Mgr Batut, un évêque de la génération
Benoît XVI |
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Le 19 janvier 2009 -
(E.S.M.)
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Consacré évêque auxiliaire de Lyon le 10 janvier après
nomination du pape Benoît XVI (28 novembre 2008), Mgr J.-P. Batut
répond à nos questions et explique sa vision de l’Église pour le XXIe
siècle
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L'abbé
Batut avant sa nomination (Sainte Cécile) -
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Mgr Batut, un évêque de la génération Benoît XVI
Propos recueillis par Daniel Hamiche
Le Saint-Père Benoît XVI vous a nommé, le 28
novembre dernier, évêque auxiliaire de Lyon – et évêque titulaire
(on disait autrefois in partibus)
de Ressiana.
Comment avez-vous appris cette nomination et quels ont été vos
sentiments à cette annonce ?
>>
Mgr Jean-Pierre Batut : J’ai été complètement abasourdi. J’ai
demandé si un délai m’était accordé pour réfléchir, prier et prendre
l’avis de mon Père spirituel. Dans les jours que l’on m’a laissés pour
réfléchir, ce dernier m’a aidé à objectiver la demande qui m’était faite
et à y répondre en conscience. Depuis, je suis en paix, même si cette
paix n’est pas toujours sans appréhension : comment pourrais-je ne pas
ressentir le décalage entre mes limites humaines et ce que l’Église me
demande ? Mais, à l’inverse, comment pourrais-je ne pas faire confiance
à l’Église qui va me faire don de la plénitude du sacerdoce pour remplir
la mission qu’elle me confie ?
Vous allez donc devenir un étroit collaborateur du cardinal Philippe
Barbarin, archevêque de Lyon. Savez-vous déjà quelles seront exactement
vos tâches dans cet important diocèse ?
>> Ainsi que le cardinal Barbarin
l’a lui-même exprimé le jour de ma nomination comme évêque auxiliaire,
il attend de moi que je favorise le lien entre la vie pastorale et la
théologie d’une part, la vie spirituelle d’autre part. À ce titre,
j’aurai à m’occuper plus particulièrement de tout ce qui a trait à la
formation intellectuelle et spirituelle des prêtres et des laïcs.
Voilà pour le cadre général : les modalités concrètes sont encore à
préciser.
On dit que vous
connaissez depuis longtemps le cardinal Barbarin. Pourriez-vous nous
préciser ?
>> Depuis longtemps, en effet,
puisque nous devons beaucoup l’un et l’autre à Mgr Charles, qui, après
avoir formé des générations d’étudiants comme aumônier de la Sorbonne
(où lui avait succédé l’abbé Jean-Marie Lustiger),
poursuivait cette tâche dans les années soixante-dix comme recteur de la
basilique de Montmartre. Dans les différents mouvements d’étudiants qui
y prospéraient, on pouvait rencontrer des séminaristes en quête d’un
complément de réflexion théologique et d’activité apostolique. Philippe
Barbarin en faisait partie, alors que je n’étais moi-même qu’un étudiant
parmi d’autres.
Si le nombre de
baptisés catholiques dans l’archidiocèse de Lyon semble stable depuis
une vingtaine d’années
(environ 65 % de la
population),
celui des prêtres a diminué de moitié au cours de cette même période.
Comment expliquer cela et existe-t-il des solutions pour enrayer ce
déclin ?
>> Je ne vous surprendrai pas en
disant que je n’ai pas de solution miracle, ni moi ni personne. Mais je
suis convaincu que l’appel de Dieu continue à retentir, parfois de
manière à ce point insistante qu’il précède l’adhésion à l’Église, comme
ce fut le cas pour Jean-Marie Lustiger lui-même, qui raconte dans Le
choix de Dieu qu’il entendit l’appel à être prêtre le Vendredi
saint, dans la cathédrale d’Orléans, alors qu’il n’était même pas
baptisé ! Mais ce n’est évidemment pas la règle ordinaire.
Cela étant, trois points me paraissent à souligner. Tout d’abord,
l’appel de Dieu ne pourra pas être entendu s’il n’y a pas de
familles chrétiennes, éduquant leurs enfants à un
mode de vie authentiquement chrétien. Ensuite, il n’y aura pas de
familles chrétiennes si ces familles ne sont pas généreuses dans la
transmission de la vie : non seulement parce qu’il va beaucoup plus de
soi d’accepter de donner un de ses enfants à Dieu si l’on en a
plusieurs, mais surtout parce que la famille, comme « Église domestique
», est le premier lieu où la diversité des appels de Dieu qui constitue
la grande Église peut et doit devenir visible. Enfin, les vocations,
comme la foi elle-même, n’arriveront pas à maturité sans être
accompagnées le moment venu par d’autres que les parents :
l’accompagnement spirituel, en particulier des
jeunes dont l’état de vie n’est pas encore déterminé, me paraît une des
grandes urgences de l’heure. La raréfaction des prêtres ne
saurait être un alibi pour y renoncer.
Vous étiez curé
de la paroisse Saint-Eugène et Sainte-Cécile depuis un peu plus d’un an,
au moment de votre nomination comme évêque. Cette paroisse parisienne
possède la particularité de célébrer les deux formes du rite romain
depuis une vingtaine d’années – ce en quoi elle fut pionnière en France.
Quel bilan tirez-vous de cet apostolat particulier pour ce qui est de la
cohabitation, dans une même paroisse, des deux formes liturgiques ?
>> La coexistence des deux formes
liturgiques est pour moi le kairos
(Le moment ou l’endroit opportun pour dire ou faire
quelque chose) du pontificat actuel. Elle est aussi
une grande chance pour une communauté paroissiale, en même temps qu’un
test décisif pour sa catholicité. Il ne s’agit pas seulement de se
résigner à ce que d’autres préfèrent prier selon d’autres critères
liturgiques que les miens, mais il s’agit d’être curieux d’en découvrir
les raisons. À cet égard, je suis particulièrement reconnaissant aux
paroissiens de Saint-Eugène qui, tout en ayant légitimement leurs
préférences personnelles, fréquentent aussi les messes célébrées selon
l’autre forme liturgique. À l’inverse, chez ceux – très rares
heureusement – qui pour rien au monde ne participeraient à une messe qui
ne serait pas de la forme qu’ils affectionnent, on trouve par le fait
même l’idée, exprimée ou sous-entendue, que le concile Vatican II a
opéré une rupture de tradition. Cette idée n’est
pas acceptable. Je préfère penser qu’elle procède de l’ignorance
de ce qu’est la Tradition de l’Église, et de ce qu’est un concile
œcuménique.
(Ndlr : Pour approfondir la question nous suggérons les écrits de Benoît
XVI sur la Tradition dans la rubrique
théologie,
Chapitre II :
Essai sur
la question du concept de Tradition)
À titre
personnel, que vous a apporté de célébrer dans cette forme
extraordinaire que vous ne connaissiez pas avant de l’apprendre en tant
que curé de Saint-Eugène et Sainte-Cécile ?
>> La découverte de la liturgie
tridentine a été positive à tous égards. Elle m’a fait percevoir à quel
point le rite, avec son caractère volontiers redondant, est de l’ordre
de l’amour avant d’être de l’ordre de l’intelligence
(ce qui n’empêche pas la célébration d’être
rationabilis comme dit le Canon romain).
De ce point de vue, j’ai mieux compris l’esprit des liturgies orientales
qui déconcertent souvent nos esprits occidentaux très cérébraux, mais
avec lesquelles la liturgie tridentine a de nombreux points communs.
En même temps, j’ai pu rendre grâce de manière plus précise
qu’auparavant pour le don sans prix qu’est la messe dite « de Paul VI ».
Les quatre prières eucharistiques sont une pure merveille, et j’avoue
avoir un faible pour la quatrième qui, dans une immense action de grâce
au Père, déroule toute l’histoire du salut. Quant à la richesse du
lectionnaire, elle n’est pas seulement quantitative, mais elle donne la
possibilité, à travers les trois années liturgiques, grâce à la lecture
continue d’un évangile, de suivre le chemin spirituel que l’évangéliste
nous ouvre pour marcher à la suite du Christ.
(Ndlr : pour lire quotidiennement les textes du Missel
: rubrique -
évangile du jour)
Vous avez une vaste expérience ministérielle d’enseignement
(séminaire de Paris, séminaire Saint-Sulpice, Maison
Saint-Séverin, Studium Notre-Dame).
Quels
sont, selon vous, les points forts et les points faibles de
l’enseignement dans les séminaires aujourd’hui ?
>> Plutôt que de points forts et
faibles, je préférerais dire : les défis. Ces défis sont nombreux, mais
je voudrais en souligner quelques-uns plus importants.
Tout d’abord, alors qu’autrefois l’auditoire des cours dans un séminaire
était très homogène, avec une formation antérieure largement littéraire
et humaniste, cet auditoire est aujourd’hui extrêmement hétérogène. Cela
vaut aussi bien pour les types de formations antérieures
(majoritairement scientifiques, économiques ou commerciales) que pour la
connaissance des fondements de la foi et l’intuition de l’organicité des
vérités chrétiennes. On se heurte donc à la difficulté de devoir tenir
un langage commun et intelligible à des étudiants dont la bonne volonté
est hors de cause, mais dont la capacité à entrer en philosophie et en
théologie est souvent problématique. D’où la nécessité d’un
accompagnement très personnalisé, avec un tuteur d’études qui n’hésite
pas à commencer par le commencement
(Ces propos ont été largement encouragé par le
pape Benoît XVI) : comment chercher dans un
dictionnaire, comment faire une fiche de lecture, comment éviter de
perdre du temps sur internet en croyant en gagner, etc.
Un autre défi est celui du rapport avec la culture et les cultures. Il
serait vain de prétendre le renvoyer à plus tard au motif qu’il y aurait
d’autres urgences : ce serait oublier que les jeunes qui entrent
aujourd’hui au séminaire ont grandi dans une culture souvent très
éloignée des modes de penser chrétiens, voire en réaction contre eux, et
qui les influence souvent à leur insu. Cette question du rapport de la
foi aux cultures fera, par exemple, de l’enseignement de la philosophie
tout autre chose que l’exposé livresque et abstrait qu’il a pu être en
d’autres temps. Il faudra lire et travailler les auteurs qui en valent
la peine, même s’ils ne pensent pas comme nous, et se demander à quel
moment la recherche de Dieu a pu éventuellement prendre chez eux des
chemins de traverse, et pour quelles raisons.
Quelle devise
épiscopale avez-vous choisie et pourquoi ?
>> J’ai hésité entre « qui
accusera ceux que Dieu a choisis ? » (Rm 8,
33) et « si Dieu est pour nous, qui sera
contre nous ? »
(Rm 8, 31), pour finalement
prendre cette dernière parole de saint Paul, qui m’a paru plus
récapitulative. Je l’ai choisie d’abord parce que le chapitre 8 de
l’épître aux Romains est pour moi un des sommets de saint Paul, ce qui
n’est pas peu dire, avec ce tableau extraordinaire qu’il nous donne de
la vie dans l’Esprit. Ensuite, parce que cette certitude que Dieu s’est
définitivement engagé en notre faveur, qu’Il nous a élus dès avant la
fondation du monde, est toujours plus grande et plus forte que la
nécessité de lutter contre les puissances adverses. Ce n’est pas à nous
de remporter la victoire : Dieu, en son Fils, l’a déjà remportée pour
nous. Nous sommes seulement associés par grâce à un combat qui ne sera
achevé qu’à la fin des temps, lorsque « le dernier ennemi, la mort, sera
détruit »
(1 Co 15, 26),
un combat où la
Vie et la mort se sont affrontées en un duel prodigieux, mais où le
Maître de la Vie, mis à mort, règne à jamais vivant, comme le dit
magnifiquement la séquence de Pâques.
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Mgr Batut nouvel évêque auxiliaire
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Sources : hommenouveau
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M. sur Google actualité)
19.01.2009 -
T/Église - International/France
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