Benoît XVI explique les deux formes de succession
apostolique |
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Le 29 juillet 2008 -
(E.S.M.) - Il existe, expose Benoît XVI, une distinction
entre deux formes de succession apostolique, l'une directe, l'autre
indirecte. La seconde a besoin de demeurer en relation communautaire
avec la première afin d'être « catholique », donc apostolique au sens
plénier du terme.
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Affirmation du rôle du pape comme garant de la foi -
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Benoît XVI explique les deux formes de succession apostolique
LA PAROLE DE DIEU
Rubrique : Théologie
Primauté, épiscopat et succession apostolique
1ère partie ►
Le papisme
2ème partie ►
"Tradition" et "succession", furent
originellement très proches
3ème partie ►
La succession apostolique et le Verbe
(suite)
La théologie antignostique de la succession conduit bien au-delà de ce qui a
été analysé pour l'instant et pénètre loin dans le véritable champ du
problème soulevé par la question du « primat et de
l'épiscopat ». Car, pour démontrer leur erreur, on n'oppose pas simplement
aux gnostiques la dignité épiscopale de l'Église en général, mais on les
renvoie aux sedes apostolicae, autrement dit (répétons-le) à ces sièges qui
étaient ceux des apôtres ou ceux des destinataires des lettres apostoliques.
En d'autres termes, explique Benoît XVI, tout siège épiscopal n'est pas un « sedes apostolica
»;
il n'y en a qu'un nombre limité, et chacun d'eux entretient un rapport
unique - dans les deux acceptions du terme -, avec les apôtres.
Ces sièges
épiscopaux-là sont les centres du témoignage apostolique, vers lesquels tous
les autres sièges doivent converger. Tertullien, par exemple, l'exprime très
clairement lorsqu'il renvoie les diverses provinces à leurs sedes
apostolicae respectifs en ces termes: « Proxima est tibi Achaia, habes
Corinthum. Si non longe es a Macedonia, habes Philippos ; si potes inAsiam
tendere, habes Ephesum; si autem Italiae adiaces, habes Romam, unde nobis
quoque (= aux Africains) auctoritas praesto est
( Êtes-vous tout proche de l'Achaïe : vous avez Corinthe.
N'êtes-vous pas loin de la Macédoine : vous avez Philippes ; si vous pouvez
aller du côté de l'Asie, vous avez Éphèse ; si vous êtes sur les confins de
l'Italie, vous avez Rome, dont l'autorité nous apporte aussi son appui). » Tertullien explique
dans la phrase suivante que le siège de Rome occupe un rang particulièrement
élevé parmi les sedes apostolicae, pour avoir accueilli trois apôtres à lui
seul - saint Pierre, saint Paul et saint Jean. Le même point de vue se
retrouve dans la célèbre expression de saint Irénée parlant de la
potentior principalitas de Rome à laquelle toutes
les Églises devaient s'accorder : Irénée, lui aussi, voit l'Église
comme recouverte d'un réseau de sedes apostolicae,
au sein desquels le siège de saint Pierre et de saint Paul occupe
indiscutablement la position de préséance en tant que critère de la successio-traditio. De cela,
relève Benoît XVI, nous pouvons dès lors déduire une série
de constatations significatives :
1) Dans le cadre de la question de la succession, la théologie chrétienne
des premiers temps utilisait le terme d'« apostolique » dans un sens très
précis et restreint. Elle qualifiait uniquement ainsi le nombre nettement
limité de sièges qui entretiennent un rapport particulier et historiquement
vérifiable avec les apôtres, rapport historique que ne possèdent pas les
autres sièges (Ce fait me semble déterminant pour la
résolution de la question, abondamment discutée, de l'appartenance réelle
dudit édit de Calliste traité dans De pudicita, dont Posdimann
surtout a tenté de prouver l'origine non romaine (en particulier dans
Paenitentia secunda, Bonn, 1940, p. 349-367. Lorsque l'auteur de l'édit est
appelé « apostolice » en 21, 5 (CChL II 1326), il faut dire que cela
renvoie sans équivoque à Rome. Le terme « apostolicus » ne pouvait
pas être employé arbitrairement comme hyperbole ironique; il possédait,
s'agissant d'un évêque, un sens nettement défini et compréhensible par tous
: il indiquait le titulaire d'un sedes apostolica, c'est-à-dire, en
Occident, Rome. Il reste que Tertullien utilise tout au long de ce passage
ce mot avec une ironie mordante. Par ailleurs, H. Bacht remarque, art. «
Apostolique », dans LThK I_ 758, à la suite de L.-M. Dewailly et à raison,
que l'histoire du mot « apostolique » restait encore à écrire).
2) La succession apostolique de tous les évêques n'est absolument pas
contestée pour autant, mais elle ne revient aux évêques qui ne siègent pas
sur un sedes apostolica - soit la majorité d'entre eux -, qu'après un
détour par un siège apostolique. Ils ne sont donc pas « directement »
apostoliques, mais seulement indirectement ; ils ne reçoivent,
pécise Benoît XVI, de
légitimation apostolique qu'en entretenant un rapport communautaire avec un
sedes apostolique. La pratique de la communion propre à l'Église
primitive, qui doit être considérée comme la forme d'accomplissement alors
en vigueur de l'unité ecclésiastique, partait de ce principe. Les sedes
apostolicae ont valeur de critères de la communia juste, parce que
catholique; quiconque communie avec eux fait partie de l'Église catholique,
en dehors de laquelle ces sièges ne peuvent ontologiquement pas exister
(L. HERTLING, "Communia et primat"). On ne mesure
donc pas la catholicité simplement en fonction du nombre, mais en fonction
du poids des sièges : un poids qui dépend toutefois de l'apostolicité.
3) Aussi peut-on dire qu'au sein de cette théologie, il existe une
distinction entre deux formes de succession apostolique,
l'une directe, l'autre indirecte. La seconde a besoin de demeurer en
relation communautaire avec la première afin d'être « catholique », donc
apostolique au sens plénier du terme.
4) Parmi les sedes aposzolicae se distingue le
sedes apostolica de Rome, qui semble entretenir avec les
autres sedes apostoliccae une relation à peu près équivalente à celle
qu'entretiennent ces derniers avec les sièges non directement apostoliques.
En cela il forme le critère ultime, véritable et suffisant en soi de la
catholicité (Cette conscience se reflète par exemple
nettement chez Tertullien, Adv. Praxean 1, 5 CChL II 1159 : « Nam idem
tune episcopum Romanum, agnoscentem iam prophetias Montant, Priscae,
Maximillae et ex ea agnitione pacem ecdesiis Asiae et Phrygiae linferentem,
falsa de ipsis prophe-tis... adseverando et praecessorum eius aucrtoritates
defendo coegit et litteras pacis revocare iam emissas et a proposito
recnpiendorum charismatum conces-sare. » Le fait que le comportement du
pape Victor au cours de la querelle de la fête de Pâques ne puisse
s'expliquer qu'en fonction d'une telle conscience a déjà souvent été
remarqué. Cf. L. HERTLING, op. cit. ; M.-J. LE GUILLOU, op. cit.
En additionnant tout cela, nous constatons que la théologie de la
successio apostolica, à l'instant où elle est formulée pour la première
fois en tant que telle, et où par là même l'Église entreprend pour la
première fois de déterminer de façon réfléchie le « canon » de son être,
n'est ni théologie épiscopale, ni à vrai dire théologie papale, mais qu'elle
est binaire en ce qu'elle fait une différence entre « épiscopat » et
sedes apostolicae (dont le niveau
supérieur est l'unique sedes de Rome). Si la successio est
la
forme concrète du Verbe, alors cette concrétude la plus haute - facteur de
scandale peut-être -, inhérente à l'attachement ultime à l'ordre de
succession romain en fait partie dès le début. Ici, tout anonymat est
supprimé ; le nom concret exige inévitablement une prise de position; il est
la forme la plus achevée de ce caractère concret extrême, au travers duquel
Dieu s'est donné en n'acceptant pas seulement de prendre un nom pour les
hommes, mais aussi de s'incarner dans la chair des hommes -
la chair de
l'Église. N'est-ce pas également la forme la plus achevée de scandale que
provoque cette « folle » action de Dieu ?
Revenons à notre sujet : il est clair que le caractère binaire de la
théologie de la succession la plus ancienne, tel qu'il résulte de la mise en
relief des sedes apostolicae, n'a rien à voir avec la constitution
patriarcale plus tardive, à laquelle il peut certes avoir fourni un point de
départ. La confusion, note Benoît XVI, entre la revendication originelle du sedes apostolica
et la revendication administrative de la cité patriarcale caractérise
la
tragédie des démêlés qui commencent alors entre Constantinople et Rome.
La constitution du patriarcat, qui, du moins depuis
le Concile
de Chalcédoine,
est opposée à la revendication romaine et tente de limiter la portée de
celle-ci au cadre de la représentation du patriarcat, méconnaît le caractère
le plus profond de cette revendication, qui repose sur un principe
fondamentalement différent. Le principe du patriarcat est post-constantinien;
son esprit est administratif; son exercice est donc étroitement lié aux
contingences politiques et géographiques; au contraire, la revendication
romaine se conçoit elle-même comme issue du motif théologique originel du sedes apostolica. De même que
la nev‚a~Rwvmh (qui ne pouvait songer à se
qualifier d'« apostolique ») a brouillé l'ancienne idée du sedes apostolica
au profit du concept de patriarcat, la Rome antique a renforcé la référence
à son origine et à sa nature, toutes différentes de son autorité. Cette
dernière représente en effet bien autre chose qu'une préséance honorifique
entre patriarches; elle se place sur un tout autre plan, absolument
indépendant de ce genre de concept administratif. La substitution de l'idée
des cinq patriarcats à l'ancienne idée théologique du sedes apostolica, qui
fait dès l'origine partie de la perception que l'Église a d'elle-même, doit
être comprise, affirme Benoît XVI, comme le mal véritable dans le conflit entre Orient et
Occident - un mal qui a aussi contaminé l'Occident dans la mesure où s'est
formée, en dépit du maintien du concept d'auctoritas apostolica, une
conception largement administrativo-patriarcale de l'importance du siège
romain, ce qui rendait difficile, pour une personne extérieure, la
perception claire de
l'objet authentique de la revendication romaine, dans la mesure où celle-ci
se distingue elle-même des autres revendications.
à suivre : Le
siège de saint Pierre et saint Paul, norme par excellence de toute
succession apostolique
Exclusivité de la
Primauté du Pape :
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Catéchèse de Benoît XVI
Sources : La Parole de Dieu, cardinal Ratzinger/Benoît XVI -
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 29.07.08 -
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