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Le pape écoute les ayatollahs
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Le 22.04.2024 -
E.S.M.
- Début 2024, le Pape François, proche du régime
iranien d'après le vaticaniste John Allen, déclarait
officiellement "se féliciter des soixante-dix années de
relations diplomatiques avec Téhéran, établies en 1954
et sorties non seulement indemnes mais encore plus
fortes de la révolution khomeyniste de 1979".
En effet, rien ne semblait pouvoir troubler les rapports
tranquilles entre le régime de Téhéran et le
Saint-Siège, et certainement pas les persécutions des
chrétiens, avant l’attaque contre Israël d’il y a
quelques jours.
S.M.
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Le pape écoute les ayatollahs
En Iran, c’est le temps de la passion pour les chrétiens. Mais le pape
écoute les ayatollahs
Le 22 avril 2024 -
E.S.M. -
Dans la « guerre mondiale par morceaux » si souvent dénoncée par le Pape
François, la République islamique d’Iran est l’un des protagonistes les plus
aguerris et redoutés. Et pourtant, rien ne semblait pouvoir troubler les
rapports tranquilles entre le régime de Téhéran et le Saint-Siège, avant
l’attaque contre Israël d’il y a quelques jours.
Quelques heures après l’attaque, le Pape François à déclaré pendant le « Regina
Caeli » du dimanche 14 avril que « personne ne doit menacer l’existence
d’autrui ». Avec une allusion transparent à la volonté ouverte de l’Iran de
détruire « l’entité sioniste ».
Mais il est difficile de savoir si ce sévère avertissement marquera un
tournant dans les rapports entre le Saint-Siège et Téhéran. Parce que
jusqu’à hier, rien ne semblait pouvoir les troubler, pas même les mauvaises
nouvelles sur la manière dont les chrétiens y sont traités.
Dans son
message « urbi et orbi » de Pâques, tandis qu’il énumérait les foyers de
conflits et de violence dans le monde, François n’a pas cité l’Iran. Et dans
son
discours de début d’année au corps diplomatique accrédité auprès du
Saint-Siège, il n’en a fait mention que pour souhaiter un accord rapide sur
la question du nucléaire iranien et se féliciter des soixante-dix années de
relations diplomatiques avec Téhéran, établies en 1954 et sorties non
seulement indemnes mais encore plus fortes de la révolution khomeyniste de
1979.
Le 5 novembre dernier, au plus fort de la guerre entre Israël et le
Hamas, le président iranien Ebrahim Raïssi a appelé le Pape François au
téléphone et a eu avec lui une longue conversation, dont le contenu a été
rendu public dans un compte-rendu
officiel de Téhéran.
Si l’on en croit ce compte-rendu, le président Raïssi aurait dénoncé le
bombardement d’une église à Gaza comme exemple des « pratiques d’apartheid
d’Israël non seulement contre les musulmans palestiniens mais également
contre les autres religions divines » ; il aurait soutenu que défendre le
peuple de Palestine opprimé était le « devoir de toutes les religions
abrahamiques, en ce compris les chrétiens » ; il aurait demandé au Pape
d’user de son autorité en Occident pour arrêter l’agression israélienne. Et
François – toujours selon ce compte-rendu – aurait « apprécié » et partagé
les positions exprimées par Raïssi.
Mais, au cours de cette conversation téléphonique, le président iranien
aurait également évoqué avec le Pape les relations entre l’Iran et le
Saint-Siège, les définissant comme « très bonnes », en particulier en ce qui
concerne la « latitude donnée aux chrétiens d’accomplir leurs pratiques
religieuses et de jouir des mêmes droits que tous les citoyens », au point
que « non seulement les chrétiens d’Iran, mais également ceux d’Arménie,
d’Irak et de Syrie considèrent la République islamique d’Iran comme un
refuge, parce que nous ne défendons pas seulement les droits des peuples
musulmans mais également ceux des chrétiens ». Là encore, selon le
compte-rendu, sans susciter aucune objection de la part de son
interlocuteur.
Mais est-ce bien le cas ? Les rapports sur la liberté religieuse dans le
monde régulièrement publiés par plusieurs instituts de recherche s’accordent
pour pointer du doigt l’Iran comme l’un des pays où ces violations sont les
plus graves.
Voici comment, par exemple, « Aide à l’Église en détresse » résume la
condition des chrétiens d’Iran documentée dans son dernier
rapport publié en 2023 :
« Toute activité visant à répandre l’Évangile en Iran est hors-la-loi.
Les Églises non enregistrées, et surtout les Églises évangéliques, sont
considérées comme des ennemis de l’État et subissent une persécution
systématique. Les chrétiens font souvent l’objet d’arrestations arbitraires,
de détention et d’agressions de la part de la police. De nombreux fidèles
ont été arrêtés pendant des cérémonies religieuses et accusés de crimes
contre la sûreté nationale. Le gouvernement impose des restrictions légales
à la construction et à la restauration des églises ; certains emplois comme
ceux de responsable d’établissement scolaire sont interdits aux chrétiens.
Les célébrations en langue farsi, la langue nationale, sont interdites, et
par conséquent on ne peut célébrer de messes en persan. Pour la même raison,
il est interdit de détenir des bibles ou des livres sacrés en persan. La
liberté, l’intégrité physique et même la vie des convertis de l’islam au
christianisme sont particulièrement menacées, puisqu’ils risquent d’être
accusés d’apostasie, un crime passible de la peine capitale. ».
Un autre
rapport très sévère sur les violations des libertés religieuses en Iran
a été publié en 2023 par l’United States Commission on International Religious Freedom.
Et un autre
rapport plus récent concernant spécifiquement l’Iran vient d’être publié
le 19 février dernier par « Article 18 », sur base de données récoltées par
des organismes tels qu’Open Doors, Christian Solidarity Worldwide et
Middle
East Concern.
Le titre de ce dernier rapport est le suivant : « Victimes sans visage :
violations des droits contre les chrétiens en Iran ». Et il fait allusion au
fait qu’un grand nombre de personnes arrêtées et condamnées pour avoir
professé la foi chrétienne choisissent de passer leur mésaventure sous
silence par peur de causer des répercussions encore plus graves pour
eux-mêmes ou pour d’autres.
L’une de ces affaires sorties au grand jour est la
condamnation à deux ans de prison qui a frappé le 16 mars dernier une
iranienne nommée Laleh Saati, convertie à la foi chrétienne et baptisée en
Malaisie, où elle avait temporairement déménagé, arrêtée à son retour en
Iran sous l’accusation d’avoir comploté « contre la sûreté nationale » de
connivence avec « des organisations chrétiennes sionistes », avec la photo
de son baptême exhibée comme pièce à conviction du « crime ». Cette femme
est toujours enfermée dans la section 209 de la tristement célèbre prison
d’Evin, à la périphérie de la capitale.
Si on se limite aux cas connus, les chrétiens arrêtés en Iran en 2023
sont au nombre de 166, plus qu’en 2022 où ils étaient 134.
Les révoltes des femmes contre l’obligation du port du voile, qui ont
donné lieu à la mort en prison de Mahsa Amini, ont marqué le départ d’une
augmentation de la répression mais aussi des exécutions capitales, qui ont
atteint le chiffre record de 853 en 2023.
Et pourtant, le Pape n’a brisé qu’une seule fois le silence sur tout
cela. C’était lors du
discours au corps diplomatique du 9 janvier 2023, où il a textuellement
déclaré ceci :
« Le droit à la vie est également menacé là où la peine de mort continue
d’être pratiquée, comme c’est le cas ces jours-ci en Iran suite aux récentes
manifestations qui demandent plus de respect de la dignité des femmes. Je
fais donc appel pour que la peine de mort, toujours inadmissible car portant
atteinte à l’inviolabilité et à la dignité de la personne, soit abolie dans
la législation de tous les pays du monde ».
Le Pape François se bat depuis longtemps contre la peine de mort, mais ce
qui manquait encore une fois dans ses déclarations, c’était l’allusion à la
persécution des chrétiens, dans un pays tel que l’Iran qui, pour le Pape,
continue à cultiver avec l’Église de Rome « des valeurs spirituelles
communes, en faveur de la promotion de la dignité de la personne humaine et
de la liberté religieuse », comme on pouvait le lire dans le
communiqué officiel publié à l’issue de l’audience avec le président
iranien de l’époque, Hassan Rohani, le 26 janvier 2016.
Le vaticaniste américain John Allen a mis le doigt sur la racine de ces
relations tranquilles entre Rome et Téhéran : une « affinité
naturelle » entre les deux parties, théologique avant d’être politique.
En effet, la République islamique d’Iran est une théocratie fondée par
l’ayatollah Khomeiny qui est toujours dirigée par les chefs religieux de
l’islam chiite. Le président iranien actuelle, Raïssi, est lui aussi un
clerc chiite qui a étudié le droit dans la ville sainte de Qom. Et l’actuel
ambassadeur d’Iran auprès du Saint-Siège, Mohammad Hossein Mokhtari,
entré en fonction le 22 décembre dernier, a étudié les sciences
religieuses et juridiques à Qom, a obtenu un doctorat en philosophie
occidentale à l’université anglaise de Durham, a été professeur et recteur
de plusieurs universités en Iran et a dirigé un institut « pour le
rapprochement des confessions religieuses ».
Il existe également des analogies doctrinales et rituelles entre l’islam
chiite et le catholicisme. La fête d’Achoura, en mémoire du martyre
d’Hussein Ibn Ali dont cette branche de l’islam est issue, a quelques
similitudes avec le Vendredi Saint et la mort sacrificielle de Jésus.
Sans parler de la vision anti-occidentale commune partagée aussi bien par
Téhéran que par le Pape François, et de la volonté de ce dernier de
promouvoir la fraternité humaine avec l’ensemble de l’islam, non seulement
sunnite mais également chiite.
Le
voyage de François en Irak de mars 2021 visait explicitement à mettre en
œuvre cette fraternité. Le point culminant de ce voyage aura été la
rencontre à Najaf avec le grand ayatollah al-Sistani, le plus important
guide spirituel de l’islam chiite dans le monde.
En effet, al-Sistani est une personnalité de grande envergure. Mais son
rôle de guide spirituel est fortement controversé. Il est né en Iran mais il
est
antithétique aussi bien au régime politique de sa nation d’origine qu’à
la version de l’islamisme chiite incarnée par Khomeiny et ses successeurs.
En Irak, où il vit depuis plusieurs décennies, al-Sistani prêche une
coexistence pacifique entre sunnites et chiites et conteste à la racine la
« wilayat al-faqih », le théorème khomeyniste qui attribue aux docteurs de
la loi islamique le pouvoir politique en plus du pouvoir religieux.
En effet, en Iran, les réactions à la rencontre entre le pape et
al-Sistani ont été assez fraîches d’un côté et franchement
hostiles de l’autre. Le cercle de l’actuel guide suprême d’Iran,
l’ayatollah Khamenei, conteste frontalement le primat d’al-Sistani, au nom
d’un khomeynisme intransigeant, qui a pour capitale non pas Najaf mais bien
Qom.
Nous avons eu une preuve de cette différence de vues quelques mois avant
le voyage du Pape François en Irak, quand al-Sistani avait refusé d’accorder
une audience à Ebrahim Raïssi, à l’époque chef de la Cour suprême iranienne,
qui s’était rendu chez lui à Najaf afin de pouvoir exhiber son appui dans la
course à la présidence.
Raïssi est quand même devenu président de la République islamique. Et
c’est lui qui a téléphoné à François pour lui dire que l’Iran est un
« refuge » bienveillant pour tous les chrétiens d’Orient.
Sandro Magister est le vaticaniste émérite de l’hebdomadaire
L’Espresso.
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Sources
: diakonos.be-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 22.04.2024
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