Benoît XVI nous invite à prendre
exemple sur Denis l'Aéropagite |
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Cité du Vatican, le 14 mai 2008 -
(E.S.M.)
- « L'Amour voit et rend possible l'expérience d'un chemin humble
et réaliste jour après jour », où « nous touchons réellement le cœur de
Dieu ». Le pape Benoît XVI a repris par ces paroles, pendant la
traditionnelle Audience Générale du Mercredi, l'enseignement de Denis l'Aéropagite,
ancien auteur chrétien et Père de l'Église du VIe siècle.
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Benoît XVI nous invite à prendre exemple sur Denis l'Aéropagite
Synthèse de la catéchèse du Saint-Père - Texte intégral en 2e partie
Durant l'audience générale, qui s'est déroulée Place St. Pierre, Benoît XVI
a repris le cycle patristique et proposé une réflexion sur le Pseudo-Denys
qui entendit mettre la sagesse grecque au service de l'Évangile. Cet
écrivain du VIe siècle, qui vécut les grandes polémiques suscitées par le
Concile de Chalcédoine, affirma que "la lumière de la Vérité élimine les
erreurs et resplendir ce qui est juste; et c'est avec ce principe qu'il
purifia la pensée grecque en la confrontant à l'Évangile".
Le pseudo Aréopagite utilisa le polythéisme "pour montrer la vérité du
Christ et transformer cet univers de divinités en un cosmos créé par Dieu",
où toutes les créatures reflètent ensemble la vérité de Dieu". Puis le Pape
a rappelé que la créature étant à l'image de Dieu, la théologie de Denys
"est devenue liturgique. Dieu se rencontre avant tout en priant et non
seulement en raisonnant". Ce penseur chrétien inaugura, a souligné le Pape,
la "première grande théologie mystique. Avec lui ce terme est devenu plus
personnel, plus intime, pour expliquer le cheminement de l'âme vers de
Créateur. Il montre que le chemin vers Dieu est Dieu lui-même qui s'est
rapproché de nous en Jésus-Christ".
Le Pseudo-Denys retrouve une actualité en tant que "médiateur du dialogue
contemporain entre christianisme et mystiques asiatiques, pour lesquelles on
peut définir Dieu ni dire qui il est. On ne peut l'évoquer que par questions
négatives et on ne peut l'atteindre que par l'expérience du non être". Le
dialogue, a ajouté le Saint-Père Benoît XVI, "n'accepte aucune
superficialité. C'est en entrant dans les profondeurs de la rencontre avec
le Christ que s'ouvre le vaste champ du dialogue. Lorsqu'on trouve la
lumière de la Vérité on constate qu'elle s'applique à tous. Les polémiques
disparaissent et il est possible de se parler ou pour le moins de se
rapprocher".
Le Pseudo-Denys l'Aréopagite est
l’auteur de traités chrétiens de théologie mystique. D'inspiration
néo-platonicienne, il est influencé par les écrits de Proclus, auxquels il
fait de larges emprunts. Écrivant en langue grecque, et ayant vécu au Ve
siècle ou VIe siècle, il fut longtemps identifié à tort avec saint Denys
l'Aréopagite, premier évêque d’Athènes (Ier siècle).
L'influence du Pseudo-Denys s'est étendue dans le monde grec durant les
trois siècles suivant sa mort.
Le corpus dionysien fait partie des trois grands courants philosophiques et
spirituels qui ont formé la pensée de l'Occident médiéval, avec la
philosophie grecque et l'œuvre de saint Augustin. Le traité "la Théologie
mystique" valut au Pseudo-Denys le titre de père de la mystique[6]. C'est,
en occident, le plus influent des pères Grecs.
Une importante spécificité de son apport à la théologie chrétienne est aussi
d'avoir défini les trois polarités de la théologie : la théologie mystique
qui est le plus haute connaissance de Dieu dans la ténèbre et le silence,
au-delà de tout langage, de tout concept, de toute idée, de toute image et
de tout symbole; la théologie symbolique qui exprime la connaissance de Dieu
dans le langage de l'image et du symbole; et la théologie spéculative.
Texte intégral de la catéchèse
Chers frères et sœurs,
Aujourd'hui, je voudrais, dans le cadre des catéchèses sur les Pères de
l'Eglise, parler d'une figure très mystérieuse : un théologien du sixième
siècle, dont le nom est inconnu, qui a écrit sous le pseudonyme de Denys
l'Aréopagite. Par ce pseudonyme, il faisait allusion au
passage de l'Ecriture
que nous venons d'entendre, c'est-à-dire à l'histoire racontée par Saint Luc
dans le chapitre XVII des Actes des Apôtres, où il est rapporté que Paul
prêcha à Athènes sur l'Aréopage, pour une élite du grand monde intellectuel
grec, mais à la fin, la plupart des auditeurs montrèrent leur désintérêt et
s'éloignèrent en se moquant de lui ; toutefois certains, un petit nombre nous
dit saint Luc, s'approchèrent de Paul en s'ouvrant à la foi. L'évangéliste
nous donne deux noms : Denys, membre de l'Aréopage, et une certaine femme, Damaris.
Si l'auteur de ces livres a choisi cinq siècles plus tard le pseudonyme de
Denys l'Aréopagite, cela veut dire que son intention était de mettre la
sagesse grecque au service de l'Évangile, d'aider la rencontre entre la
culture et l'intelligence grecque et l'annonce du Christ ; il voulait faire
ce qu'entendait ce Denys, c'est-à-dire que la pensée grecque rencontre
l'annonce de Saint Paul ; en étant grec, devenir le disciple de Saint Paul
et ainsi le disciple du Christ.
Pourquoi cacha t-il son nom et choisi ce pseudonyme ? Une partie de la
réponse a déjà été donnée : il voulait précisément exprimer cette intention
fondamentale de sa pensée. Mais il existe deux hypothèses à propos de cet
anonymat et de ce pseudonyme. Une première hypothèse dit que c'était une
falsification voulue, avec laquelle, en relatant ses œuvres au premier
siècle, au temps de saint Paul, il voulait donner à sa production littéraire
une autorité presque apostolique. Mais mieux que cette hypothèse - qui me
semble peu crédible - il y a l'autre qui dit qu'il voulait précisément faire
un acte d'humilité. Ne pas rendre gloire à son propre nom, ne pas créer un
monument pour lui-même avec ses œuvres, mais servir
réellement l'Évangile,
créer une théologie ecclésiale, non individuelle et basée sur lui-même. En
réalité, il réussit à construire une théologie que nous pouvons certainement
dater du VIe siècle, mais pas attribuer à l'une des figures de cette époque
: c'est une théologie un peu désindividualisée, c'est-à-dire une théologie
qui exprime une pensée et un langage commun. C'était une époque de dures
polémiques après le Concile de Chalcédoine, mais lui, en revanche, dans sa
Septième Epître dit : « Je ne voudrais pas faire de polémiques; je parle
simplement de la vérité, je cherche la vérité ». Et la lumière de
la vérité
fait d'elle-même disparaître les erreurs et fait resplendir ce qui est bon.
Et avec ce principe, il purifia la pensée grecque et la mit en rapport avec
l'Évangile. Ce principe, qu'il affirme dans sa septième lettre, est
également l'expression d'un véritable esprit de dialogue :
ne pas chercher
les choses qui séparent, chercher la vérité dans la Vérité elle-même,
ensuite celle-ci resplendit et fait disparaître les erreurs.
La théologie de cet auteur, tout en étant donc pour ainsi dire «
suprapersonnelle », réellement ecclésiale, peut être située au VIe siècle.
Pourquoi ? Il rencontra dans les livres d'un certain Proclus, mort
en 485 à Athènes, l'esprit grec qu'il plaça au service de l'Évangile : cet auteur
appartenait au platonisme tardif, un courant de pensée qui avait transformé
la philosophie de Platon en une sorte de religion, dont le but à la fin
était de créer une grande apologie du polythéisme grec et de retourner,
après le succès du christianisme, à l'antique religion grecque. Il voulait
démontrer que, en réalité, les divinités étaient les forces en œuvre dans le
cosmos. La conséquence était que l'on devait considérer plus vrai le
polythéisme que le monothéisme, avec un unique Dieu créateur. C'était un
grand système cosmique de divinités, de forces mystérieuses, celui que nous
montre Proclus, pour qui dans ce cosmos déifié l'homme pouvait trouver
l'accès à la divinité. Cependant, il distinguait les voies pour les simples,
qui n'étaient pas en mesure de s'élever aux sommets de la vérité - pour eux
certains rites même superstitieux pouvaient être suffisants - et les voies
pour les sages, qui en revanche devaient se purifier pour arriver à la pure
lumière.
Cette pensée, comme on le voit, est profondément antichrétienne. C'est une
réaction tardive contre la victoire du christianisme. Un usage antichrétien
de Platon, alors qu'était déjà en cours un usage chrétien du grand
philosophe. Il est intéressant que ce Pseudo-Denys ait osé se servir
précisément de cette pensée pour montrer la vérité du Christ ; transformer
cet univers polythéiste en un cosmos créé par Dieu, dans l'harmonie du
cosmos de Dieu où toutes les forces sont une louange à Dieu, et montrer
cette grande harmonie, cette symphonie du cosmos qui va des séraphins, aux
anges et aux archanges, à l'homme et à toutes les créatures qui ensemble
reflètent la beauté de Dieu et sont une louange à Dieu. Il transformait
ainsi l'image polythéiste en une louange du Créateur et de sa créature. Nous
pouvons de cette manière découvrir les caractéristiques essentielles de sa
pensée : elle est tout d'abord une louange cosmique. Toute la création parle
de Dieu et est une louange de Dieu. La créature étant une louange de Dieu,
la
théologie du Pseudo-Denys devient une théologie liturgique : Dieu se trouve
surtout en le louant, pas seulement en réfléchissant ; et la liturgie n'est
pas quelque chose que nous avons construit, quelque chose d'inventé pour
faire une expérience religieuse au cours d'une certaine période de temps ;
elle est un chant avec le chœur des créatures et l'entrée dans la réalité
cosmique elle-même. Et précisément ainsi la liturgie, apparemment seulement
ecclésiastique, devient vaste et grande, elle devient notre union avec le
langage de toutes les créatures. Il dit : on ne peut pas parler de Dieu de
manière abstraite ; parler de Dieu est toujours - dit-il avec un mot grec -
un « hymnein », un chant pour Dieu avec le grand chant des créatures,
qui se reflète et se concrétise dans la louange liturgique. Toutefois, bien
que sa théologie soit cosmique, ecclésiale et liturgique, elle est également
profondément personnelle. Il créa la première grande théologie mystique. Le
mot « mystique » acquiert même avec lui une nouvelle signification. Jusqu'à
cette époque, pour les chrétiens, ce mot était équivalent au mot «
sacramentel », c'est-à-dire ce qui appartient au « mysterion », au
sacrement. La parole « mystique » devient avec lui plus personnelle, plus
intime : elle exprime le chemin de l'âme vers Dieu. Et comment trouver Dieu
? Nous observons de nouveau ici un élément important dans son dialogue entre
la philosophie grecque et le christianisme, en particulier la foi biblique.
Apparemment, ce que dit Platon et ce que dit la grande philosophie sur Dieu
est beaucoup plus élevé, est beaucoup plus vrai ; la Bible apparaît assez «
barbare », simple, précritique dirait-on aujourd'hui; mais lui remarque que
c'est justement ce qui est nécessaire parce qu'ainsi nous pouvons comprendre
que les concepts les plus élevés sur Dieu n'arrivent jamais jusqu'à sa vraie
grandeur ; ils sont toujours inappropriés. En réalité, ces images nous font
comprendre que Dieu est au-delà de tous les concepts ; dans la simplicité
des images, nous trouvons plus de vérité que dans les grands concepts. Le
visage de Dieu est notre incapacité d'exprimer réellement ce qu'Il est.
Aussi parle-t-on - comme le fait Pseudo-Denys - d'une « théologie négative
». Nous pouvons plus facilement dire ce que Dieu n'est pas, qu'exprimer ce
qu'Il est véritablement. Ce n'est qu'à travers ces images que nous pouvons
deviner son vrai visage, et de l'autre côté, ce visage de Dieu est très
concret : c'est Jésus Christ. Et bien que Denys nous montre, en suivant en
cela Proclus, l'harmonie des chœurs célestes, de telle façon qu'il nous
semble que tous dépendent de tous, il est vrai que notre chemin vers Dieu
reste fort éloigné de Lui ; Pseudo-Denys nous montre que, finalement, la
route vers Dieu est Dieu lui-même, Lequel se rapproche de nous en Jésus
Christ.
C'est ainsi qu'une théologie tellement grande et mystérieuse devient
également très concrète autant dans l'interprétation de la liturgie que dans
le discours tenu sur Jésus Christ : avec tout cela, Denys l'Aréopagite eut
une grande influence sur toute la théologie médiévale, sur toute la
théologie mystique autant en Orient qu'en Occident, il fut presque
redécouvert au treizième siècle notamment par saint Bonaventure, le grand
théologien franciscain qui dans cette théologie mystique trouva le moyen
conceptuel d'interpréter l'héritage tellement simple et profond de saint
François: le « poverello » avec Denys nous dit finalement que l'amour
voit plus que la raison. Là où se trouve la lumière de l'amour on ne souffre
plus des ténèbres de la raison ; l'amour voit, l'amour est un œil et
l'expérience nous donne plus que la réflexion. Quelle que soit cette
expérience, Bonaventure le vit en saint François : c'est l'expérience d'un
cheminement très humble, très réaliste, jour après jour, c'est cela aller
avec le Christ, en acceptant sa croix. Dans cette pauvreté et dans cette
humilité, dans l'humilité que l'on vit également dans l'Eglise, on fait une
expérience de Dieu qui est plus élevée que celle que l'on atteint par la
réflexion : à travers elle, nous touchons réellement le cœur de Dieu.
Aujourd'hui, il existe un nouveau côté actuel de Denys l'Aréopagite : il
apparaît comme un grand médiateur dans le dialogue moderne entre le
christianisme et les théologies mystiques de l'Asie, dont la caractéristique
la plus connue est la conviction qu'on ne peut pas dire qui est Dieu ; on ne
peut parler de Lui que sous forme négative ; on ne peut parler de Dieu
qu'avec le « ne pas », et ce n'est qu'en entrant dans cette expérience du «
ne pas » qu'on Le rejoint. On voit ici une proximité entre la pensée de
l'Aréopagite et celle des religions asiatiques : il peut être aujourd'hui un
médiateur comme il le fut entre l'esprit grec et l'Évangile.
On voit ainsi
que le dialogue n'accepte pas la superficialité. C'est précisément quand
quelqu'un entre dans la profondeur de la rencontre avec le Christ que
s'ouvre également le vaste espace pour le dialogue. Quand quelqu'un
rencontre la lumière de la vérité, on s'aperçoit qu'il est une lumière pour
tous ; les polémiques disparaissent et il devient possible de se comprendre
l'un l'autre ou au moins de parler l'un avec l'autre, de se rapprocher. Le
chemin du dialogue est justement la proximité dans le Christ à Dieu dans la
profondeur de la rencontre avec Lui, dans l'expérience de la vérité qui nous
ouvre à la lumière et nous aide à aller à la rencontre des autres : la
lumière de la vérité, la lumière de l'amour. Et il nous dit en fin de compte
: prenez la voie de l'expérience, de l'expérience humble de la foi, chaque
jour. Le cœur devient alors grand et peut voir et illuminer également la
raison pour qu'elle voit la beauté de Dieu. Prions le Seigneur pour qu'il
nous aide aujourd'hui aussi à mettre au service de l'Évangile la sagesse de
notre époque, en découvrant de nouveau la beauté de la foi, la rencontre
avec Dieu dans le Christ.
Les œuvres complètes du
Pseudo Denys en traduction française, à télécharger sur le site jumelé,
Docteur Angélique :
(ici)
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Le pape Benoît XVI accueille les pèlerins francophones présents à l'audience
Texte original du
discours du Saint Père
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Sources : www.vatican.va
080514 (320) -
E.S.M.
© Copyright 2008 du texte original - Libreria Editrice Vatican
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 14.05.2008 -
T/Benoît XVI |