 |
Le jour où Benoît XVI a renoncé à être Pape
|
Le 10 février 2023 -
(E.S.M.)
-
C'était il y a 10 ans, le 11 février 2013 aurait du être une journée ordinaire
au Vatican, mais cette date restera dans les mémoires pour avoir été
celle choisie par le pape Benoît XVI pour annoncer sa renonciation.
|
|
Le pape Benoît XVI le 11 février
2013, jour de sa renonciation -
Pour agrandir l'image
►
Cliquer
Le jour où Benoît XVI a renoncé à être Pape, le 11 février 2013
Le 10 février 2023 - E.
S. M. - C'était il y a 10 ans, le 11 février 2013 aurait du
être une journée ordinaire au Vatican. Mais cette date restera dans les
mémoires pour avoir été celle choisie par le pape Benoît XVI pour
annoncer
sa décision de renoncer
au trône de Saint Pierre.
Dans la salle de presse du Saint-Siège, au pied de la place
Saint-Pierre, seule une poignée de journalistes est présente en ce
11 février 2013, fête de Notre-Dame de Lourdes. Le pape Benoît XVI a
choisi ce jour férié au Vatican – qui commémore les Accords du
Latran signés en 1929 – pour réunir un consistoire consacré à fixer
la date de futures canonisations, selon un rituel bien rodé. « Je
suis allé à la salle de presse avec la perspective de n’y passer que
deux heures… et puis basta », se souvient Charles de Pechpeyrou,
aujourd’hui journaliste à L’Osservatore Romano et qui
travaillait à l’époque pour l’agence de presse vaticane I.MEDIA.
Dans cette salle où se croisent d’ordinaire des journalistes du
monde entier, seuls cinq vaticanistes sont présents ce matin-là –
une Italienne, deux Français, un Mexicain et un Japonais.
Sur le circuit de télévision interne du Vatican auxquels ont accès
ces journalistes se déroule la cérémonie du consistoire. Elle n’est
pas retransmise à l’extérieur. L’officialisation de la canonisation
des Martyrs d’Otrante constitue l’unique enjeu de cette matinée
tranquille. Et encore, la nouvelle a été annoncée quelques jours
plus tôt et l’intérêt médiatique était donc faible. Mais aux
alentours de 10h40, les choses basculent et l’impensable se produit.
Mgr Guido Marini, le cérémoniaire du pontife allemand, vient tendre
une feuille au pape Benoît XVI. « En latin, et de façon sérieuse,
il a commencé à lire ce texte », raconte Charles de Pechpeyrou.
Une onde de choc
« Par acquit de conscience, j’ai tendu l’oreille et j’ai pris des
notes. Sur mon papier, il y avait des mots clés qui
s’additionnaient… Il parlait par exemple “d’incapacité à gouverner”…
Dans mon cerveau, tout se bousculait. Je me suis dit : “Est-ce
qu’il est bien en train de nous dire qu’il part ?” », se
souvient-il encore. Immédiatement, le jeune journaliste appelle
Antoine-Marie Izoard, le directeur d’I.MEDIA de l’époque. « Il
m’a dit : “Je crois que le pape a démissionné” », raconte celui
qui dirige aujourd’hui la rédaction de Famille Chrétienne. Après
avoir eu la confirmation du porte-parole du Saint-Siège, le père
Federico Lombardi, c’est lui qui envoie à 10h46 le bref « Urgent
: Benoît XVI a présenté sa démission ».
« J’étais tout tremblant d’émotion en écrivant ces mots qui
avaient un caractère absolument inédit », confie le vaticaniste.
« J’avais une perception bizarre du temps, j’étais dans un état
de panique totale », abonde Charles de Pechpeyrou. Dans la salle
de presse du Saint-Siège, Giovanna Chirri, la journaliste italienne
de l’agence ANSA, a elle aussi compris ce qui se passait, envoyant
son alerte à 10h46 également. « J’ai donné la nouvelle, et puis
je me suis mise à pleurer », racontera-t-elle ensuite.
Les cardinaux abasourdis
Dans la Salle du Consistoire, les cardinaux réunis autour de Benoît
XVI sont tout autant abasourdis par la nouvelle. « Un coup de
tonnerre dans un ciel serein ». C’est ainsi que le doyen du
Collège, le cardinal Angelo Sodano, réagit au nom de ses frères
cardinaux, faisant état devant le pontife allemand de son
incrédulité et de sa stupeur. « Tout est vrai, je ne me trouve
pas dans un rêve. Mais, humainement, il est tout de même difficile
de croire à ce qui est train d’arriver », écrit à la date du 11
février 2013 le second secrétaire de Benoît XVI, Mgr Alfred Xuereb,
dans son journal de bord publié dix ans plus tard en Italie sous le
titre « I miei giorni con Benedetto XVI » aux éditions San
Paolo.
Dans son journal, l’archevêque maltais, actuellement nonce
apostolique en Corée et en Mongolie, ne cache rien de son émotion
après avoir écouté le discours de Benoît XVI, dont il avait
naturellement été informé en amont, faisant partie du premier cercle
: « Voilà, la communication est advenue. J’ai fondu en larmes.
» Il remarque que certains cardinaux, « pas très à l’aise avec le
latin
», n’ont pas compris tout de suite les mots du pontife allemand et
ont été « contraints de demander des informations aux confrères
». Mgr Xuereb se souvient qu’il était « impossible de trouver les
mots
» après une telle annonce. « Durant le déjeuner, encore
visiblement ému et ne sachant pas bien quoi dire, je jette là une
observation : “Saint Père, mais vous êtes apparu très tranquille
quand vous avez prononcé votre acte de renonciation…” “Oui”, répond
Benoît, décidé. Pas un mot de plus. Je comprends que ce n’est pas le
moment de rajouter d’autres observations », raconte le prélat
maltais.
L’ambiance demeure calme et feutrée autour du pape régnant pour
encore quelques jours, mais la nouvelle s’est déjà répandue dans le
monde entier comme une traînée de poudre. Dans la fin de matinée du
11 février, la salle de presse du Saint-Siège est prise d’assaut
pour une intervention improvisée du père Federico Lombardi. Elle ne
désemplira pas jusqu’au conclave – 12 et 13 mars – où seront
présents à Rome près de 6.000 journalistes. « Jusqu’au 28 février
et la date effective de sa renonciation, nous avons vécu une période
totalement inédite et émouvante, avec ces audiences où le monde
venait dire adieu à ce pape », explique Antoine-Marie Izoard,
qui se souvient s’être fait cette réflexion : « Benoît était
attaché à la tradition… au point d’en inventer une nouvelle ! Cela
fait étonnamment de lui un pape très moderne. »
Texte intégral :
«Frères très chers,
Je vous ai convoqués à ce Consistoire non seulement pour les trois
canonisations, mais également pour vous communiquer une décision de
grande importance pour la vie de l’Église. Après avoir examiné ma
conscience devant Dieu, à diverses reprises, je suis parvenu à la
certitude que mes forces, en raison de l’avancement de mon âge, ne
sont plus aptes à exercer adéquatement le ministère pétrinien. Je
suis bien conscient que ce ministère, de par son essence
spirituelle, doit être accompli non seulement par les œuvres et par
la parole, mais aussi, et pas moins, par la souffrance et par la
prière. Cependant, dans le monde d’aujourd’hui, sujet à de rapides
changements et agité par des questions de grande importance pour la
vie de la foi, pour gouverner la barque de saint Pierre et annoncer
l’Évangile, la vigueur du corps et de l’esprit est aussi nécessaire,
vigueur qui, ces derniers mois, s’est amoindrie en moi d’une telle
manière que je dois reconnaître mon incapacité à bien administrer le
ministère qui m’a été confié. C’est pourquoi, bien conscient de la
gravité de cet acte, en pleine liberté, je déclare renoncer au
ministère d’Évêque de Rome, Successeur de saint Pierre, qui m’a été
confié par les mains des cardinaux le 19 avril 2005, de telle sorte
que, à partir du 28 février 2013 à vingt heures, le Siège de Rome,
le Siège de saint Pierre, sera vacant et le conclave pour l’élection
du nouveau Souverain Pontife devra être convoqué par ceux à qui il
appartient de le faire».
La nouvelle fait le tour du monde
L’annonce surprise fait l’effet d’une secousse, d’abord au sein du
Sacré Collège, puis à mesure qu’elle se répand, au Vatican et dans
toute l’Église catholique.
La section francophone de Radio Vatican l’annonce dans son édition
de 13h00.
La stupeur et la consternation dominent: rumeurs, hypothèses et
analyses vont bon train pour tenter d’expliquer le geste du
Souverain Pontife.
En milieu de journée, le directeur du Bureau de Presse du
Saint-Siège convoque en urgence les journalistes qui affluent en
Salle de Presse. La décision de Benoît XVI de renoncer à ses
fonctions d’évêque de Rome n'est pas le fruit de pressions
extérieures, ni d’une maladie ou d’une dépression, mais simplement
le «désir de rester dans l'obéissance à la Parole de Dieu», précise
le père Federico Lombardi. Il explique aussi que Benoît XVI a donné
sa résignation librement, conformément à l'article 332 §2 du Code de
droit canon: «S'il arrive que le Pontife Romain renonce à sa charge,
il est requis pour la validité que la renonciation soit faite
librement et qu'elle soit dûment manifestée, mais non pas qu'elle
soit acceptée par qui que ce soit».
Le jésuite italien donne ensuite des précisions sur le déroulement
de cette fin de pontificat inédite. Benoît XVI restera Pape et
évêque de Rome jusqu’au 28 février, à 20h. Tous ses engagements
seront respectés d’ici là: la messe du mercredi des Cendres, les
audiences générales le mercredi matin, les angélus le dimanche ainsi
que les audiences à plusieurs chefs d'État.
Une décision prévisible?
Mais à y regarder de plus près, la démission de Benoît XVI n’était
peut-être pas si imprévue. Des indices sont donnés dans le livre
interview intitulé Lumière du monde sorti en 2010, où le Saint-Père
avait évoqué la possibilité d'une démission dans le cas où il ne se
serait plus senti en état de poursuivre sa mission. Répondant au
journaliste allemand Peter Seewald, Benoît XVI avait alors affirmé
qu'un Pape «a le droit et, selon les circonstances, le devoir de se
retirer» s'il sent ses forces «physiques, psychologiques et
spirituelles» lui échapper.
Le Pape bavarois s’était également rendu sur la tombe de Célestin V,
le seul Pape démissionnaire de l’histoire de l’Église catholique en
1294. Cette visite avait eu lieu le 28 avril 2009, après le
tremblement de terre de L’Aquila, en Italie.
Le père Jean-Robert Armogathe, président de la revue catholique
Communio, estime que Benoît XVI avait déjà annoncé entre les lignes
cette démission, même avant son pontificat.
Le regard de cardinaux français
Les jours suivants, les catholiques affluent dans la ville éternelle
pour manifester leur attachement à ce Pape trop fatigué pour
continuer à exercer son ministère pétrinien.
Des cardinaux de la Curie romaine témoignent auprès des journalistes
et dressent un bilan du pontificat avant que n’en commence un
nouveau.
Parmi eux, le cardinal français Jean-Louis Tauran, alors président
du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. C’est lui
qui, en qualité de cardinal protodiacre («premier des diacres»), fut
chargé d’annoncer le nom du nouveau Pape à la fin du conclave, le 13
mars suivant, depuis la loggia de la basilique Saint-Pierre.
Autre présence française au Vatican, le cardinal Paul Poupard,
président émérite du conseil pontifical pour la Culture, était au
consistoire durant lequel Benoît XVI a annoncé sa démission.
Une audience mémorable
Deux jours plus tard, le mercredi 13 février, se tient une audience
générale inédite dans l'histoire de l'Église, celle d'un Pape
démissionnaire. Benoît XVI est accueilli par l'ovation de plusieurs
milliers de fidèles et de pèlerins présents pour ce moment très
particulier en la salle Paul VI au Vatican.
Ce mois singulier s’achève sur une image marquante: un hélicoptère
blanc qui s’élève dans le ciel romain. Il est 17h06 ce jeudi 28
février, Benoît XVI quitte le Vatican, pour rejoindre Castelgandolfo,
la résidence d’été des Souverains Pontifes, à quelques kilomètres au
sud-est de Rome.
Parmi ceux qui assistent à ce départ, beaucoup ne peuvent retenir ni
leur émotion ni leurs larmes, tandis que les cloches de la Basilique
Saint-Pierre sonnent à toute volée, salut majestueux et universel de
la part de toute l’Église.

Benoît XVI prêt à s'envoler pour Castel
Gandolfo, le 28 février 2013
Derniers mots à la foule
Un peu plus tard, depuis la loggia du Palais pontifical, Benoît XVI,
dont les fonctions cessent à 20 heures heure de Rome, prend une
dernière fois la parole en tant que Pape:
Merci !
Merci de tout cœur.
Chers amis, je suis heureux d’être avec vous, entouré par la beauté
de la création et par votre sympathie qui me fait tant de bien,
merci pour votre amitié, votre affection.
Vous savez que cette journée pour moi est différente des jours
précédents, je ne suis plus le Souverain Pontife de l’Eglise
Catholique. Jusqu’à 20 heures ce soir je le suis encore, mais après
je ne le suis plus. Je suis simplement un pèlerin qui entame la
dernière étape de son pèlerinage sur cette terre. Mais je voudrais
encore, avec tout mon cœur, avec tout mon amour, avec ma prière,
avec ma réflexion, avec toutes mes forces intérieures, travailler
pour le bien commun et le bien de l’Eglise, de l’humanité. Et je
trouve un très fort soutien dans votre sympathie. Allons de l’avant
avec le Seigneur pour le bien de l’Eglise et du monde.
Merci.
Je vous donne maintenant de tout cœur ma bénédiction.
Que Dieu tout-puissant soit béni.
Que Dieu tout-puissant nous bénisse, au nom du Père, et du Fils et
du Saint-Esprit.
Merci, et bonne nuit.
Merci à vous tous.
Il séjourne environ deux mois à Castelgandolfo, avant de s’établir
définitivement au monastère Mater Ecclesiae, dans les jardins du
Vatican. Jusqu’à sa mort le 31 décembre dernier, le Pape émérite
Benoît XVI y mène une vie de prière et continue de nourrir ses
réflexions de théologien. Pour son successeur François, il est
également une présence importante, et le Pape argentin aime à lui
rendre visite régulièrement. «Remercions Dieu de nous avoir donné
le Pape Benoît XVI: avec sa parole et son témoignage, il nous a
enseigné qu'à travers la réflexion, la pensée, l'étude, l'écoute, le
dialogue et surtout la prière, il est possible de servir l'Église et
de faire du bien à toute l'humanité», écrit le Saint-Père en
introduction d’un récent ouvrage rassemblant des pensées
spirituelles de son prédécesseur.
►
Renoncement de Benoît XVI, présentation de la situation à la presse
par le P. Federico Lombardi - 11.02.2013
►
Renoncement de Benoît XVI - Solidarité du Sacré Collège - 11.02.2013
►
Le pape Benoît XVI nous a quittés à l'âge de 95 ans - 31.12.2022
►
Le pape Benoît XVI renonce à poursuivre son Pontificat -
Tous les articles
Articles les plus
récents :
-
Benoît XVI : Nous ne pouvons pas nous cacher qu'il ait pu défaillir
-
Mgr Léonard : Les enseignements fondamentaux de l'Église sont actuellement menacés
-
L'archevêque Mgr Gänswein a-t-il été menacé par François ?
-
Le Vatican lance une enquête apostolique dans le diocèse de Mgr Rey
-
Benoît XVI : secouer les prétendus savants
-
Benoît XVI : Réflexion préliminaire
-
Un inédit du Pape Benoît XVI
Sources : aleteia
-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 10.02.2023
|