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Le bien de l'Église est plus important que
ses biens
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Le 21 décembre 2024 -
E.S.M.
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Le cardinal König a représenté ainsi la situation actuelle de
l'Église dans le monde : « Au fond, il s'agit d'un développement
séculaire, qui a conduit à une séparation de l'Église et du monde.
Il y a une divergence croissante entre l'état de la conscience de
l'homme moderne et la doctrine chrétienne. » Et le cardinal
Ratzinger continue
: « II revient aussi à l'Eglise elle-même de s'interroger, dans un
esprit très critique, sur sa responsabilité dans un tel manque de
communication, afin d'y remédier
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Le
chapelet de la miséricorde
est une dévotion adaptée à notre époque -
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Les fautes de l'Église
Le chapitre qui suit est extrait d'un entretien de Peter Seewald avec
le Cardinal Ratzinger/Benoît XVI et traduit de
l'allemand par Nicole Cazanova
Peter Seewald : Le cardinal König a représenté ainsi la situation actuelle de l'Église dans
le monde : « Au fond, il s'agit d'un développement séculaire, qui a conduit
à une séparation de l'Église et du monde. Il y a une divergence croissante
entre l'état de la conscience de l'homme moderne et la doctrine chrétienne.
» Et le cardinal continue : « II revient aussi à l'Eglise elle-même de
s'interroger, dans un esprit très critique, sur sa responsabilité dans un
tel manque de communication, afin d'y remédier. »
Le
Cardinal Ratzinger/Benoît XVI : Le manque
de communication dont parle le cardinal König est tout à fait notoire, et je
pense que la faute nous en incombe sûrement en partie.
D'une part, nous ne trouvons pas le langage qui nous permettrait de nous
faire entendre dans la conscience actuelle. Nous revenons encore à
des concepts comme péché originel, rédemption, expiation, péché, etc. Ce
sont là des mots qui expriment une vérité, mais qui dans la langue actuelle
ne signifient plus rien pour la plupart des gens. Rendre leur sens de
nouveau communicable, c'est sans aucun doute un devoir que nous devons nous
efforcer d'accomplir. Cela ne peut toutefois réussir que si nous vivons
nous-mêmes ces choses de l'intérieur. Si, d'être vécues, elles redeviennent
compréhensibles, on peut les dire de nouveau. Je dois ajouter que la
communication du christianisme n'est jamais une simple communication
intellectuelle. Ce qu'elle dit englobe tout l'être humain, et je ne peux le
comprendre qu'en entrant dans la communauté qui suit ce même chemin. Il y a
donc deux exigences, vivre réellement le christianisme et ainsi parvenir
soi-même à la compréhension, et créer de nouvelles possibilités de langage
grâce à cette communauté, qui ratifie nos dires.
L'image de l'Église dans l'opinion publique est fréquemment celle d'une
instance menaçante et sclérosée. Pourquoi l'Église institutionnelle est-elle
si sévère ? Ne devrait-elle pas, en gardienne du troupeau, lutter plus
maternellement pour conquérir les âmes ?
Il est exact que, pour bien des gens, il ne reste finalement des paroles de
l'Église que quelques interdictions morales - surtout dans le domaine de
l'éthique sexuelle. Ils ont l'impression que l'on ne fait ici que condamner
et amoindrir la vie. Peut-être en a-t-on trop et trop souvent dit dans ce
sens - en négligeant la liaison nécessaire avec la vérité et l'amour. Cela
vient aussi, je crois, de la sélection qui est opérée et transmise par les médias. De telles interdictions
fournissent des informations intéressantes, elles ont pour ainsi dire un
contenu palpable. Quand en revanche on parle de Dieu, du Christ, de tant de
points centraux de la foi, cela ne peut pas entrer dans la langue profane,
ne peut pas être perçu par elle. Il faut aussi se demander comment l'Église,
au lieu de simplement blâmer les médias, pourrait doser exactement elle-même
sa représentation dans l'opinion publique. Dans la vie intérieure de la foi,
là où l'on proclame l'essence même de la foi, on saisit le rapport exact des
choses entre elles et ces interdictions pourraient alors trouver leur vraie
place, leur vraie valeur, dans un ensemble bien plus grand et positif.
Vouloir tout rendre le plus accessible possible au grand public déforme les
proportions. L'Église doit se demander comment trouver la juste proportion à
employer lorsqu'elle prêche à l'intérieur d'elle-même, où elle exprime la
structure d'une foi partagée par tous, et quand elle s'adresse au monde, où
sa parole ne sera que partiellement perçue.
L'opinion publique a souvent l'impression que l'Église ne fait que réagir,
qu'elle se borne à s'obstiner, qu'elle indique sévèrement les commandements
de Dieu et fait confiance à Dieu pour ne pas laisser périr son
Église.
Entourée d'un dynamisme universel, l'Église semble incapable de modifier sa
logique et en reste avec entêtement à son affirmation de soi-même. Elle ne
donne pas ainsi l'impression d'être particulièrement radicale, mais plutôt
pétrifiée, entourée de murailles comme une forteresse. Le message quelle
doit transmettre reste une formule toute faite.
C'est naturellement très différent selon la culture de chaque nation. Au
temps de l'oppression dans les régimes communistes, cela produisait un tout
autre effet sur les croyants, mais aussi sur les non-croyants ou sur des
hommes qui cherchaient, comme Vaclav Havel. Là, on a vraiment perçu que
l'Église proclame le message de la liberté. Qu'elle pose des contrepoids.
Qu'elle est une force qui a quelque chose à donner aussi au non-croyant et
l'assure que les pouvoirs totalitaires ne peuvent jamais rester tout à fait
maîtres du terrain.
En Afrique aussi, où l'Eglise se confronte de tant de manières avec l'État,
avec la corruption, qui est le grand problème des États africains, ce qui
domine, ce n'est pas l'impression que l'Église s'affirme elle-même avec
entêtement, mais qu'elle est véritablement une force dynamique ; qui prend
aussi la défense du tiers monde ; qui prend pour cela des initiatives ; qui
ne se borne pas non plus à un type précis d'aide au développement à des fins
matérielles, mais fait réellement progresser un échange vivant. En Amérique
aussi, l'impression est tout autre. Tout diffère donc selon le pays
d'accueil, qui va percevoir l'Église comme vraiment dynamique ou non. Que
chez nous en Allemagne, en Europe centrale, elle apparaisse seulement comme
adversaire du progrès, préoccupée de se défendre elle-même, cela vient, à
l'inverse, je crois, d'une volonté d'autodéfense chez ceux qui ne veulent
pas tolérer l'opposition de l'Église à bien des choses qui nous sont
agréables et nous conviennent.
Ne ressemblez pas au monde, demande le pape. Mais l'Église elle-même ne lui
ressemble-t-elle pas trop ? Elle semble acharnée à préserver ses domaines
héréditaires, elle investit beaucoup d'argent, de temps et d'énergie dans la
conservation de ses biens immobiliers. Ne devrait-elle pas plutôt pratiquer
avec une plus grande évidence ce qui constitue ses commandements ?
Sur ce point, je vous donnerais raison. Même dans l'Église, la force
d'inertie est un facteur très puissant. Elle tend en conséquence à défendre
un bien et une position
une fois qu'elle les a acquis. La faculté de se limiter, de s'émonder
soi-même n'y est pas développée comme il le faudrait. Je crois que cela nous
concerne nous aussi en Allemagne. Ici, nous avons beaucoup plus
d'institutions religieuses que l'esprit religieux ne peut en recouvrir.
Et
c'est en se cramponnant aux structures de ses institutions, même s'il n'y a
plus rien derrière, que l'Église se discrédite. Ainsi a-t-on l'impression,
dans un hôpital, ou par exemple dans une école, que des gens qui n'ont pas
vraiment de convictions précises demeurent fixés dans ce cadre religieux
uniquement parce que l'Église est le propriétaire et a pouvoir de décision.
Ici, un examen de conscience s'impose. Malheureusement, il en a toujours été
ainsi dans l'Histoire, même l'Église n'a pas non plus été capable de
repousser spontanément les biens terrestres, il a toujours fallu les lui
reprendre, et en les lui reprenant on a contribué à son salut.
Il est arrivé cependant que les choses se passent autrement ; je pense à la
séparation de l'Église et de l'État en France sous Pie X, donc au
commencement de ce siècle. En ce temps-là, on a offert à l'Église une
formule qui lui aurait permis de garder ses possessions, mais qui l'aurait
placée toutefois sous la haute surveillance de l'État. Alors
Saint Pie X a déclaré
que le bien de l'Église était plus important que ses biens. Nous renonçons à
nos biens, parce que nous devons défendre le bien. C'est, je crois, une
grande parole, que l'on doit toujours garder à l'esprit.
Je me demande pourquoi l'Eglise ne nous transmet pas mieux la foi, à nous
qui ne savons rien, analphabètes chrétiens, pourquoi elle ne rappelle pas
plus souvent ce qu'il y a de grand dans le catholicisme, la liberté de
penser, la réconciliation et la miséricorde. Je regrette aussi ses rites
traditionnels, ses coutumes, ses fêtes, qu'elle pourrait célébrer avec
fierté et, après tout, avec un savoir-faire qui a deux mille ans
d'expérience. Dans un livre d'Isaac Singer, j'ai trouvé la description de la
fête juive des tabernacles. Là, le rabbin psalmodiait les prières avant le
repas, et il prêchait. Un tel commentaire de la Thora, s'enthousiasmaient
les Hassidim, personne n'en avait encore entendu, le rabbin avait vraiment
dévoilé les saints mystères. Le soir, on a finalement étalé une nappe de
fête sur la table, on a posé dessus une brioche nattée et à côté une carafe
pleine de vin et un verre à kidoush. Les assistants avaient l'impression que
le tabernacle devenait l'une des demeures qui sont dans la maison de Dieu.
Chez nous, les réunions chrétiennes se sont changées en fêtes bourgeoises
avec pâté de foie et bière.
Ici, nous retrouvons le sujet dont nous avons déjà parlé, le mélange du
christianisme et de la société et la fusion des éléments chrétiens avec les
coutumes et fêtes sociales. Je préférerais aborder plutôt un autre thème. Le
rabbin n'a sûrement rien dit de bien nouveau, mais le rite accompli dans la
foi et avec solennité renouvelle tout et rend à la foi sa présence actuelle.
Dans notre réforme liturgique, il y a une tendance, erronée à mon avis, qui
cherche à pratiquer l'« inculturation » de la liturgie dans le monde
moderne. La liturgie doit devenir plus courte ; et tout ce que l'on juge
incompréhensible doit en être écarté ; il faut tout transposer en une langue
encore plus « plate ». Mais ainsi, l'essence de la liturgie et des fêtes
liturgiques est fondamentalement méconnue. Car dans la liturgie on ne
comprend pas seulement de manière rationnelle, comme lorsque je comprends un
cours, mais d'une manière complexe, avec tous les sens, et on est admis à
une fête qui n'est pas inventée par une commission quelconque, mais qui
vient à moi du plus profond des millénaires et, en fin de compte, de
l'éternité.
Quand le judaïsme a perdu le temple, il est resté attaché aux fêtes et aux
rites de la synagogue, et il a maintenu sa
cohésion grâce à la célébration rituelle de ses grandes fêtes considérées
comme les rites de la maison de Dieu. Il y a une certaine sorte de forme de
vie commune dans les rites ; il ne s'agit pas là de rendre la religion
intelligible de manière purement superficielle, mais la grande continuité de
l'histoire de la foi s'y exprime et se présente dans toute sa puissance, qui
ne vient pas seulement de l'individu. Le prêtre n'est pas un showmaster, une
sorte de meneur de jeu qui imagine quelque chose et le transmet habilement.
Il peut au contraire n'être absolument pas doué comme showmaster, parce
qu'il représente autre chose et qu'il ne s'agit nullement de lui.
Naturellement, l'intelligibilité fait partie de la liturgie, et
c'est
pourquoi la parole de Dieu doit être bien lue à haute voix et ensuite bien
interprétée et expliquée. Mais la parole peut être entendue grâce à d'autres
façons de comprendre. Avant tout, ce ne sont pas de nouvelles commissions
qui peuvent élaborer cette intelligibilité. Sinon, on y voit trop la main de
l'homme, que les commissions siègent à Rome, à Trêves ou à Paris. Elle doit
au contraire conserver réellement sa continuité, échapper à l'arbitraire, me
permettre de rencontrer véritablement les millénaires et à travers eux
l'éternel, et d'être soulevé et déposé dans une communauté de fête qui n'a
pas grand-chose à voir avec les inventions des commissions ou comités.
Je crois qu'est née là une forme de cléricalisme qui permet de mieux
comprendre pourquoi on souhaite l'ordination des femmes. On attribue de
l'importance au prêtre en personne, il doit jouer son rôle avec habileté et
être un bon interprète. Il est le vrai centre de la fête. En conséquence on
finit par se dire : pourquoi lui seulement ? Si au contraire le prêtre reste
en retrait en tant que personne, n'est réellement que représentation et ne
laisse voir que l'accomplissement de sa foi, tout ne tourne plus autour de
lui. Il se retire à l'écart et quelque chose de plus grand se manifeste.
Alors, à mon avis, on doit voir de nouveau en pleine lumière l'énergie et
la
force de la tradition, qui ne se laisse pas manipuler. Sa beauté et sa
grandeur émeuvent aussi celui qui ne peut pas assimiler ou comprendre
rationnellement tous les détails. Au centre de tout cela, il y a évidemment
la parole de Dieu, qui est proclamée et expliquée.
Est-il inconcevable, pour lutter contre cette manie de tout niveler et ce
désenchantement, de remettre en vigueur l'ancien rite ?
Cela seul ne serait pas une solution. Je suis certes d'avis que l'on devrait
accorder beaucoup plus généreusement à tous ceux qui le souhaitent le droit
de conserver l'ancien rite. On ne voit d'ailleurs pas ce que cela aurait de
dangereux ou d'inacceptable. Une communauté qui déclare soudain strictement
interdit ce qui était jusqu'alors pour elle tout ce qu'il y a de plus sacré
et de plus haut, et à qui l'on présente comme inconvenant le regret qu'elle
en a, se met elle-même en question. Comment la croirait-on encore ? Ne
va-t-elle pas interdire demain ce qu'elle prescrit aujourd'hui ? Mais un
simple retour à l'ancien ne serait pas, comme je l'ai dit, une solution.
Notre culture a si radicalement changé ces trente dernières années qu'une
liturgie célébrée exclusivement en latin donnerait une impression
d'étrangeté qui serait insurmontable pour beaucoup. Ce dont nous avons
besoin, c'est d'une nouvelle éducation liturgique, en particulier une
éducation des prêtres. Il faut que ce soit de nouveau clair : la science de
la liturgie n'est pas là, pour produire perpétuellement de nouveaux modèles,
comme cela peut convenir à l'industrie de l'automobile. Elle est là pour
introduire à la fête et la célébration, pour rendre l'homme ouvert au
mystère. On devrait prendre des leçons, sur ce point, non seulement de
l'Église orientale, mais des religions du monde entier. Elles savent
toutes que la liturgie est autre chose que l'invention de textes et de
rites, qu'elle vit précisément de ce qui n'est pas manipulable. La jeunesse
le sent très fortement. Des centres où la liturgie est célébrée sans
affectation, mais avec respect et grandeur, attirent, même si l'on ne
comprend pas chaque mot. C'est de tels centres, qui peuvent servir de
critères, que nous avons besoin. Malheureusement, la tolérance envers des
fantaisies aventureuses est chez nous presque illimitée, mais elle est
pratiquement inexistante envers l'ancienne liturgie. On est sûrement ainsi
sur le mauvais chemin.
La crise de l'Église — peut-on déterminer le moment où elle a commencé ?
Est-ce la conséquence de fautes commises dans le passé ? L'Eglise a-t-elle
aussi amassé trop de lest, trop de dettes quelle doit à présent payer ?
Il y a naturellement d'une part le fil continu de l'Histoire, que nous ne
pouvons pas esquiver. De même que notre histoire allemande, avec son fardeau
de bon et de mauvais, nous concerne tous à travers les générations,
l'histoire de l'Église est là elle aussi. On doit se demander : quelles sont
les lourdes charges, les erreurs que nous devons avouer et reconnaître ? À
côté de cela, toutefois, il y a aussi la nouveauté que représente chaque
génération vivante.
Je n'attribuerais donc pas à la crise, même si elle a ses racines et ses
causes dans le passé, de trop longues origines historiques. De nouvelles
conjonctures historiques mènent aussi à des hauts et des bas. Je cite
toujours ceci comme exemple : au moment où le libéralisme politique était à
son apogée, il y eut conjointement dans l'Église cette discussion autour du
modernisme, que Pie X a dirigée avec une grande sagacité. Après la Première
Guerre mondiale, c'était terminé. Aujourd'hui, nombre de gens disent que
l'on aurait dû discuter à fond les problèmes à cette époque au lieu de les
étouffer. La réalité, c'est que la Première Guerre mondiale a été ressentie
comme l'échec du libéralisme, qui a cessé d'être une force spirituellement
déterminante. Il en a résulté, de manière inattendue, une toute nouvelle
situation de conscience. Non seulement dans la chrétienté catholique, mais
aussi chez les protestants. Harnack, le grand maître de la théologie
libérale, se retire, et c'est Karl Barth qui le remplace, avec sa nouvelle
foi radicale ; Erik Peterson, le grand exégète et historien protestant, se
convertit au catholicisme. Un nouveau mouvement liturgique naît dans
l'Église protestante où auparavant la théologie libérale avait été fortement
anticultuelle. Cela veut dire qu'avec l'arrivée de nouvelles générations les
problèmes modernistes n'intéressent plus personne. On peut très bien
observer ce phénomène dans la biographie de Romano Guardini, qui a fait ses
études durant cette phase libérale et adopte ensuite une position sciemment
antilibérale.
Après la Seconde Guerre mondiale, cette situation dure encore un certain
temps, mais tout de suite après naît un monde du bien-être qui dépasse de
loin celui de la Belle Époque. Il se forme ainsi une sorte de
néolibéralisme, et le christianisme apparaît soudain encore plus rétrograde,
faux et anachronique qu'avant la Première Guerre mondiale.
Dans cette mesure, il faut considérer les phénomènes de crises selon le
moment où ils se produisent dans l'Histoire. Sur ce point, je donne dans une
certaine mesure raison à Karl Marx ; la constitution idéologique d'une
époque est aussi le reflet de sa structure économique et sociale.
Est-il possible que l'actuel déclin de l'Église soit aussi l'œuvre de
puissantes forces d'auto purification ?
Des forces d'auto purification sont à l'œuvre, j'en suis persuadé. Mais on ne
devrait pas interpréter trop vite la
perte de la foi, la lassitude de la foi, comme des processus de
purification. La situation actuelle offre une possibilité de se purifier,
elle est toutefois utilisée de diverses façons. Nous en revenons de nouveau
à la question des biens et des institutions de l'Église. Le déclin peut
mener à la purification. Mais ce n'est pas de manière automatique,
simplement parce qu'il y a déclin, qu'a lieu la purification.
On ne peut guère évaluer l'Église d'après son succès, du moins selon des
critères politiques ou économiques, d'après son chiffre d'affaires ou le
nombre de ses membres. Quoi qu'il en soit, le Christ a parlé des intendants
auxquels le maître a confié ses biens. Ils devaient les entretenir et les
faire fructifier — y compris, d'ailleurs, par des moyens non orthodoxes.
Il faut d'abord se demander comment interpréter avec justesse les paraboles.
Que Jésus utilise ici une comparaison avec la banque, avec la spéculation
qui permet de faire fructifier l'argent dont on dispose, cela ne devrait pas
passer pour une indication de méthode. L'histoire de l'intendant malhonnête
— une parabole particulièrement difficile, où Jésus dit : Bon, quoi qu'il en
soit, il a trouvé ainsi une solution, soyez avisés comme il l'a été — ne
signifie pas que l'on doive user de moyens malhonnêtes. Cela signifie sans
doute que l'on doit aussi être avisé et habile et saisir les chances qui
s'offrent ; que l'imagination et la créativité ont aussi leur rôle à jouer.
Et cela signifie à coup sûr qu'il ne suffit pas de rester sagement croyant,
de dire : Je suis pieux, je suis heureux à ma façon, ce que font les autres
ne me concerne pas. La foi est de fait quelque chose qui est donné pour être
transmis, que l'on ne possède pas de plein droit quand on veut le garder
pour soi tout seul. Un christianisme vraiment reçu de l'intérieur implique
une dynamique, le devoir de le communiquer. J'ai pour ainsi dire trouvé
quelque chose, la manière de procéder — et je ne peux pas dire que cela me
suffit. À l'instant où je dis cela, en effet, je détruis ce que j'ai trouvé.
C'est exactement comme lorsqu'on ressent une grande joie, on a besoin de la
dire d'une manière ou d'une autre et de la communiquer, sinon ce n'est pas
une vraie joie. Ainsi, la dynamique de la transmission est incluse dans la
mission que le Christ a donnée aux siens, de même que l'encouragement à
l'imagination et à la hardiesse, avec le risque d'y perdre quelque chose.
Nous ne pouvons donc pas rester tranquillement assis et dire : Eh bien, cela
ne changera rien, Dieu ne s'est jamais appelé « succès », bon, nous avons
fait ce que nous devions faire, et qui vient et qui ne vient pas, on le
verra bien. Cette inquiétude intérieure, causée par la conscience d'avoir
reçu un don destiné à l'humanité tout entière, doit toujours être présente
en l'Église.
D'autre part, il est dit aussi : « Je vous envoie comme
des moutons parmi les loups » et « Vous serez persécutés ». Cela nous prédit
que notre œuvre sera toujours en relation avec le destin du Christ lui-même. Et je crois que
la chrétienté doit vivre dans cette tension. Nous ne devons pas être
satisfaits de nous-mêmes, dire : Nous avons atteint notre niveau, nous ne
pouvons pas faire plus — mais nous sommes toujours soumis à l'obligation
d'être de bons intendants, ceux qui font fructifier l'argent, comme le
Christ s'exprime, mais qui d'un autre côté ne tiennent jamais tout à fait le
succès dans les mains.
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Autorité sacrée et amour fraternel
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Sources :Texte original des pensées du Cardinal J.
Ratzinger-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 21.12.24
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