L’opposition à Benoît XVI va-t-elle
continuer à s’effriter de nomination en nomination ? |
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Le 07 février 2009 -
(E.S.M.)
- Un des personnages des plus importants de l’opposition romaine
au Pape Benoît XVI, le cardinal Re, Préfet de la Congrégation pour les Évêques, pourrait partir
prochainement.
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Le cardinal Re, Préfet
de la Congrégation pour les Évêques
L’opposition à Benoît XVI va-t-elle continuer à s’effriter de nomination en
nomination ?
Le départ du cardinal Re : La fin d’une époque ?
Le 07 février 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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Un des personnages des plus importants de l’opposition romaine au Pape, le
cardinal Re, Préfet de la Congrégation pour les Évêques, pourrait partir
prochainement.
L’opposition à Benoît XVI va-t-elle continuer à s’effriter de nomination en
nomination ? De manière très emblématique, un des personnages les plus
importants de cette opposition devrait théoriquement bientôt quitter la
scène. Giovanni Bat-tista Re est lointainement issu de l’« écurie » du
cardinal Benelli, lequel était pratiquement Secrétaire d’État sous Paul VI
(en fait Giovanni Benelli n’était que Substitut, mais il
faisait fonction de Secrétaire d’État à la place du vieux cardinal Cigognani).
Le poids du cardinal Re dans le dernier tiers du pontificat de Jean-Paul II
fut si considérable qu’on le qualifiait de « vice-Pape ». Le Secrétaire
d’État, Angelo Sodano, auquel il faisait un peu d’ombre, finit par le faire
nommer Préfet de la Congrégation pour les Évêques, où il garda une
considérable influence. Le cardinal Préfet de la Congrégation pour les
Évêques, d’une extrême habileté manœuvrière, diplomate dans l’âme
(diplomate
de l’intérieur de l’appareil curial), dispose toujours d’une clientèle
impressionnante, aux cercles concentriques multiples. N’est-il pas, en
effet, au cœur des mécanismes qui conduisent à la nomination des évêques (1)
? On cite volontiers ceux de ses collaborateurs – ses chierici,
disent les Romains, ses enfants de chœur – parvenus aux plus hautes charges.
Des nominations orientées
Ainsi Daniel DiNardo, Américain de souche italienne, attaché à la
Congrégation pour les Évêques de 1984 à 1990, devenu évêque de Sioux City,
puis archevêque de Houston et, à la surprise générale, cardinal, lors du
dernier consistoire. Ou encore Odilo Scherer, Brésilien dont la réputation
de libéral (prudent) est bien établie, membre de la Congrégation pour les
Évêques de 1994 à 2001, évêque de Novi, puis archevêque de São Paulo et
cardinal lors du dernier consistoire de 2007. Odilo Scherer fut longtemps
Secrétaire de la Conférence épiscopale brésilienne (cette Conférence
épiscopale se partage à égalité pour et contre la théologie de la
libération, en sa version « recentrée »), de sorte que sa nomination à São Paulo en 2002 avait la même saveur que celle de Mgr Niederhauer
(obtenue
par le cardinal Levada, titulaire du poste, comme je l’ai dit) à San
Francisco, en 2005, ou celle de Mgr Lalanne, Secrétaire de la Conférence
des Évêques de France, à Coutances, en 2007.
Le cardinal Re a eu 75 ans (l’âge de la démission)
ce 30 janvier. Il pourrait pourtant être maintenu pendant un certain temps
par le Pape (qui a lui-même plus de 80 ans) à son poste de Préfet de la
Congrégation pour les Évêques. Même si le Pape Ratzinger abhorre tout ce qui
peut ressembler à des déloyautés, il sait être magnanime : le maintien du
cardinal Danneels comme archevêque de Malines en est la preuve éclatante. À
tort ou à raison, on a attribué une déloyauté assez conséquente au cardinal
Re, ainsi qu’au nonce en Pologne, Mgr Ko-walczyk, entraînant une affaire qui
a mis Benoît XVI dans une situation plus que difficile. Après la nomination
de Mgr Wielgus à l’archevêché de Varsovie, en 2006, il s’est avéré que ce
prélat avait collaboré (fort peu, à la vérité) avec les Services de Sécurité
communiste. Il l’avait clairement expliqué au nonce apostolique, lequel
avait transmis ses déclarations au Préfet de la Congrégation pour les
Évêques. Si le cardinal Re se retirait, ce serait une puissance d’opposition
en lien étroit avec les prélats les plus « ouverts » du collège cardinalice
qui disparaîtrait de la cabine de pilotage de l’Église. Il n’est ainsi pas
difficile de deviner que, pour la France, son influence, aussi longtemps
qu’elle s’exercera, tendra à gêner l’inflexion qui se dessine dans les
toutes dernières nominations épiscopales, à savoir des nominations de
prélats « classiques » (Mgr
Scherrer à Laval, Mgr
Delmas à
Angers, Mgr
Aillet à Bayonne, Mgr
Batut comme auxiliaire de Lyon).
Une lourde influence sur l’Église d’Italie
Mais c’est en Italie que l’influence du cardinal Re a produit le plus
d’effets. Le coup de tonnerre de la nomination de Mgr Betori à Florence,
ai-je dit, est son œuvre. Aura-t-il le temps et la possibilité de pourvoir
dans le même sens deux autres grands sièges, Turin et Milan ? En Italie, les
nominations de la Congrégation pour les Évêques, sous le pontificat de
Jean-Paul II, se sont faites depuis très longtemps majoritairement dans une
ligne « troisième voie ». À une époque où les épiscopats européens étaient
souvent libéraux, cela était considéré comme un des heureux effets de
l’autorité du Saint-Siège sur la Péninsule. L’ancien président de la
Conférence épiscopale italienne, le cardinal Ruini (2), vicaire de Rome (aujourd’hui
remplacé au Vicariat par le cardinal Vallini, et à la tête de la conférence
épiscopale par le cardinal Bagnasco), avait particulièrement
imprimé cette tendance dans les nominations, avec l’aide du cardinal Re.
Mais le cardinal Re a fait en sorte que ce type de nominations non restaurationnistes,
pour rester fidèle à mon vocabulaire, persiste sous le nouveau pontificat.
Si bien que la parution du
Motu Proprio de 2007, qui joue à bien des égards
un rôle pour la révélation des cœurs, a fait mesurer avec stupéfaction
qu’une large majorité de l’épiscopat italien était résolument défavorable à
cet acte pontifical (3). Il était devenu « gallican » (en quelque sorte «
gallican », car il n’y a pas, et pour cause, de qualification équivalente
pour l’Italie, où ce phénomène était inconcevable). D’où un hiatus inouï
entre le Pape et l’épiscopat italien, dominé jadis par de grandes figures
conservatrices et généralement modéré dans ses options, notamment
liturgiques. Ainsi, pour paraphraser le mot de saint Jérôme, disant qu’ à
l’aube du Ve siècle, le monde étonné s’était réveillé arien, par la grâce du
cardinal Re, à l’ aube du XXIe siècle, l’épiscopat italien étonné s’est
réveillé « gallican ».
Abbé Claude BARTHE
1. Voir : Claude Barthe, Les nominations épiscopales en
France. Les lenteurs d’une mutation (Hora Decima, 2008, 64 p., 6 €), et les
dossiers dans L’Homme Nouveau : « Radioscopie de l’épiscopat français », 24
juin 2006 ; « Épiscopat français : d’hier à aujourd’hui », 30 septembre 2006
; « Retour sur l’ère Lustiger », 1er mars 2008 ; « Des évêques pour une
“troisième voie ” », 15 mars 2008.
2. Grand électeur de Benoît XVI, comme le cardinal Lustiger.
3. En Italie, les difficultés d’application du Motu proprio interviennent
surtout entre des prêtres qui veulent célébrer cette liturgie dans leurs
paroisses et leurs évêques.
Pages précédentes :
(1)
Y a-t-il une opposition romaine au Pape Benoît XVI ?
(2)
Des personnages de haut rang prétendent déjà préparer un après-Benoît
XVI
(3)
Le pape Benoît XVI irrite à la Curie
(4)
L’opposition au Pape Benoît XVI dans les
allées du pouvoir
(5)
Benoît XVI nomme ceux qu’il estime pouvoir devenir de bons serviteurs de l’Église
(6) Le départ du cardinal Re, la fin d'une époque ?
Sources : L’Homme Nouveau N° 1438
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 07.02.2009 -
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