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Benoît XVI : passer de l'être pour soi à l'être
pour les autres
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Le 05 avril 2023 -
E.S.M.
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Être chrétien, clarifie Benoît XVI, signifie essentiellement passer de l'être pour
soi à l'être pour les autres. Par là s'explique aussi le sens réel
de la notion d'élection (choix parmi plusieurs), qui nous paraît
souvent si étrange. Elle n'est pas synonyme d'une préférence pour
tel individu particulier, qui le laisserait enfermé en lui-même et
séparé des autres, elle veut dire au contraire l'entrée dans la
tâche commune.
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Être pour les autres
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Benoît XVI : passer de l'être pour soi à l'être pour les autres
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►L'individu et le tout
2) Le principe « pour »
** Parce que la foi chrétienne exige l'engagement de l'individu,
mais en lui demandant d'être pour l'ensemble et non pour lui-même, le mot
« pour » exprime la véritable loi fondamentale de l'existence chrétienne :
c'est la conclusion qui découle logiquement de ce qui précède. C'est
pourquoi dans le sacrement principal, celui qui forme le centre du culte
chrétien, l'existence de Jésus-Christ est présentée comme une existence «
pour la
multitude » - « pour vous
40 », comme l'existence ouverte
qui rend possible et opère la communication de tous entre eux par la
communication en Lui. C'est pour cela que l'existence du Christ, comme nous
l'avons vu, s'accomplit et se réalise comme existence exemplaire lorsqu'il
est « ouvert » sur la croix. C'est pour cela que, annonçant et expliquant sa
mort, il peut dire : « Je m'en vais et je viens vers vous
» (Jn 14, 28) : du
fait que je pars, la cloison de mon existence qui me limite maintenant, est
brisée ; et ainsi mon départ est véritablement ma venue, dans laquelle je
réalise ce que je suis réellement, c'est-à-dire celui qui rassemble tous les
hommes dans l'unité de son nouvel être, celui qui n'est pas limite, mais
unité.
Les Pères de l'Église ont interprété en ce sens les bras étendus du Christ
en croix. Ils y voient tout d'abord la forme primitive du geste de la prière
chrétienne, de l'attitude de l'orante, telle que nous la rencontrons dans
les représentations émouvantes des catacombes. Les bras du Crucifié montrent
donc en lui l'adorateur, mais en donnant en même temps à l'adoration une
nouvelle dimension, qui fait la spécificité de la glorification chrétienne
de Dieu : ses bras ouverts sont aussi expression d'adoration précisément
parce qu'ils expriment le don total aux hommes, parce qu'ils sont le geste
de l'étreinte, de la fraternité pleine et sans réserve. Par référence à la
croix, la théologie des Pères a pu voir représentées symboliquement dans
l'attitude chrétienne de la prière, la coïncidence de l'adoration et de la
fraternité, l'inséparabilité du service des hommes et de la glorification de
Dieu.
* Être chrétien, signifie essentiellement
passer de l'être pour
soi à l'être
pour les autres. Par là s'explique aussi
le sens réel de la notion
d'élection (choix parmi plusieurs), qui nous paraît souvent si étrange. Elle
n'est pas synonyme d'une préférence pour tel individu particulier, qui le
laisserait enfermé en lui-même et séparé des autres, elle veut dire au
contraire l'entrée dans la tâche commune, dont nous parlions tout à l'heure.
Aussi l'engagement chrétien fondamental, l'accueil du christianisme,
représentent-ils l'abandon de tout égocentrisme et l'adhésion à l'existence,
toute tournée vers l'ensemble, de Jésus-Christ. Dans le même
sens, le mot de Jésus qui nous exhorte à porter la croix à sa suite
n'exprime nullement une dévotion privée, mais l'exigence,
que l'homme abandonne l'isolement et la tranquillité
de son « Moi
», et sorte de lui-même
pour suivre le Crucifié, en mettant une croix sur son « Moi »,
et en vivant pour les autres. D'une manière
générale d'ailleurs, les grandes images de l'histoire du salut, qui
constituent en même temps les grands symboles fondamentaux du culte
chrétien, sont des formes d'expression de ce principe du «
pour ». Pensons
par exemple à l'image de l'exode (sortie), qui depuis Abraham, et bien
au-delà de l'Exode classique de l'histoire du salut, - la sortie d'Egypte -
reste l'idée fondamentale qui régit l'existence du peuple de Dieu et de ses
membres : ceux-ci sont appelés à l'exode permanent du dépassement
d'eux-mêmes. Le même thème est sous-jacent à l'image de la Pâque - passage
-, dans laquelle la foi chrétienne a exprimé la connexion du mystère de la
croix et de la résurrection de Jésus avec l'idée de « sortie » de l'Ancien
Testament.
** Jean a rendu le tout dans une image empruntée à la nature.
Par là l'horizon s'élargit au-delà de l'anthropologie et de l'histoire du
salut jusqu'au cosmique : ce qui est présenté ici comme structure
fondamentale de la vie chrétienne est au fond déjà la marque de la création
: « En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain
de blé ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul s'il meurt, il
porte beaucoup de fruit » (Jn 12, 24). C'est une loi déjà dans
le domaine cosmique, que la vie ne prend naissance qu'à travers la mort,
à travers la perte de soi-même. Ce que la
création préfigure s'accomplit en l'homme et finalement en l'homme
exemplaire Jésus-Christ : en partageant le destin du grain de blé, en
passant par le sacrifice, en acceptant d'être livré et
de se perdre, il inaugure la vraie vie. En partant des expériences de
l'histoire des religions, qui sur ce point précisément rejoignent de très
près le témoignage de la Bible, on pourrait aussi dire que le sacrifice
alimente la vie du monde. Les grands mythes qui prétendent que le cosmos
serait issu d'un sacrifice primordial et ne pourrait vivre qu'en mourant
perpétuellement à lui-même, voué au sacrifice41,
ces mythes trouvent ici leur vérité et leur valeur. A travers ces images
mythiques apparaît le principe chrétien de l'exode : « Qui aime sa vie la
perd ; et qui haït sa vie en ce monde la conservera en vie éternelle
» (Jn
12, 25). Il faut ajouter, en terminant, que tous les dépassements opérés
par l'homme lui-même ne pourront jamais suffire.
Celui qui ne veut que donner et n'est pas prêt à recevoir, qui ne veut que
vivre pour les autres, sans reconnaître que lui-même vit du don et du
sacrifice des autres, don qu'il n'est pas en droit d'attendre ni d'exiger,
celui-là méconnaît le mode d'être fondamental de l'homme et altère
nécessairement le vrai sens de ce qu'est vivre les uns
pour les autres. Pour être féconds, tous les
dépassements de nous-mêmes exigent que nous sachions aussi recevoir de
l'autre et en fin de compte de cet autre qui est véritablement autre par
rapport à toute l'humanité, et en même temps pleinement uni à elle
: l'homme-Dieu Jésus-Christ.
Notes :
40. Ainsi dans le Canon de la messe,
conformément aux récits de l'institution Mc 14, 24 et par.
4l.
Cf. le mythe de Purusa de la religion védique : voir à ce propos P. REGAMEY dans F. KÖNIO,
Christus und die Religionen der Erde. Handbuch der
Religionsgeschichte, 3 vol., Freiburg, 1951,III, pp. 172 s.; - le même dans F. KÖNIG,
Religlonswissenschaƒtliches Wörterbuch, Freiburg, 1956, p. 470 s ; -
J. GONDA, Die Religionen Indiens, I, Stuttgart 1960, p. 186 s. - Le texte
principal sur ce point : Rigveda 10,90.
TABLE DES CHAPITRES :
1)
L'individu et le tout
2)
Le principe « pour »
3)
La loi de l'incognito
4)
La loi de la surabondance
5)
Accomplissement et espérance
6)
Le primat de l'accueil et la positivité chrétienne
7)
Résumé : l'essence du christianisme
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Sources :Texte original des écrits du Saint Père Benoit XVI -
E.S.M.
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 01.04.2023
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