Benoît XVI: "Nous devons aller plus loin." 25.01.2006
Benoît XVI: "L'amour est gratuit" 25.01.2006
Le « désir », un mot cher à Joseph
Ratzinger, 25.01.2005
Première Encyclique du Pape Benoît XVI: la « raison de l’amour »
Présentation à
la presse
Pour un « engagement renouvelé au service de la
charité »
VATICAN, Mercredi 25 janvier 2006
– Pour Mgr Levada, la première
encyclique de Benoît XVI invite l’Eglise à un nouveau « service » dans la
charité.
Mgr Williams Levada résumait ainsi l’objectif de l’encyclique: «
L’encyclique nous offre une vision de l’amour pour le prochain, et de la
tâche ecclésiale de mettre en œuvre la charité comme accomplissement du
commandement de l’amour qui trouve ses racines dans l’essence même de Dieu,
qui est Amour. L’encyclique invite l’Eglise à un engagement renouvelé au
service de la charité (diaconie) en tant que partie intégrante de son
existence et de sa mission ».
Le préfet pour la congrégation pour la Doctrine de la foi a évoqué, lors de
l’échange avec les journalistes, sa « surprise » lorsque le pape a soumis
son texte à des consulteurs, mais il avouait que ce n’est pas une pratique
inhabituelle entre théologiens.
Pour ce qui est du contenu de l’encyclique, il y voit un texte « capital »
sur « l'image chrétienne de Dieu et de l'homme qui en découle », qui « veut
s’opposer à l’usage erroné du Nom de Dieu et à l’ambiguïté de la notion
d’amour si évidente dans le monde d’aujourd’hui ».
« Le Saint-Père, expliquait-il, veut démontrer comment les deux concepts
d’amour - éros et agapè des philosophes de l’Antiquité - ne s’opposent pas,
mais s’harmonisent pour offrir une conception réaliste de l’amour humain, un
amour qui corresponde à la totalité - corps et âme – de l’être humain.
L'agapè empêche l'éros de s'abandonner à l'instinct tandis que l'éros offre
à l'agapè la relation vitale de l'existence ».
Amour de Dieu et amour du prochain, ajoutait Mgr Levada, sont « inséparables
et se conditionnent réciproquement: ils sont un seul commandement ». Mais
l’amour du prochain, soulignait-il, « est une tâche non seulement pour tout
fidèle » mais aussi pour la « communauté des croyants, c’est-à-dire l’Eglise
».
Mgr Levada faisait aussi observer que le pape « veut répondre à l'objection
selon laquelle la charité envers les pauvres serait un obstacle à une juste
distribution des biens entre les hommes ».
Benoît XVI fait aussi, explique-t-il, « l'éloge des nouvelles formes de
fructueuse collaboration entre les institutions civiles et ecclésiales, en
évoquant le rôle du bénévolat ».
Une encyclique « programmatique »,
réflexion « lumineuse » sur l’amour chrétien
Présentation à la presse
La première encyclique de Benoît XVI, « Deus Caritas est », est «
programmatique », et elle constitue une « réflexion profonde et lumineuse
sur l’amour chrétien », souligne le cardinal Renato
Raffaele Martino, président du conseil pontifical Justice et
Paix, qui présidait à midi, en la salle de presse du Saint-Siège la
présentation du document, entouré de Mgr Williams Levada, préfet de la
congrégation pour la Doctrine de la foi et du président de Cor Unum, Mgr
Paul Josef Cordes. La coordination était assurée par le directeur de la
salle de presse du Saint-Siège, M. Joaquin Navarro Valls.
Pour ce qui est de la rédaction de l’encyclique M. Navarro Valls a indiqué
que le pape, au cours de son séjour dans les Alpes, l’été dernier, a achevé
un livre, disant qu’il attendait d’être à Castelgandolfo pour travailler à
son encyclique. Il a achevé son texte en décembre, il a fallu environ un
mois pour mettre au point les traductions.
Démentant certaines présentations dans les media italiens, le cardinal
Martino a défini cette encyclique comme « programmatique », « au sens le
plus élevé du terme », parce que le pape y invite les baptisés à « aller au
cœur de la foi chrétienne ».
Le cardinal Martino soulignait également que l’encyclique est parcourue par
un grand « souffle spirituel », en particulier dans sa première partie.
Devant le risque d’un « activisme social et caritatif sans âme », le pape,
faisait-il remarquer, appelle chacun à « cultiver les raisons et les
motivations spirituelles » qui découle du fait d’être « Eglise » et «
chrétiens », ce qui donne « sens et valeur au faire et à l’agir ».
Le cardinal Martino a ensuite évoqué le passage où le pape évoque le lien
entre la justice et la charité, et donne des orientations sur les
compétences respectives de l'Eglise et de l'Etat en matière de justice
sociale.
Le pape mentionne souvent, souligne le président de Justice et Paix,
l’enseignement social de l’Eglise, surtout aujourd’hui, alors que le « songe
marxiste s’est évanoui ». Mais aujourd’hui, la mondialisation comporte de
nouveaux défis.
Le pape enracine ainsi l’enseignement social de l’Eglise « dans la foi et
dans l’action purificatrice de la raison ».
Pour le cardinal Martino, un passage clef de l’encyclique est cette
affirmation que « la tâche de l’Eglise et de son enseignement social, pour
la construction d’un ordre social juste » consiste à « réveiller les forces
spirituelles et morales », en particulier pour promouvoir le bien commun.
« En tant que citoyens de l’Etat, [les chrétiens] sont appelés,
soulignait-il en citant l’encyclique, à participer à la vie publique. Ils en
peuvent pas pour autant abdiquer l’action économique, sociale, législative,
administrative et culturelle, multiple et diversifiée, destinée à promouvoir
le bien commun de façon organique et institutionnelle ».
Le cardinal Martino insistait sur ce message du pape: « La charité doit
animer toute l’existence des fidèles laïcs et donc aussi leur activité
politique, vécue en tant que charité sociale ».
Le pape, a poursuivi le président de « Justice et Paix », invite ainsi « une
spiritualité qui refuse aussi bien le spiritualisme intimiste que
l’activisme social et qui sache s’exprimer dans une synthèse vitale qui
confère unité, signification et espérance de l’existence ».
Le pape, disait-il, rappelle que la construction d'un ordre social et
politique juste est une préoccupation majeure de l'Eglise, et qu’en même
temps « l'Eglise a le devoir d'offrir sa propre contribution, par une
purification de la raison et une formation éthique, afin que les exigences
de la justice soient perceptibles et réalisables politiquement ».
Selon le pape, continuait le cardinal Martino, avec son enseignement social,
l'Eglise « participe à la construction d'un ordre social juste, en
réveillant les forces spirituelles et morales ».
Les fidèles laïcs sont ainsi « appelés en tant que citoyens à participer à
la vie publique » : ils ont la mission de « s'engager dans la société (...)
en coopérant avec tous en respectant les compétences et responsabilités de
chacun ».
Il insistait sur le fait que la présence du laïc dans la société constitue «
un service, un signe de la charité qui se manifeste dans la vie familiale,
culturelle, professionnelle, économique et politique ».
Il concluait par ce paragraphe de l’encyclique: « L’amour – caritas – sera
toujours nécessaire, même dans la société la plus juste. Il n’y a aucun
ordre juste de l’État qui puisse rendre superflu le service de l’amour.
Celui qui veut s’affranchir de l’amour se prépare à s’affranchir de l’homme
en tant qu’homme. Il y aura toujours de la souffrance, qui réclame
consolation et aide. Il y aura toujours de la solitude. De même, il y aura
toujours des situations de nécessité matérielle, pour lesquelles une aide
est indispensable, dans le sens d’un amour concret pour le prochain. L’État
qui veut pourvoir à tout, qui absorbe tout en lui, devient en définitive une
instance bureaucratique qui ne peut assurer l’essentiel dont l’homme
souffrant – tout homme – a besoin : le dévouement personnel plein d’amour ».
Une encyclique sur la
charité: une « première absolue »
Présentation à la presse
Mgr Paul Josef Cordes a souligné
l’importance de cette encyclique pour le dicastère qu’il dirige. C’est
pourquoi un congrès de deux jours sur le thème de la charité a précédé la
présentation de l’encyclique.
Il rappelait que Cor Unum « est responsable de l'exécution des initiatives
personnelles du pape comme signe de sa compassion pour certaines situations
de misère ».
Mgr Cordes a révélé que Jean-Paul II avait envisagé une encyclique sur la
charité, sans porter le projet à son terme.
Il a également souligné que cette encyclique sur la charité est une première
absolue dans les encycliques pontificales.
Le pape, disait-il, « nous recommande de faire attention à l’esprit avec
lequel nous répondons aux souffrances des autres », il est en effet «
convaincu que la foi a des conséquences sur la personne même qui agit et
donc, aussi sur la façon et l’intensité de son action de secours ».
« Aujourd’hui, disait Mgr Cordes, beaucoup sont prêts à aider qui souffre,
et nous le constatons avec gratitude et satisfaction. Mais cela pourrait
faire penser aux fidèles que la charité n’entre pas de façon essentielle
dans la mission de l’Eglise ».
L’exercice de la charité, disait encore Mgr Cordes, fait au contraire «
partie intégrante de l’héritage du Sauveur ». Les agences ecclésiales ne
peuvent pas s’identifier aux ONG, et il faut par conséquent éviter le risque
de la sécularisation dans ce domaine.
Le président de « Cor Unum » s’est attaché aussi à expliquer le passage où
Benoît XVI mentionne le marxisme.
« L’époque moderne, écrit le pape, surtout à partir du dix-neuvième siècle,
est dominée par différents courants d’une philosophie du progrès, dont la
forme la plus radicale est le marxisme. Une partie de la stratégie marxiste
est la théorie de l’appauvrissement : celui qui, dans une situation de
pouvoir injuste – soutient-elle –, aide l’homme par des initiatives de
charité, se met de fait au service de ce système d’injustice, le faisant
apparaître supportable, au moins jusqu’à un certain point. Le potentiel
révolutionnaire est ainsi freiné et donc le retour vers un monde meilleur
est bloqué. Par conséquent, la charité est contestée et attaquée comme
système de conservation du statu quo. En réalité, c’est là une philosophie
inhumaine ».
« Le document exprime l’idée, expliquait Mgr Cordes, que la foi donne une
dynamique singulière à l’engagement pour l’autre. Lorsque, par exemple, je
vais tendre la main à mon voisin, uniquement en raison de bons sentiments:
que se passe-t-il si mon voisin me rejette, comment résister sans la grâce
de Dieu? »
Il soulignait d’ailleurs que Benoît XVI a voulu « éclairer l'engagement
caritatif par son fondement théologique », car il est convaincu que « la foi
a des répercussions sur la personne même qui agit et donc par conséquent sur
les modalités et l'intensité de son aide ».
« Par chance, dans nos sociétés, remarquait Mgr Cordes, la mentalité
philanthropique est fréquente ». Cependant il faisait observer que « cela
peut aussi faire naître le doute chez les fidèles que la charité ne fait pas
partie essentielle de la mission ecclésiale ».
« Nous devons aller plus loin, au-delà de la clarification théologique: la
sensibilité actuelle de nombreuses personnes, surtout chez les jeunes,
comprend également un « kairos » apostolique. Elle ouvre de nombreuses
perspectives pastorales. Le nombre des bénévoles est considérable et
nombreux sont ceux qui réussissent à découvrir l'amour de Dieu dans leur don
au prochain par un amour désintéressé ».
Enfin, en rappelant que Benoît XVI cite la bienheureuse Mère Teresa de
Calcutta, le président de Cor Unum a affirmé que cela confirme la volonté du
pape de « lancer par cette encyclique un message de grande actualité ».
L’encyclique souligne en effet que « les saints sont les vrais porteurs de
lumière dans l’histoire, parce qu’ils sont des hommes et des femmes de foi,
d’espérance et d’amour ».