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Un inédit du Pape Benoît XVI
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Le 07 février 2023 -
(E.S.M.)
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Des quinze textes rédigés par Benoît XVI après sa
renonciation à la papauté et dont il a souhaité la
publication après sa mort, dans le volume édité chez
Mondadori « Che cos’è il cristianesimo. Quasi un
testamento spirituale », quatre sont inédits et l’un
d’entre eux se distingue de tous les autres.
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Benoît XVI -
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Un inédit du Pape Benoît XVI
La messe catholique comme personne ne l’avait jamais expliquée.
Le 07 février 2023 - E.
S. M. - Des quinze textes rédigés par Benoît XVI après sa
renonciation à la papauté et dont il a souhaité la publication après
sa mort, dans le volume édité chez Mondadori « Che
cos’è il cristianesimo. Quasi un testamento spirituale », quatre
sont inédits et l’un d’entre eux se distingue de tous les autres.
Il se compose de 17 pages et s’intitule « Il significato
della communione ». Il a été achevé le 28 juin 2018, au moment même
où un
conflit faisait rage entre l’Église allemande et celle de Rome
sur la question de donner ou pas la communion eucharistique aux
époux protestants, dans le cas de mariages interconfessionnels, avec
un Pape François confus, qui dit tantôt oui, tantôt non, et parfois
même oui et non à la fois.
Dans ce texte, Joseph Ratzinger remonte à la racine de la question.
Si même les catholiques réduisent la messe à un repas fraternel,
comme le font les protestants, alors tout est permis, et même que
l’intercommunion – écrit-il – devienne le sceau politique de la
réunification allemande après la chute du Mur de Berlin, comme cela
advint effectivement « sous l’œil des caméras de télévision ».
Mais la messe n’est pas un repas, même si elle est née au cours de
la dernière Cène de Jésus. Pas plus qu’elle n’est issue des repas
que Jésus a pris avec les pharisiens. Depuis les origines, elle est
réservée à la communauté des croyants, soumise « à de rigoureuses
conditions d’accès ». Son vrai nom est « Eucharistie » et en son
centre, il y a la rencontre avec Jésus ressuscité. Davantage que
bien des liturgistes – rappelle Benoît – ce sont ces jeunes qui
adoraient en silence le Seigneur dans l’hostie consacrée, au cours
des
JMJ de Cologne,
Sydney et
Madrid qui en ont bien compris
l’essence.
Nous reproduisons ci-dessous la première partie de l’essai du Pape
Benoît. Docte et fluide à la fois. Avec des éclairs de souvenirs
personnels et des allusions rapides et suggestives à des questions
telles que les fondements du célibat sacerdotal ou le sens du « pain
quotidien » invoqué » dans le Notre Père.
La publication a été autorisée par Piergiorgio Nicolazzini Literary
Agency, PNLA – © 2023 Mondadori Libri S.p.A., Milan, et © 2023 Elio
Guerriero pour la direction.
Le sens de la communion
de Joseph Ratzinger / Benoît XVI
Au cours des derniers siècles, la célébration de la Cène n’a pas
vraiment occupé une place centrale dans la vie ecclésiale des
Églises protestantes. Dans bon nombre de communautés, la Sainte Cène
n’était célébrée qu’une fois par an, le Vendredi saint. […] Il est
évident que, face à une pratique de ce genre, la question de
l’intercommunion n’a aucune pertinence. Seul un conformisme sensible
à la forme actuelle de vie en commun catholique est susceptible de
rendre cette question humainement urgente.
Dans l’Église antique, étonnamment, la célébration quotidienne de la
Sainte Messe fut très tôt considérée comme étant évidente. Pour ce
que j’en sais, il n’y eut aucune discussion autour de cette
pratique, qui s’est imposée pacifiquement. Ce n’est qu’ainsi que
l’on peut comprendre la raison pour laquelle [dans le « Notre Père
»] le mystérieux adjectif « epiousion » ait été presque
naturellement traduit par « quotidianus ». Pour le chrétien, le «
supersubstantiel » est le quotidiennement nécessaire. La célébration
eucharistique quotidienne s’est révélée nécessaire surtout pour les
presbytres et les évêques en tant que « prêtres » de la Nouvelle
Alliance. En cela, l’état de vie célibataire a joué un rôle
important. Le contact direct, « corporel » avec les mystères de Dieu
déjà à l’époque de l’Ancien Testament jouait un rôle significatif
dans l’exclusion de la pratique conjugale les jours où le prêtre
préposé exerçait sa charge. Toutefois, étant donné que le prêtre
chrétien traitait avec les saints mystères non plus seulement de
manière temporaire, mais qu’il était responsable pour toujours du
corps du Seigneur, du pain « quotidien », s’offrir complètement à
lui devint une nécessité.
En ce qui concerne les laïcs, la pratique de la réception de la
Communion fut toutefois soumise à des évolutions notables. Certes,
le précepte dominical exigeait que tous les catholiques participent
à la célébration des mystères le jour du Seigneur, mais la
conception catholique de l’Eucharistie n’incluait pas nécessairement
la réception hebdomadaire de la Communion.
Je me souviens qu’à l’époque qui a suivi les années Vingt, il y
avait, pour les différents états de vie dans l’Église, des jours de
Communion qui, comme tels, coïncidaient presque toujours avec les
jours de la Confession et qui de ce fait occupaient une place
importante même dans la vie de famille. Il était de précepte de se
confesser au moins une fois l’an et de communier au Temps pascal.
[…] Quand le fermier, le chef de famille, s’était confessé, il
régnait à la ferme une atmosphère particulière : chacun évitait de
faire quoi que ce soit qui aurait pu le contrarier et mettre de la
sorte en péril sa condition de pureté en vue des saints mystères. En
ce temps-là, la Sainte Communion n’était pas distribuée durant la
Sainte Messe mais à part, avant ou après la célébration
eucharistique. […]
Mais il a toujours également existé des courants orientés vers une
Communion plus fréquente, davantage liée à la liturgie, qui ont
gagné en puissance avec le début du mouvement liturgique. […] Le
Concile Vatican II en a reconnaît le bien-fondé et a par conséquent
cherché à mettre en évidence l’unité interne entre célébration
communautaire de l’Eucharistie et réception personnelle de la
Communion.
Dans le même temps, surtout pendant les années de guerre, on a
assisté chez les évangéliques à une division entre d’une part le
Troisième Reich et ceux qu’on appelait les « deutsche Christen »,
les christiano-allemands, et d’autre part la « bekennende Kirch »,
les chrétiens confessants évangéliques et l’Église catholique. S’en
suivit un élan favorable à la Communion eucharistique commune entre
les confessions. C’est dans cette situation que le désir d’un corps
unique du Seigneur a grandi mais aujourd’hui, il risque de perdre
son fort fondement religieux et, dans une Église extériorisée, il
est davantage déterminé par des forces politiques et sociales que
par la recherche intérieure du Seigneur.
À ce sujet, me vient en mémoire l’image d’un chancelier catholique
de la République fédérale qui, face à l’œil de la caméra et donc
sous les yeux de tant de personnes indifférentes à la religion, a bu
au calice eucharistique. Ce geste, survenu peu après la
réunification, est apparu comme un acte essentiellement politique
dans lequel l’unité de tous les Allemands devenait manifeste. En y
repensant encore aujourd’hui, je remets en garde avec grande force
contre l’éloignement de la foi qui en a découlé de la sorte. Et
quand les présidents de la République fédérale d’Allemagne, qui
étaient à la foi présidents des synodes [protestants] de leurs
Églises, ont régulièrement réclamé haut et fort la Communion
eucharistique interconfessionnelle, je vois bien comment la demande
d’un pain et d’un calice commun sert à d’autres fins.
En ce qui concerne la situation actuelle de la vie eucharistique
dans l’Église catholique, quelques éléments peuvent suffire. Un
processus lourd de conséquence est la disparition quasi complète du
sacrement de la Pénitence qui, à la suite de la controverse sur la
sacramentalité ou pas de l’absolution collective, a en pratique
disparu dans de larges parties de l’Église, ne réussissant à trouver
refuge que dans les sanctuaires. […] Avec la disparition du
sacrement de Pénitence, une conception fonctionnelle de
l’Eucharistie s’est répandue. […] Celui qui assiste à une
Eucharistie considérée purement et simplement comme repas reçoit
tout naturellement le don de l’Eucharistie dans la foulée. Dans une
telle situation de protestantisation très avancée de la
compréhension de l’Eucharistie, l’intercommunion apparaît naturelle.
Mais d’un autre côté, la compréhension catholique de l’Eucharistie
n’a pas totalement disparu et les Journées mondiales de la jeunesse
ont entraîné une redécouverte de l’adoration eucharistique et donc
également de la présence du Seigneur dans le sacrement.
À partir de l’exégèse protestante, l’opinion selon laquelle la
Dernière Cène de Jésus aurait été anticipée par les soi-disant «
repas avec les pécheurs » du Maître et ne pourrait être comprise que
sur cette base s’est affermie de plus en plus. Mais ce n’est pas le
cas. L’offrande du corps et du sang de Jésus Christ n’est pas
directement liée aux repas avec les pécheurs. Indépendamment de la
question de savoir si la Dernière Cène de Jésus a été ou pas un
repas pascal, cette dernière s’inscrit dans la tradition théologique
et juridique de la fête de Pessah. Par conséquent, elle est
étroitement liée à la famille, à la maison et à l’appartenance au
peuple d’Israël. Conformément à cette prescription, Jésus a célébré
Pessah avec sa famille, c’est-à-dire avec es apôtres, qui étaient
devenus sa nouvelle famille. Il obéissait ainsi à un précepte en
vertu duquel les pèlerins qui allaient à Jérusalem pouvaient se
rassembler en compagnies appelées « chaburot ».
Les chrétiens ont perpétué cette tradition. Ils sont sa « chaburah
», sa famille, qu’il a formé à partir de sa compagnie de pèlerins
qui avec lui parcouraient le chemin de l’Évangile à travers la terre
de l’histoire. Ainsi, célébrer l’Eucharistie dans l’Église antique a
depuis le début été associée à la communauté des croyants et de ce
fait à de rigoureuses conditions d’accès, comme on peut le constater
dans les sources les plus anciennes : la « Didachè », Justin Martyr,
etc. Cela n’a rien à voir avec un slogan du type « Église ouverte »
ou « Église fermée ». Plutôt, le profond devenir de l’Église vers
une chose unique, un corps unique avec le Seigneur, est une
condition pour qu’elle puisse porter sa vie et sa lumière avec force
dans le monde.
Dans les communautés ecclésiales issues de la Réforme, les
célébrations du sacrement s’appellent « Cène ». Dans l’Église
catholique, la célébration du sacrement du corps et du sang du
Christ s’appelle « l’Eucharistie ». Il ne s’agit pas d’une simple
différence anodine, purement linguistique. La distinction des
appellations manifeste au contraire une profonde différence liée à
la compréhension du sacrement lui-même. Le célèbre théologien
protestant Edmund Schlink, dans un discours très écouté pendant le
Concile, a affirmé qu’il ne pouvait pas reconnaître l’institution du
Seigneur dans la célébration catholique de l’Eucharistie. […] Il
était de toute évidence convaincu que Luther, en revenant à la pure
structure de la Cène, avait dépassé la falsification catholique et
visiblement rétabli la fidélité au mandat du Seigneur « Faites cela…
».
Il n’est pas nécessaire de discuter ici ce qui depuis lors est une
donnée acquise, c’est-à-dire que d’une perspective purement
historique, même la Cène de Jésus a été très différente d’une
célébration de la Cène luthérienne. Il est juste en revanche
d’observer que déjà l’Église primitive n’avait pas
phénoménologiquement répété la Cène mais avait, à la place de la
Cène du soir, célébré consciemment le matin la rencontre avec le
Seigneur qui dans les tout premiers temps ne s’appelait déjà plus
Cène mais Eucharistie. Ce n’est que dans la rencontre avec le
Ressuscité au matin du premier jour que l’institution de
l’Eucharistie est complète, parce que ce n’est qu’avec le Christ que
l’on peut célébrer les mystères sacrés.
Que s’est-il donc passé ici ? Pourquoi l’Église naissante a-t-elle
agi de cette manière ? Revenons encore un instant à la Cène et
l’institution de l’Eucharistie de la part de Jésus au cours de la
Cène. Quand le Seigneur a dit « Faites cela », il n’entendait pas
inviter ses disciples à la répétition de la Dernière Cène en tant
que telle. S’il s’agissait d’une célébration de Pessah, il est clair
que, conformément aux préceptes de l’Exode, Pessah n’était célébré
qu’une fois l’an et ne pouvait être répétée plusieurs fois pendant
l’année. Mais indépendamment de cela, il est évident que le mandat
qu’ils ont reçu n’était pas de répéter la Cène de l’époque dans son
entièreté, mais uniquement la nouvelle offrande de Jésus dans
laquelle, conformément aux paroles de l’institution, la tradition du
Sinaï rejoint l’annonce de la Nouvelle Alliance dont Jérémie en
particulier rend témoignage. L’Église, qui se savait liée aux
paroles « Faites cela », savait donc en même temps que ce n’est pas
la Cène dans tout son déroulement qu’il fallait répéter, mais qu’il
fallait extrapoler ce qui était essentiellement nouveau et qu’il
fallait pour cela trouver une nouvelle forme globale. […]
Le plus ancien récit de la célébration de l’Eucharistie dont nous
disposons – celui qui nous est parvenu vers l’an 155 par Justin
Martyr – montre déjà que s’était formée une nouvelle unité
comprenant deux parties fondamentales : la rencontre avec la Parole
de Dieu dans une liturgie de la Parole et ensuite « l’Eucharistie »
en tant que « logiké latreia ». « Eucharistie » est la traduction du
mot hébreu « berakah », remerciement, et désigne le noyau central de
la foi et de la prière juive à l’époque de Jésus. Dans les textes
sur la Dernière Cène, il nous est longuement dit que Jésus « rendit
grâce par la prière de bénédiction », et donc il faut considérer
l’Eucharistie, ensemble avec les offrandes du pain et du vin, comme
le cœur de la forme de sa Dernière Cène. On doit surtout à J.A.
Jungmann et au P. Louis Bouyer d’avoir mis en évidence le sens de «
l’Eucharistie » en tant qu’élément constitutif.
Quand on appelle Eucharistie la célébration de l’institution de
Jésus qui s’est déroulée dans le cadre de la Dernière Cène, on
exprime validement par ce terme tant l’obéissance à l’institution de
Jésus que la nouvelle forme du sacrement qui s’est développée dans
la rencontre avec le Ressuscité. Il ne s’agit pas d’une reproduction
de la Dernière Cène de Jésus, mais du nouvel avènement de la
rencontre avec le Ressuscité : nouveauté et fidélité s’embrassent.
La différence entre les dénominations « Cène » et « Eucharistie »
n’est donc pas superficielle ni anodine, elle désigne au contraire
une différence fondamentale dans le mandat de Jésus.
Un article de
Sandro Magister, vaticaniste à
L’Espresso.
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Sources : .diakonos.be
-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 06.02.2023
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