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19 Avril 2005
 

Benoît XVI évoque le dévouement personnel plein d’amour

 

SAMEDI, 8 AVRIL 2006. Cinquième entretien quadragésimal. L’Église a-t-elle vraiment abandonné à l’État le « combat pour la justice ? Relisons, la tête encore perturbée par cette ivresse inhérente à tout amour, l’enseignement de Benoît XVI sur les implications souhaitables à la lumière du Christ Jésus, modèle, grâce et mesure sans mesure de la Passion divine

L’amour,  soleil de l’humanité

CINQUIEME CONFÉRENCE - DIEU EST AMOUR   (1)  
 

Les chiffres renvoient à la numérotation de l'Encyclique.

Pour lire ou enregistrer l'Encyclique du pape Benoît XVI: "Deus Caritas Est"

 

Le quatrième entretien sur la lettre encyclique de Benoît XVI « Deus caritas est » s’était terminé sur une saveur d’Eucharistie. « Si le monde antique avait rêvé qu’au fond, la vraie nourriture de l’homme était la Sagesse éternelle, cette Sagesse est maintenant devenu nourriture pour nous comme amour. L’Eucharistie nous attire dans l’acte d’offrande auquel Jésus a donné une présence durable .» (13) « La mystique du Sacrement eucharistique a un caractère social parce que dans la communion sacramentelle, je suis uni au Seigneur, comme toutes les autres personnes qui communient. » (14)

Parlant de cette foi sacramentelle, le pape Benoît XVI, dans la seconde partie de sa lettre, veut nous montrer comment l’être humain est créé pour aimer et comment cet amour qui initialement apparaît comme amour entre homme et femme, « éros », peut ensuite se transformer en « agapè », don de soi à l’autre» et à tous les autres. Au départ, Benoît XVI évoque un passage du « Paradis de Dante ». L’auteur y décrit Dieu sous forme de Lumière, cette lumière qui est en même temps l’amour qui meut le soleil et les autres étoiles. » Lumière et amour : soleils de l’humanité. Mais de quel ensoleillement les hommes ont-ils le plus besoin ? Soleil de justice ou soleil de l’amour ?

Dans cette série d’entretiens intitulée « Lecture de l’évangile selon Benoît XVI », nous serions en droit de nous demander si tous, nous lisons le même évangile. La revue canadienne « Relations », mars 2006, présente un éditorial signé de Jean-Claude Ravet, jésuite. Ce dernier fait la critique du document pontifical. L’auteur, comment dire ? dénonce, accuse, disons précise que le pape semble vouloir « dissocier le « service de l’amour » du « combat pour la justice », le premier étant le propre de l’Église et le second, le propre de l’État. Cette manière toute libérale dont Benoît XVI revendique l’autonomie des « pouvoirs terrestres » prolonge non seulement une vision cléricale de l’Église mais également un ordre social exempt de conflits et d’acteurs sociaux, où une sphère publique de plus en plus dépolitisée sert un groupe restreint de financiers « très respectables ». Dans ce monde libéral, ajoute-t-il, l’injustice, les inégalités sociales scandaleuses et l’appauvrissement meurtrier n’existent pas. Autant de réalités bannies du vocabulaire de l’encyclique qui n’émergent que sous les mots vagues de « problèmes, «besoins» ou « situations difficiles. » (Relations, mars 2006).

En lisant cette critique avec attention et non sans admiration pour l’audace du plaidoyer et son auteur, hôte du Chili au temps du régime Pinochet, sa dénonciation de l’Église et son absence du combat pour la justice, une réflexion de Jésus vient à mon l’esprit : « Si votre justice ne dépasse pas celle des Pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume des Cieux » (Mat. 5,20), à laquelle nous greffons l’enseignement de Paul aux Romains : « N’ayez de dette envers personne. sinon celle de l’amour mutuel.» (Rom. 13,8) Jean-Claude Ravet termine pourtant son éditorial : « cette compréhension de la justice comme un autre nom de l’amour et l’expression de la solidarité avec les humiliés relève de la tradition prophétique du christianisme. Celle-ci induit à une expérience religieuse qui non seulement ne s’oppose pas à la liberté humaine, mais fait de celle-ci l’expression même de la foi. En elle, l’amour du monde et l’amour de Dieu ne font qu’un. Reconnaître cela, c’est entreprendre une longue marche vers la terre des pauvres et des opprimés, c’est faire le combat pour la justice, le sacrement de la présence de Dieu dans le monde ». ( L’apôtre Paul écrivait dans un mémorable C.V. adressé aux Philippiens :« À cause du Christ j’ai accepté de tout perdre, et je considère tout comme déchets, afin de gagner le Christ et d’être trouvé en lui, n’ayant plus ma justice à moi, celle qui vient de la Loi, mais la justice par la foi au Christ, celle qui vient de Dieu et s’appuie sur la foi » (Phil. 3.8-9) Ma justice à moi ! Les Pharisiens pouvaient consciencieusement mesurer leur justice à partir de la Loi et de ses prescriptions, alors que l’amour, « cet autre nom de la justice », écrit Benoît XVI, échappe à toute mesure. N’est-il pas l’inspiration même de la justice.

Il était difficile d’ignorer la critique de la revue « Relation » et son sens de l’engagement pour les grandes causes humaines. Après mûre réflexion sur les implications de l’amour tel que rappelées par le pape, l’enseignement de Benoît XVI va-t-il vraiment à l’encontre du « combat pour la justice » ? L’encyclique est loin de demeurer au niveau des concepts et des belles idéologies, c’est dans le corps et l’âme que l’amour doit s’inscrire. « Le fait d’être chrétien, affirmait le pape , ne repose pas sur une décision éthique ou une grande idée, mais sur la rencontre avec une Personne, un événement qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive. » (1) « L’amour entre homme et femme s’impose à l’être humain, l’«éros », comme l’appelait les Grecs, et dans lequel ils voyaient l’ivresse, le dépassement de la raison, provenant d’une folie divine. » (4) Il faut le dire et le répéter, car il est trop facile de parler de mesure en ces divers domaines de l’amour et de se donner bonne conscience. L’amour raisonnable n’existe pas dans l’esprit de l’Église du Christ, et jamais document pontifical ne l’a exprimé avec autant de réalisme . Vivre le « combat pour la justice » à l’instar des grands héros de cette bataille et en parler comme d’une expérience vécue et limitée par le temps me semblent tenir lieu de deux discours incomparables l’un à l’autre.

L’Église a-t-elle vraiment abandonné à l’État le « combat pour la justice ? Relisons, la tête encore perturbée par cette ivresse inhérente à tout amour, l’enseignement de Benoît XVI sur les implications souhaitables à la lumière du Christ Jésus, modèle, grâce et mesure sans mesure de la Passion divine : « Voyez de quel amour Dieu nous a aimés. Dieu a tant aimé les hommes qu’il a livré son Fils non pour les juger, non pour les juger ! ou les condamner, mais pour les sauver ». (Jn.3, 16-17) N’est-ce pas de cet amour dont ont fait preuve tant de grandes et nobles figures de l’Église, ses pasteurs du dernier siècle entièrement consacrés à la cause des individus, des nations, de la paix et de la justice. Est-il besoin de parcourir une fois de plus la galerie de ces héros de l’amour plus encore que de la justice, ou héros de la justice à cause de l’amour qui les faisait vivre. « La foi biblique ne construit pas un monde parallèle, un monde opposé au phénomène humain d’origine qui est l’amour, mais elle accepte tout l’homme intervenant dans sa recherche d’amour pour la purifier, lui ouvrant en même temps de nouvelles dimensions » (8).

Quel est cet autre, objet d’un amour sans mesure, une passion dans tous les sens du terme ? « L’amour du prochain consiste précisément dans le fait que j’aime aussi, en Dieu et avec Dieu, la personne que je n’apprécie pas ou que je ne connais pas. J’apprends à regarder cette autre personne non plus seulement avec mes yeux et mes sentiments, mais selon la perspective de Jésus Christ. Son ami est mon ami. Au-delà de l’apparence extérieure de l’autre, jaillit son attente intérieure d’un geste d’amour, d’un geste d’attention, que je ne lui donne pas seulement à travers des organisations créées à cet effet, - combat pour la justice - l’acceptant peut être comme une nécessité politique. Je vois avec les yeux du Christ , et je peux lui donner le regard d’amour dont il a besoin. Si jamais le contact avec Dieu fait complètement défaut dans ma vie, je ne peux jamais voir en l’autre que l’autre et je ne réussis pas à reconnaître en lui l’image divine. Alors ma relation à Dieu se dessèche et cette relation est seulement « correcte », mais sans amour. Seule ma disponibilité à aller à la rencontre du prochain, à lui témoigner de l’amour, me rend aussi sensible devant Dieu. Seul le service du prochain ouvre mes yeux sur ce que Dieu fait pour moi et sur sa manière à Lui de m’aimer. » (18) Sa manière à lui de m’aimer !

Quelle est-elle cette manière ? Faut-il inévitablement un « combat pour la justice » dans toute la force du terme ? La réponse à cette question pourra jeter un peu de lumière sur la valeur de la critique de la revue « Relation ». Un principe de base peut être ici évoqué : nul ne peut être à la fois juge et parti. Benoît XVI écrit : « Toute l’activité de l’Église est l’expression d’un amour qui cherche le bien intégral de l’homme : elle cherche son évangélisation par la Parole et par les sacrements, entreprise bien souvent héroïque dans ses réalisations historiques ; elle cherche sa promotion dans les différents domaines de la vie et de l’activité humaine. L’amour est le service que l’Église réalise pour aller constamment au-devant des souffrances et des besoins. même matériels, des hommes. (19) Et le pape d’ajouter aussitôt : « L’amour du prochain, enraciné dans l’amour de Dieu, est avant tout une tâche pour chaque fidèle, mais il est aussi une tâche pour la communauté ecclésiale entière et cela à tous les niveaux. C’est en tant que communauté que l’Église doit pratiquer l’amour, le « service de la charité. ». En conséquence, l’amour a aussi besoin d’organisation comme présupposé pour un service communautaire ordonné. » (20)

À preuve, l’histoire de l’Église primitive : « Tous ceux qui étaient devenus croyants vivaient ensemble, et ils mettaient tout en commun; ils vendaient leurs propriétés et leurs biens, pour en partager le prix entre tous et selon les besoins de chacun.» (Ac. 2,44-45) Apparut alors le ministère diaconal. Les apôtres auxquels étaient avant tout confiés la prière et le service de la Parole, se sentirent pris de manière excessive par le service des tables ; ils décidèrent alors de se réserver le ministère principal et de créer pour l’autre tâche, tout aussi nécessaire dans l’Église, un groupe de sept personnes, les diacres, composé d’homme remplis d’Esprit Saint et de sagesse. (Ac.6.1-6) « Les années passent, et avec l’expansion progressive de l’Église, l’exercice de la charité s’est affirmé comme l’un des secteurs essentiels. L’Église ne peut négliger le « service de la charité » de même qu’elle ne peut négliger les Sacrements ni la Parole. Saint Ignace d’Antioche (vers 117) qualifie l’Église de Rome comme celle qui « préside à la charité ». C’est ainsi que depuis les origines, l’activité d’assistance aux pauvres et aux miséreux faisait partie de manière essentielle de la vie de l’église. Le diacre Laurent en demeure la figure de proue. Pareil exercice de la charité organisée fit l’envie de l’empereur romain Julien l’apostat pour qui l’activité caritative de l’Église constituait l’unique aspect qui le frappait dans le christianisme. (24)

Mais, « l’organisation ecclésiale de la charité, déclarait Benoît XVI lors d’une audience générale du mercredi, n’est pas une forme d’assistance sociale, qui s’ajouterait à la réalité de l’Église, une initiative que l’on pourrait laisser aussi à d’autres, elle est au contraire partie de la nature de l’Église. » Le pape relève à ce point de sa lettre l’objection soulevée depuis le 19e siècle contre cette activité caritative de l’Église, « objection développée avec insistance par la pensée marxiste » (26) et reprise en un sens par la revue « Relation. « Les pauvres n’auraient pas besoin d’oeuvres de charité mais plutôt de justice. Les œuvres de charité seraient en réalité, pour les riches, faudrait-il ajouter l’Église, une manière de se soustraire à l’instauration de la justice et d’avoir leur conscience en paix, maintenant leurs positions et privant les pauvres de leurs droits. Au lieu de contribuer, à travers diverses oeuvres de charité, au maintien des conditions existantes, il faudrait créer un ordre juste, dans lequel tous recevraient leur part des biens du monde et n’auraient donc plus besoin des œuvres de charité. Dans cette argumentation, conclue Benoît XVI , il y a du vrai mais aussi beaucoup d’erreurs » (26). Les pasteurs de l’église ont perçu, mais avec lenteur, que le problème de la juste structure de la société se posait d’une manière toute nouvelle depuis la formation de la société industrielle au 19e siècle. (26) Nul ne peut oublier les grandes encycliques de Léon XIII, Pie XI, Jean XXIII et Paul VI, sans négliger celles de Jean-Paul II. « Face à des situations et à des problèmes toujours nouveaux, s’est développée une doctrine sociale catholique, qui, en 2004, a été présentée de manière organique dans le « Compendium de la doctrine sociale de l’Église.» (27) « Dans la situation difficile où nous nous trouvons aujourd’hui, à cause aussi de la mondialisation de l’économie, la doctrine sociale de l’Église est devenue un repère fondamental qui propose des orientations valables bien au-delà de ses limites. » (27)

Et nous touchons ici le point névralgique, attaqué une fois encore par l’éditorialiste de la revue Relations qui s’insurge devant le fait que l’Église semble rejeter sur les épaules de l’État les devoirs de justice et ne conserver pour elle que l’exercice de la charité. « Pour définir plus précisément la relation entre l’engagement nécessaire pour la justice et le service de la charité, il faut prendre en compte deux situations de fait fondamentales. » (28) Benoît XVI rappelle quel rapport existe entre justice et charité. D’une part le « service de la charité » est indispensable à l’Église. Mais, aux chrétiens engagés dans les professions publiques, le pape rappelle qu’il leur « revient, dans l’action politique, d’ouvrir toujours de nouvelles voies à la justice « afin que personne ne souffre de la misère. » Et, si par nature, l’Église ne fait pas de politique en première personne, dans le respect de l’autonomie de l’État, elle participe cependant « passionnément » à la « bataille pour la justice », en apportant la lumière de foi là où « la raison est aveuglée par des intérêts et par une volonté de puissance ». Au-delà de la justice, l’homme aura toujours besoin d’amour, qui seul donne une âme à la justice. Dans un monde blessé comme nous en faisons l’expérience de nos jours, il est vraiment nécessaire de démontrer cela. Le monde attend le témoignage de l’amour chrétien qui est inspiré par la foi. Dans notre monde, souvent si sombre, brille, par cet amour, la lumière de Dieu. »

« L’ordre juste de la société et de l’État est le devoir essentiel du politique». Benoît XVI ne parle pas ici de la politique, mais bien du politique, c'est-à-dire plus qu’une simple technique pour définir des ordonnances publiques. La justice est le but et la mesure intrinsèque de toute politique. Pour l’État une question est inévitable : comment réaliser la justice ici et maintenant ? Question qui en présuppose une autre plus radicale : qu’est-ce que la justice ? Ce problème concerne la raison pratique ; mais pour agir de manière droite, la raison doit être constamment purifiée. L’aveuglement suscité par la tentation de l’intérêt et du pouvoir est un danger qu’on ne peut jamais totalement éliminer ». (28) C’est ici que, on le voit, espérons-le, politique et foi se rejoignent. La foi ouvre à la justice de nouveaux horizons au-delà du domaine propre de la raison. Elle purifie la raison elle-même, elle la libère des aveuglements et l’aide à être elle-même meilleure. La foi permet à la raison de mieux accomplir sa tâche et de mieux voir ce qui lui est propre . » « La doctrine sociale de l’église sait qu’il ne revient pas à l’Église de faire valoir elle-même politiquement cette doctrine, - on ne peut être à la fois juge et parti – L’Église forme les consciences dans le domaine politique et contribue à faire grandir la perception des véritables exigences de la justice et en même temps la disponibilité d’agir en fonction d’elles, même si cela pouvait être en opposition avec des situations d’intérêt personnel. Cela signifie que si la construction d’un ordre juste, par lequel est donné à chacun ce qui lui revient, est un devoir fondamental pour chaque génération, c’est non moins un devoir politique, lequel ne peut être à la charge de l’Église. Celle-ci ne peut ni ne doit prendre en main la bataille politique pour édifier la société la plus juste possible. Elle ne peut ni ne doit se mettre à la place de l’État. Mais elle ne peut ni ne doit non plus rester à l’écart dans la lutte pour la justice. Elle doit s’insérer en elle en réveillant les consciences, les forces spirituelles sans lesquelles la justice ne peut s’affirmer ni se développer. La société juste ne peut être l’œuvre de l’Église, elle doit être réalisée par le politique ». (28) Cela me semble particulièrement clair et justifier la position de l’Église en matière de « combat pour la justice ».

Benoit XVI ajoute pertinemment : « L’amour sera toujours nécessaire, même dans la société la plus juste. Il n’y a aucun ordre juste de l’État qui puisse rendre superflu le « service de l’amour. » Il y aura toujours de la souffrance, de la solitude ; l’État ne peut assurer l’essentiel dont l’homme souffrant, - tout homme - a besoin, le dévouement personnel plein d’amour . La charité est sociale, tant au niveau de la personne que des groupes sociaux ; elle est globale comme l’enseignait Paul VI dans «
Populorum Progressio », et s’adresse à toute la personne. Certaine exagération du passé est souvent nécessaire, mais encore faut-il l’organiser dans une durée limitée et déboucher sur la mise à contribution des bénéficiaires eux-mêmes. Ce « service de la charité » n’est pas une organisation comme tant d’autres, elle est une expression nécessaire de l’acte plus profond de l’amour personnel avec lequel Dieu nous a créés, suscitant dans notre cœur l’élan vers l’amour, reflet du Dieu amour qui nous a faits à son image. » Une passion, quoi ! Cet amour n’offre pas uniquement aux hommes une aide matérielle, mais également réconfort et soin de l’âme . Aide plus souvent nécessaire que le soutien matériel. (28) « L’expérience de l’immensité des besoins peut nous pousser à tort vers l’idéologie qui prétend trouver la solution universelle à tous les problèmes, comme elle peut devenir une tentation de rester dans l’inertie, s’appuyant sur l’impression que, quoi qu’il en soit, rien ne peut être fait. » (36)

À quelle situation générale l’engagement pour la justice et l’amour font-ils face dans le monde d’aujourd’hui ? (30) D’abord, les moyens de communications réduisent la distance entre les humains. Le « vivre ensemble » est certes l’un des traits de notre civilisation, mais non sans susciter incompréhensions et tensions. Conséquemment, cette prise de conscience quotidienne de la grandeur de la souffrance dans le monde demande de nouvelles disponibilités pour secourir le prochain qui a tant besoin d’aide. Ce temps présent met à notre disposition d’innombrables instruments pour apporter une aide humanitaire à nos frères dans le besoin. C’est un des signes de notre temps : le sens croissant et inéluctable de la solidarité de tous les peuples. Les institutions ecclésiales grâce à la transparence de leurs moyens d’action et à la fidélité à leur devoir de témoigner de l’amour, peuvent animer chrétiennement les institutions civiles.

Les traits marquants de ce « service de la charité » seront avant tout la réponse à une nécessité immédiate, par la grâce d’une compétence professionnelle et non moins de l’attention du cœur. Ce service doit être indépendant de partis et d’idéologies, il n’est pas un moyen pour changer le monde de manière idéologique, mais mise en oeuvre ici et maintenant de l’amour dont l’homme a constamment besoin. Le programme du chrétien, le programme de Jésus est « un cœur qui voit ». Gratuit, l’amour ne peut servir à d’autres fins, ce qui ne veut pas dire qu’il laisse de côté Dieu et le Christ. C’est l’absence de Dieu qui est la racine la plus profonde de la souffrance (31) En somme, les collaborateurs qui accomplissent concrètement le service de la charité dans l’Église ne doivent pas s’inspirer des idéologies de l’amélioration du monde, mais se laisser guider par la foi et l’Évangile, qui, dans l’amour, deviennent agissants. (33) Et le fait de pouvoir ainsi s’impliquer, cette tâche est une grâce (35).

Concluons

Pour terminer sur une même note que le début, on comprend comment « agapè » est alors devenue aussi un nom de l’Eucharistie : dans cette dernière, l’agapè de Dieu vient à nous corporellement, « oui à la corporéité » pour continuer son œuvre en nous et à travers nous. C’est à partir de ce fondement sacramentel qu’on peut comprendre correctement l’enseignement de Jésus sur l’amour. Dans la communion eucharistique, sont contenus le fait d’être aimé et celui d’aimer les autres à son tour. Une Eucharistie qui ne se traduit pas en une pratique concrète de l’amour serait en elle-même tronquée. Les saints ont puisé dans la rencontre avec le Seigneur dans l’Eucharistie leur capacité à aimer le prochain de manière toujours nouvelle, et réciproquement cette rencontre a acquis son réalisme et sa profondeur précisément grâce à leur service des autres. Amour de Dieu et du prochain sont inséparables, ils constituent un unique commandement. (18) Et le « service de la charité » implique inévitablement « le combat pour la justice » en ce sens que l’amour inspirera la justice et ainsi que les coordonnées d’un ordre juste pour tous les humains.

Amour et justice se rencontrent.

Jacques Sylvestre o.p., animateur
 

(1)     Première partie: Lecture de l'évangile selon Benoît XVI,

Deuxième partie: Benoît XVI évoque l’amour humain comme « la plus belle chose de la vie »

Troisième partie: Benoît XVI, un nouveau langage ecclésiastique !

Quatrième partie : Le Christ, passion de Dieu selon Benoît XVI, 01.04.2006

 

Eucharistie, Sacrement de la Miséricorde. 08.04.2006 - MEDITATION - BENOÎT XVI

 

 

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