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19 Avril 2005
 
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Le Vatican répond enfin à la dissidence

Dans les années qui ont suivi Vatican II, la polarité libéral - conservateur, qui avait été établie dans la plupart des rapports des sessions de Vatican II, continuait de servir habituellement d’explication aux querelles entre catholiques. Il y avait les libéraux, et il y avait les conservateurs.

 

Chapitre IV

Des laïcs ballottés par les théologiens

Les théologiens dissidents ne voulaient pas accepter une opposition aussi simple. Certains reconnaissaient au moins clairement l’autorité enseignante du Pape, mais ils contestaient le poids des véhicules de cette autorité enseignante, et en particulier la force de l’encyclique Humanae Vitae considérée non infaillible.

Ils estimaient que si un catholique avait le devoir de la prendre au sérieux, elle n’exigeait cependant pas qu’il y souscrive inconditionnellement. Autrement dit, l’encyclique n’était pas, en elle-même, le dernier mot sur la question. Les couples catholiques devaient former leur propre conscience. Voilà ce que disaient les théologiens dissidents les plus sophistiqués .

Mais que faut-il penser de cette assertion d’un théologien dissident selon laquelle, bien que " l’Église officielle " (le Magistère) enseigne une chose (par exemple que la contraception, l’activité homosexuelle, et d’autres actes sont mauvais), il se trouve des théologiens qui, comme lui, ne sont pas d’accord et que nous devons par conséquent suivre notre propre conscience et décider nous-mêmes ce que nous allons faire dans chaque cas ? Cet avis peut être compris de plusieurs façons.

Ce théologien dissident peut avoir une conception de la conscience telle que, si vous suivez votre conscience, vous faites ce qui est bien. Ainsi, lorsque votre conscience vous dit qu’il est bien de pratiquer la contraception, de vous livrer à des activités homosexuelles ou d’accomplir d’autres actes interdits, pour vous, il est bien d’agir ainsi. Si la mienne me disait que ce n’est pas bien, alors ce serait mal pour moi de faire tout cela. Étant donné que nos deux conclusions sont opposées, il semblerait que l’un de nous doive avoir raison et l’autre tort. Nous ne pouvons avoir raison tous les deux que si le fait de suivre sa conscience, quoi qu’elle nous dise, est toujours un bien. Et si des consciences différentes portent des jugements contradictoires, selon cette conception, de tels jugements doivent être considérés comme vrais pour ceux qui les portent .

L’enseignement catholique est différent : il dit que si chacun est tenu de suivre sa conscience, la personne dont la conscience est mal formée peut, tout en suivant sa conscience, commettre une action mauvaise. Cette personne est responsable dans ce cas de ne pas avoir bien formé sa conscience. Un catholique ne peut avoir une conscience mal formée que s’il refuse l’enseignement clair et répété du Magistère .

" Mais, pourrait objecter ce catholique, un théologien m’a dit que je pouvais ne pas tenir compte du Magistère. " Cela ne le relève naturellement pas de toute responsabilité morale pour sa mauvaise action. S’il veut suivre l’avis de ce théologien, un catholique doit présumer que cette mauvaise action est d’une certaine manière moralement licite. Mais le Magistère lui dit qu’elle ne l’est pas.

Par conséquent, en suivant sa propre conscience, il accepte le jugement du théologien et rejette celui de l’Église. Ce théologien exhorte le fidèle à choisir ce que l’Église a déclaré être moralement un mal.

Et c’est là le point capital : il n’est pas raisonnable de mettre un catholique dans l’obligation de résoudre lui-même ce différend. Pour ce faire, il lui faudrait devenir philosophe et théologien professionnel. Il est fort peu probable que ceux qui acceptent l’avis des théologiens dissidents puissent comprendre un grand nombre, sinon aucun, des arguments présentés dans des domaines aussi complexes que la contraception artificielle, l’activité homosexuelle, ou l’ordination des femmes . Les laïcs dissidents en sont donc finalement réduits à croire sur parole les théologiens dissidents qui leur disent que les arguments de l’Église sont imparfaits.

Or, contrairement à ces dissidents, je dis que les arguments présentés par l’Église dans ses déclarations sont à la fois bons et convaincants. Cela veut-il dire que le laïc se trouve dans une position où il peut accepter soit mon affirmation soit celle des théologiens dissidents qui affirment que les arguments de l’Église ne sont ni bons ni convaincants ? Si tel était le cas, les non-théologiens se trouveraient assurément dans une position peu enviable. Cela n’a cependant pas empêché les théologiens dissidents de mettre les catholiques dans un tel pétrin.

Les théologiens dissidents interprètent mal la question

Un théologien important, le jésuite John G. Milhaven, a pris la parole au cours d’une réunion théologique annuelle au Woodstock College, qui avait cette année pour thème " L’Église, style américain ". Il a commencé par énoncer un principe général : " Un époux et une épouse catholiques ont la responsabilité d’être dociles envers le Saint-Père et de lui obéir. Mais ils ont aussi une responsabilité l’un envers l’autre et envers leurs enfants. " 57 En d’autres termes, Humanae Vitae leur posait un problème moral grave qui impliquait un conflit d’obligations. Il y avait d’un côté le devoir d’un catholique de se conformer respectueusement à ce que le Pape et les évêques avaient à dire, et de leur obéir; et, de l’autre, le devoir envers le conjoint et les enfants .

Les lecteurs astucieux auront déjà relevé l’erreur. Les théologiens dissidents avaient en fait créé pour les couples catholiques et pour les catholiques en général un conflit bien différent de celui que mentionnait le père Milhaven et qu’on pouvait résoudre beaucoup plus facilement.

Le Pape a déclaré que la contraception artificielle n’est jamais un moyen licite d’assurer le bien des enfants ou les fins du mariage; le père Milhaven, de son côté, affirmait que la contraception artificielle pouvait être parfois un moyen légitime d’assurer le bien des enfants ou les fins du mariage. C’est que, affirmait le père Milhaven, les couples mariés pouvaient parfois se trouver obligés d’employer des moyens contraceptifs que le Pape avait déclarés moralement mauvais : " Par exemple, un couple marié qui a eu trois enfants en l’espace de quatre ans et dont les revenus, la résistance nerveuse et l’amour suffisent à peine actuellement à rendre heureuse cette famille de cinq – un tel couple pourrait bien être en droit, malgré l’encyclique, d’utiliser des contraceptifs. En fait, il pourrait même en avoir l’obligation. " 58

Le père Milhaven donnait cet exemple comme s’il s’agissait d’une décision morale que devait prendre un couple marié consciencieux. Mais en construisant ce cas, il offrait en réalité un avis aux couples mariés concernant des décisions morales qu’ils pourraient avoir à prendre à l’avenir. Il leur offrait une opinion soi-disant professionnelle et autorisée, opinion qu’il savait être en opposition avec celle qu’ils auraient reçue s’ils avaient eu l’occasion de lire Humanae Vitae. Il en avait même rajouté en suggérant qu’ils pourraient être obligés de suivre la voie qu’il leur ouvrait.

Et nous en arrivons ainsi au cœur même de la discussion entre les théologiens dissidents et le Pape – une discussion que la plupart des gens ont mal interprétée alors, et qu’ils continuent encore maintenant de mal interpréter . Le père Milhaven a pu avoir le sentiment qu’il faisait appel au jugement raisonné des couples mariés, mais il leur donnait en fait un avis qu’ils accepteraient non pas à cause de la force ou de la subtilité du raisonnement, ce qui très probablement les dépassait, mais en raison de sa qualité de prêtre et de théologien professionnel – en fait, parce qu’il est professeur de théologie pastorale à Woodstock College.

Le père Milhaven ne signalait donc pas l’existence d’un conflit entre l’autorité papale et les consciences catholiques; il créait un conflit entre deux autorités : d’un côté, l’autorité du Pape et des évêques – le Magistère – et de l’autre, sa propre autorité, celle d’un jésuite théologien.

Les théologiens dissidents lancent les laïcs à la dérive

Certains prétendent trouver dans ce conflit une raison de se réjouir; ils disent que cela ne peut conduire qu’à une plus grande maturité morale de la part des catholiques. Les fidèles doivent maintenant prendre eux-mêmes leurs décisions et cesser de faire telle ou telle chose parce que quelqu’un leur a dit d’agir ainsi, même si ce quelqu’un est le Pape. D’autres se demandent si la décision personnelle d’un catholique est la mesure de la foi catholique, ou si la foi catholique est la mesure de la décision personnelle d’un catholique .

Les défenseurs du père Milhaven pourraient répondre que les couples devraient s’intéresser à son message sans tenir compte de sa qualité de prêtre et de théologien, et qu’ils devraient concentrer leur attention sur son argument que la contraception peut être licite et même obligatoire pour des couples mariés, contrairement à l’argument du Pape qui déclare que cela est immoral. Le père Milhaven justifiait son opinion en disant que si, en certaines circonstances, les couples mariés n’emploient pas des moyens contraceptifs, les fins du mariage seront compromises. Le Pape avait écrit que l’usage des contraceptifs contredisait déjà la nature même du mariage. Le père Milhaven répliquait que le Pape n’était pas infaillible en parlant ainsi. Nous pouvons présumer que le père Milhaven n’était pas infaillible lui non plus.

Que devient alors dans tout cela le couple catholique ordinaire ? Peut-on attendre des deux époux qu’ils soient en mesure de choisir entre ces deux points de vue opposés en ne considérant que leurs mérites intrinsèques, sans parler de leur importance théologique ?

La vaste majorité des catholiques doit tabler sur la crédibilité de ceux qui leur donnent un avis. Ils doivent choisir entre des autorités, non entre des arguments. Les théologiens dissidents semblent ne tenir pratiquement aucun compte de l’angoisse que cela peut provoquer chez les fidèles et de la confusion engendrée par cette dissidence. Ils ont l’impression, semble-t-il, d’avoir libéré tout le monde d’une angoisse déjà existante, mais ils doivent se rendre compte que ce qu’ils ont fait, c’est demander aux fidèles d’accepter la parole des dissidents et de faire la sourde oreille à la parole du Pape et des évêques. Pour les laïcs, c’est l’autorité qui est en cause et non la contraception. Vers qui les laïcs devraient-ils se tourner ? Vers le Pape ou vers les théologiens dissidents ?

Pourquoi les théologiens doivent s’en remettre au Magistère

Ce qu’il y a eu d’extraordinaire dans les quarante dernières années, c’est que le discours théologique semble être passé de la salle du séminaire aux pages du New York Times. Les théologiens, seuls et en groupes, se sont permis d’exhorter les catholiques à des pratiques manifestement en opposition avec l’enseignement du Magistère. Comme nous l’avons vu d’après Vatican II lui-même, ceci n’est pas, n’a jamais été et ne pourrait jamais être une activité légitime de la part des théologiens ou de qui que ce soit dans l’Église. Il n’existe absolument aucune justification pour le fait que les théologiens soient descendus dans la rue pour chercher à mobiliser les fidèles contre le Magistère.

Les théologiens qui se refusent à jouer un rôle ecclésial subalterne par rapport au Magistère ont souvent dit qu’une telle fonction les réduirait au rang de simples perroquets qui ne feraient que répéter ce qu’a dit le Pape. Voilà une étonnante description de l’œuvre des grands théologiens qui ont honoré l’histoire de l’Église. Par ailleurs, suggérer que le travail d’un théologien consiste à rendre un jugement sur le Magistère ou à proposer des choses qui lui sont manifestement contraires est une description qui n’a absolument aucune justification.

Il est exact qu’il y a des degrés de gravité dans les choses que l’Église enseigne. Certains enseignements sont des dogmes définis solennellement; la plupart font partie du Magistère ordinaire. Tous sont infaillibles lorsqu’ils portent sur la Foi et la morale. Et dans tous les cas, l’autorité enseignante de l’Église est elle-même réglée par la Révélation. Il est certain que lorsque le Saint-Père se déclare en faveur d’un tribunal international sous l’égide des Nations unies, les catholiques reconnaissent qu’il ne s’agit là que d’une opinion exprimée par le Pape. Ce n’est pas une question de Foi et de morale et elle n’a jamais été enseignée comme telle. Être en désaccord avec le Pape sur ce point est tout à fait acceptable.

Mais lorsque le Magistère traite de ce qui le concerne en propre, la Foi et la morale, et que, sur la question de la nature du mariage, de l’acte conjugal et du caractère coupable de la contraception, le Magistère a parlé de façon répétée, constante et claire pendant des générations, toutes les conditions d’infaillibilité telles que Lumen Gentium les a exposées semblent être réunies, ce qui signifie que les catholiques – y compris les théologiens – doivent donner leur assentiment à ces enseignements.

Comment devraient opérer les théologiens

Mais supposons que quelqu’un pourrait montrer que ces enseignements ne sont pas infaillibles. Qu’adviendrait-il alors ?

Si Humanae Vitae, ou tout autre enseignement important, était une doctrine réformable, non infaillible, les théologiens qui penseraient trouver des défauts dans le fondement scripturaire ou traditionnel de cet enseignement et qui seraient d’avis que le raisonnement à l’appui de cet enseignement est sujet à controverse, ces théologiens pourraient, naturellement, développer leur pensée. Ils montreraient en quoi les arguments invoqués dans Humanae Vitae sont erronés. Ils en discuteraient avec d’autres théologiens. Il y aurait des échanges dans les journaux théologiques. D’autres théologiens apporteraient leur réponse. Un échange prolongé aurait lieu. Les arguments en faveur de l’enseignement et les arguments contre seraient discutés et rediscutés.

Imaginez que ceux qui estimaient que la doctrine réformable devrait être réformée l’ont emporté. Cela suffirait-il à retirer cet enseignement des manuels ? Non, les réformateurs auraient à présenter leurs arguments au Pape et aux évêques qui examineraient la question.

Discuter le pour et le contre des enseignements du Magistère est la fonction propre des théologiens. À diverses époques, de grands théologiens ont soulevé des difficultés concernant la doctrine de la Trinité, de l’Incarnation, et sur tous les articles du Credo. La Summa Theologica de saint Thomas d’Aquin est construite sur la base d’objections et de difficultés semblables. C’est la matière de la théologie comme de la philosophie. Mais, comme l’a dit le cardinal Newman, " Dix mille difficultés ne constituent pas un doute " 59  : le théologien n’est pas engagé dans une entreprise de scepticisme. En scrutant la Révélation, il travaille à l’approfondissement de sa propre foi et il aide les autres à approfondir la leur.

À qui est destiné un tel discours théologique ? Premièrement aux autres théologiens. Pour être capable de suivre ce que dit un théologien, il faut plus que de la foi et du raisonnement. Il y a bien des choses que nous devrions apprendre avant de pouvoir apprécier pleinement la teneur de la plupart des discussions théologiques. Saint Ambroise a dit que le Christ ne s’est pas fait homme pour que l’homme puisse devenir théologien. Ce qui signifie, entre bien d’autres choses, qu’il n’est pas nécessaire d’être théologien pour être un chrétien, ou un saint.

La tâche du théologien concerne l’Église tout entière : son rôle est ecclésial. Il est de ce fait nécessairement relié au Magistère. Comme nous l’avons vu dans le document Lumen Gentium, les théologiens ne constituent pas un autre Magistère concurrent. Rien de ce que dit un théologien ne peut en soi lier un autre chrétien. Rien de ce que dit un groupe – même important – de théologiens ne peut en soi lier les autres catholiques.

Cela signifie que si, dans le cas de la contraception, de l’ordination des femmes ou de tout autre enseignement sujet à controverse, nous apprenions qu’il s’agit d’une doctrine réformable, et si nous savions que les théologiens en discutent, et si nous avions découvert par la suite que beaucoup d’entre eux en ont conclu que la doctrine pouvait être réformée, leur conclusion n’aurait néanmoins pas de pouvoir obligatoire sur l’Église. Ils iraient plutôt soumettre leurs réflexions au Magistère et en attendraient la décision dans l’obéissance.

Tout cela serait approprié, convenable et parfaitement ordinaire.

Les théologiens fidèles affrontent les dissidents

Un point central de la déclaration Curran comme de celle du groupe Marquette est qu’en ce qui concerne une déclaration non infaillible, un catholique peut lui refuser son assentiment s’il a de bonnes raisons d’agir ainsi. Mais il n’y a même pas de consensus sur ce point parmi les théologiens. Le père Charles Meyer, professeur de théologie au St. Mary of the Lake Seminary à Mundelein, Illinois, au terme d’une analyse calme et conciliante, différait vivement d’avis sur cette question avec la déclaration Curran :

Ils partent essentiellement du principe que l’enseignement habituel de l’Église autorise les catholiques à être en dissidence d’avec les enseignements autorisés mais non infaillibles du Magistère lorsqu’ils ont pour cela des raisons suffisantes. Salva reverentia, cela n’est pas tout à fait vrai. L’enseignement habituel prévoit que ceux qui sont experts en la matière peuvent réserver leur assentiment pendant qu’ils soumettent aux autorités compétentes des raisons qui n’ont pas encore été considérées par le Magistère pour en arriver à sa décision.

Mais il n’y a pas d’opinion habituelle qui sanctionnerait leur établissement comme Magistère indépendant. Aucune opinion ne leur permettrait d’autoriser les fidèles à suivre une voie divergente de celle prise par le seul Magistère que connaisse l’Église du Christ.

S’il existe une fausseté sous-jacente à la déclaration des théologiens, c’est peut-être qu’il est possible de parvenir à la vérité plus facilement par la voie démocratique que par une décision d’autorité. Il est clair, naturellement, qu’en dehors de l’invocation du charisme d’infaillibilité, on ne peut d’aucune façon atteindre la vérité en soi. Tout ce que l’on peut espérer est, au mieux, une certitude pratique, une certitude qui peut être normative pour une décision personnelle dans l’action.

Il est difficile de voir comment, en poursuivant cette certitude, ceux qui professent leur engagement à la reconnaissance du Magistère, ceux qui reconnaissent qu’un leadership authentique dans l’Église est un héritage du Christ, peuvent encore être dédiés à ce principe et à ce leadership tout en refusant de les suivre. Leur position est, pour le moins, quelque peu anormale. 60

Si le père Meyer a raison sur ce point absolument crucial dans la position des théologiens dissidents, l’adjectif " anormale " peut apparaître trop faible pour qualifier leur position. Ils n’ont pas seulement réservé leur assentiment; ils ont également exhorté les autres à informer les fidèles qu’ils ne sont pas dans l’obligation de suivre l’enseignement d’ Humanae Vitae et d’autres enseignements solennellement définis de l’Église .

Combien plus anormale encore est la situation de ceux qui suivent cet avis.

La situation des laïcs s’aggrave

La déclaration du père Meyer place naturellement les laïcs dans une position plus difficile encore. On ne leur demande plus maintenant de choisir entre l’autorité déclarée des théologiens dissidents, d’une part, et le Pape et les évêques, d’autre part; ils font maintenant face à un conflit fondamental entre théologiens : celui des dissidents contre des théologiens comme le père Meyer qui nous dit qu’il existe une fausseté sous-jacente dans la position des dissidents qui ont fait cette déclaration publique et sont même passés à la télévision.

Quel niveau supérieur de maturité le fidèle devra-t-il avoir atteint pour s’y retrouver dans ce labyrinthe ! Il semble bien que les laïcs auront besoin d’un doctorat en théologie pour se faire une opinion quelconque, et ce diplôme ne fera que les autoriser à participer à une dispute interminable.

Le Pape, donnant suite aux réactions initiales à Humanae Vitae, avait ceci à dire :

L’enseignement de notre encyclique Humanae Vitae a eu de nombreux échos; et, à Notre connaissance, jamais, comme en cette occasion, ne sont parvenus au Pape autant de messages spontanés de remerciements et d’adhésion pour la publication d’un document, de toutes les parties du monde et de personnes de tous les milieux. Nous le disons pour remercier cordialement tous ceux qui ont accueilli Notre encyclique et Nous ont témoigné leur adhésion. Que le Seigneur les bénisse !

Nous savons que sont nombreux également ceux qui n’ont pas apprécié Notre enseignement et même ceux qui s’y opposent. Nous pouvons dans un certain sens comprendre cette incompréhension et même cette opposition. Notre parole n’est pas facile. Elle n’est pas conforme à un usage qui, malheureusement se répand aujourd’hui, considéré comme commode et apparemment favorable à l’amour et à l’équilibre familial.

Nous voulons encore le rappeler : la règle que Nous avons réaffirmée n’est pas Nôtre, mais elle est propre aux structures de la vie, de l’amour et de la dignité humaine; c’est-à-dire qu’elle découle de la loi divine. Ce n’est pas une règle qui ignore les conditions sociologiques ou démographiques de notre temps : elle n’est pas, en soi, contraire, comme certains semblent le supposer, ni à une raisonnable limitations des naissances, ni à la recherche scientifique et aux traitements thérapeutiques et moins encore à la paternité vraiment responsable, pas plus qu’à la paix et à l’harmonie familiale. C’est seulement une règle morale exigeante et sévère, toujours valide aujourd’hui, interdisant l’emploi des moyens qui empêchent intentionnellement la procréation et dégradent ainsi la pureté de l’amour et la mission de la vie conjugale . 61

La tranquille patience du Pape envers les critiques, tout en maintenant fermement l’enseignement d’ Humanae Vitae, est une leçon à retenir. Il ne manifeste aucune propension à lancer des anathèmes, à pratiquer des purges ou des expulsions. L’encyclique et les commentaires subséquents du Pape sont également exempts de tout triomphalisme. L’encyclique a un ton de tristesse, presque de répugnance, qui fait ensuite place à une confiance tranquille devant la vérité manifeste de son message. Paul VI connaît la sévérité de son enseignement, mais il sait aussi que ce n’est pas le sien mais celui de Dieu.

Il est clair que 1968 a marqué le début de la dissidence dans l’Église. Il serait impossible de retrouver à une quelconque époque antérieure que des théologiens ont revendiqué le devoir professionnel d’évaluer les enseignements du Magistère et d’en déterminer la valeur, de les accepter ou de les refuser. C’était à présent comme si, lorsque le Pape avait parlé, les théologiens devaient premièrement examiner minutieusement ce qu’il avait dit pour déterminer si cela leur était ou non acceptable. La chose était totalement nouvelle, elle n’a pas commencé avec Vatican II, mais avec Humanae Vitae.

Voilà où en étaient les choses dans les semaines qui ont suivi la publication d’ Humanae Vitae. Il ne fait aucun doute que la longue attente qui a l’a précédée – plus de deux ans et demi après la clôture du Concile – et le fait que beaucoup s’attendaient de bonne foi à ce que l’Église lève l’interdiction sur la contraception artificielle, constituent des circonstances atténuantes. Même ainsi, la réaction était sans précédent.

Personne n’aurait pu prévoir à l’époque l’importance qu’allait prendre cette dissidence inconsidérée d’avec Humanae Vitae. Nous en ressentons encore les effets.

Elle a créé une crise d’autorité dans l’Église et placé les laïcs dans la position impossible d’avoir à se prononcer sur des conflits entre le Magistère et les voix insistantes des théologiens dissidents et même, parfois, des conflits entre les fidèles et des théologiens dissidents. Pas étonnant que le déclin a commencé à partir de 1968.

Chapitre V

Le Vatican répond enfin à la dissidence

Dans les années qui ont suivi Vatican II, la polarité libéral - conservateur, qui avait été établie dans la plupart des rapports des sessions de Vatican II, continuait de servir habituellement d’explication aux querelles entre catholiques. Il y avait les libéraux, et il y avait les conservateurs. Ils s’étaient affrontés durant le Concile, et les libéraux avaient gagné. Du point de vue libéral, le drame de la période post-conciliaire était que les conservateurs tentaient de faire marche arrière pour défaire l’œuvre du Concile.

À mesure que le temps passait, le Vatican était de plus en plus considéré comme l’ennemi de Vatican II; et vers le milieu des années quatre-vingt, le cardinal Joseph Ratzinger, aujourd'hui pape Benoît XVI, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, était devenu la cible favorite des dissidents. Certains en sont même venus à considérer le Saint-Père lui-même, d'abord Jean_Paul II à présent  Benoît XVI, comme l’ennemi du Concile et l’adversaire à réformer.

La dissidence s’était institutionnalisée

En 1968, Humanae Vitae fut accueillie avec méfiance. Par la suite, comme elle avait rencontré peu d’obstacles, la méfiance est devenue la réponse théologique généralisée aux documents du Magistère. On pouvait compter sur les théologiens dissidents pour mettre en doute, critiquer et même rejeter les encycliques papales et les documents des représentants officiels du Vatican. Une tactique favorite était de prédire qu’on ne tiendrait aucun compte du document.

La confusion qui commença dans le sillage d’ Humanae Vitae en vint à caractériser l’Église. Sur toute question importante, on voyait surgir deux écoles opposées : les libéraux et les conservateurs. Le fait que le côté dit conservateur s’identifiait pratiquement au Pape et aux évêques ne posait guère de problème à ceux qui se voyaient comme un contre-Magistère et avaient élevé au rang de doctrine l’idée que tout et n’importe quoi, à moins d’être une déclaration infaillible, pouvait être contesté sans risque .

Pendant les vingt années qui ont suivi, la dissidence s’est poursuivie sans faiblir. Elle est devenue institutionnalisée . Les universités catholiques sont devenues le milieu habituel des théologiens dissidents et nombre d’entre elles, selon l’expression de Mgr Kelly, ont déclaré leur indépendance vis-à-vis de l’Église catholique. 62 Elles adoptèrent le point de vue que l’enseignement de l’Église était une force extérieure, étrangère au campus, et que lui permettre de jouer un rôle sur le campus serait compromettre la liberté de l’enseignement. Les dissidents trouvèrent asile dans les départements de théologie des universités catholiques où, de leurs postes permanents, ils rejetaient ou ridiculisaient même les déclarations du Magistère, allant jusqu’à enseigner à leurs étudiants d’en faire autant, le tout sans aucune intervention de la part des enseignants divinement attitrés de l’Église catholique.

Ces universités formaient les futurs enseignants des universités, des collèges et des écoles secondaires; elles formaient les directeurs d’éducation religieuse. Pendant des années, les étudiants de ces théologiens dissidents ont continué à se déployer dans l’Église, apportant avec eux cette idée curieuse qu’ils opéraient indépendamment du Magistère. Ils promulguaient la doctrine des dissidents, et non celle du Magistère.

Ce ne fut donc pas une surprise lorsque Thomas Sheehan écrivit dans la New York Review of Books que les dissidents avaient pris le contrôle de l’Église en Amérique. Il annonçait triomphalement et avec assurance qu’un " consensus libéral " de théologiens – c’est-à-dire des catholiques opposés au Pape – avait pris le contrôle des séminaires, des universités et de tous les autres postes importants dans l’Église. Ses fanfaronnades embarrassèrent même ses amis, mais il était difficile de montrer qu’il avait tort.

Les progressistes avaient gagné la bataille de Vatican II. Les progressistes l’avaient emporté dans les luttes qui ont fait suite au Concile. Et où est le problème ? Le problème est que la victoire dont parle Sheehan a été remportée sur le Magistère. On mettait le Pape à la poubelle de l’histoire de l’Église .

La situation était aggravée du fait que les dissidents avaient le contrôle des moyens de communication. Chaque fois que le Vatican parlait, c’est l’opinion des dissidents que recherchaient les médias séculiers, sachant qu’ils pouvaient compter sur une réaction négative .

Si les années écoulées depuis la fin du deuxième Concile du Vatican jusqu’à la publication d’ Humanae Vitae avaient semé la confusion parmi les fidèles, les décénies qui ont suivi, au cours desquelles on a permis à la dissidence de s’installer, ont pratiquement étouffé la voix du Magistère pour bien des catholiques .

Le cardinal Ratzinger lance un avertissement

Finalement, en 1985, deux événements se sont produits qui laissaient entendre que le Vatican prenait conscience de l’ampleur du problème. Il y eu d’abord le livre Entretiens avec le cardinal Ratzinger, une interview publiée par le brillant journaliste Vittorio Messori. Au cours de l’interview, le cardinal Ratzinger parla de façon franche et non équivoque des problèmes qui assaillaient l’Église post-conciliaire.

Deuxièmement, plus tard cette année-là, il y eut le second Synode extraordinaire pour commémorer le vingtième anniversaire de la clôture de Vatican II.

Amis comme ennemis ont vu un rapport entre les deux événements.

Entretiens avec le cardinal Ratzinger et le second Synode extraordinaire ont reconnu, puis examiné officiellement le faux esprit de Vatican II. Les dissidents ont vu dans les deux événements des tentatives pour faire revenir l’histoire en arrière, répudier le Concile et effectuer une restauration. L’Église reconnut cependant ouvertement qu’on avait tenté au cours des vingt dernières années d’utiliser Vatican II à des fins tout à fait étrangères au Concile . Entretiens avec le cardinal Ratzinger et le synode de 1985, montrant le véritable esprit aussi bien que la lettre du Concile, ont fourni à l’Église les moyens de démontrer que c’était les soi-disant progressistes – plutôt que le Pape et le Magistère – qui n’étaient pas en accord avec Vatican II.

Une vingtaine d’années  ont passé depuis Entretiens avec le cardinal Ratzinger et le second Synode extraordinaire. En les lisant aujourd’hui, on est frappé par leur réserve; il peut être difficile de comprendre pourquoi, à l’époque, ils ont soulevé la panique parmi les dissidents.

La patience du Vatican est grande

Le cardinal Joseph Ratzinger est Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi – jadis le Saint Office de l’Inquisition romaine, ajoutera invariablement le commentateur hostile. Il détient la fonction la plus importante de l’Église après le Pape lui-même. Appelé parfois le Panzer-Kardinal (le " Cardinal de fer "), 64 il est souvent accusé par les dissidents de vouloir démanteler Vatican II "

Un des grands mystères de la période qui a suivi Vatican II, c’est la raison pour laquelle un dissident voulait rester dans l’Église s’il pensait que la personne principalement responsable de veiller sur la pureté de la Foi s’employait à la démanteler. Également mystérieuse peut-être cette longue patience dont on fait preuve alors envers les théologiens et les autres qui, publiquement et de façon provocante, rejettent le Magistère pour se poser en antipapes, assurent les fidèles qu’ils n’ont pas besoin d’accepter des encycliques comme Humanae Vitae, et continuent néanmoins leur carrière, prospèrent, et obtiennent de l’avancement.

En 1985, la confusion des autorités qui a fait suite à la plus célèbre encyclique de Paul VI était devenue institutionnalisée. D’un côté, il y avait le Magistère, le Pape et les évêques; de l’autre, les théologiens qui se considéraient comme un deuxième Magistère rival. Le Magistère parlait sur la question de la contraception et sur une foule d’autres sujets; puis les théologiens dissidents, avec des degrés variables de courtoisie, rejetaient le Magistère et disaient aux catholiques qu’ils pouvaient suivre leur propre conscience – c’est-à-dire l’avis des théologiens.

Rétrospectivement, il semble incroyable que cette situation ait pu durer jusqu’en 1985, mais c’est ainsi. Non que le Magistère ait gardé le silence – loin de là. Jamais on ne vit une telle abondance d’encycliques et d’autres documents sortir de Rome. Mais presque sans exception, ils recevaient le même traitement qu’ Humanae Vitae. Après un moment de clarté venait l’habituelle obscurité.

Ce que le Cardinal a dit

Quelle était la position la position du Vatican en 1985 telle qu’elle apparaît dans Entretiens avec le cardinal Ratzinger et le synode ?

Le cardinal Ratzinger a commencé l’interview par une défense vibrante de Vatican II en rappelant que les catholiques qui acceptent ce Concile doivent aussi, et pour les mêmes raisons, accepter le Concile Vatican I, le Concile de Trente, et tous les autres Conciles. Il a rejeté l’idée selon laquelle Vatican II représenterait une rupture avec l’histoire précédente de l’Église. Comme tous les Conciles, a-t-il dit, Vatican II tire son autorité du Pape et des évêques en union avec lui : il est aussi déraisonnable de rejeter Vatican II et d’en appeler aux Conciles précédents que de prétendre embrasser Vatican II et rejeter les Conciles antérieurs. 65

Qu’est-ce qui a mal tourné avec Vatican II ?

Ce n’est pas ses enseignements, dit le cardinal Ratzinger – les documents qui ont été promulgués, mais la fausse interprétation qui en fut faite dans la période post-conciliaire. Le cardinal Ratzinger a noté qu’il était indéniable que les années qui ont suivi le Concile ont été une mauvaise période pour l’Église catholique. Après le Concile, il s’est produit des choses qui étaient directement en opposition avec les aspirations de Jean XXIII qui l’a convoqué et de Paul VI qui l’a poursuivi. 66 Ces Papes et les Pères du Concile s’attendaient à une nouvelle unité parmi les catholiques et à un zèle missionnaire; c’est la division et la dissidence qui sont venues. Le cardinal Ratzinger a cité la remarque de Paul VI que dans l’Église, nous semblons être passés de l’autocritique à l’autodestruction. 67 Une grande partie de cette histoire, a ajouté le cardinal, s’est déroulée sous la bannière de " l’esprit de Vatican II ", mais les problèmes dans l’Église ne viennent pas tous de Vatican II.

Leur cause externe a été celle de la révolution culturelle qui a secoué l’Occident : l’idéologie libérale radicale avec son caractère individualiste, rationaliste et hédoniste. Leur cause interne a été ces forces centrifuges, cachées et agressives – tantôt malveillantes, tantôt non – qui ont cherché à épouser les pires aspects de la modernité.

Pour le cardinal, cela faisait partie de " l’anti-esprit de Vatican II " 68 qui part du principe que l’histoire de l’Église commence avec Vatican II à la case départ. Ce qui amène comme résultat la confusion dans bien des domaines. Le manque de clarté sur la nature du sacerdoce a contribué à propulser de nombreux prêtres dans l’état laïc et même hors de la Foi. Les Conférences épiscopales, au cours de leurs réunions, paraissaient avoir réduit le vote de chaque évêque au statut d’un vote parmi d’autres, même si chaque évêque est en fait gardien de la Foi dans son diocèse et qu’il est directement relié au Saint-Père. L’étude des Écritures semblait avoir été détachée de l’Église. Les catholiques avaient perdu le sens du péché originel et succombaient à la permissivité morale et à la confusion au sujet du mariage. La réforme liturgique s’était développée dans des sens totalement inattendus et inacceptables, et les catholiques modernes tendaient à minimiser même l’Enfer et le Diable.

Le cardinal Ratzinger et le Vatican étaient décidément insatisfaits de la direction prise par l’Église depuis Vatican II. Beaucoup pensent que cette insatisfaction a conduit directement au second Synode extraordinaire.

Le Vatican tente de récupérer le Concile

Le 25 janvier 1985, depuis l’église Saint-Paul-hors-les-murs, Jean-Paul II annonça qu’un synode extraordinaire des évêques aurait lieu au Vatican, du 25 novembre au 8 décembre, vingt ans jour pour jour après la clôture du deuxième Concile du Vatican. Cette annonce causa presque autant de surprise que celle de Jean XXIII à propos du Concile :

Cette année marque le vingtième anniversaire de la conclusion du deuxième Concile du Vatican, dont la première annonce, comme nous le savons, a été faite par mon prédécesseur Jean XXIII, de vénérée mémoire, dans cette même basilique en ce même jour, le 25 janvier 1959. Vatican II demeure l’événement fondamental dans la vie de l’Église moderne : fondamental par son examen des richesses que lui a confiées le Christ qui, en Elle et grâce à Elle, prolonge et communique à l’homme le mysterium salutis, l’œuvre de la Rédemption; fondamental par son contact fructueux avec le monde moderne en vue de l’évangélisation et du dialogue à tous les niveaux, et avec les gens à la conscience droite. 69

Le Pape était jeune évêque lorsqu’il a participé au Concile; comme Paul VI, il avait consacré sa papauté à la mise en œuvre des enseignements du Concile. C’est le propre de la tradition de continuer à écouter les échos du passé, d’observer le retour des dates commémoratives, d’entrer dans l’avenir avec ces souvenirs qui sont un soutien pour l’âme. Cette note de commémoration allait être entendue très souvent durant la période qui allait de l’annonce du synode à son ouverture. Le Saint-Père allait même utiliser, dans un certain contexte, le mot de " nostalgie ". C’est un fait sur lequel il faut insister parce que, chose incroyable, dans les mois qui ont précédé le synode, et même pendant, il y avait ceux qui considéraient que le synode avait pour objet le rejet de Vatican II.

Ils étaient naturellement nombreux à avoir des raisons de craindre. Il y avait une certaine interprétation de Vatican II que menaçait assurément ce synode extraordinaire : le sens représenté par l’anti-esprit de Vatican II que le cardinal Ratzinger avait précédemment identifié comme l’ennemi du Concile. On dit qu’il n’existe pas de position si absurde qu’elle n’ait été épousée par un philosophe. Il semble également que dans les vingt années qui ont suivi Vatican II, il n’y ait pas eu de théorie ou de pratique si extravagante qu’il ne se soit trouvé un théologien pour dire qu’elle était en accord avec l’esprit de Vatican II. Au cours de ces deux décennies, le Concile avait servi d’arme à des catéchistes dans le vent, des liturgistes créatifs, et des théologiens moralistes antinomiens. *

Bien des bonnes âmes ont eu beaucoup à souffrir au cours de ces vingt années – les années postconciliaires. Ils voyaient l’Église se désintégrer pratiquement sous leurs yeux, tandis que des voix s’élevaient pour se réjouir des progrès réalisés, de la maturité nouvelle qui s’imposait. Pour le simple fidèle, les défections des prêtres et des religieux ne lui apparaissaient pas comme un progrès, non plus que la liturgie qui semblait vouloir faire de la Messe un rassemblement quelconque, sinon ouvertement sacrilège.

Le second Synode extraordinaire, convoqué pour confirmer, célébrer et promouvoir Vatican II pouvait difficilement ne pas tenir compte de cette crise. Entretiens avec le cardinal Ratzinger avait fait la distinction entre post concilium et propter concilium  : le cardinal Ratzinger affirmait que tout ce qui était sorti après le Concile en prétendant y être apparenté n’appartenait pas à sa lignée légitime .

Ce que les évêques ont vu

Le cardinal Danneels de Bruxelles avait la tâche de rassembler les réponses aux questions posées aux évêques avant la réunion afin de constituer l’ordre du jour des sessions. Il a remarqué la fréquence et le réalisme des réponses négatives.

De nombreux évêques ont signalé que le renouveau liturgique avait été insuffisamment préparé et que bien des prêtres ont oublié que la liturgie est le patrimoine de toute l’Église et non une performance individuelle . L’insistance sur la Parole de Dieu avait parfois isolé la Bible de son contexte vivant, la Tradition. " Cela s’est produit en raison d’un subjectivisme qui tente de prendre la place d’une réflexion ecclésiale et d’une interprétation authentique du Magistère. " 70

Certains pays présentaient un problème de catéchèse. " Le problème le plus grave semblait se situer dans le domaine de la relation entre la morale et le Magistère de l’Église. " 71

La confusion concernant la nature même de l’Église et la perte du sens qu’Elle est un mystère représentait un problème également sérieux.

Un bref discours du cardinal Bernard Law de Boston donne le ton du synode, en ce qu’il constitue un appui au deuxième Concile du Vatican et la reconnaissance des problèmes qui l’ont suivi et qui demandent qu’on s’y intéresse immédiatement :

Le déroulement du Concile et la joie de commencer un ministère sacerdotal ont coïncidé dans ma vie, car je venais d’être ordonné lorsque le Concile a débuté. Les bienfaits du Concile enregistrés comme des expériences de l’Église partout dans le monde et rapportés par le cardinal Danneels sont des bienfaits dont je peux moi aussi témoigner (...)

Le dépôt sacré de la Foi a nourri l’Église avant, durant et après le Concile. (...) Le Concile Vatican II a réaffirmé de façon efficace pour notre temps cet essentiel de la Foi. Les idées ont des conséquences, et lorsqu’il y a eu une appropriation du message entier et authentique de l’enseignement du Concile, il y a eu les nombreuses conséquences positives déjà rapportées.

Ces vingt années ont eu également des conséquences négatives. Ce ne sont pas les conséquences des idées de la Foi qui sous-tendent les documents du Concile, mais des conséquences enracinées dans une sécularisation de l’enseignement de l’Église et de sa mission. (...)

On peut trouver une cause d’anxiété pastorale dans le manque de persévérance de religieux et de prêtres, la dégradation de la fidélité conjugale et de la vie familiale, la diminution de l’assistance aux célébrations eucharistiques dominicales, le déclin dans la reconnaissance du sacrement de Pénitence. L’inquiétude provient des ecclésiologies théoriques et pratiques qui font violence à l’enseignement du Concile sur l’Église. (...) Trop souvent, la dissidence publique est élevée au rang de méthode théologique et même institutionnalisée dans des facultés et des universités catholiques, (...)

L’étude de ces phénomènes à la lumière de la Foi nous rappelle énergiquement à notre vocation de doctores et magistri fidei [" maîtres et gardiens de la Foi "]. (...)

Je propose la constitution d’une commission spéciale de cardinaux pour préparer un projet de catéchisme conciliaire. (...)

Les idées ont assurément des conséquences, et à titre de doctores et magistri fidei, nous devons enseigner de façon claire ces idées qui expriment le dépôt sacré de la Foi. 72

Le discours du cardinal Law est la quintessence de l’esprit américain tout en étant profondément catholique. La référence au dépôt de la Foi évoque l’annonce du Concile par Jean XXIII, et l’idée des évêques comme maîtres et gardiens de la Foi vient s’opposer à la sécularisation de l’enseignement et de la mission de l’Église. En voyant l’Église comme une communion, le cardinal Law relève un thème majeur du rapport final du synode. Sa suggestion d’un catéchisme conciliaire est aussi un élément important du rapport final : c’est une des trois suggestions que le Pape a particulièrement bien accueillies .

Il y avait dans le bureau de presse de nombreux journalistes vétérans de Vatican II. Comme de vieux soldats, ils flairaient des odeurs de poudre et grommelaient à la perspective d’un démantèlement du Concile. Mais ils avaient tort.

Ce que le synode a décidé

Ce synode était convoqué pour célébrer, confirmer et promouvoir Vatican II. Dans leur rapport final, les évêques s’entendaient pour affirmer que le Concile, dans son esprit comme dans sa lettre, n’avait pas été interprété ni appliqué de façon exacte – et qu’il était impératif d’y voir. La nature même de l’Église avait été obscurcie. Ils faisaient remarquer que l’Église est un mystère et déploraient la tendance à n’y voir qu’une organisation comme une autre.

Nous ne sommes probablement pas à l’abri de toute responsabilité pour le fait que les jeunes en particulier considèrent l’Église comme une simple institution. Ne leur avons-nous pas peut-être facilité ce point de vue en parlant trop souvent du renouveau des structures extérieures de l’Église et trop peu de Dieu et du Christ ? Il y a eu également de temps à autre un manque de discernement des esprits, et une incapacité à distinguer correctement entre une légitime ouverture du Concile au monde et l’acceptation d’une mentalité sécularisée et d’un ordre de valeurs terrestres. 73

Quant à l’Église elle-même :

Le Concile a décrit l’Église de diverses façons : le peuple de Dieu, le corps du Christ, l’épouse du Christ, le temple de l’Esprit Saint, la famille de Dieu. Ces descriptions de l’Église se complètent l’une l’autre et doivent être comprises à la lumière du Mystère du Christ ou de l’Église dans le Christ. Nous ne pouvons remplacer une fausse vision unilatérale de l’Église purement hiérarchique, par une nouvelle conception sociologique qui est également unilatérale. 74

Qu’en est-il du chaos doctrinal créé par les théologiens dissidents ? Étant donné l’état de l’Église en 1985, le rapport final fait preuve d’une étonnante aménité :

La théologie, selon la description bien connue qu’en donne saint Anselmne, est " la foi qui cherche à comprendre ". Comme tous les chrétiens doivent rendre compte de la foi qui est en eux (cf. 1 P 3.15), la théologie est particulièrement nécessaire à la vie de l’Église aujourd’hui. Nous reconnaissons avec joie ce qui a été fait par les théologiens pour élaborer les documents de Vatican II et contribuer à leur fidèle et fructueuse application. (...) Mais d’un autre côté, nous regrettons que les discussions théologiques ont de nos jours occasionné parfois la confusion parmi les fidèles. 75

Pour remédier à cette confusion causée par les théologiens, les évêques ont formellement recommandé la composition d’un catéchisme ou compendium de la doctrine catholique. Ce qui a donné le Catéchisme de l’Église catholique qui, lorsqu’il est apparu en 1992, a été comme on pouvait s’y attendre attaqué et rejeté par divers théologiens et symposiums théologiques.

Ce que le synode a accompli

Les journalistes du bureau de presse étaient généralement d’avis que le synode de l985 avait été une victoire pour les conservateurs, et les spéculations pour l’avenir allaient bon train. Ceux qui avaient souffert à cause de leur orthodoxie au cours des vingt dernières années allaient-ils maintenant se montrer magnanimes ? L’Église avait nettement l’intention de récupérer le Concile, selon l’esprit et la lettre, et repartir de là. Ceux qui étaient responsables d’une grande partie de cette confusion allaient-ils bien accueillir cette volonté de remettre les choses sur la bonne voie ? Les évêques allaient-ils réellement agir comme maîtres et gardiens de la Foi dans leurs diocèses ? Allait-on prendre des mesures pour contrer l’assaut mondial des théologiens dissidents contre le Magistère et corriger la perturbation et la distorsion consécutives dans l’enseignement de la morale catholique ?

La réponse à toutes ces questions, globalement, a été non.

Et elle est toujours non. Rares sont les évêques responsables de la bureaucratie qui sont parvenus à essaimer autour d’eux. Plus tôt, Thomas Sheehan s’était vanté que les catholiques adversaires du Pape dominaient les facultés des séminaires et les départements de théologie des universités; ils ont maintenant souvent pris le contrôle des chancelleries. Beaucoup trop d’évêques sont entourés de bureaucraties qui portent la marque d’une théologie dissidente .

Certes, on peut trouver ici et là un courageux prélat, un bon séminaire ou un théologien qui mérite ce nom, mais on retrouve trop souvent dans les paroisses la marque de la dissidence plutôt que celle du Magistère.

Comme auraient pu le dire les dissidents, "  Notre nom est Légion  ". 76

 

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