 |
Nicodème
ironisant un peu lourdement
|
Le 18 juillet 2024 -
E.S.M.
-
En ironisant un peu lourdement : « Comment un homme peut-il
naître une fois qu'il est vieux ?... (3.4) » Nicodème ne se doutait
pas qu'il énonçait une aspiration universelle, à laquelle le baptême
et la vie en Esprit apporteraient la réponse et que, désormais, il
serait donné à l'homme de connaître en Dieu une naissance éternelle.
|
|
Jacob Jordaens (1593-1678),
Jésus instruisant Nicodème. -
Pour agrandir l'image
►
Cliquer
« nul ne pourra entrer dans le royaume s'il ne naît pas de
l'Esprit ...(Jn
3.5)»
"
théologie monastique"
Le mystère
de l'Esprit demandait à être explicité et progressivement révélé aux hommes.
L'entretien avec Nicodème introduit cet enseignement de façon
abrupte :
A moins de naître d'en haut, nul ne peut voir le royaume
de Dieu...
A moins de naître d'eau et d'Esprit, nul ne peut entrer au
Royaume de Dieu.
Ce qui est né de la chair est chair, ce qui est né de
l'Esprit est esprit.
Ne t'étonne pas si je t'ai dit : il vous faut naître d'en
haut.
Le vent souffle où il veut, tu entends sa voix,
mais tu ne sais ni d'où il vient ni où il va.
Ainsi en est-il de quiconque est né de l'Esprit (3.3-9).
« A moins de naître d'eau et d'Esprit (3. 5)»... Avec la scène du
baptême du Christ, la continuité est manifeste. Cependant il ne s'agira pas,
dans cet entretien, d'allusion claire à un événement qui, déjà, a sa portée
historique et théologique définitive. Il s'agira d'une initiation qui, si
abrupte qu'elle soit pour l'homme charnel, procède avec précaution, par
répétition de mots simples et chargés de sens, et par l'emploi de symboles
connus, car fréquemment utilisés dans l'Ecriture : le vent, le souffle, et
l'eau.
En comparant l'Esprit au souffle et au vent, le Christ
reportait son interlocuteur aux origines. Il évoquait la Genèse et l'Esprit
de Yahvé planant à la création sur le chaos primordial pour l'ordonner et le
vivifier (Gn 1.2). Il évoquait aussi ce souffle que Yahvé « insuffle dans
les narines de l'homme, et grâce auquel l'homme devient un être vivant (Gn
2.7) ». Mais surtout il élargissait jusqu'à l'infini, en les référant à
l'Esprit Saint, les richesses spirituelles déjà contenues dans la « ruah
Yahvé [ La ruah — mot traduit dans les LXX par pneuma et en français
par « esprit » — « ouvre dans l'anthropologie biblique une nouvelle
dimension, celle qui est propre à la Révélation. Le pneuma biblique, c'est
en effet, en l'homme, la part surnaturelle, la participation à l'ordre
surnaturel. L'esprit de l'homme est ce qui, en lui, est capable de rencontre
avec l'esprit de Dieu, son Pneuma. C'est cette part en l'homme grâce à
laquelle l'inhabitation de l'esprit de Dieu n'est pas une intrusion
étrangère, mais est préparée, désirée, comme une ambassade en pays étranger
(cf. Rm 8.16). L'Esprit, c'est en l'homme une invitation permanente et
substantielle à une transformation, à une surnaturalisation, qui lui permet
de prendre part à la vie incréée de son Créateur. Le pneuma est déjà quelque
chose de surnaturel, les « arrhes » par lesquelles nous passons à un autre
ordre que l'ordre de la nature. Le propre de l'homme, c'est ce passage,
c'est cette participation à la vie du Créateur qui lui est offerte, et dont
l'esprit constitue les prémices
(TRESMONTANT, Essai sur la pensée hébraïque, pp. 109,110).»].
Ce qui caractérisait celle-ci en effet, c'était d'être
en l'homme « participation » à l'esprit de Dieu. La ruah est ouverture à
Dieu, participation au divin. Elle est en l'homme, ce qui n'est pas de lui,
mais de Dieu. Le « souffle »
fait vibrer l'homme au divin, lui fait respirer
Dieu. Il est la porte ouverte en lui à l'imprévisible, à l'indicible, à
l'inconnu divin.
Cependant l'esprit de Yahvé est aussi souveraine sagesse,
souveraine intelligence et prescience. Il guide toutes choses avec une
sûreté absolue vers leur accomplissement [(« L'esprit du Seigneur
remplit l'univers, et lui, qui tient unies toutes choses, sait tout ce qui
se dit » (Sg l .7 ; cf. aussi 7.25)]. Assimilé à la Sagesse, l'Esprit
de Yahvé est « le souffle de la puissance divine (« En Elle (la Sagesse) est
un esprit intelligent, saint, unique, multiple, subtil, agile, pénétrant,
sans souillure, clair, impassible, ami du bien, acéré... qui peut tout,
surveille tout, pénètre tous les esprits » (Sg. 7.22,23) », et il est doté
de perfections sans nombre qui font comprendre à l'homme que ce qui lui
paraît mystérieux est souveraine sagesse en Dieu. Comme dit encore l'auteur
biblique :
Nous avons peine à deviner ce qui est sur la terre,
et ne trouvons qu'avec effort ce qui est à notre portée.
Qui donc a pu découvrir ce qui est dans les cieux ?
Et ta volonté, qui l'aurait connue, si toi-même n'avais donné
la Sagesse,
et n'avais envoyé d'en haut ton Esprit Saint ? (Sg
9.16-18)
De cet Esprit Saint, le Christ annoncera bientôt à ses
disciples la venue. Mais, dès maintenant, il enseigne à ce Maître en Israël
que « nul ne pourra entrer dans le royaume s'il ne naît pas de l'Esprit
...(3.5)». Naissance aussi mystérieuse qu'elle est divine, car ce souffle,
bien qu'on entende sa voix, « nul ne sait d'où il vient, ni où il va
(3.8) ». Sa voix n'est donc pas perçue comme une parole. Celle-ci est
intelligible, et s'exprime de manière distincte. Le souffle divin est sans
paroles, intérieur, imprévisible dans sa venue comme dans ses effets.
Cependant, jamais l'Esprit Saint ne met l'homme en contradiction avec ce que
la Parole lui a enseigné. Une secrète continuité existe. Elle n'empêche pas
que l'Esprit ait sa manière à lui de faire pénétrer en nous la vie, manière
assimilatrice et transformante, secrète et continue.
Alors que « naître de l'eau [Par ces mots l'on
envisage ici la naissance à la Parole, entraînant par baptême la qualité
d'enfant de Dieu, mais si l'eau annonce le baptême, elle est aussi le
symbole de l'Esprit. Et ce baptême d'eau lui-même n'aura sa pleine
signification et vertu que si, dans cette eau, l'Esprit opère, pour faire
que cet acte, accompli dans le temps, demeure perpétuellement « en acte
»] se réduit dans le temps à un acte déterminé exigeant une
adhésion de foi [« A tous ceux qui l'ont reçu...
à ceux qui croient
en son Nom, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu » (1. 12)
] ; «
naître de l'esprit » (3.5) est une réalité en perpétuel
devenir, et marquée d'une exigence de renouvellement incessant. C'est à
l'Esprit que nous devons de faire de notre qualité « d'enfants de Dieu
(1.
12) » une réalité en acte et en constant exercice. De part et d'autre, il y
a naissance, mais selon deux formes très différentes. Tandis que l'une est
un fait précis, accompli une fois pour toutes dans le temps, l'autre est
toujours in fieri (en devenant),
en acte d'accomplissement. Ceci permet d'entrevoir
précisément la dimension nouvelle de cette vie en esprit de l'enfant de
Dieu. On ne peut pas dire que ce soit une nouvelle « manière d'être », c'est
beaucoup plus : c'est la révélation et l'activité en nous de la vie divine
elle-même, la « vie de la Vie », et, par notre participation active à cette
Vie, notre progressive transformation en elle. Il en résulte pour nous une
manière entièrement nouvelle de connaître, de penser, de désirer, d'opérer,
de souffrir ; en un mot : de « vivre », à la fois « sous » le souffle et «
du » souffle de Dieu.
On saisit combien le symbole du souffle conduit à celui de
l'eau et interfère avec lui. Car l'eau, par-delà le symbole de purification
et de régénération, est déjà, dans l'Ancien Testament et plus encore ici, le
symbole d'une pénétration lente et d'une mystérieuse emprise sur les âmes.
Elle les visite, les ouvre, les féconde. Elle leur fait saisir de
l'intérieur, par une sorte d'imprégnation, ce qui leur demeurait extérieur.
Elle les rend perméables. L'eau, c'est encore la douceur dans la force, et
la force dans la douceur. C'est la montée irrésistible qui, recouvrant tout,
baigne tout dans l'unité. L'âme était prisonnière du multiple, et voici sans
qu'elle sache comment qu'elle se trouve enveloppée par cette présence qui
s'insinue de partout, et silencieusement, fait l'unité.
L'eau, c'est aussi
le milieu propre à la vie, à sa préparation, à sa germination, à son
éclosion, c'est le sein maternel... et il n'est pas interdit de penser que
le Christ en descendant lui-même dans les eaux du Jourdain, et en
s'immergeant en elles, a voulu faire entendre que les hommes pourraient
désormais réaliser la secrète aspiration qui les pousse à revenir à leurs
origines, à refluer vers leur source [II ne fait pas de doute que la
convergence entre le plan surnaturel et le plan psychologique, voire
psychanalytique, n'est pas fortuit.]
Ce qui n'est pas possible dans l'ordre naturel : « Un homme peut-il une
seconde fois entrer dans le sein de sa mère et naître ?...(3-4)» l'est
dans l'ordre surnaturel. Enfants de Dieu, nous avons à revenir à lui dans le
Christ, à nous cacher en lui, à refluer vers lui comme vers notre source
éternelle, et éternellement en acte de filiation. Il est notre Jourdain
spirituel, et il nous faut être,« in sinu Christi (dans le
sein du Christ)» comme lui-même est « in sinu Patris ». En ironisant un peu lourdement :
« Comment un homme peut-il naître une fois qu'il est vieux
?... (3.4 - cf. L. BEIRNAERT, Symbolisme mythique des eaux du baptême,
Cahier de la Maison Dieu, n° 22). » Nicodème ne se doutait pas qu'il
énonçait une aspiration universelle, à laquelle le baptême et la vie en
Esprit apporteraient la réponse et que, désormais, il serait donné à l'homme
de connaître en Dieu une naissance éternelle.
Il semble donc qu'il ne soit guère possible de séparer ces
deux symboles : souffle et eau, en tant qu'ils signifient l'action propre de
l'Esprit dans les âmes. L'eau jouit pourtant d'une prédilection certaine
chez saint Jean. Non seulement au Jourdain (1.31-34), à Cana (2.1-11), avec
Nicodème (3-5), elle apparaît instrument de salut et ordonnée au sacrement
futur, mais elle est aussi l'élément de choix du miracle de Bézatha (1-9) et
de la marche sur les flots (6.16-21). Elle est enfin le thème de
l'enseignement à la Samaritaine (4.5-16), ainsi qu'aux disciples dans le
lavement des pieds (13.2-17). Elle exprime la vie
lorsqu'elle sourd du côté transpercé du Christ (19.34), et elle
symbolise le milieu dans lequel les «pêcheurs d'hommes» exerceront leur
apostolat (Mt 4.i9). Jean semble donc bien avoir vu en elle la porteuse de
vie, la porteuse du don de Dieu.
Le don de Dieu !... Celui-là seul le reçoit, qui en ressent
le désir et la soif. L'Esprit n'est pas l'eau seulement ; plus foncièrement
encore, si l'on peut dire, il est cette soif qu'il éveille en nous afin de
pouvoir l'étancher. La scène du puits de Jacob (4.4-42) en est une
illustration admirable.
Le Christ saisit l'expédient le plus propre à atteindre cette
femme, qui ironise sans doute parce qu'elle n'a pas encore clairement
conscience de la soif qu'elle éprouve ; elle la repousse au fond de son
cœur, mais le Christ va la libérer : « Si tu savais le don de Dieu, et
qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire, c'est toi qui l'en aurais
prié, et il t'aurait donné de l'eau vive (4-9) ». Et il poursuit :
Qui boira de l'eau que je lui donnerai, n'aura plus jamais
soif.
L'eau que je lui donnerai, deviendra en lui source
d'eau
jaillissant en vie éternelle
(4-14).
Presque dans les mêmes termes, il s'écriera au jour de la
fête des Tabernacles :
Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive,
celui qui croit en moi. Selon le mot de l'Écriture :
de son sein couleront des fleuves d'eau vive (7.37,38).
Pour les Israélites qui écoutaient, ces paroles évoquaient
leur pays aride et le désert tout proche. Elles évoquaient aussi, dans le
passé où tout Israélite plonge ses racines, la longue pérégrination dans les
solitudes désolées, les eaux amères bues dans la révolte. Ceux auxquels
parle Jésus savent que la soif tue infailliblement. L'Eden était pour eux ce
pays où coulent quatre fleuves (Gn2. 10), et le Temple, cet édifice qui sera
traversé d'eau courante (ÉZ 47). Les psalmistes avaient chanté le bonheur du
juste, planté comme un arbre au bord des eaux (PS 1.3). Le prophète enfin
les avait mis en garde contre « les citernes lézardées, qui ne tiennent pas
l'eau (Jr 2.I3) ».
La soif, pour tout homme qui l'a connue, c'est le mirage dans
le désert et l'angoisse de la mort. Jésus suscite cette hantise chez ses
auditeurs, pour leur promettre, avec le rassasiement de leur soif, un don à
jamais inépuisable (PS 42.2). Aussi la femme de Samarie s'écrie-t-elle : «
Donne-la-moi, cette eau, Seigneur, afin que je n'aie plus soif !
(4-15) » Dans ces mots où se manifeste la soif de l'eau vive, n'est-ce pas
la vie en Esprit, après laquelle, sans encore la connaître, elle soupire
déjà ?
Soif, eau : ces mots élémentaires comme ceux de vie et de
mort, suffisent à porter au sommet du mystère l'âme qui les entend.
L'Esprit Saint - 1 : Introduction
L'Esprit Saint - 2 :
Le Christ, l'Oint de Yahvé, qui seul reçoit l'Esprit en plénitude et en dispose
L'Esprit Saint -
3 : Toute la scène du Jourdain est trinitaire
L'Esprit Saint -
4 : Nicodème
ironisant un peu lourdement
L'Esprit Saint -
5 : La croix se dresse au carrefour où la foi tremble et
hésite
Les
lecteurs qui désirent consulter les derniers articles publiés par le
site
Eucharistie Sacrement de la Miséricorde, peuvent cliquer
sur le lien suivant
► E.S.M.
sur Google actualité |
.Sources :Extraits d'un texte
original des écrits d'un ami, le Père Paul Marie de la Croix O.C.D.-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 18.07.2024
|