Benoît XVI répond aux questions de
cinq prêtres - veillée de prière sacerdotale |
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Le 14 juin 2010
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(E.S.M.)
- Benoît XVI a répondu aux questions de cinq prêtres représentant
les continents,
au cours de la
veillée de
prière célébrée
Place St.
Pierre, jeudi
soir dernier.
Voici une large
synthèse de ses
réponses:
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Le pape Benoît XVI -
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Benoît XVI répond aux questions de
cinq prêtres - veillée de prière sacerdotale
Synthèse
Le 14 juin 2010 - Eucharistie
Sacrement de la Miséricorde
- Benoît XVI a répondu aux questions de
cinq prêtres représentant les continents, au cours de la veillée de prière
célébrée Place St. Pierre, jeudi soir dernier. Voici une large synthèse de
ses réponses:
1. Question d'Amérique
Très Saint-Père, je m'appelle José Eduardo de Oliveira
y Silva et je viens d'Amérique, du Brésil plus précisément. La plus grande
partie d'entre nous ici présents sommes engagés dans la pastorale directe,
en paroisse, et non seulement avec une communauté, mais parfois nous sommes
désormais des curés de plusieurs paroisses, ou de communautés
particulièrement étendues. Avec toute la bonne volonté, nous essayons de
subvenir aux nécessités d'une société qui a beaucoup changé, qui n'est plus
entièrement chrétienne, mais nous nous rendons compte que notre « action »
ne suffit pas. Où aller, Votre Sainteté ? Dans quelle direction ?
Benoît XVI - Chers amis, tout d'abord, je voudrais exprimer ma grande joie
parce que des prêtres de toutes les régions du monde sont réunis ici, dans
la joie de notre vocation et dans la disponibilité à servir de toutes nos
forces le Seigneur à cette époque qui est la nôtre. Pour répondre à la
question, je suis bien conscient qu'aujourd'hui il est très difficile d'être
curé même et surtout dans les pays d'ancienne chrétienté ; les paroisses
deviennent de plus en plus étendues, des unités pastorales... il est
impossible de connaître tout le monde, il est impossible de faire toutes les
tâches que l'on pourrait attendre d'un curé. Et ainsi nous nous demandons
réellement comment aller de l'avant, comme vous l'avez dit. Mais je voudrais
dire tout d'abord : je sais qu'il y a de très nombreux prêtres dans le monde
qui donnent réellement toute leur force pour l'évangélisation, pour la
présence du Seigneur et de ses sacrements. Et à ces curés fidèles, avec
toute la force de leur vie, de leur passion pour le Christ, je voudrais dire
un grand « merci » en ce moment. J'ai dit qu'il n'est pas possible de faire
tout ce que l'on souhaite, tout ce qu'il faudrait peut-être faire, parce que
nos forces sont limitées et les situations sont difficiles dans une société
toujours plus diversifiée, plus compliquée. Je pense qu'il est surtout
important que les fidèles puissent voir qu'un prêtre ne fait pas seulement
son « job », son horaire de travail et puis qu'il est libre et vit
uniquement pour lui-même, mais que c'est un homme passionné par le Christ,
qui porte en lui le feu de l'amour du Christ. Si les fidèles voient que le
curé est plein de la joie du Seigneur, ils comprennent aussi qu'il ne peut
pas tout faire, ils acceptent ses limites et ils l'aident. C'est donc là
qu'est le point le plus important : que l'on puisse voir et ressentir que le
curé se sent réellement un appelé du Seigneur ; et qu'il est rempli de
l'amour du Seigneur et des siens. S'il en est ainsi, on comprend, on peut
aussi voir l'impossibilité de tout faire. Par conséquent, la première
condition est d'être remplis de la joie de l'Evangile de tout notre être. Et
puis il faut faire des choix, avoir des priorités, voir ce qui est possible
et ce qui ne l'est pas. Et je dirais que les trois priorités fondamentales,
nous les connaissons : ce sont les trois piliers de notre existence
sacerdotale. Premièrement, l'Eucharistie et les sacrements : rendre possible
et présente l'Eucharistie, surtout le dimanche, et autant que possible pour
tous, et la célébrer de manière à ce qu'elle devienne réellement l'acte
visible d'amour du Seigneur pour nous. Puis, l'annonce de la Parole dans
toutes ses dimensions : du dialogue personnel jusqu'à l'homélie. Et le
troisième point est la « caritas », l'amour du Christ : être présents pour
ceux qui souffrent, pour les petits, les enfants, pour les personnes en
difficulté, pour les exclus ; rendre réellement présent l'amour du Bon
Pasteur. Et puis une priorité très importante est aussi la relation
personnelle avec le Christ. Dans le bréviaire, le 4 novembre, nous lisons
une belle homélie, un texte de saint Charles Borromée, un grand pasteur qui
s'est vraiment donné totalement, et qui nous dit, à tous les prêtres : « Ne
néglige pas ta propre âme : si ton âme est négligée tu ne peux pas donner
aux autres tout ce que tu devrais donner. Donc pour toi-même également, pour
ton âme tu dois avoir du temps ». En d'autres termes, la relation avec le
Christ, le dialogue personnel avec le Christ est une priorité pastorale
fondamentale, c'est la condition pour notre travail pour les autres ! Et la
prière n'est pas une chose marginale : c'est réellement une « profession »
pour le prêtre de prier, également comme représentant des personnes qui ne
savent pas prier ou qui ne trouvent pas le temps de prier. La prière
personnelle surtout, la prière des Heures, est la nourriture fondamentale
pour notre âme, pour toute notre action. Et enfin, reconnaître nos limites,
s'ouvrir aussi à cette humilité. Nous nous rappelons la scène de Marc, au
chapitre 6, où les disciples sont « anxieux », ils veulent tout faire et le
Seigneur leur dit : « Venez à l'écart et reposez-vous un peu » (cf. Mc 6,
31). Cela aussi est un travail pastoral, dirais-je : trouver et avoir
l'humilité, le courage de se reposer. Et donc, je pense que la passion pour
le Seigneur, l'amour pour le Seigneur, nous montre les priorités, les choix,
nous aide à trouver la route. Et le Seigneur nous aidera. Merci à vous tous
!
2. Question d'Afrique
Votre Sainteté, je m'appelle Mathias Agnero, et je
viens d'Afrique, de Côte-d'Ivoire précisément. Vous êtes un Pape-théologien,
tandis que nous, lorsque nous y parvenons, à peine lisons-nous quelques
livres de théologie pour la formation. Il nous semble toutefois qu'une
fracture s'est créée entre théologie et doctrine et, plus encore, entre
théologie et spiritualité. On sent la nécessité que l'étude ne soit pas
seulement académique, mais alimente notre spiritualité. Nous en ressentons
le besoin dans notre propre ministère pastoral. Parfois la théologie ne
semble pas avoir Dieu au centre et Jésus Christ comme premier « lieu
théologique », mais elle a en revanche des goûts et des tendances diffuses ;
et cela a pour conséquence la prolifération d'opinions subjectives qui
permettent l'introduction, même dans l'Eglise, d'une pensée non-catholique.
Comment ne pas être désorientés dans notre vie et dans notre ministère,
lorsque c'est le monde qui juge la foi et non l'inverse ? Nous nous sentons
en « décalage » !
Benoît XVI - Merci, vous touchez là un problème très difficile et
douloureux. Il existe réellement une théologie qui se veut avant tout
académique, qui veut apparaître scientifique, et oublie la réalité vitale,
la présence de Dieu, sa présence parmi nous, sa parole prononcée
aujourd'hui, et pas seulement dans le passé. Saint Bonaventure, à son
époque, distinguait déjà deux formes de théologie. Il a dit : « il y a une
théologie qui vient de l'arrogance de la raison, qui veut tout dominer, qui
transforme Dieu de sujet en objet que nous étudions, alors qu'il devrait
être le sujet qui nous parle et nous guide ». Cet abus de la théologie
existe vraiment, cette arrogance de la raison qui ne nourrit pas la foi,
mais voile la présence de Dieu dans le monde. Puis il y a une théologie qui
veut connaître plus par amour de l'aimé, qui est stimulée par l'amour et
guidée par l'amour, qui veut mieux connaître l'aimé. Et celle-ci est la
vraie théologie qui vient de l'amour de Dieu, du Christ, et veut entrer plus
profondément en communion avec le Christ. En réalité, les tentations
aujourd'hui, sont grandes ; c'est surtout la fameuse « vision moderne du
monde » (Bultmann, « modernes Weltbild ») qui s'impose, en devenant le
critère de ce qui est possible ou impossible. Et ainsi, avec ce critère
selon lequel rien ne change, selon lequel tous les événements historiques
sont du même genre, on exclut précisément la nouveauté de l'Evangile, on
exclut l'irruption de Dieu, la vraie nouveauté qui est la joie de notre foi.
Que faire ? Je dirais d'abord aux théologiens : soyez courageux. Et je
voudrais dire un grand merci aussi aux nombreux théologiens qui font du bon
travail. Il y a des abus nous le savons, mais il y a dans toutes les parties
du monde beaucoup de théologiens qui vivent réellement de la Parole de Dieu,
qui se nourrissent de la méditation, qui vivent la foi de l'Eglise et
veulent contribuer à rendre la foi présente dans notre monde d'aujourd'hui.
A ces théologiens, je voudrais dire un grand « merci ». Et je dirais aux
théologiens en général : « n'ayez pas peur de ce fantasme de la
scientificité ! ». Je suis la théologie depuis 1946. J'ai commencé à étudier
la théologie en janvier 1946. J'ai donc vu près de trois générations de
théologiens. Et je peux dire que les hypothèses qui à cette époque-là, puis
dans les années soixante-dix et quatre-vingts, étaient les plus nouvelles,
absolument scientifiques, absolument presque dogmatiques, ont vieilli
entre-temps et n'ont plus de valeur ! Beaucoup d'entre elles apparaissent
presque ridicules. Il faut donc avoir le courage de résister à l'apparente
scientificité, ne pas se soumettre à toutes les hypothèses du moment, mais
penser réellement à partir de la grande foi de l'Eglise, qui est présente en
tous temps et nous ouvre l'accès à la vérité. Surtout aussi ne pas penser
que la raison positiviste qui exclut le transcendant - qui ne peut pas être
accessible -, serait la vraie raison ! Cette raison faible, qui présente
seulement les choses dont on peut faire l'expérience, est vraiment une
raison insuffisante. Nous théologiens devons utiliser la grande raison, qui
est ouverte à la grandeur de Dieu. Nous devons avoir le courage d'aller
au-delà du positivisme jusqu'à la question des racines de l'être. Cela me
semble d'une grande importance. Il faut donc avoir le courage de la grande,
vaste raison, avoir l'humilité de ne pas se soumettre à toutes les
hypothèses du moment, vivre de la grande foi de l'Eglise de tous les temps.
Il n'y a pas une majorité contre la majorité des saints : la vraie majorité
sont les saints dans l'Eglise et ce sont les saints qui doivent nous
orienter ! Puis aux séminaristes et aux prêtres, je dis le même chose :
pensez que les Saintes Ecritures ne sont pas un Livre isolé. Elles sont
vivantes dans la communauté vivante de l'Eglise, qui est le même sujet dans
tous les siècles et garantit la présence de la Parole de Dieu. Le Seigneur
nous a donné l'Eglise comme sujet vivant, avec la structure des évêques en
communion avec le Pape. Et cette grande réalité des évêques du monde en
communion avec le Pape nous garantit le témoignage de la vérité permanente.
Nous avons confiance dans ce magistère permanent de la communion des évêques
avec le Pape qui représente la présence de la Parole. Et puis nous avons
aussi confiance dans la vie de l'Eglise. Surtout, nous devons être
critiques. La formation théologique, je voudrais m'adresser ici aux
séminaristes, est certes très importante à notre époque. Nous devons bien
connaître les Saintes Ecritures également contre les attaques des sectes ;
nous devons être réellement des amis de la Parole. Nous devons aussi
connaître les courants de notre époque pour pouvoir répondre de manière
raisonnable, pour pouvoir rendre - comme le dit saint Pierre - « raison de
notre foi ». La formation est très importante. Mais nous devons aussi être
critiques. Le critère de la foi est le critère avec lequel il faut aussi
voir les théologiens et les théologies. Le Pape Jean-Paul II nous a donné un
point de référence absolument sûr dans le « Catéchisme de l'Eglise
catholique » : nous y voyons la synthèse de notre foi et ce catéchisme est
vraiment le critère pour voir où va une théologie acceptable ou non. Je
recommande donc la lecture, l'étude de ce texte, et nous pouvons ainsi aller
de l'avant avec une théologie critique au sens positif, c'est-à-dire
critique contre les tendances de la mode et ouverte aux vraies nouveautés, à
la profondeur inépuisable de la Parole de Dieu, qui se révèle nouvelle à
toutes les époques, y compris la nôtre.
3. Question d'Europe
Très Saint-Père, je suis le père Karol Miklosko et je
viens de l'Europe, de Slovaquie précisément, et je suis missionnaire en
Russie. Quand je célèbre la messe je me trouve moi-même et je comprends que
je rencontre là mon identité, la racine et l'énergie de mon ministère. Le
sacrifice de la Croix me révèle le bon Pasteur, qui donne tout pour son
troupeau, pour chacune de ses brebis. Et quand je dis : « Ceci est mon
corps, ceci est mon sang », donné et versé en sacrifice pour vous, alors je
comprends la beauté du célibat et de l'obéissance, que j'ai librement promis
au moment de l'ordination. Malgré les difficultés naturelles, le célibat me
semble évident si l'on regarde le Christ, mais je suis bouleversé lorsque je
lis tant de critiques du monde sur ce don. Je vous demande humblement, Très
Saint-Père, de nous éclairer sur la profondeur et sur le sens authentique du
célibat ecclésiastique.
Benoît XVI - Merci pour les deux parties de votre question. La première, où
vous montrez le fondement permanent et vivant de notre célibat ; la seconde
qui montre toutes les difficultés dans lesquelles nous nous trouvons à notre
époque. La première partie est importante parce que le centre de notre vie
doit être réellement la célébration quotidienne de la sainte Eucharistie.
Les paroles de la consécration sont ici centrales : « Ceci est mon corps,
ceci est mon sang ». Nous parlons donc in persona Christi. Le Christ nous
permet d'utiliser son « moi », nous parlons avec le « moi » du Christ, le
Christ nous « attire en lui » et nous permet de nous unir, il nous unit avec
son « moi ». Et ainsi à travers cette action, le fait qu'Il nous « attire »
à lui de telle façon que notre « moi » s'unisse au sien, réalise la
permanence, l'unicité de son sacerdoce. Ainsi il est réellement l'unique
Prêtre, et toutefois il est très présent dans le monde, parce qu'il nous «
attire » en lui et rend ainsi présente sa mission sacerdotale. Cela veut
dire que nous sommes « attirés » dans le Dieu du Christ. C'est cette union
avec son « moi » qui se réalise dans les paroles de la consécration. Même
dans le « je t'absous » - parce que personne d'entre nous ne pourrait
absoudre des péchés - c'est le « moi » du Christ, de Dieu, qui seul peut
absoudre. Cette unification de son « moi » avec le nôtre implique que nous
sommes « attirés » aussi dans sa réalité de Ressuscité. Nous allons de
l'avant vers la vie pleine de la résurrection, dont Jésus parle aux
Sadducéens, dans le chapitre 22 de Matthieu. C'est une vie « nouvelle » dans
laquelle nous sommes déjà au-delà du mariage (cf. Mt 22, 23-32). L'important
est que nous nous laissions toujours à nouveau pénétrer par cette
identification du « moi » du Christ avec nous, par cette manière d'être «
attirés vers l'extérieur » vers le monde de la résurrection. En ce sens, le
célibat est une anticipation. Nous transcendons ce temps et nous allons de
l'avant, en « attirant » ainsi nous-mêmes et notre temps vers le monde de la
résurrection, vers la nouveauté du Christ, vers la vie nouvelle et vraie. Le
célibat est donc une anticipation rendue possible par la grâce du Seigneur
qui nous « attire » à lui, vers le monde de la résurrection ; il nous invite
toujours à nouveau à nous transcender nous-mêmes, à transcender ce présent,
vers le vrai présent de l'avenir qui devient présent aujourd'hui. Et nous
sommes ici à un point très important. Un grand problème de la chrétienté, du
monde d'aujourd'hui, est que l'on ne pense plus à l'avenir de Dieu : seul le
présent de ce monde semble suffisant. Nous voulons avoir seulement ce monde,
vivre seul dans ce monde. Et nous fermons ainsi les portes à la vraie
grandeur de notre existence. Le sens du célibat comme anticipation de
l'avenir est précisément d'ouvrir ces portes, de rendre le monde plus grand,
de montrer la réalité de l'avenir qui doit être vécu par nous comme déjà
présent. Vivre donc ainsi dans un témoignage de la foi : nous croyons
réellement que Dieu existe, que Dieu a quelque chose à voir avec ma vie, que
je peux fonder ma vie sur le Christ, sur la vie future. Et nous connaissons
à présent les critiques du monde dont vous avez parlé. Il est vrai que pour
le monde agnostique, le monde où Dieu n'a rien à voir, le célibat est un
grand scandale, parce qu'il montre précisément que Dieu est considéré et
vécu comme une réalité. Avec la vie eschatologique du célibat, le monde
futur de Dieu entre dans la réalité de notre temps. Et cela devrait
disparaître ! En un certain sens la critique permanente contre le célibat à
une époque où il devient toujours plus à la mode de ne pas se marier
pourrait surprendre. Mais ce non mariage est une chose totalement,
fondamentalement différente du célibat, parce que le non mariage est basé
sur la volonté de vivre uniquement pour soi-même, de ne pas accepter de lien
définitif, de posséder la vie à chaque instant en pleine autonomie, de
décider à chaque instant que faire, ce que prendre de la vie ; et donc un «
non » au lien, un « non » au caractère définitif, une manière de posséder la
vie seulement pour soi-même. Tandis que le célibat est précisément le
contraire : c'est un « oui » définitif, c'est laisser Dieu nous prendre par
la main, s'offrir entre les mains du Seigneur, dans son « moi » et donc
c'est un acte de fidélité et de confiance, un acte qui suppose aussi la
fidélité du mariage ; c'est précisément le contraire de ce « non », de cette
autonomie qui ne veut pas se donner d'obligations, ne veut pas entrer dans
un lien ; c'est précisément le « oui » définitif qui suppose, confirme le «
oui » définitif du mariage. Et ce mariage est la forme biblique, la forme
naturelle de l'être homme et femme, fondement de la grande culture
chrétienne, des grandes cultures du monde. Et si cela disparaît, la racine
de notre culture est détruite. C'est pourquoi le célibat confirme le « oui »
du mariage avec son « oui » au monde futur, et nous voulons ainsi aller de
l'avant et rendre présent ce scandale d'une foi qui fait reposer toute
l'existence sur Dieu. Nous savons qu'à côté de ce grand scandale que le
monde ne veut pas voir, il y a aussi des scandales secondaires de nos
insuffisances, de nos péchés, qui cachent le vrai et grand scandale, et
laissent penser : « Mais ils ne vivent pas réellement sur le fondement de
Dieu ! ». Mais il y a une si grande fidélité ! Le célibat, et ce sont
précisément les critiques qui le montrent, est un grand signe de la foi, de
la présence de Dieu dans le monde. Prions le Seigneur pour qu'il nous aide à
nous libérer des scandales secondaires, pour qu'il rende présent le grand
scandale de notre foi : la confiance, la force de notre vie qui se fonde en
Dieu et en Jésus Christ !
4. Question d'Asie
Très Saint-Père, je m'appelle Atsushi Yamashita et je
viens de l'Asie, plus précisément du Japon. Le modèle sacerdotal que Votre
Sainteté nous a proposé cette année, le curé d'Ars, voit au centre de
l'existence et du ministère l'Eucharistie, la pénitence sacramentelle et
personnelle et l'amour pour le culte, dignement célébré. J'ai devant les
yeux les signes de la pauvreté austère de saint Jean-Marie Vianney, ainsi
que sa passion pour les choses précieuses, pour le culte. Comment vivre ces
dimensions fondamentales de notre existence sacerdotale sans tomber dans le
cléricalisme ou dans un éloignement de la réalité, que le monde actuel ne
nous permet pas ?
Benoît XVI - Merci. La question est donc comment vivre le caractère central
de l'Eucharistie sans se perdre dans une vie purement cultuelle, éloignée de
la vie de tous les jours des autres personnes. Nous savons que le
cléricalisme a dans tous les siècles été une tentation des prêtres et il
l'est encore aujourd'hui. Il est d'autant plus important de trouver la vraie
façon de vivre l'Eucharistie, qui n'est pas une fermeture au monde, mais
précisément l'ouverture aux besoins du monde. Nous devons garder à l'esprit
le fait que dans l'Eucharistie se réalise ce grand drame de Dieu qui sort de
lui-même, quitte - comme le dit la Lettre aux Philippiens - sa gloire, sort
et s'abaisse jusqu'à devenir l'un de nous, s'abaisse jusqu'à la mort sur la
croix (cf. Ph 2). L'aventure de l'amour de Dieu qui s'abandonne lui-même
pour être avec nous - et cela devient présent dans l'Eucharistie ; le grand
acte, la grande aventure de l'amour de Dieu est l'humilité de Dieu qui se
donne à nous. Dans ce sens, il faut considérer l'Eucharistie comme l'entrée
dans ce chemin de Dieu. Saint Augustin dit dans le livre X du De Civitate
Dei : « Hoc est sacrificium Christianorum : multi unum corpus in Christo »,
c'est-à-dire : le sacrifice des chrétiens est d'être unis par l'amour du
Christ dans l'unité de l'unique corps du Christ. Le sacrifice consiste
précisément à sortir de nous-mêmes, à nous laisser attirer dans la communion
de l'unique pain et de l'unique corps, et entrer ainsi dans la grande
aventure de l'amour de Dieu. Nous devons ainsi toujours célébrer, vivre,
méditer l'Eucharistie comme l'école de la libération de notre « moi » :
entrer dans l'unique pain qui est le pain de tous, qui nous unit dans
l'unique Corps du Christ. C'est pourquoi l'Eucharistie est donc, en soi, un
acte d'amour, elle nous oblige à cette réalité de l'amour pour les autres :
que le sacrifice du Christ est la communion de tous dans son Corps. C'est
donc de cette façon que nous devons apprendre l'Eucharistie, qui est
précisément le contraire du cléricalisme, de la fermeture sur soi. Pensons
également à Mère Teresa, qui est vraiment le grand exemple dans ce siècle, à
notre époque, d'un amour qui s'abandonne, qui laisse derrière lui toute
sorte de cléricalisme, d'éloignement du monde, et qui va vers les plus
marginalisés, les plus pauvres, les personnes proches de la mort, et qui se
donne totalement à l'amour pour les pauvres, les exclus. Mais Mère Teresa,
qui nous a donné cet exemple, et la communauté qui suit ses traces, plaçait
toujours comme première condition de ses fondations la présence d'un
tabernacle. Sans la présence de l'amour de Dieu qui se donne, il n'aurait
pas été possible de réaliser cet apostolat, il n'aurait pas été possible de
vivre dans cet abandon de soi ; ce n'est qu'en s'insérant dans cet abandon
de soi en Dieu, dans cette aventure de Dieu, dans cette humilité de Dieu,
qu'elles pouvaient et qu'elles peuvent réaliser aujourd'hui ce grand acte
d'amour, cette ouverture à tous. Dans ce sens, je dirais que vivre
l'Eucharistie dans son sens originel, dans sa véritable profondeur, est une
école de vie, et la protection la plus sûre contre toute tentation de
cléricalisme.
5. Question d'Océanie
Très Saint-Père, je m'appelle don Anthony Denton et je
viens de l'Océanie, d'Australie. Nous sommes ici ce soir très nombreux. Mais
nous savons que nos séminaires ne sont pas remplis de prêtres et qu'à
l'avenir, dans diverses parties du monde, nous attend une baisse, même
brutale. Que pouvons-nous faire de véritablement efficace pour les vocations
? Comment proposer notre vie, dans ce qu'elle a de grand et de beau, à un
jeune de notre temps ?
Benoît XVI - Merci. Vous évoquez de nouveau un problème réellement important
et douloureux de notre temps : le manque de vocations, à cause duquel les
Eglises locales courent le risque de devenir arides car elle n'auront pas la
Parole de vie, la présence du sacrement de l'Eucharistie et des autres
sacrements. Que faire ? La tentation est grande de prendre nous-mêmes les
choses en main, de transformer le sacerdoce - le sacrement du Christ, le
fait d'être élu en lui - en une profession normale, en un job à heures
fixes, et le reste du temps, n'appartenir qu'à soi-même ; le faisant ainsi
devenir semblable à n'importe quelle autre vocation : le rendre accessible
et facile. Mais il s'agit d'une tentation qui ne résout pas le problème.
Cela me fait penser à l'histoire de Saül, le roi d'Israël qui avant la
bataille contre les Philistins, attend Samuel pour le sacrifice nécessaire à
Dieu. Et lorsque Samuel, le moment venu, ne vient pas, il accomplit lui-même
le sacrifice, bien que n'étant pas prêtre (cf. 1 Sm 13) ; il pense ainsi
résoudre le problème, mais naturellement, il ne le résout pas, car s'il
prend lui-même en main ce qu'il ne peut pas faire, il se fait lui-même Dieu,
ou presque, et il ne peut pas s'attendre à ce que les choses aillent
vraiment dans le sens de Dieu. Et ainsi, si nous n'exercions nous-mêmes
qu'une profession comme d'autres, en renonçant au caractère sacré, à la
nouveauté, à la diversité du sacrement que seul Dieu donne, qui ne peut
venir que de sa vocation et pas de notre « action », nous ne résoudrions
rien. Nous devons d'autant plus - comme le Seigneur nous y invite -, prier
Dieu, frapper à la porte, au cœur de Dieu, afin qu'il nous donne des
vocations ; prier avec une grande insistance, avec une grande détermination,
avec une grande conviction également, car Dieu ne se dérobe pas devant une
prière insistante, permanente, confiante, même s'il laisse faire, attendre,
comme dans le cas de Saul, au-delà des temps que nous avions prévus. Cela me
semble le premier point : encourager les fidèles à avoir cette humilité,
cette confiance, ce courage de prier avec insistance pour les vocations, de
frapper au cœur de Dieu, afin qu'il nous donne des prêtres. J'ajouterais
peut-être trois autres points à cela. Le premier : chacun de nous devrait
faire de son mieux pour vivre son sacerdoce de façon à être convaincant, de
façon à ce que les jeunes puissent dire : ça c'est une véritable vocation,
on peut vivre comme ça, on fait ainsi quelque chose d'essentiel pour le
monde. Je pense qu'aucun d'entre nous ne serait devenu prêtre s'il n'avait
pas connu des prêtres convaincants dans lesquels brûlait le feu de l'amour
du Christ. Ceci est donc le premier point : essayons nous-mêmes d'être des
prêtres convaincants. Le deuxième point est que nous devons inviter, comme
je l'ai déjà dit, à prendre l'initiative de la prière, à avoir cette
humilité, cette confiance de parler avec Dieu avec force, avec décision. Et
le troisième point : avoir le courage de parler avec les jeunes pour savoir
s'ils peuvent penser que Dieu les appelle, car souvent, une parole humaine
est nécessaire pour s'ouvrir à l'écoute de la vocation divine ; parler avec
les jeunes et surtout également les aider à trouver un contexte vital dans
lequel ils puissent vivre. Le monde d'aujourd'hui est tel qu'il semble
presque exclu qu'une vocation sacerdotale puisse y mûrir. Les jeunes ont
besoin de milieux dans lesquels on vit la foi, dans lesquels apparaît la
beauté de la foi, dans lesquels cela apparaît comme un modèle de vie, « le »
modèle de vie, et donc ils ont besoin qu'on les aide à trouver des
mouvements ou une paroisse - la communauté au sein d'une paroisse -, ou
d'autres contextes dans lesquels ils soient véritablement entourés de la
foi, de l'amour de Dieu, et où ils puissent donc être ouverts afin que la
vocation de Dieu arrive et les aide. Du reste, rendons grâces au Seigneur
pour tous les séminaristes de notre temps, pour les jeunes prêtres, et
prions. Le Seigneur nous aidera ! Merci à vous tous !
►
Le pape Benoît XVI repense le célibat du clergé. Pour le renforcer

Sources : www.vatican.va
20100614 (1090)
-
E.S.M.
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constitue pas un document officiel
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 14.06.2010 -
T/Benoît XVI
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