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Benoît XVI : seul le cœur a des yeux
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Le 11 février 2023 -
(E.S.M.)
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Voici, précise Benoit XVI, que nous rencontrons deux personnages
considérables de la classe cultivée d'Israël qui, bien qu'ils
n'aient pas encore osé déclarer leur condition de disciples, avaient
toutefois ce cœur simple qui rend l'homme capable de la vérité.
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La Mise au tombeau - Arras,
Musée des Beaux-arts -
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Benoît XVI : seul le cœur a des yeux
Jésus meurt sur la Croix
Selon le récit des évangélistes, Jésus est mort en priant à
la neuvième heure, c'est-à-dire à trois heures de
l'après-midi. Selon Luc, sa dernière prière était tirée du Psaume
31 : « Père, en tes mains, je remets mon esprit » (Lc 23,46; cf.
Ps31,6). Selon Jean, la dernière parole de Jésus a été: « C'est achevé
» (19,30). Dans le texte grec, cette parole (tetélestaï) renvoie en
arrière, au début de la Passion, au moment du lavement des pieds dont
l'évangéliste introduit le récit en soulignant que Jésus aima les siens «
jusqu'à la fin » (télos) » (13,1). Cette « fin », cet accomplissement
extrême de l'amour est maintenant atteint, au moment de la mort. Il est
vraiment allé jusqu'à la fin, jusqu'à la limite et au-delà de la limite. Il
a réalisé la totalité de l'amour - il s'est donné lui-même.
Dans le chapitre 6, en considérant la prière de Jésus sur le
Mont des Oliviers, nous avons découvert, à partir de Hébreux 5,9,
encore une autre signification de ce même terme (teleioûri) : dans la
Torah, cela veut dire « initiation », consécration se référant à la dignité
sacerdotale, c'est-à-dire passage complet dans l'appartenance à Dieu. Je
pense que, en nous référant à la Prière sacerdotale de Jésus, nous pouvons
ici aussi sous-entendre une telle signification. Jésus a accompli jusqu'au
bout l'acte de consécration, la remise sacerdotale de lui-même et du monde à
Dieu (cf. Jn 17,19). Ainsi resplendit à travers cette parole le grand
mystère de la Croix. La nouvelle liturgie cosmique a été accomplie. La Croix
de Jésus vient prendre la place de tous les autres actes cultuels, car elle
est l'unique et véritable glorification de Dieu, dans laquelle Dieu se
glorifie lui-même grâce à celui en qui il nous donne son amour et ainsi nous
attire vers le haut, vers lui.
Les Évangiles synoptiques caractérisent explicitement la mort
en Croix comme un événement cosmique et liturgique : le soleil s'obscurcit,
le voile du temple se déchire en deux, la terre tremble, des morts
ressuscitent.
Plus important toutefois que le signe cosmique est un
processus de foi : le centurion - commandant du peloton d'exécution -,
bouleversé devant les événements qu'il voit, reconnaît Jésus comme Fils de
Dieu : « Vraiment, cet homme était fils de Dieu !
» (Mc 15,39). Au pied de la Croix, voici que l'Église des païens
commence. À partir de la Croix, le Seigneur rassemble les hommes pour la
nouvelle communauté de l'Église universelle. À cause du Fils souffrant,
voici qu'ils reconnaissent le vrai Dieu.
Alors que les Romains, dans un geste d'intimidation,
laissaient intentionnellement les crucifiés pendre sur l'instrument de
torture après leur mort, ceux-ci, selon le droit judaïque, devaient être
enlevés le jour même (cf. Dt 21,22). C'est pourquoi, il revenait au
peloton d'exécution d'accélérer la mort en leur brisant les jambes. C'est ce
qui est advenu dans le cas des crucifiés du Golgotha. Les jambes des deux «
brigands » sont brisées. Mais alors, les soldats voient que Jésus est déjà
mort. Ils renoncent donc à lui briser les jambes. Au lieu de cela, l'un
d'eux transperce le côté droit de Jésus - le cœur - «
et il sortit aussitôt du sang et de l'eau » (Jn 19,34).
C'est
l'heure où les agneaux pascals sont abattus. En ce qui les concerne, il
existe une prescription selon laquelle aucun de leurs os ne doit être brisé
(cf. Ex 12,46). Jésus apparaît ici comme
l'Agneau pascal véritable, pur et parfait.
Nous pouvons donc, en cette parole, découvrir aussi un renvoi
tacite aux débuts de la mission de Jésus - à cette heure où le Baptiste
avait dit: « Voici l'agneau de Dieu, qui enlève le
péché du monde » (Jn 1,29). Ce qui alors devait encore rester
incompréhensible - c'était seulement une allusion mystérieuse à quelque
événement futur - devient maintenant réalité. Jésus est l'Agneau choisi par
Dieu lui-même. Sur la Croix, il porte le péché du monde, et
il l'« enlève ».
Mais en même temps, résonne aussi le Psaume 34, où on
lit : « Malheur sur malheur pour le juste, mais de tous, le Seigneur le
délivre. Le Seigneur garde tous ses os, pas un ne sera brisé » (v. 20). Le
Seigneur, le Juste, a beaucoup souffert, il a tout souffert, mais Dieu l'a
gardé : aucun de ses os n'a été brisé.
Sang et eau jaillirent du cœur transpercé de Jésus. Tout au
long des siècles, l'Église, suivant la parole de Zacharie, a tourné son
regard vers ce cœur transpercé et a reconnu en lui la source de bénédiction
indiquée à l'avance dans le sang et l'eau. La parole de Zacharie nous pousse
même à chercher une compréhension plus profonde de ce qui est arrivé ici.
Nous trouvons un premier degré dans ce processus de
compréhension dans la Première lettre de Jean qui reprend avec
vigueur le discours sur le sang et l'eau sortis du côté de Jésus : « C'est
lui qui est venu par eau et par sang : Jésus Christ, non avec l'eau
seulement, mais avec l'eau et avec le sang. Et c'est l'Esprit Saint qui rend
témoignage, parce que l'Esprit est la Vérité. Il y en a ainsi trois à
témoigner : l'Esprit Saint, l'eau, le sang, et ces trois tendent au même but
» (5,6s.).
Qu'est-ce que veut nous dire l'auteur par cette affirmation
insistante selon laquelle Jésus est venu non seulement par l'eau mais aussi
par le sang ? On peut sans doute supposer qu'il fait allusion à un courant
de pensée qui n'attribuait une valeur qu'au Baptême et mettait.de côté la
Croix. Et peut-être cela signifie-t-il également que l'on ne considérait
comme importantes que la parole, la doctrine, le message et non pas la «
chair », le corps vivant du Christ, exsangue sur la Croix; cela veut dire
que l'on s'efforçait de créer un christianisme de la pensée et des idées,
d'où l'on voulait supprimer la réalité de la chair : le sacrifice et le
Sacrement.
Les Pères ont vu dans ce double flux de sang et d'eau une
image des deux sacrements fondamentaux - l'Eucharistie et le Baptême - qui
jaillissent du côté transpercé du Seigneur, de son cœur. Ce double flux est
le courant nouveau qui crée l'Église et renouvelle les hommes. Mais les
Pères, devant ce côté ouvert du Seigneur dormant sur la Croix du sommeil de
la mort, ont aussi pensé à la création d'Eve à partir du côté d'Adam
endormi, voyant ainsi dans le courant des sacrements en même temps l'origine
de l'Église : ils ont vu la création de la nouvelle femme à partir du côté
du nouvel Adam.
La mise au tombeau de Jésus
Les quatre évangélistes nous racontent tous qu'un membre
notable du Sanhédrin, Joseph d'Arimathie, demanda à Pilate le corps de
Jésus. Marc (15,43) et Luc (23,51) ajoutent que Joseph était un homme qui «
attendait lui aussi le royaume de Dieu », tandis que Jean (cf. 19,38) dit de
lui qu'il était disciple de Jésus, mais en secret, disciple qui, par crainte
des cercles juifs dominants, ne s'était pas manifesté ouvertement comme tel
jusqu'alors. Jean mentionne en outre la participation de Nicodème (cf.
19,39) dont il avait rapporté dans le chapitre 3 le colloque nocturne avec
Jésus à propos de la naissance et de la renaissance de l'homme (cf. v. 1-8).
Après le drame du procès, où tout semblait conspirer contre Jésus et où
nulle voix ne semblait plus s'élever en sa faveur, maintenant il nous est
donné de connaître l'autre Israël: des personnes qui sont en attente. Des
personnes qui croient aux promesses de Dieu et vont à la recherche de leur
accomplissement. Des personnes qui dans la parole et l'œuvre de Jésus
reconnaissent l'irruption du royaume de Dieu, le début de l'accomplissement
des promesses.
Des personnes de ce genre, jusqu'à présent nous les avions
rencontrées dans les Évangiles surtout parmi les gens simples: Marie et
Joseph, Elisabeth et Zacharie, Syméon et Anne - ainsi que les disciples qui,
tous, même s'ils venaient de différents milieux culturels et de courants
divers en Israël, ne faisaient pas partie des cercles influents. Or - après
la mort de Jésus - voici que nous rencontrons deux personnages considérables
de la classe cultivée d'Israël qui, bien qu'ils n'aient pas encore osé
déclarer leur condition de disciples, avaient toutefois ce cœur simple qui
rend l'homme capable de la vérité. (cf. Mt 10,25s.).
Alors que les Romains abandonnaient aux vautours les corps
des condamnés à la Croix, les Juifs tenaient à ce qu'ils soient ensevelis;
il existait des lieux réservés par l'autorité judiciaire pour cela. De ce
point de vue, la requête de Joseph correspond à l'habitude judiciaire juive.
Marc rapporte que Pilate s'étonna que Jésus fût déjà mort et que, avant
tout, il s'informa auprès du centurion de la vérité d'une telle information.
Après la confirmation de la mort de Jésus, il octroya son corps au membre du
Conseil (cf. 15,44).
Concernant la mise au tombeau elle-même, les évangélistes
nous transmettent une série d'informations importantes. Tout d'abord, il est
souligné que Joseph fait déposer le corps du Seigneur dans un tombeau neuf
qui lui appartenait et dans lequel personne encore n'avait été enseveli (cf.
Mt 27,60; Lc 23,53; Jn 19,41). Cela manifeste un
profond respect pour ce défunt. Tout comme au « dimanche des Rameaux », il
s'est servi d'un âne sur lequel personne encore n'était monté (cf. Mc11,2),
voici qu'il est maintenant déposé dans un sépulcre neuf.
L'information selon laquelle Joseph acheta un linceul dont il
enveloppa le défunt est tout aussi importante. Tandis que les Synoptiques
parlent simplement d'un linceul, au singulier, Jean utilise le pluriel «
linges » de lin (cf. 19,40) selon le mode de sépulture en usage chez les
Juifs - le récit de la Résurrection revient sur ce sujet avec encore plus de
détails. Le problème de la concordance avec le linceul de Turin ne doit pas
nous occuper ici ; en tout cas, l'aspect de cette relique est en principe
conciliable avec les deux rapports.
Enfin, Jean nous raconte que Nicodème apporta un mélange de
myrrhe et d'aloès, « d'environ cent livres ». Et il poursuit : « Ils prirent
donc le corps de Jésus et le lièrent de linges, avec les aromates, selon le
mode de sépulture en usage chez les Juifs » (19,39s.). La quantité des
aromates est extraordinaire et dépasse toute commune mesure: c'est une
sépulture royale. Si, à l'occasion du tirage au sort des vêtements, nous
avons entraperçu Jésus comme Grand Prêtre, voici que maintenant la manière
dont il est enseveli le montre comme Roi : au moment où tout semble fini,
surgit toutefois, d'une manière mystérieuse, sa gloire.
Les Évangiles synoptiques nous disent que quelques femmes
observaient la mise au tombeau (cf. Mt 27,61 ; Mc 15,47), et
Luc précise qu'il s'agissait des femmes « qui étaient venues avec lui de
Galilée » (23,55). Il ajoute: « Puis elles s'en retournèrent et préparèrent
aromates et parfums. Et le sabbat, elles se tinrent en repos, selon le
précepte » (23,56). Après le repos sabbatique, au matin du premier jour de
la semaine, elles viendront oindre le corps de Jésus et effectuer ainsi la
sépulture définitive. L'onction est une tentative pour arrêter la mort, pour
soustraire le cadavre à la décomposition. Mais c'est un effort inutile:
l'onction ne peut conserver le défunt que comme un défunt, elle ne peut lui
redonner la vie.
Au matin du premier jour, les femmes verront que leur
sollicitude envers le défunt et pour sa conservation a été une sollicitude
trop humaine. Elles verront que Jésus ne doit pas être gardé dans la mort,
mais qu'il est vivant à nouveau et que seulement maintenant il vit
véritablement. Elles verront que Dieu, d'une manière définitive et que lui
seul peut réaliser, l'a soustrait à la corruption et ainsi au pouvoir de la
mort. Cependant, dans la sollicitude et dans l'amour de ces femmes, le matin
de la Résurrection est déjà annoncé.
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Chapitre 8
Le crucifiement et la mise au tombeau de Jésus
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2. Jésus en Croix ►
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La première parole de Jésus en
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« Père, pardonne-leur »
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Jésus outragé
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Le cri d'abandon de Jésus
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Le tirage au sort des
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« J'ai soif »
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Les femmes près de la Croix —
la Mère de Jésus ►
Benoît XVI
Jésus meurt sur la Croix
► Benoît
XVI
La mise au tombeau de Jésus
► Benoît
XVI
3. La mort de Jésus comme réconciliation
(expiation) et salut
►
- Prochainement le chapitre 9 et la suite des liens -
Sources :Texte original des écrits du Saint Père Benoit XVI -
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 11.02.2023
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