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Benoît XVI a été l'écho de la Parole faite chair, cet écho du Logos
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Le 13 août 2024 -
E.S.M.
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Pourquoi donc la parole de Benoît XVI a-t-elle retenti avec
une telle force dans tant de cœurs et d'âmes ? Certes Joseph
Ratzinger est un génie intellectuel, mais au-delà, la Parole chez
lui est devenu profondément sacerdotale, enracinée dans celle de
l'unique grand-prêtre qu'il fréquentait avec assiduité. Comment ne
pas entendre dans sa voix un écho de celle du Christ enseignant sur
les routes de Galilée ?
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Benoît XVI est à
genoux, devant le Saint-Sacrement lors des nuits Madrilènes -
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Certains diront que nous avons eu un pape théologien dont
les enseignements demeureront, de nombreuses années, un phare dans la nuit.
C'est vrai, mais c'est très insuffisant. Bien entendu
les homélies de Benoît XVI resteront
indémodables, tant elles sont nourries de l'essentiel. Elles garderont
toujours ce style, cette force, cette profondeur qui leur assignent une
place à la suite des grandes homélies des Pères de l'Église. Que Benoît XVI
soit un théologien majeur, tout le monde en convient. Mais il nous faut
entrer bien plus profondément dans le mystère de Benoît XVI. Il n'est pas
seulement un professeur qui enseigne une doctrine de manière tout
extérieure.
Pourquoi donc la parole de Benoît XVI a-t-elle retenti avec une telle force
dans tant de cœurs et d'âmes ? Certes Joseph Ratzinger est un génie
intellectuel, mais au-delà, la Parole chez lui est devenu profondément
sacerdotale, enracinée dans celle de l'unique grand-prêtre qu'il fréquentait
avec assiduité. Comment ne pas entendre dans sa voix un écho de celle du
Christ enseignant sur les routes de Galilée ? Sa petite voix discrète et
timide, ses discours sans recherche, ni effets rhétoriques ont ébranlé le
monde. Souvenons-nous de sa si belle
méditation devant le Saint-Sacrement au
pied de la grotte de Lourdes, de ses
paroles toutes paternelles aux prêtres
réunis pour l'année sacerdotale place Saint-Pierre, de ses discours
magistraux aux
Bernardins à Paris, au
Bundestag à Berlin, ou encore de ses
commentaires de l'Écriture avec les
séminaristes.
À chaque fois, les assistants sont repartis transformés, bouleversés. Que
s'est-il passé ? La parole est devenue un événement, une expérience. Ecouter
Benoît XVI, c'est faire l'expérience d'une rencontre avec Dieu, c'est se
laisser conduire, comme dit saint Augustin, à aimer Dieu par Dieu. Puisque
l'Esprit-Saint est Dieu, aimons Dieu par Dieu
(Saint Augustin, P.L., 38,
210-213, Sermons 34 sur le psaume 140 -
CXL page 186 et ss).
Dans une très belle homélie, longtemps inédite, le jeune Joseph Ratzinger
s'interrogeait sur la place de la parole dans la vie du prêtre : « II y a
d'abord la parole. Nous sommes tentés de dire : finalement, ce n'est qu'une
parole. Seuls les faits comptent. Les mots ne valent rien. Or quiconque
réfléchit un peu se rend compte de la force de la parole qui crée des faits.
Une seule parole de travers peut détruire une vie entière. Une seule parole
pleine de bonté peut transformer une personne que rien d'autre ne pouvait
aider. Nous devons nous rendre compte à quel point il est important pour
l'humanité que l'on ne parle pas seulement d'argent et de guerre, de pouvoir
et de profit, qu'il n'y ait pas seulement les ragots du quotidien, mais que
l'on parle de Dieu. [...] Un monde dans lequel cela ne se produirait plus
serait infiniment ennuyeux et vide. Il serait sans espoir. [...] Il est
difficile de proclamer la parole de Dieu dans un monde repu de tout type de
sensations. Il est dur de proclamer la parole de Dieu dans un monde où le
prêtre lui aussi doit avancer à tâtons dans l'obscurité et se voit placé
devant l'alternative de dire ce que
personne ne comprend ou de traduire dans notre monde, avec hésitations et
approximations, ce qui est si loin de notre quotidien. Le service de la
parole est devenu difficile. [...] Parfois le prêtre préférerait s'arracher
à cette parole qui fait de lui un solitaire, un fou, cette parole qui le
marque et dont personne ne veut se préoccuper. Mais il doit porter le poids
de la parole. Et c'est justement ainsi qu'il sert les hommes qui ne veulent
pas le comprendre. (Joseph
Ratzinger, Méditation le jour d'une première messe, in Dogme et Annonce,
Paris, p. 389-390.) »
En s'adressant au jeune prêtre qui célébrait sa première messe ce jour-là,
Joseph Ratzinger dressait prophétiquement le portrait du futur Benoît XVI !
Il a été cet écho de la Parole faite chair, cet écho du Logos. Vraiment sa
parole aura selon son expression « créé des faits ». [...]
Pour chacun de nous cette expérience demeure inoubliable.
Par sa parole Benoît XVI a fait entrer toute l'Église dans une expérience :
la Parole de Dieu nous a été adressée, elle a retenti pour nous aujourd'hui.
Rassemblée autour de son Pasteur, l'Eglise a refait l'expérience des
disciples réunis autour de Jésus sur le mont des Béatitudes. « Dans la vie
ecclésiale, on fait une expérience de Dieu qui est plus élevée que celle que
l'on atteint par la réflexion : à travers elle, nous touchons réellement le
cœur de Dieu. (Benoît
XVI, Audience du 14 mai 2008.) » C'est à cette expérience que le
Bon Pape Benoît a conduit toute l'Église à travers sa parole. Le Pasteur
a conduit son troupeau jusqu'à la rencontre avec le Christ. Souvenons-nous
des premiers mots si décisifs de l'encyclique
Deus Caritas est : « À
l'origine du fait d'être chrétien, il n'y a pas une décision éthique ou une
grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui
donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive (§ 1). »
Avec sa bonté rayonnante Benoît XVI nous a pris par la main pour nous
conduire à cette rencontre personnelle. Comment a-t-il procédé ? Il nous le
dit lui-même : «
On rencontre le Ressuscité dans la Parole et dans les sacrements ; le culte
est la manière dont il devient tangible pour nous et reconnaissable comme le
Vivant. » En vérité, il nous fait goûter la joie de
la rencontre avec le Christ-Vivant au cœur de la liturgie.
C'est certainement l'un des sommets de l'action pastorale et magistérielle
du pape Benoît. Plutôt que d'enseigner sur la liturgie, il l'a célébrée !
Les liturgies pontificales sont devenues grâce à lui de véritables lieux
théologiques et magistériels. Dans le plus parfait esprit du Concile, la
basilique Saint-Pierre est devenue le lieu du déploiement en acte de
l'ecclésiologie du Concile. Dans les liturgies du pape Benoît l'Église a
mieux compris qui elle était parce qu'elle a fait une expérience de Dieu. «
C'est uniquement en faisant une certaine expérience que l'on peut ensuite
comprendre. (Benoît
XVI souligne la priorité d'approcher les jeunes de l'Evangile) »
En réconciliant la liturgie avec elle-même, avec son histoire, avec sa
tradition, Benoît XVI nous a permis de retrouver le goût de Dieu et sa place
centrale dans nos vies. En vérité nous avons fait l'expérience de la beauté
de Dieu, de sa grandeur. Qui de nous n'a ressenti cette crainte joyeuse,
cette donation humble et jubilante en participant aux liturgies dans la
Basilique Saint-Pierre ? Nous avons littéralement senti combien la liturgie
« porte en elle le fruit de l'expérience de foi de toutes les générations
précédentes. Même si les participants ne comprennent pas toutes les paroles,
ils perçoivent leur signification profonde, la présence du mystère qui
transcende toute parole». Joseph Ratzinger, « La nouvelle évangélisation »,
conférence donnée à Rome le 10 décembre 2000.
« La nouvelle évangélisation », conférence donnée à Rome le 10
décembre 2000 .
Benoît XVI demeurera pour les siècles le pape liturge par excellence. Par
son enseignement, par son magistère liturgique, et notamment le Motu Proprio
Summorum Pontificum, le pape Benoît a profondément renouvelé le sens
liturgique des chrétiens. Il a indiqué en quelle direction il fallait
poursuivre l'œuvre du Concile. « La liturgie de l'Église a été pour moi
l'activité centrale de ma vie [...], le centre de mon travail théologique, »
a-t-il écrit. (Préface à la version allemande des œuvres complètes sur la
liturgie, 29 juin 2008.(La
liturgie de l’Église est pour Benoît XVI l’activité centrale de sa vie) Cette théologie n'est pas une réflexion rationnelle. Elle est
une expérience de Dieu en acte. Qui n'a pas été frappé par le recueillement
simple du célébrant Joseph Ratzinger ? Lorsqu'il déployait à l'autel un ars celebrandi
humble et attentif, la joie de son âme devenait palpable pour
tous les
participants. Chacun retrouvait sa place dans la grande famille de l'Église.
On m'a rapporté le cas d'une personne en rupture avec l'Église catholique
qui, après avoir participé à une messe sur la place Saint-Pierre, s'est tout
simplement exclamé : « Là est l'Église », et a rejoint la pleine communion.
Benoît-le-liturge, en réconciliant la liturgie avec elle-même, a réconcilié
l'Église avec elle-même. Animé de cette certitude que « le véritable
renouveau de la liturgie est la condition fondamentale pour le renouveau de
l'Église
(Préface à la version russe des
œuvres complètes sur la liturgie, 11 juillet 2015.)
», Benoît XVI a agi très concrètement, très simplement : il a
célébré en remettant Dieu au centre, et ainsi, en remettant Dieu au centre
de la vie de l'Église, au centre de la vie des chrétiens, Benoît nous a fait
faire l'expérience ecclésiale d'une vie dont Dieu est le centre ! «
L'existence de l'Église tire sa vie de la célébration correcte de la
liturgie. L'Église est en danger lorsque la primauté de Dieu n'apparaît plus
dans la liturgie et par conséquent dans la vie. La cause la plus profonde de
la crise qui a bouleversé l'Église se trouve dans l'obscurcissement de la
priorité de Dieu dans la liturgie.
(Ibid)
».
Cette primauté de Dieu était encore soulignée par la personne de Joseph
Ratzinger. À l'autel, revêtu, grâce au bon goût de son cérémoniaire,
d'ornements parfois splendides, le pape apparaissait faible, courbé,
comme humainement impuissant. Aucune impression de pouvoir écrasant ou de
domination ne se dégageait de lui. Au contraire le célébrant irradiait la
douceur, la paix et une joie profonde et intérieure. En voyant cette frêle
silhouette aux cheveux blancs si petite aux pieds des colonnes du baldaquin
du Bernin, comment ne pas penser à cette si belle méditation : « Jésus est
le roi de ceux qui ont le cœur libre de la soif de pouvoir et de richesse,
de la volonté de domination sur l'autre. Jésus est le roi de ceux qui ont
cette liberté intérieure qui rend capable de surmonter l'avidité, l'égoïsme
qui règne dans le monde, et qui savent que Dieu seul est la richesse. Jésus
est le roi pauvre parmi les pauvres, doux parmi ceux qui veulent être doux.
De cette façon, il est roi de paix, grâce à la puissance de Dieu, qui est la
puissance du bien, la puissance de l'amour. [...] Le mal se vainc par le
bien, par l'amour (Audience
générale du 26 octobre 2011).»
Benoît XVI aura été ce puissant par la douceur. Il a fait faire à l'Eglise
entière cette expérience d'un Dieu qui manifeste sa toute-puissance dans la
faiblesse. Comment oublier l'image quasi eschatologique de ce pape fatigué
et souriant au milieu des millions de jeunes aux
JMJ de Madrid. On le
pressait de se mettre à l'abri de l'orage et du vent qui soufflait en
tempête. Il demeurait là, au milieu de ses enfants, silencieux, doux. Il se
tenait debout comme Marie au pied de la Croix. Des millions de regards se
tournaient vers lui, vers cette soutane blanche battue par
le vent. Son silence, son sourire au cœur de l'orage irradiaient la paix et
la douceur. « La toute-puissance de Dieu ne s'exprime pas dans la
destruction de tout pouvoir adverse comme nous le désirons, mais elle
s'exprime dans l'amour, dans la miséricorde, dans le pardon, dans
l'acceptation de notre liberté et dans l'appel inlassable à la conversion du
cœur, dans une attitude qui n'est faible qu'en apparence. Dieu semble
faible, si nous pensons à Jésus-Christ qui prie, qui se laisse tuer. Une
attitude faible en apparence, faite de patience, de douceur et d'amour
démontre que telle est la vraie façon d'être puissant ! Telle est la
puissance de Dieu ! Et cette puissance vaincra
(Audience du 30 janvier 2013.)
! »
Comme ces paroles disent bien le mystère du pape Benoît ! Une faiblesse
apparente, mais qui manifeste la puissance de Dieu !
Benoît ira jusqu'au bout de cette logique. Il entrera dans un vrai chemin de
croix. Ses amis le trahissent, il pardonne ! Ses collaborateurs
l'abandonnent, il excuse ! Doit-on parler de faiblesse dans l'art du
gouvernement ? Je crois qu'il y a plutôt la volonté mystique de faire goûter
à l'Église comment s'exerce le gouvernement divin. Le livre de Nicolas Diat
dit sobrement la vérité. On le lui a reproché. L'étalage des bassesses des
ennemis de l'Église, qui sont parfois aussi ses enfants, est certes
choquant. Les noms et les œuvres de ces intrigants tomberont dans les
oubliettes de l'histoire. La « faiblesse victorieuse » de Benoît demeurera
et donnera du fruit.
Attaqué de toute part, sali, calomnié, trahi, Benoît-le-Grand enseigne : «
Tant que nous serons des agneaux, nous vaincrons, et même si nous sommes
entourés par de nombreux loups, nous réussirons à vaincre, dit
Jean-Chrysostome, mais si nous devenons des loups, nous serons vaincus, car
nous serons privés de l'aide du Pasteur. Les chrétiens ne doivent jamais
céder à la tentation de devenir des loups parmi les loups. Ce n'est pas avec
le pouvoir, avec la force, avec la violence que le royaume de paix du Christ
s'étend, mais avec le don de soi, avec l'amour porté à l'extrême, même à
l'égard de ses ennemis (Audience
générale du 26 octobre 2011). » Par ces mots, il annonçait de quelle mort il
devait mourir ! Il offrait sa personne en sacrifice pour l'Église. Il nous
enseignait comment dans l'Église s'obtient la victoire. Cette audience est
littéralement l'offertoire de la vie de Benoît-le-doux. Désormais, sa vie
devient la liturgie du sacrifice. Il est le prêtre et l'hostie de ce drame
qui commence. « Celui qui veut être un disciple du Seigneur, son envoyé,
doit être également prêt à la passion et au martyre, à perdre sa vie pour
Lui, afin que dans le monde triomphe le bien, l'amour, la paix. [...] Nous
devons être disposés à payer de notre personne, à souffrir en première
personne l'incompréhension, le refus, la persécution. Ce n'est pas l'épée du
conquérant qui construit la paix, mais l'épi de celui qui souffre, de celui
qui sait donner sa vie (.Ibid.) »
II donnera sa vie pour l'Église, Vicaire du Crucifié jusqu'au bout. Sa
démission a eu pour nous une saveur de Vendredi-Saint. Le sacrifice était
consommé. Pourtant Benoît-le-mystique ne s'est pas arrêté-là. Il a entraîné
l'Église dans une nouvelle expérience : celle du silence et de l'incessante
prière. Son retrait dans le minuscule monastère des jardins du Vatican a
inauguré une sorte de Samedi-Saint, un temps de silence, de prière, de
recueillement.
À nouveau il a fait comprendre à tous, cette fois par son silence
contemplatif, combien seul Dieu compte. Sa vie est devenue la manifestation
de cette primauté de Dieu : « La primauté de l'intériorité, nous devons la
réapprendre et la mettre au-dessus de tout notre activisme, la composante
mystique du christianisme doit retrouver sa vigueur
(Joseph Ratzinger, « L'Église au seuil du troisième millénaire », conférence
à Notre-Dame de Paris, 8 avril 2001.)» Son silence a été
ces dernières années comme un défi à l'agitation mondaine, aux calculs
politiques, aux mesquineries humaines.
Dans un monde qui cherche à se créer une religion liquide à la mesure de sa
tiédeur, il nous a fait expérimenter le tout de Dieu. Dieu seul suffit !
Et nous voilà donc au soir de ce Samedi-Saint, disciples perdus et
orphelins. Quel Ange viendra nous annoncer le Dimanche de Pâques ? Qui nous
donnera la lumière ? Benoît nous donne la réponse : « Rien ne saura nous
mettre davantage au contact avec la beauté du Christ que le monde du beau
créé par
la foi, et la lumière sur le visage des Saints, à travers laquelle sa propre
lumière devient visible. » (Joseph
Ratzinger, «Blessé par la flèche de ce qui est beau», conférence à Rimini le
23 août 2002.)
Dans la nuit de notre temps, l'humble et grand visage de Benoît XVI sera
pour longtemps notre lumière !
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(E.S.M.) 13 aout 2024
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