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Tout sauf synodale. La curieuse Église que veut le Pape François
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Le 04 novembre 2024 -
E.S.M.
- Trois ans de
discussions interminables, avec en guise de cerise sur
le gâteau un document final qui ne l’est même pas. Voilà
le synode voulu et imaginé par le Pape François avec
l’intention de refonder l’Église comme Église du peuple,
appartenant à tous les baptisés.
S.M
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Tout sauf synodale. La curieuse Église que veut le Pape François
Le 04 novembre 2024 -
E.S.M. -
Trois ans de discussions interminables, avec en guise de cerise sur le
gâteau un
document final qui ne l’est même pas. Voilà le synode voulu et imaginé
par le Pape François avec l’intention de refonder l’Église comme Église du
peuple, appartenant à tous les baptisés.
Difficile de dire quelle sera la suite. Le Pape François a expurgé ce
dernier synode toutes les questions qui fâchent pour les déléguer à des
commissions qui en discuteront jusqu’au printemps prochain. Ensuite, c’est
lui qui décidera quoi faire.
Mais ce qui est certain, c’est qu’en attendant, il a radicalement modifié
la forme des synodes.
Nés sous Paul VI dans la foulée du Concile Vatican II avec l’intention de
mettre en œuvre un gouvernement plus collégial de l’Église, dans lequel les
évêques seraient périodiquement appelés pour consultation par le successeur
de Pierre, les synodes ont constitué, jusqu’au terme du pontificat de Benoît
XVI, des moments révélateurs des orientations de la hiérarchie de l’Église
sur les questions qui étaient examinées l’une après l’autre.
Comme
pour le Concile, les discussions se déroulaient presque toujours en
assemblée plénière, où chacun pouvait parler et écouter les autres.
Le
synode était quant à lui à huis clos mais chaque jour, « L’Osservatore
Romano » publiait des résumés de toutes les interventions avec les noms des
orateurs respectifs, et pour les journalistes accrédités, des points presse
étaient organisés dans plusieurs langues au cours desquelles des
observateurs préposés à cet effet fournissaient des informations
supplémentaires sur le débat qui venait d’avoir lieu au cours des heures
précédentes. Chaque évêque était libre de rendre public le texte intégral de
son intervention en séance et de rapporter comme il voulait les
interventions auxquelles il avait assisté.
Certes, les synodes
étaient purement consultatifs et le seul à tirer des conclusions
normatives était le Pape, dans l’exhortation
post-synodale qu’il
publiait quelques mois après la fin des travaux.
Mais ce qu’un évêque déclarait en séance pouvait toutefois avoir un
impact considérable dans l’opinion publique, au sein de l’Église comme
en-dehors. Pensons par exemple à cette
intervention du cardinal Carlo Maria Martini qui avait défrayé la
chronique. Ce jésuite, biblique renommé et archevêque de Milan, l’avait
prononcée en séance le 7 octobre 1999 dans un synode concernant l’Église en
Europe.
Le cardinal disait qu’il avait fait un rêve : « un débat universel entre
les évêques dans le but de dénouer certain de ces nœuds disciplinaires et
doctrinaux qui réapparaissent périodiquement comme autant de points
sensibles sur le chemin des Église européennes et extra-européennes. Je
pense en général aux approfondissements et aux développements de
l’ecclésiologie de communion de Vatican II. Je pense à la pénurie dramatique
en certains endroits de ministres ordonnés et à la difficulté de plus en
plus grande pour un évêque de pourvoir au soin des âmes sur son territoire
avec suffisamment de ministres de l’évangile et de l’eucharistie. Je pense à
certaines thématiques concernant la position de la femme dans la société et
dans l’Église, à la participation des laïcs à certaines responsabilités
ministérielles, à la sexualité, à la discipline du mariage, à la pratique
pénitentielle, aux rapports avec les Églises-sœurs de l’Orthodoxie et plus
largement au besoin de relancer l’espérance œcuménique, je pense aux
rapports entre démocratie et valeurs et entre loi civile et loi morale ».
Pour aborder ces thématiques, poursuivait le cardinal Martini, « même un
synode pourrait bien ne pas être suffisant. Certains de ces points
nécessitent probablement un instrument collégial plus universel et officiel,
où elles pourraient être abordées en toute liberté, dans le plein exercice
de la collégialité épiscopale, à l’écoute de l’Esprit et en restant attentif
au bien commun de l’Église et de l’humanité tout entière ».
Certains ont cru voir dans ces paroles l’annonce d’un nouveau Concile.
Quoi qu’il en soit, cette intervention du cardinal Martini tapait dans le
mille en mettant le doigt sur les thèmes sur lesquels l’Église allait se
diviser au cours des décennies successives et aujourd’hui plus que jamais,
non seulement en Allemagne, où le « chemin synodal » local a poussé la
controverse aux limites de la rupture, mais au sein même de l’Église
universelle, au dernier synode convoqué par le Pape François tout comme aux
précédents.
Au premier synode qu’il avait convoqué en deux sessions, en 2014 et 2015,
sur le thème de la famille, François avait un objectif personnel évident :
la libéralisation de la communion eucharistique aux divorcés remariés. Pour
y parvenir, il avait organisé un
consistoire préliminaire de tous les cardinaux, en février 2014, mais il
y avait immédiatement rencontré des oppositions si fortes et d’un tel niveau
qu’il avait ensuite tiré le frein, au cours du synode, sur la transparence
des débats.
Et, en effet, il avait imposé le secret sur les interventions en séance,
se bornant à faire publier une simple liste générique des thématiques
abordées, sans citer les noms des intervenants respectifs.
L’information de la vivacité de la controverse pour ou contre la
communion aux divorcés-remariés avait toutefois filtré à l’extérieur. Ce qui
a poussé le Pape à résoudre la question dans l’exhortation post-synodale « Amoris
laetitia », de manière ambigüe, perdue dans quelques notes de bas de
page que certains épiscopats ont interprétées comme une autorisation à
donner la communion tandis que d’autres y sont resté opposés, avant
d’écrire, dans une
lettre de sa main adressée à l’épiscopat argentin – ensuite élevée au
rang de magistère — que la première interprétation était bien la bonne.
Au cours du synode sur l’Amazonie qui s’est tenu en 2019, la question la
plus débattue était celle de l’accès au sacerdoce d’hommes mariés, une idée
que François avait fait mine de vouloir expérimenter à plusieurs reprises,
avant de la
recaler, au grand dam des évêques qui la soutenaient.
Puis ça a été le tour du synode sur le synodalité, une thèse que François
était parvenu à imposer face aux questions qui occupaient le devant de la
scène dans la foulée du « chemin synodal » allemand : de l’homosexualité au
sacerdoce féminin, en passant par la fin du célibat du clergé et la
démocratisation du gouvernement de l’Église.
Après que le Pape avait sorti ces questions de l’agenda pour le confier à
des commissions ad hoc à l’avenir incertain, il ne restait au synode qu’à
discuter de la manière de transformer l’Église en Église synodale.
Et comment en discuter ? Non plus en assemblée plénière, et encore moins
en cercles linguistiques, mais dans des dizaines de tablées d’une douzaine
de personnes chacune, dans une salle d’audience aménagée comme pour un grand
dîner de gala (voir photo). Toujours avec la consigne du secret sur ce qui
était dit ou entendu à chaque table.
Il est difficile d’imaginer un synode plus désarticulé et muselé que
celui-ci, tout le contraire de cette nouvelle synodalité qu’on nous a tant
vantée.
Et ce n’est pas tout. Car entre les deux sessions du synode, le Pape a
décidé de trancher seul une question qui avait soustraite aux débats, dans
une bulle émise par son « alter ego » bombardé à la tête du Dicastère pour
la doctrine de la foi, à savoir le cardinal argentin Victor Manuel
Fernández.
Avec la déclaration « Fiducia
supplicans », François a autorisé la bénédiction des unions
homosexuelles. Avec pour résultat de soulever une énorme vague de
contestation et de rejet, surtout parmi les évêques issus de l’unique
continent où l’Église catholique est encore en croissance, à savoir
l’Afrique.
Autre ingérence solitaire du Pape dans une question débattue, celle
concernant l’ordination des femmes au diaconat. Dans une interview accordée
à une chaîne télévisée américaine, François a fait comprendre que tant qu’il
serait pape, ces ordinations n’auront pas lieu.
Là encore, en générant une vague de protestations qui ont trouvé un écho
jusque dans le synode d’octobre dernier, à tel point qu’il a fallu que le
Pape descende sur le terrain par le truchement de son fidèle Fernández, au
mépris de toutes les règles du secret qui corsetaient le synode.
Fernández a pris la parole le 21 octobre, lors de l’un des rares journées
où le synode était réunion en assemblée plénière. Après avoir justifié son
absence et celle du secrétaire de la section doctrinale de son dicastère à
une précédente rencontre du synode sur cette même question, pour raisons de
santé, il a répété que pour le pape, « la question du diaconat féminin n’est
pas mûre », mais qu’en revanche, la question plus générale de la place de la
femme dans l’Église est bien plus importante à ses yeux.
Le
texte intégral de l’intervention de Fernández a été publié, c’est le
seul cas en des mois de discussions secrètes, et rendez-vous avait été donné
pour une rencontre ultérieure au synode sur le même sujet, une rencontre qui
a effectivement eu lieu l’après-midi du 24 octobre et qui a duré une heure
et demi, et à laquelle ont participé des centaines de personnes présentes
pour interroger le cardinal.
Là encore avec une entorse à la règle du secret, parce que l’intégralité
de l’enregistrement
audio de cette rencontre a été diffusé, avec les questions posées au
cardinal, toutes plus ou moins polémiques, et ses réponses parfois
embarrassées.
Bref, en un mois de synode, ça aura été le seul moment qui a un tant soit
peu fait parler de lui à l’extérieur, tout cela à cause d’une prise de
position du pape solitaire et anti-synodale, accompagnée de la levée
temporaire – ne concernant que cette intervention – de tous les sceaux du
secret imposés par lui sur ces assises.
Une anomalie non sans répercussions sur le document final, où le seul
paragraphe à récolter un nombre important de votes contraires (97 non contre
258 oui) a été celui où il était écrit qu’il convient de « poursuivre le
discernement » sur la question des femmes diacres.
Sandro Magister est le vaticaniste émérite de l’hebdomadaire
L’Espresso.
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Sources
: diakonos.be-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 04.11.2024
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