastère du Vatican pour l’Unité des chrétiens, présidé par le cardinal
suisse Kurt Koch.
Ce document, qui s’intitule « L’évêque
de Rome » et se décrit comme un « document d’étude », s’appuie sur
le décret conciliaire « Unitatis Redintegratio » et de la levée qui avait suivi des excommunications
réciproques entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe remontant au
grand schisme de 1054.
La primauté du Pape a été l’une des questions les plus débattues dans
le cadre du dialogue œcuménique encouragé par le Concile Vatican II.
Paul VI l’avait immédiatement qualifiée de « plus grand obstacle sur le
chemine de l’œcuménisme ». Et Jean-Paul II, dans l’encyclique « Ut
unum sint » de 1995, avait émis l’espoir de dépasser cet obstacle et
de trouver « une forme d’exercice de la primauté ouverte à une situation
nouvelle, mais sans renoncement aucun à l’essentiel de sa mission ».
Cet appel avait suscité des dizaines de réponses issues de
différentes Églises et mouvements œcuméniques ainsi qu’une cinquantaine
de documents avec le bilan des dialogues noués avec l’Église catholique.
Le document du Dicastère pour l’unité des chrétiens propose un index
général et une synthèse de tout cela.
En ce qui concerne, par exemple, les Églises d’Orient, la commission
mixte des théologiens catholiques et orthodoxes qui se réunit
périodiquement a produit un
document en 2016 à Chieti portant justement sur « synodalité et
primauté au premier millénaire », dans la ligne de cette célèbre petite
phrase du jeune Joseph Ratzinger qui selon laquelle, en ce qui concerne
la primauté du pape, « Rome ne doit pas exiger de l’Orient davantage que
ce qui a été formulé et vécu au premier millénaire ».
Sans pour autant parvenir à concilier les deux compréhensions
différentes que la primauté de l’évêque de Rome avait déjà au cours de
ce premier millénaire en Occident et en Orient, selon ce qu’écrit le
document.
Et un
document ultérieur de 2023, produit à Alexandrie en Égypte et
consacré au second millénaire, celui du renforcement de la primauté du
pape et de son infaillibilité qui ont culminé avec le Concile Vatican I,
décrit deux positions encore plus divergentes. D’autant qu’on a surtout
regretté l’absence du patriarche de Moscou à cette rencontre, ce dernier
étant déjà en rupture avec le patriarche de Constantinople précisément
sur la question de la primauté de ce dernier dans le monde orthodoxe.
Mais le document d’étude « L’évêque de Rome » ne se limite pas à
mettre en évidence les résultats obtenus aux cours des dernières
décennies. Il va bien au-delà en présentant en une vingtaine de pages
une série de « propositions » pour un « exercice de la primauté au XXIe
siècle », c’est-à-dire « pour un exercice renouvelé du ministère d’unité
de l’évêque de Rome qui puisse être reconnu par les uns et par les
autres ».
Voici les passages essentiels de ces propositions, dans l’ordre dans
lequel ils apparaissent dans le document :
Relire le Concile Vatican I
« Parmi les propositions exprimées par les dialogues, l’appel à une «
relecture » ou à un commentaire officiel de Vatican I. […] Il est
essentiel de relire Vatican I à la lumière de l’ensemble de la
Tradition, ‘selon la croyance ancienne et constante de l’Église
universelle’, et à l’horizon d’une convergence œcuménique croissante sur
le fondement biblique, les développements historiques et la
signification théologique de la primauté et de la synodalité ».
Patriarche d’Occident mais Pape de tous
« Une autre proposition importante consiste à établir une distinction
plus claire entre les différentes responsabilités du Pape, en
particulier entre son ministère de chef de l’Église catholique et son
ministère d’unité entre tous les chrétiens, ou plus spécifiquement entre
son ministère patriarcal dans l’Église latine et son ministère primatial
dans la communion des Églises. La suppression du titre de ‘Patriarche
d’Occident’ dans l’’Annuario Pontificio’ en 2006 a suscité quelques
inquiétudes dans les milieux œcuméniques et a donné l’occasion d’entamer
une réflexion sur la distinction entre ces différentes responsabilités,
qui doit être poursuivie ».
Évêque de Rome avec sa cathédrale
« Étant donné que les différentes responsabilités du pape sont
fondées sur son ministère d’évêque de Rome, l’Église qui préside dans la
charité à toutes les Églises, il est également essentiel de souligner
son ministère épiscopal au niveau local, en tant qu’évêque parmi les
évêques. […] L’énumération de ses autres titres pontificaux comme
‘historiques’ (voir ‘Annuario Pontificio’ 2020), peut contribuer à une
nouvelle image de la papauté. De même, la cathédrale du diocèse de Rome
a été davantage mise en avant depuis que la correspondance et les
documents pontificaux récents ont été signés depuis Saint-Jean-du
Latran, une église qui pourrait également jouer un rôle plus important
lors de l’inauguration d’un nouveau pontificat. Néanmoins, la
terminologie utilisée dans les documents et déclarations officiels
catholiques concernant le ministère du pape ne reflète pas toujours ces
développements et manque souvent de sensibilité œcuménique ».
Primauté et synodalité ensemble
« La dimension synodale de l’Église catholique est cruciale pour son
engagement œcuménique. […] De nombreuses institutions et pratiques
synodales des Églises orientales catholiques pourraient inspirer
l’Église latine. […] Il est également important de répondre à l’appel du
Concile Vatican II concernant les conférences épiscopales. […] En
particulier, on peut observer que le parallèle entre les conférences
épiscopales et les anciens patriarcats établi par ‘Lumen
Gentium’ 23 n’a
pas été développé, ni théologiquement ni canoniquement. […] Le processus
synodal 2021–2024 pour la XVIe Assemblée générale ordinaire du Synode
des évêques, intitulé ‘Pour une Église synodale : communion,
participation et mission’, fondé sur une large consultation de tout le
Peuple de Dieu aux niveaux local, régional, national, continental et
universel, est une occasion favorable pour approfondir la réflexion sur
la dynamique synodale articulant les dimensions personnelle, collégiale
et communautaire de l’Église ».
Un gouvernement synodal permanent pour toute l’Église
« Le Pape François a établi « une expression supplémentaire de la
communion épiscopale et de l’aide au ‘munus petrinum’ que l’épiscopat
présent à travers le monde peut offrir, lorsque, au cours de la première
année de son pontificat, il a créé un Conseil des cardinaux. Bien que ne
faisant pas partie de la Curie romaine, ce Conseil, à côté des
Consistoires ordinaires et extraordinaires, pourrait être le premier pas
vers une structure permanente de gouvernement synodal au niveau de
l’Église entière, impliquant une participation active des évêques
locaux. Cela a déjà été suggéré pendant Vatican II par le Patriarche
melkite Maxime IV ».
Prochain rendez-vous à Nicée
« Une synodalité ‘ad extra’, promouvant des réunions régulières entre
les représentants des Églises au niveau mondial, parfois appelée
‘communion conciliaire’, est indiquée comme un moyen prometteur de
rendre visible et d’approfondir la communion déjà partagée. […]
L’invitation faite aux autres communions chrétiennes à participer aux
processus synodaux catholiques à tous les niveaux est particulièrement
importante et pourrait être étendue aux visites ad limina, comme le
suggèrent différents dialogues. À un autre niveau, la rencontre de 2018
à Bari des chefs d’Église réunis à l’invitation du Pape François pour
prier, réfléchir et échanger de manière informelle sur la situation des
chrétiens au Moyen-Orient, indique une nouvelle manière d’exercer la
synodalité et la primauté. Une préparation et une commémoration communes
du 1700e anniversaire du premier concile œcuménique (Nicée, 325)
pourraient être l’occasion de mettre en pratique cette synodalité entre
chrétiens de toutes traditions ».
Premiers pas ensemble avec les Églises d’Orient…
« En évitant une opposition superficielle et irréaliste entre droit
et communion, une proposition de communion fondé sur ‘un service d’amour
reconnu par les uns et par les autres’ (‘Ut unum sint’ 95) ne devrait
pas être exprimée uniquement en termes juridiques, mais sur la base
d’une ecclésiologie de koinonia enracinée dans la compréhension
sacramentelle de l’Église favorisée par le Concile Vatican II. […] En ce
qui concerne les Églises orthodoxes, avec lesquelles l’Église catholique
reconnaît une structure ecclésiale commune fondée sur la tradition
apostolique et les sacrements, ce modèle pourrait s’aligner étroitement
sur le principe souvent cité selon lequel ‘Rome ne doit pas exiger de
l’Orient plus que ce qui a été formulé et vécu au cours du premier
millénaire’. […] Ce modèle pourrait inclure deux responsabilités
identifiées par les dialogues relatifs au ministère d’unité de l’évêque
de Rome : un rôle spécifique dans les conciles œcuméniques comme la
convocation et la présidence, et un rôle de médiation en cas de conflits
de nature disciplinaire ou doctrinale, à travers l’exercice synodal de
la procédure d’appel (comme décrit par exemple par le Concile de
Sardique, 343) ».
… et avec les Églises protestantes d’Occident
« Certaines communions chrétiennes occidentales reconnaissent
également le premier millénaire comme point de référence. Même si
certaines questions ecclésiologiques fondamentales restent à résoudre,
telles que l’apostolicité et le ministère ordonné, ainsi que la nature
sacramentelle et l’organisation de l’Église, de nombreux dialogues
reconnaissent la nécessité d’une primauté pour l’ensemble de l’Église
afin de promouvoir l’unité et la mission des chrétiens. En même temps,
ils soulignent la primauté de l’Évangile et la nécessité d’un exercice
communautaire et collégial de la primauté. […] Ces dialogues proposent
des intuitions et des perspectives importantes pour un exercice accepté
d’un ministère d’unité par l’évêque de Rome, une primauté de la
proclamation et du témoignage (kerigma-martyria), qui pourrait être
reçue par d’autres chrétiens occidentaux avant même la restauration de
la pleine communion ».
* Voilà donc les propositions du document d’étude « L’évêque de Rome ».
Celles-ci sont cependant contredites dans une large mesure par la
manière dont le Pape François gouverne dans les faits.
Certaines petites critiques apparaissent également en filigrane dans
ce même document, comme par exemple quand il constate un « manque de
sensibilité œcuménique » dans la manière dont François agit en tant
qu’évêque de Rome.
Mais la contradiction la plus flagrante est celle qui concerne la
synodalité. Le document s’appuie sur le synode de 2021–2024 consacré
précisément à la réforme de l’Église dans un sens synodal, tout en
passant sous silence son anéantissement dans les faits par un pape tel
que François qui n’a cessé d’humilier les synodes, aussi bien celui-ci
que le précédent, en exerçant sur eux une domination solitaire et
absolue, comme l’a mis en lumière un article précédent de Settimo Cielo.
Sans parler de sa
prétention inouïe de justifier les pouvoirs temporels du pape par
son rôle de primat de l’Église. Une prétention figurant dans le
préambule de la nouvelle loi fondamentale de l’État de la Cité du
Vatican publiée le 13 mai 2023, coulant dans le droit divin non
seulement le gouvernement spirituel suprême de l’Église, mais aussi le
gouvernement temporel, par ce même pape, de l’État de la Cité du
Vatican.
En deux mille ans d’histoire, jamais un pape n’avait osé aller si
loin. Et il est évident que cela amplifie de manière disproportionnée
l’obstacle que la primauté papale pose à une réconciliation entre les
Églises.
Et ce n’est pas tout. Comment ne pas évoquer
les violations systématiques des règles de base d’un État de droit
dans le procès intenté au Vatican contre le cardinal Angelo Becciu et
consorts, où le Pape François a changé les règles du jeu selon son bon
plaisir ?
Pour le dire autrement, à l’épreuve des faits, le document d’étude
« L’évêque de Rome », avec son florilège de propositions de bonne
volonté œcuménique, est anéanti par le comportement concret du pape
régnant.
Sandro Magister est le vaticaniste émérite de l’hebdomadaire
L’Espresso.
Articles les plus
récents :
-
Monothéisme et intolérance
-
Tout sauf synodale. La curieuse Église que veut le Pape François
-
Les béatitudes nous indiquent l’Esprit de Dieu
-
Le regard de Jésus en tant qu'homme
Les lecteurs qui
désirent consulter les derniers articles publiés par le site
Eucharistie Sacrement de la Miséricorde, peuvent
cliquer sur le lien suivant
► E.S.M.
sur Google actualité |
Sources
: diakonos.be-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 11.11.2024
|