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Ces catholiques qui ont voté Trump. Et les réactions des Églises à
Rome et à Kiev
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Le 19 novembre 2024 -
E.S.M.
- Il est clair que cette année, le facteur
religieux a eu une incidence moins importante sur le
vote que par le passé, principalement à cause de la
sécularisation toujours plus galopante de la société
américaine. 56% des catholiques américains ont
voté pour Donald Trump, contre 41%
pour Kamala Harris. Un net revirement par rapport à il y a quatre ans,
quand 52% d’entre eux avaient voté pour Joe Biden, catholique comme eux,
et progressiste.
S.M.
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Trump et le catholique J.D.
Vance -
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Ces catholiques qui ont voté Trump. Et les réactions des Églises à Rome et à
Kiev
Le 19 novembre 2024 -
E.S.M. -
56% des catholiques américains ont voté pour Donald Trump, contre 41%
pour Kamala Harris. Un net revirement par rapport à il y a quatre ans,
quand 52% d’entre eux avaient voté pour Joe Biden, catholique comme eux,
et progressiste.
Il est clair que cette année, le facteur religieux a
eu une incidence moins importante sur le vote que par le passé,
principalement à cause de la sécularisation toujours plus galopante de
la société américaine. Le faible poids de la question de l’avortement
sur les votants en est une preuve, alors même que la Conférence
épiscopale l’avait qualifiée de « priorité essentielle » pour orienter
les fidèles. Trump lui-même était à sa manière « pro choice » et, dans
plusieurs États comme en Floride, sa victoire électorale a été
accompagnée de la victoire du « oui » dans un referendum simultané plus
permissif en termes d’avortement.
Mais ce n’était qu’une partie d’une mutation culturelle plus
générale, qui a touché l’électorat, et pas seulement les catholiques. Le
sociologue et politologue Luca Ricolfi, dans son récent essai intitulé «
Il follemente corretto », a identifié quatre signes de l’hostilité
croissante aux États-Unis envers le langage et l’idéologie « woke », une
hostilité qui a été décisive dans le résultat des votes.
Le premier signe est que «
il y a déjà deux ans, Hillary Clinton
avait averti qu’à force de ‘woke’ et de droits LGBT+, les démocrates
allaient s’effondrer ».
Le second était « le choix de Harris de Tim Walz comme
vice-président, alors qu’il s’était distingué en tant que gouverneur du
Minnesota par son soutien à la cause trans et aux changements de genre
précoces ».
La troisième était « les conflits interne au sein du monde féministe,
dont une partie avait demandé à Harris de prendre ses distances avec les
thérapies d’ ‘affirmation de genre’ pour les mineurs, une prise de
distance qui n’a pas eu lieu ».
Le quatrième est « la démobilisation en cours depuis un an ou deux
dans de nombreuses entreprises américaines par rapport aux politiques de
DEI, ‘diversité, équité, d’inclusion’, qui font l’objet d’une aversion
croissante dans l’opinion publique ».
On peut ajouter la négligence dont Harris a fait preuve, pendant sa
campagne électorale, pour le camp catholique, en particulier lorsqu’elle
a boudé l’Al Smith Dinner, cet événement caritatif organisé
périodiquement par l’archidiocèse de New York, ce qui avait incité le
cardinal Timothy Dolan à commenter : « Cela n’était plus arrivé ces
quarante dernières années, depuis que Walter Mondale ne s’était pas
présenté et avait perdu dans quarante-neuf États sur cinquante. »
Mais on ne peut résumer la mutation en cours chez les catholiques
américains à une réaction de rejet de certains traits de la culture
dominante. Elle se caractérise également par des éléments nouveaux, même
s’ils ne sont pas de nature à mettre en place un nouvel ordre alternatif
à celui, en voie de disparition, du progressisme postconciliaire.
Le choix de Trump du catholique J.D. Vance (photo) comme
vice-président est particulièrement révélateur, à la fois pour son
histoire personnelle et pour les personnages auxquels il fait référence.
Settimo Cielo a évoqué son histoire personnelle dans un
précédent article. Nous nous bornerons à souligner ici que si son
autobiographie à succès « Hillbilly Elegy » dépeint la vie difficile de
la classe ouvrière blanche dans la zone industrielle délabrée située
entre les Appalaches et les Grands Lacs, mais pas avec le regard
compatissant de ceux qui se penchent sur ces pauvres modernes, qu’il
fustige au contraire, en leur enjoignant de travailler dur pour remonter
la pente avec l’inventivité, le courage, et l’impudence qu’il incarne
d’abord lui-même en tant que marine en Irak, puis en tant qu’étudiant
dans les universités d’élite de l’Ohio et de Yale, puis avec sa
rencontre avec Peter Thiel, un entrepreneur dynamique de la Silicon
Valley qui l’a initié à l’activité entrepreneuriale et politique, et
surtout avec
Patrick J. Deneen, professeur de sciences politiques d’abord à
Princeton, puis à l’Université jésuite de Georgetown à Washington et
aujourd’hui à l’Université de Notre Dame à South Bend dans l’Indiana, et
qui est devenu son maître et son ami.
Deneen est le grand théoricien de la critique du libéralisme, aussi
bien économique que culturel. Son livre « Why
Liberalism Failed », publié en 2018, a été l’un des plus lus et des
plus discutés à l’époque, générant une longue critique et trois éditos
de commentaire dans les colonnes du « New York Times » en un mois à
peine. Il a été traduit dans une douzaine de langues, et même Barack
Obama, qui n’est pas sur la même ligne, a admis qu’il s’agissait d’une
lecture obligée.
Mais Deneen, qui est catholique, lecteur et adepte de saint Augustin,
de Tocqueville et de René Girard, est aussi une figure de proue de cette
modeste mais influente « Nouvelle Droite » de penseurs catholiques qui
compte parmi ses membres le professeur de droit de Harvard Adrian
Vermeule, le théoricien politique Gladden Pappin, le théologien Chad
Pecknold et le journaliste Sohrab Ahmari, ancien directeur de la
rédaction du New York Post et fondateur de « Compact », l’un de ces
brillants magazines culturels nés récemment dans la droite post-libérale
catholique.
Le succès du livre de Deneen avait connu un précédent tout aussi
important, en 2012, avec la sortie de «
The New Geography of Jobs » d’Enrico Moretti, professeur à Berkeley,
qui attribuait la fracture aux États-Unis entre l’exubérance et la
technologie des côtes Est et Ouest et l’intérieur du pays dévasté et
dépourvu face au développement écrasant des nouvelles technologies qui,
oui ont tué beaucoup d’emplois, mais ont également fait place à beaucoup
d’autres. Moretti, aux antipodes du postlibéralislme de Deneen et Vance
faisait partie des experts consultés par Obama. Mais avec son étatisme
anti-marché, il joue aujourd’hui un rôle d’ « hybride entre la
social-démocratie de gauche l’individualisme de droite », comme Vance
lui-même l’a déclaré dans une interview au « New Statesman ».
Bref, la «
Nouvelle Droite » catholique américaine – qui est
également isolationniste sur la scène internationale – n’a plus
grand-chose à voir avec les combats géopolitiques et théologiques des «
néoconservateurs » catholiques de ces dernières décennies, de Michael
Novak à Richard J. Neuhaus en passant par George Weigel.
Quant à savoir dans quelle mesure et de quelle manière tout cela
marquera la présidence de Trump, cela reste à voir. Mais en attendant,
il est utile de noter certaines réactions politiques de l’Église à la
nouvelle de son élection.
Les premières déclarations ont été celles du secrétaire d’État du
Vatican, le cardinal Pietro Parolin.
Pressé le 7 novembre par des journalistes, le cardinal Parolin a
souhaité à Trump « beaucoup de sagesse » et a espéré que sa présidence
« puisse vraiment être un élément de détente et de pacification dans les
conflits actuels qui ensanglantent le monde ».
Mais avec la Chine, à l’inverse de l’esprit belliqueux de Trump, le
cardinal a assuré que du côté du Saint-Siège, « le dialogue se poursuit
» et « est essentiellement ecclésial », indépendamment des « réactions
qui peuvent également venir de l’Amérique », comme cela s’est passé en
2020, lorsque le secrétaire d’État de Trump de l’époque, Mike Pompeo, à
la veille d’une audience avec le pape François, avait écrit dans la
prestigieuse revue catholique « First
Things » que si l’accord
ratifié deux ans plus tôt sur la nomination des évêques chinois était
renouvelé, comme cela s’est effectivement produit, « le Vatican allait
mettre en danger son autorité morale ».
Le 15 novembre, de nouveau
harcelé par les journalistes, Parolin a ajouté qu’« il n’y a pas de
contradiction entre le fait d’ un bon citoyen authentiquement chinois et
le fait d’être chrétien », comme le soutenait déjà le grand missionnaire
jésuite Matteo Ricci au XVIe siècle, et que « pour nous, le dialogue
reste le principe fondamental ».
Un autre effet politique et ecclésiastique possible de la victoire de
Trump concerne l’Ukraine.
Sur ce point, il n’y a pas que l’intérêt déclaré du nouveau président
américain à mettre fin rapidement au conflit, même au prix de favoriser
Vladimir Poutine. Son adjoint Vance – qui a déjà dit à l’Ukraine qu’il
voulait couper toute forme d’aide – a également été un critique virulent
de la loi 3894 approuvée le 20 août par le parlement de Kiev, qui
interdit toute organisation religieuse en Ukraine qui a son « centre »
en Russie et « est gouvernée » par la Russie, c’est-à-dire en termes
concrets l’Église orthodoxe ukrainienne historiquement dépendante du
patriarcat de Moscou.
Cette loi n’est pas entrée immédiatement en vigueur. Le lancement des
procédures d’interdiction a été reporté à mai 2025 et dans ce laps de
temps, le patriarcat de Constantinople a appelé à la pacification, ce
que
Settimo Cielo a décrit en détail dans un article du 2 septembre
dernier.
Peter Anderson, un Américain de Seattle qui est un observateur
attentif de l’actualité des Églises orientales, estime quant à lui que
le sort de l’Église orthodoxe ukrainienne liée à Moscou pourrait
également se jouer dans le cadre d’une future négociation sur la paix en
Ukraine.
Selon Anderson, le président ukrainien Volodymyr Zelensky n’aurait
plus intérêt à forcer l’interdiction de cette Église, au risque de
raidir encore davantage le Kremlin et le Patriarcat russe dans l’optique
d’une éventuelle négociation. Tandis que de son côté, l’Église orthodoxe
ukrainienne aurait intérêt à garantir son autonomie vis-à-vis de Moscou,
comme le souhaitent déjà la majorité de ses métropolites et de ses
éparques, dans un nouveau rapport d’égal à égal avec le patriarcat russe
et les autres Églises sœurs.
Sandro Magister est le vaticaniste émérite de l’hebdomadaire
L’Espresso.
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Sources
: diakonos.be-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 19.11.2024
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