Le pape Benoît XVI irrite à la Curie |
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Le 24 janvier 2009 -
(E.S.M.)
- À la mort de Jean-Paul II, l’état de l’Église était
préoccupant. Le cardinal Ratzinger semblait le mieux placé pour y faire
face. Mais l’action du Pape Benoît XVI a déjoué les espoirs des plus
libéraux qui espéraient un simple pape de transition.
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Le pape Benoît XVI irrite à la Curie
3e partie : 19 avril 2005, La signification d’une élection
Le 24 janvier 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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À la mort de Jean-Paul II, l’état de l’Église était préoccupant. Le cardinal
Ratzinger semblait le mieux placé pour y faire face. Mais l’action du Pape a
déjoué les espoirs des plus libéraux qui espéraient un simple pape de
transition.
Que s’est-il passé au conclave de 2005, s’interroge le cardinal anonyme ?
(cf.
Des personnages de haut rang prétendent déjà préparer un après-Benoît XVI) « Rien, répond-il sarcastique, car
tout s’est passé avant. » Ce qui est vrai. La lame de fond qui a fait
confluer à Rome des millions de pèlerins pour saluer la dépouille de
Jean-Paul II a été moralement canalisée par le doyen du Sacré Collège,
Joseph Ratzinger, tout à fait à son aise pour donner son sens historique à
une émotion de ce type. Est-il exagéré de dire que le cardinal Ratzinger a
bénéficié d’une « primaire » par le moyen d’un référendum informel ? «
J’ai été, dit le cardinal anonyme, le témoin intéressé et un peu
perplexe d’un processus assez passionnant, celui qui pousse un nombre
relativement important d’hommes, représentant un nombre considérable de
nations, unis par une même foi, à s’accorder bon gré mal gré sur le choix de
celui qui doit les diriger, eux et l’Église tout entière. »
Une formidable inquiétude
En effet, aux termes des réunions cardinalices qui ont précédé l’entrée en
conclave, et où les rapports plus qu’alarmants sur l’état du sacerdoce
catholique dans le monde ont cristallisé une formidable inquiétude dans le
collège des cardinaux, tout était pratiquement joué. Entre autres qualités,
Joseph Ratzinger apparaissait aux cardinaux électeurs comme l’homme qui
pouvait tenter de redresser l’image morale et ecclésiale du prêtre en
Amérique, en Afrique, aux Philippines et ailleurs. Et, assurés que Joseph
Ratzinger était celui dont l’élection serait le plus chaleureusement
accueillie par l’opinion des catholiques, ils oubliaient les craintes que
pouvaient leur causer ses idées liturgiques. « Personne d’autre soudain
ne fut plus crédité de la possibilité d’être pape. Comme s’il n’y avait plus
eu d’autres candidats envisageables ! L’inquiétude des cardinaux était
tellement forte qu’ils se rallièrent à celui qu’ils connaissaient le mieux,
quels que fussent les inconvénients de sa candidature. »
Ce passage clé du livre d’Olivier Le Gendre – le chapitre sur le conclave de
2005 – montre au reste que la Confession d’un cardinal a été composée il y a
environ deux ans. La thèse en forme de torpille qui y est développée est
très exactement la même que celle que voulait accréditer une opération
similaire, à savoir une « confession » de cardinal, montée – très
vraisemblablement par le même Silvestrini – en septembre 2005. Un cardinal,
lui aussi anonyme – peut-être le cardinal Pompedda, aujourd’hui décédé –
était censé avoir rédigé un « Journal secret du conclave » des 18 et 19
avril 2005. Il craignait d’autant moins de braver l’excommunication ipso
facto qui frappe quiconque viole le secret juré sur l’Évangile à
l’ouverture du conclave, qu’il ne l’enfreignait qu’indirectement : le
cardinal Pompedda et d’autres électeurs avaient tout raconté à leurs amis
cardinaux de plus de 80 ans lesquels, somme toute, avaient bien le droit de
tout savoir. Quant à ces confidents, qui eux n’avaient pas juré le secret,
ils avaient bien le droit de tout révéler. Ainsi le cardinal Achille
Silvestrini et ses amis avaient concocté, dans la meilleure tradition de
l’information/désinformation, un prétendu « Journal » confié à Lucio
Brunelli, vaticaniste des notices télévisées de TG2, qui l’avait publié dans
l’honorable revue de géopolitique Limes – du groupe de gauche de L’Espresso.
Le livre d’Olivier Le Gendre reprend intégralement les « révélations » de
septembre 2005, dont personne au reste ne discute la véracité factuelle : le
cardinal Joseph Ratzinger a été élu au quatrième tour de scrutin avec 84
voix. Tous les grands noms de l’opposition étant écartés au premier tour,
les libéraux reportèrent leurs voix sur le cardinal Bergoglio, de Buenos
Aires, qui n’était pas vraiment des leurs.
Une majorité éclatante
L’élection du Pape nécessitant les 2/3 des voix, soit 77, les libéraux
espéraient que la minorité de blocage (39 voix)
pourrait se cimenter sur son nom, pour obliger ensuite les partisans du
cardinal Ratzinger à transiger. Le cardinal qui se « confessait » auprès de
Lucio Brunelli quelques mois après le conclave, de même que celui qui se «
confesse » auprès d’Olivier Le Gendre feignent de croire
(ou plutôt feint, car c’est assurément le même) que, puisque
Bergoglio avait obtenu 40 voix contre 72 à Ratzinger au troisième vote,
l’élection du cardinal Ratzinger n’a tenu qu’à un cheveu : « Si les
quarante voix de Bergoglio s’étaient main dans les tours suivants,
Rat-zinger n’aurait pas pu obtenir la majorité des deux tiers. » En
réalité, tous les spécialistes des conclaves, et le cardinal Silvestrini
mieux que personne, savent pertinemment qu’avec une telle avance obtenue
aussi rapidement sur un nom – celui de Joseph Ratzinger – aucune minorité de
blocage n’est capable de se former. Il est patent que l’élection de Joseph
Ratzinger a été l’une des plus « confortables » depuis celle d’Eugène
Pacelli en 1939, avec un phénomène identique d’immédiate et irrésistible
ascension d’un nom dès le début du conclave.
Si l’on interprète maintenant en termes « politiques » – aussi commodes
qu’inadéquats – l’élection de Benoît XVI au souverain pontificat, on
rappellera que les hommes qui sont aux commandes doctrinales depuis le
Concile forment une « droite » (les pères de Lubac, von
Balthasar) – représentée par l’emblématique revue Communio
– et une « gauche » (les pères Congar, Rahner, Kung),
représentée par la revue Concilium. Les appellations de « centre
droit » et « centre gauche » seraient d’ailleurs peut-être plus
approchantes. L’une et l’autre tendances se réfèrent à Vatican II, mais
l’interprètent différemment (cf. le
discours programme adressé le 22 décembre 2005 par Benoît XVI à la Curie
romaine, distinguant l’interprétation « de rupture », celle de Concilium,
et l’interprétation « de continuité », celle de Communio, qu’il prône
comme la véritable. Les conclaves successifs, depuis 1963, se
sont joués contre les « dérives » entraînées par la formidable mutation
lancée dès l’ouverture du Concile en 1962, de sorte que les papes élus ont
tous été de la tendance que j’appelle pour me faire comprendre tendance
Communio. Cependant, la tendance Concilium, très puissante, a
pratiquement exercé un véritable « pouvoir culturel » dans l’Église sous
Paul VI, qu’elle a dû ensuite partager avec la tendance Communio sous
Jean-Paul II, spécialement après 1985 (parution de
Entretien sur la foi, du cardinal Ratzinger).
Très opportunément, le cardinal censé répondre à Olivier Le Gendre précise :
« Il est trompeur de parler de camps aux frontières définies comme ceux
qui s’affrontent dans le Parlement d’une République ou au sein des partis
qui entretiennent des courants rivaux. Nous sommes entre cardinaux dans un
monde aux frontières mouvantes. » Il n’empêche que l’on peut parler de
tendances clairement spécifiées. Après 2005, on peut, comme avant, discerner
deux tendances : une tendance libérale, la tendance Concilium
(celle des cardinaux Etchegaray, Danneels, Silvestrini)
; et la tendance Communio. Mais en outre, il est devenu
plus évident que cette dernière est elle-même subdivisée en une aile
restaurationniste (celle du Pape) et une aile
plus conciliaire. On pourrait qualifier celle-ci, comme on le fait parfois,
de « troisième voie » : elle comprend des prélats qui sont en somme à
mi-chemin entre l’interprétation « progressiste » du Concile et sa remise en
cause partielle (liturgique, par exemple), dans
la ligne Benoît XVI.
Les « néoconservateurs »
Mais si ces hommes ont considéré qu’ils n’avaient pas d’autre choix que de
porter Benoît XVI au souverain pontificat, beaucoup d’entre eux sont depuis
prodigieusement irrités par les infléchissements qu’il fait subir à la
mutation conciliaire, essentiellement, mais très symboliquement dans le
domaine cultuel. On les nomme aussi néoconservateurs (mais
cette qualification n’a rien à voir, sauf une mode de vocabulaire, avec les
inspirateurs de George Bush), lorsque l’on veut parler de ceux
qui sont les plus proches du Pape sans être en tout d’accord avec lui. Ces
néoconservateurs, qui ne sont pas des libéraux, sont tentés
(et cèdent souvent à la tentation) de faire
alliance au moins objective avec les libéraux pour freiner, aménager,
corriger le cours de la nouvelle politique romaine, spécialement dans le
domaine crucial des nominations. Ce sont ces hommes clés
(ou hommes cadenas pour l’œuvre de Benoît XVI…), puissamment
installés à l’intérieur même de la Secrétairerie d’État et à la tête de très
importants dicastères, que je vais évoquer dans un prochain dossier.
Abbé Claude BARTHE
(1)
Y a-t-il une opposition romaine au Pape Benoît XVI ?
(2)
Des personnages de haut rang prétendent déjà préparer un après-Benoît XVI
(3) Le pape Benoît XVI irrite à la Curie
Sources : hommenouveau
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 24.01.2009 -
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