Benoît XVI a interpellé « les peuples
qui ont reçu l'annonce de l'Évangile » |
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Le 15 novembre 2008 -
(E.S.M.)
- II est difficile, à l'heure actuelle, de dresser un bilan de
l'assemblée synodale, car il appartient au pape Benoît XVI lui-même d'en
dégager après coup des lignes directrices, précisément pour la vie et la
mission de l'Église, en principe sous la forme d'une exhortation
post-synodale.
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La lectio Divina
Benoît XVI a interpellé « les peuples
qui ont reçu l'annonce de l'Évangile »
A l'écoute de la Parole
Le 15 novembre 2008 - Eucharistie
Sacrement de la Miséricorde
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Du 5 au 26 octobre dernier s'est tenue à Rome la XIIe Assemblée générale
ordinaire du synode des évêques consacrée à « la Parole de Dieu dans la
vie et la mission de l'Église ».
II est difficile, à ce stade, de dresser un bilan de cette
assemblée synodale, car il appartient au pape lui-même d'en dégager après coup des
lignes directrices, précisément pour la vie et la mission de l'Église,
en principe sous la forme d'une exhortation post-synodale.
La messe d'inauguration du synode a été célébrée en la basilique
Saint-Paul hors-les-Murs, pour souligner la providentielle concomitance
de la tenue du synode sur la Parole de Dieu et du
bimillénaire de la
naissance du prédicateur universel de cette Parole. Au cours de
l'homélie de cette messe, Benoît XVI a interpellé «
les peuples qui ont
reçu l'annonce de l'Évangile » mais n'y ont pas été fidèles : « Si
nous regardons l'histoire, nous sommes obligés de noter assez
fréquemment la froideur et la rébellion de chrétiens incohérents. Suite
à cela, Dieu, même s'il ne manque jamais à sa promesse de salut, a
souvent dû recourir au châtiment. On pense spontanément, dans ce
contexte, à la première annonce de l'Évangile, de laquelle surgiront des
communautés chrétiennes d'abord florissantes, qui ont ensuite disparu et
ne sont plus rappelées aujourd'hui que dans les livres d'histoire. Ne
pourrait-il pas advenir de même à notre époque ? Des nations un temps
riches de foi et de vocations perdent désormais leur identité propre,
sous l'influence délétère et destructive d'une certaine culture moderne.
» L'évocation d'un Dieu qui châtie est aujourd'hui « religieusement
incorrecte » pour ceux qui entendent filtrer l'Écriture Sainte.
(Benoît XVI,
Homélie de la messe d'inauguration)
Vestige de chrétienté ?
Est-ce le destin de l'Occident que de devenir vestige de chrétienté ? La
mort de Dieu n'a-t-elle pas été thématisée par cette culture de mort : «
On y trouve celui qui, ayant décidé que "Dieu est mort", se déclare
"dieu" lui-même, et se considère le seul artisan de son propre destin,
le propriétaire absolu du monde. En se débarrassant de Dieu et en
n'attendant pas de Lui son salut, l'homme croit pouvoir faire ce qui lui
plaît et se présenter comme seule mesure de lui-même et de sa propre
action. Mais, quand l'homme élimine Dieu de son propre horizon, qu'il
déclare Dieu "mort", est-il vraiment plus heureux ? Devient-il vraiment
plus libre ? Quand les hommes se proclament propriétaires absolus
d'eux-mêmes et uniques maîtres de la création, peuvent-ils vraiment
construire une société où règnent la liberté, la justice et la paix
?
N'arrive-t-il pas plutôt - comme nous le démontre amplement la chronique
quotidienne - que s'étendent l'arbitraire du pouvoir, les intérêts
égoïstes, l'injustice et l'exploitation, la violence dans chacune de ses
expressions ? Le point d'arrivée, à la fin, est que l'homme se retrouve
plus seul et la société plus divisée et confuse. »
L'autosuffisance de l'homme a abouti à son aliénation car s'émanciper de
Dieu, c'est s'asservir à des formes plus ou moins insidieuses de
tyrannie. Alors, de même que le maître « abandonne à leur destin les
vignerons infidèles [mais] ne se détache pas de sa vigne et la confie à
d'autres serviteurs fidèles », de même « si dans certaines régions la
foi s'affaiblit jusqu'à s'éteindre, il y aura toujours d'autres peuples
prêts à l'accueillir ». L'avenir de l'Église est-il donc dans les
anciennes terres de mission ? Toujours est-il que l'assemblée
synodale débute par un examen de conscience sur les fruits - beaux
raisins ou raisins sauvages - de l'évangélisation.
Un des grands enjeux du synode était de faire sortir l'exégèse biblique
de la dictature exercée par la méthode historico-critique. Voici ce
qu'en dit en termes particulièrement appropriés le cardinal canadien
Marc Ouellet, rapporteur général du synode : «
Le modèle contemplatif de
la théologie monastique et patristique a cédé la place à un modèle
spéculatif et souvent polémique sous l'influence des erreurs à combattre
et des découvertes historiques, philosophiques et scientifiques.
Ajoutons encore le tournant anthropocentrique de la pensée moderne, qui
a écarté la métaphysique de l'être au profit d'une épistémologie
immanentiste. Prisonnier de l'enceinte enchantée du cogito
(Ricœur),
l'homme est fasciné par ses propres prouesses spéculatives
(Hegel), mais il perd le sens de l'émerveillement devant le mystère de
l'être et de la Révélation. » Le pragmatisme apologétique, le modèle épistémologique des sciences positives et le rejet de la philosophie de
l'être sont les causes de la perte du sens de la Parole de Dieu. La
réaction à cette exégèse desséchée n'est pas moins dangereuse: le
fondamentalisme. Le cardinal Polycarp Pengo, de Tanzanie, voit dans la «
distance entre la recherche exégétique et l'élaboration théologique »
une des raisons de « l'exil des fidèles catholiques qui abandonnent
l'Église pour rejoindre des sectes pentecôtistes ».
La lectio divina
D'autres formes d'instrumentalisation de la Parole de Dieu ont été
relevées. Ainsi, selon Mgr
Palma Paul, du Guatemala, « une nouvelle
gnose introduit dans l'interprétation biblique des éléments étrangers à
l'essence du christianisme ». Cet évê-que évoque la « théologie de la
prospérité » fondée sur la vision d'« un faux dieu à l'apparence
biblique, mais non chrétien, qui limite la portée de son action dans la
vie humaine à la pauvreté comme malédiction et à la richesse comme
bénédiction ».
On a pertinemment rappelé l'importance de la lectio divina pour
retrouver le goût des Écritures et se laisser guider par la Parole de
Dieu. Il convient notamment de surmonter les deux écueils que
représentent « le découragement et le subjectivisme de la lecture
». Tel fut aussi le sens de l'intervention de l'évêque équatorien
Herrera Heredia qui mentionna les quatre temps de la lectio divina : «
lecture,
méditation, prière et contemplation ». De son côté, le cardinal Barbarin s'est courageusement insurgé contre les amputations
liturgiques du texte biblique, par exemple l'omission des malédictions
parallèles aux béatitudes. Des témoignages particulièrement émouvants
émanèrent des « Églises du silence » où la Parole de Dieu n'est pourtant
pas enchaînée! Mgr Justs, de Lettonie, a rendu hommage au prêtre Viktors,
emprisonné sous le régime soviétique parce qu'en possession d'une Bible:
aujourd'hui, poursuivit Mgr Justs, « nous montons sur les épaules
de nos martyrs pour proclamer la parole de Dieu ».
abbé Christian Gouyaud
Benoît XVI au synode
« L 'Écriture doit être interprétée dans le même esprit que celui dans
lequel elle a été écrite et [le Concile] indique par conséquent trois
éléments méthodologiques fondamentaux afin de tenir compte de la
dimension divine, pneumatologique de la Bible : c'est-à-dire que l'on
doit: 1) interpréter le texte en tenant compte de l'unité de l'ensemble
de l'Écriture [...] ; 2) il faut par ailleurs tenir compte de la
tradition vivante de toute l'Église et, enfin, 3) il faut observer
l'analogie de la foi. Seulement dans le cas où les deux niveaux
méthodologiques, celui de nature historique et critique et celui de
nature théologique, sont observés, on peut alors parler d'une exégèse
théologique [...]. Alors qu'au premier niveau, l'exégèse académique
actuelle travaille à un très haut niveau, et nous apporte ainsi une aide
réelle, l'on ne peut pas en dire autant de l'autre niveau. Souvent, ce
second niveau, constitué par les trois éléments théologiques indiqués
dans
Dei Verbum, semble presque absent. Et cela a des conséquences
véritablement graves. La première conséquence de l'absence de ce second
niveau méthodologique est que la Bible devient un livre seulement du
passé. [...] Mais il existe aussi une seconde conséquence encore plus
grave : là où disparaît l'herméneutique de la foi indiquée par
Dei Verbum, apparaît nécessairement un autre type d'herméneutique,
une herméneutique sécularisée, positiviste dont la clef fondamentale est
la conviction que le Divin n'apparaît pas dans l'histoire humaine. [...]
Par conséquent, on propose des interprétations qui nient l'historicité
des éléments divins »

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