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19 Avril 2005
 

Benoît XVI, un nouveau  langage ecclésiastique !

 

 Sculpture de Thérèse d’Avila.

SAMEDI, 25 MARS. Troisième entretien quadragésimal. « Oui, ajoute le pape Benoît XVI, l’éros peut nous élever « en extase » vers le divin, c’est à dire nous conduire au-delà de nous-même. À cette fin, d’ajouter le pape, est requis un chemin de renoncements, de purifications et de guérisons » (5). Ce mot du Pasteur de l’Église catholique est nouveau dans le langage ecclésiastique...

Pour agrandir l'image:   Sainte Thérèse d'Avila

 

Les chiffres renvoient à la numérotation de l'Encyclique.

Pour lire ou enregistrer l'Encyclique du pape Benoît XVI: "Deus Caritas Est"

 

Extase vers le divin. (1)

L’Église serait-elle née dans un bar ou dans une taverne ? La question en fera sursauter plus d’un. Trois incidents peuvent susciter semblable interrogation. Le premier est extrait des Actes des Apôtres, le deuxième, du miracle de Cana et le dernier, de l’encyclique de Benoît XVI et son évocation de la civilisation grecque dans la première partie de sa lettre « Deus Caritas est ». De fait, l’amour y est maintes fois associé à l’éros et connote les termes « ivresse, dépassement de la raison, folie divine », le tout concentré dans l’expression « extase vers le divin » (5), « communion avec le divin » (4) Ces termes devraient en ce troisième entretien de Carême retenir notre réflexion et susciter une certaine conversion. Le titre aurait pu être « De la sagesse à la folie »

Premier incident : nous lisons dans les Actes des Apôtres que les témoins de la Pentecôte semblaient ivres comme s’ils avaient trop bu : « Au bruit qui se produisit, la multitude se rassembla et fut confondue. Les uns se disaient : « Que peut bien être cela ?» D’autres disaient en se moquant : « Ils sont pleins de vin doux ». Et l’apôtre Pierre de défendre les siens : « Non, ces gens ne sont pas ivres comme vous le supposez ; ce n’est d’ailleurs que la troisième heure du jour. » Mais c’est bien comme a dit le prophète : je répandrai de mon Esprit sur toute chair. Alors vos jeunes gens prophétiseront, auront des vision.» (Ac. 2,6-18)

Le deuxième incident, non moins saisissant, est le premier miracle, le signe que Jésus fit à Cana en Galilée. À la prière de Marie, sa mère, il changea l’eau en vin. Le vin : source d’ivresse, de joie, sens de la fête à laquelle Jésus avait été invité. La présence de Jésus à ces noces humaines peut faire mieux comprendre le sens privilégié de son aveu la veille de sa mort, au moment de partager la coupe de vin avec ses disciples : « Je ne boirai plus désormais de ce produit de la vigne jusqu’au jour où je le boirai avec vous de nouveau, dans le Royaume de mon Père .» (Mt. 26.29) Jésus avait en maintes occasions comparé son peuple et le royaume de cieux à une vigne (Is. 5.1+ ; Jr.2,21+ ; Os.10,2 ; Mt,20 et 21) : « Mon bien-aimé avait une vigne sur un coteau fertile. Il attendait de beaux raisins ; elle donna des raisins sauvages. »

Ivresse, folie, dépassement de la raison, extase. Un troisième incident justifie l’emploi de ces termes dans la lettre de Benoît XVI. Si nous revenions un moment sur quelques notes d’histoire, nous saisirons la clé d’un message inusité et à n’en pas douter l’une des sources vives de l’encyclique. Parlant d’amour de Dieu et des hommes, Benoît XVI n’hésite pas à évoquer « l’amour entre homme et femme qui s’impose à l’être humain » (3), auquel la Grèce antique donnait le nom d’« éros ». (3) Les Grecs voyaient en celui-ci une sorte d’ivresse, dépassement de la raison provenant d’une « folie divine. Et ils célébraient l’ « éros » comme une force divine, communion avec le divin. (4) « Oui, ajoute le pape Benoît XVI, l’éros peut nous élever « en extase » vers le divin, c’est à dire nous conduire au-delà de nous-même. À cette fin, d’ajouter le pape, est requis un chemin de renoncements, de purifications et de guérisons » (5). Ce mot du Pasteur de l’Église est nouveau dans le langage ecclésiastique et s’avère susceptible de « démesurer » l’amour dans lequel on se complaît trop souvent avec une certaine aisance, goût de la facilité, voire même routine.

Soucieux d’exposer sans retenue possible toutes les exigences chrétiennes de l’amour de Dieu et des hommes, le pape Benoît XVI s’appuie donc sur l’expérience humaine de l’ « éros » purifié , c'est-à-dire l’amour entre homme et femme, source d’ivresse, force divine et communion avec le divin. Ainsi le concevaient les Grecs par expérience. Ils étaient sûrement bien inspirés en greffant à l’amour l’ivresse, le dépassement de la raison provenant de la « folie divine ». (4) Cette expérience de l’amour entre homme et femme, que l’on célébrait comme une force divine, doit nous élever «en extase vers le divin», nous conduire au-delà de nous-même . (5) Sous la plume de Benoît XVI, ces mots ivresse, extase reviennent fréquemment. Comme s’il était de la nature de l’amour de nous déposséder, nous enlever toute maîtrise, faire fi de tout calcul et nous permettre toutes les folies. Dans le roman « Un homme et son péché, un personnage du nom d’Alexis fait jaser tout le village, et surtout l’avare Séraphin, pour ses folies. L’amoureux de Donalda, souvent ivre de la dive bouteille, est quand même d’une générosité sans mesure. N’est-ce pas cela l’amour : le dépassement de la raison, l’extase vers l’autre ? Notre amour ne pourrait-il pas parfois sinon toujours, ne devrait-il pas dépasser la mesure, devenir ivre de l’autre, s’élever jusqu’à l’extase vers l’autre? « Nous avons tout quitté pour te suivre », affirmaient les disciples de Jésus. « Tout quitter ».(Mt. 19,27) Et la pauvre veuve dont le Seigneur vanta la générosité dans la salle du Trésor, au Temple de Jérusalem : « En vérité, je vous le dis, cette veuve qui est pauvre, a mis plus que toux ceux qui mettent dans le Trésor. Car tous ont mis de leur superflu, mais elle, de son indigence, a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre » (Mc. 12, 43-44)

Ivresse, dépassement de la raison, folie divine ! Jamais, semble-t-il, l’Église n’a parlé de façon aussi réaliste et bouleversante de l’amour, et cette fois, non pour le décrier ou l’interdire sous quelque forme que ce soit, mais le purifier de tout calcul, le démesurer, le pousser à la limite sans limite. Ivresse, folie divine, extase, ces expressions ne sont pas sans évoquer à notre souvenir la magnifique sculpture de Thérèse d’Avila, à St-Pierre de Rome . Que de fois n’a-t-on pas interprété de façon charnelle l’oeuvre d’art qui représente la grande Thérèse. Le sculpteur expose la sainte qu’un ange darde au cœur en pleine extase d’amour. Folie divine, extase vers le divin, infiniment plus que plaisir sensuel, quoi que certains en aient pensé. (voir l'image en en-tête)

De ce regard porté sur l’éros, l’amour entre homme et femme, dans l’histoire et dans le temps, point de départ de la réflexion papale sur « Dieu est amour », deux aspects apparaissent clairement. Il existe avant tout une certaine relation entre l’amour et le divin . Et suite à notre réflexion sur « LE GRAND OUI DE L'HOMME AU CORPS », tirée d’un expression du pape lui-même, la foi chrétienne, loin de transformer en haine envers la corporéité l’apparente exaltation du corps, a toujours considéré l’homme comme un être dans lequel l’esprit et la matière s’interprètent l’un l’autre, se disent l’un par l’autre, et font ainsi tous deux l’expérience d’une nouvelle noblesse. L’éros peut ainsi nous élever, corps et âme, « en extase » vers le divin et vers l’autre, nous sortir de nous-même . C’est pourquoi est requis un chemin de renoncements, de purifications et de guérisons . (7) « Sains d’esprit », nous sommes tellement calculateurs, cherchant à éviter tous les risques de l’amour.

« Relecture de l’évangile selon Benoît XVI », ainsi avions-nous intitulé cette lettre encyclique de Benoît XVI. Celui qui n’a pas lu et réfléchi sur les premiers paragraphes de cette lettre ne peut comprendre : il en arrive à se demander si c’est toujours la même Eglise qui écrit, parle et vit ; il rejette d’emblée le texte ou lui donne un sens bien secondaire. Il faut bien le réaliser. Dans sa lettre, Benoît XVI, par l’évocation de l’ « éros », apporte à l’évangile de l’amour un sens tellement plus engageant et dérangeant que nous ne sommes habitués à comprendre. Il ne s’agit plus d’une loi mesurée et mesurable, mais d’un engagement sans mesure. La lettre d’ailleurs débute par une citation de l’apôtre Jean, le disciple que Jésus aimait : « Celui qui aime Dieu connaît Dieu parce que Dieu est amour ». Et plus loin, il précise :« Petits enfants, n’aimons ni de mots ni de langue, mais en actes et en vérité… » Et l’apôtre de prévenir : « À ceci nous saurons que nous sommes dans la vérité, et devant lui nous apaiserons notre cœur, si notre cœur venait à nous condamner. Car Dieu est plus grand que notre cœur, il connaît tout. » (1 Jean 3 + 4)

Cet ajout peut être regardé comme un pardon préalablement accordé à tous les faux pas de l’amour, car, comme le chante Gilles Vigneault, « Ah ! qu’il est difficile d’aimer, qu’il est difficile ! » Il est si facile de trébucher et d’avoir l’impression sinon la conviction de pécher lorsque, inspirés, aspirés par l’amour, nous dépassons la mesure. Comme si le fait d’aimer devait respecter des lois et coordonnées précises. Quelqu’un disait : « La mesure d’aimer est d’aimer sans mesure ». Les êtres susceptibles d’apporter au monde le témoignage de l’amour ne redoutent-il pas trop souvent de perdre un atout physique au dépens du sacrifice de leur cœur sur l’autel de l’amour ! En certains cas, nul n’oserait parler d’amour charnel ou corporel. D’où certaines frustrations de part et d’autre, tant de l’amoureux que de l’être aimé, comme si nous étions de purs esprits. Évoquons ici mère Térésa de Calcutta, Jean Vanier et autres dont tous les gestes traduisaient un amour sans mesure, exprimé autant par le corps que l’âme.

Une certaine formation a pratiquement dévalorisé l’expression corporelle de l’amour. On ne parle pas ici de relation sexuelle, mais de tout ce que nos sens peuvent exprimer en tant que regards, paroles, gestes… Le désir manichéiste d’éviter la main mise de la chair sur l’esprit a simplement muselé notre corps de telle sorte que seul l’esprit peut exprimer l’amour. Comme si nous étions de purs esprits ! À maintes reprises le saint Père insiste dans sa lettre sur l’implication de l’« éros », l’être humain en son intégralité, l’amour humain entre homme et femme. Comment connaître Dieu, qui pour nous révéler son amour et l’amour du Père, s’est fait homme et nous a aimés tant avec son corps que son esprit ?

Cet amour signé au coin de l’ivresse, de folie divine constitue véritablement l’extase vers le divin. « Celui qui aime connaît Dieu parce que Dieu est amour. » Benoît XVI définit cet amour et sa démesure comme centre de la foi chrétienne et réalité. Il le décrit rencontre avec un événement, avec une personne qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation définitive. (1) « Nul n’a plus d’amour que celui qui donne sa vie pour ses amis.» Telle a été la démesure de l’amour de Dieu pour nous : « Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous aimés et qui a envoyé son Fils en propitiation pour nos péchés » (1 Jn 4,10) Et cet amour dont Dieu nous a comblés, nous devons le manifester aux autres : « Bien-aimés, si Dieu nous a tant aimés, nous devons nous aimer les uns les autres. » (1 Jn 3,11-24)

Redisons-le : la mesure, l’archétype, le sens de l’amour, le saint Père les puise dans l’éros, l’amour entre homme et femme. Il a bien soin, quelques lignes plus loin, de dénoncer toute forme de prostitution de cet amour, le fait d’un amour indiscipliné qui n’est plus une montée, extase vers l’autre, mais chute, repli sur soi et dégradation de l’homme. «Il existe une certaine relation entre l’amour et le divin,» une relation de ressemblance. Mais le chemin ne consiste pas à se laisser dominer par l’instinct ; des purifications sont nécessaires. L’éros tente de nous élever « en extase » vers le divin, nous conduire au-delà de nous-mêmes. Et c’est pourquoi est requis un chemin de montée, de renoncements, de purification et de guérisons. »(5)

L’amour sans mesure comprend la totalité de l’existence dans toutes ses dimensions, y compris celle du temps. « Oui ! l’amour est extase, mais extase non dans le sens d’un moment, fut-ce un moment d’ivresse, mais extase comme chemin, comme exode vers l’autre, allant du « moi » refermé sur lui-même vers sa libération dans le don de soi et vers la découverte de Dieu. » (6) « L’amour promet l’infini, l’éternité – une réalité totalement autre que le quotidien de notre existence » (5) « L’amour n’est pas seulement un sentiment. Les sentiments vont et viennent, les sentiments passent. Le sentiment peut être une merveilleuse étincelle initiale, mais il n’est pas la totalité de l’amour. Il ne pourrait en être autrement puisque la promesse de l’amour vise à faire du définitif : l’amour vise à l’éternité . » (17)

« Qui cherche à conserver sa vie la perdra, et qui la perdra la sauvegardera. » (Lc. 17,33) Jésus a décrit ainsi son chemin personnel qui l’a conduit par la croix jusqu’à la résurrection, le chemin du grain de blé tombé en terre qui meurt et porte beaucoup de fruit. Mais il décrit aussi par ces paroles l’essence de l’amour et de l’existence humaine en général. (6) Ainsi l’Éros était célébré comme force divine, comme communion avec le divin (4), une extase vers le divin, découverte de Dieu et de l’autre. Et nous ferons l’expérience, la connaissance expérimentale de Dieu en aimant l’autre sans mesure comme Dieu nous a aimés.

Résumons.

Au point de départ, la question s’est posé de savoir si le message sur l’amour qui nous est annoncé par la Bible et la Tradition de l’Église avait quelque chose à voir avec l’expérience humaine de l’amour ou s’il ne s’opposait pas plutôt à elle. À ce propos, nous avons rencontré deux mots fondamentaux : « éros » comme terme désignant l’amour mondain, et « agapè » dont nous parlerons par la suite, comme l’expression qui désigne l’amour fondé sur la foi, et modelé par elle et tourné vers l’autre. Ces distinctions ont souvent été radicalisées jusqu’à les mettre en opposition entre elles. L’« agapè » serait typiquement chrétien et la culture non chrétienne serait caractérisée par « éros ». Si on voulait pousser à l’extrême cette antithèse, l’essence du christianisme serait alors coupé des relations vitales et fondamentales de l’existence humaine et constituerait un monde en soi, à considérer comme « plus admirable qu’imitable » mais fortement détaché de la complexité de l’existence humaine. (7)

L’amour est une réalité unique mais avec deux dimensions différentes : amour de soi et amour de l’autre. Là où cependant les deux dimensions se détachent complètement l’une de l’autre, apparaît une caricature ou, en tout cas, une forme réductrice de l’amour. (8) Nous avons vu que la foi biblique ne construit pas un monde parallèle, ou un monde opposé au phénomène humain originaire qui est l’amour, mais qu’elle accepte tout l’homme intervenant dans sa recherche d’amour pour la purifier, lui ouvrant de nouvelles dimensions. Cette nouveauté de la foi biblique se manifeste en deux points ; l’image de Dieu et l’image de l’homme. (8) Et c’est cet amour de tout l’être humain qui seul peut le conduire à l’extase vers le divin. En réalité, « éros » et « agape » ne se laissent jamais séparer complètement l’un de l’autre. Plus ces deux formes d’amour trouvent leur juste unité dans l’unique réalité de l’amour, plus se réalise la véritable nature de l’amour en général.

Comment comprendre vraiment les mots de l’apôtre Jean sans expérience humaine. L’amour, rappelait Benoît XVI, est le fait de l’homme en son intégralité, l’homme tout entier, corps et esprit. (5) Trop souvent, l’amour de Dieu et non moins de l’autre se résument en une appréciation, admiration purement spirituelle quand il n’est pas simplement égoïste. C’est pourquoi, il ne sera pas déplacé de contempler dans le quatrième entretien LE CHRIST, PASSION DE DIEU : jusqu’où est allé l’amour de Dieu pour nous. Puisse ce prochain entretien se terminer alors avec l’exclamation du psalmiste : « Qu’est-ce donc que l’homme pour que tu en prennes si grand soin ? » (Ps.8)

Jacques Sylvestre o.p.

(1)    
Première partie: Lecture de l'évangile selon Benoît XVI, 11.03.2006

          Deuxième partie: Benoît XVI évoque l’amour humain comme « la plus belle chose de la vie »

 

   Eucharistie, Sacrement de la Miséricorde. 25.03.2006 - MEDITATION

 

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