Le 14 juin 2009 -
(E.S.M.)- Lors de la sortie du livre de Benoît XVI, Jésus de
Nazareth, le Cardinal Martini fit malicieusement remarquer que
le Pape n'était pas un bibliste, mais un théologien dogmatique.
Il ne se rendait pas compte qu'on pouvait faire la même remarque
sur lui
Le cardinal Carlo
Martini
Le cardinal Martini, l'anti-pape?
« Chacun a son don de Dieu » (1 Cor 7:7),
par le Père Scalese
Le 14 juin 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
- Il m'a été demandé de dire quelque chose sur le Cardinal Martini. Comme
mes lecteurs le savent bien, j'ai une répugnance instinctive à consentir à
ce genre de demandes, non pas qu'il me manque le courage de m'exposer
(je pense avoir assez montré que je n'avais pas... de poil
sur la langue), mais parce que je n'aime pas critiquer mon
prochain, surtout lorsque je ne suis pas suffisamment informé. Même dans ce
cas, je ne me sens pas l'envie d'exprimer des jugements sur ce que le
Cardinal Martini dit ou écrit, parce que je ne crois pas en savoir
suffisamment. Et cela parce que, n'étant pas et n'ayant jamais été mon
Évêque, et que je suis pas l'un de ses admirateurs, je n'ai jamais lu ses
livres, exception faite pour ses premières lettres pastorales et quelques
opuscules de méditation biblique (que j'ai par ailleurs
trouvés excellents).
Il est évident que l'on connaît ses multiples interventions sur les
questions « brûlantes » (qui sont d'ailleurs
toujours les mêmes : communion aux divorcés remariés, célibat des prêtres,
sacerdoce des femmes, préservatif et pilule, etc) ; mais les
informations que j'ai en la matière sont rapportées par les media, auxquels
en général je préfère ne pas accorder un crédit excessif. Je pourrais, il
est vrai, aller aux sources ; mais, d'abord, ce n'est pas facile pour moi,
qui vis loin ; et ensuite, pour tout dire, la chose ne m'intéresse pas plus
que cela.
Alors, que puis-je en dire ?
En premier lieu je dirai que le Cardinal Martini est un jésuite. Et malgré
tout, j'ai une grande estime des Jésuites; peut-être parce que, après les
Dominicains, ils ont été mes maîtres, ce qui m'a permis d'en apprécier les
capacités, la préparation et le sérieux. Et je les tiens en plus grande
estime encore en tant que guides spirituels : je crois que personne comme
eux n'est capable d'accompagner les âmes dans les sentiers de l'esprit.
Avec le passage des années, je me suis fait cette conviction: que chacun
doit faire son métier ; pour employer un langage moins banal et plus «
conciliaire », chacun a ses charismes, et doit les mettre au service de
l'Église. Voilà, les Jésuites ont hérité de Saint-Ignace ce don de «
discernement des esprits » et, lorsqu'ils s'y consacrent, personne ne
les bat. Le Cardinal Martini, si vous avez lu quelques unes des
transcriptions des exercices spirituels qu'il a prêchés, possède lui aussi
ce grand don, auquel il convient d'ajouter une compétence biblique peu
commune. À ce Cardinal Martini là, donc, chapeau !
Le problème est que, le plus souvent, le Cardinal Martini qui nous est
proposé n'est pas le directeur d'exercices spirituels et même pas le
bibliste, mais c'est une espèce d'« anti-pape », qui se prononce sur
tout, en général en disant l'opposé de ce que dit le Pape. Et cela pas
seulement maintenant qu'il est en retraite, mais aussi (et
peut-être surtout) lorsqu'il était Archevêque de Milan : à cette
époque les catholiques italiens appartenaient à deux Églises parallèles,
ceux qui suivaient Papa Wojtyla et ceux qui suivaient le Cardinal Martini.
Sincèrement, je ne sais pas si c'était intentionnel de la part du Cardinal
Martini ou s'il ne s'agissait pas plutôt d'un vilain jeu médiatique ; il est
certain que l'ex-archevêque de Milan ne s'y est pas soustrait.
Je ne veux pas entrer dans des considérations sur les questions
particulières soulevées de façon récurrente, aussi parce qu'il s'agit de
questions très différentes entre elles, sur certaines desquelles il est
possible de discuter (le célibat des prêtres),
alors que sur d'autres non (le sacerdoce des femmes)
; d'autres ensuite sont de réels problèmes pastoraux, auxquels
même le Pontife témoigne être sensible (la communion aux
divorcés). Personnellement je considère que dans l'Église il y a
place pour discuter ce dont il est légitime de discuter ; ce qui ne me
convient pas, c'est que certains problèmes (réels),
auxquels il est juste de chercher des solutions, soient idéologisés et
deviennent des bannières de parti.
J'ai déjà rappelé dans un de mes précédents post que, lors de la sortie du
livre de Benoît XVI,
Jésus de Nazareth, le Cardinal Martini fit malicieusement remarquer que
le Pape n'était pas un bibliste, mais un théologien dogmatique. Il ne se
rendait pas compte qu'on pouvait faire la même remarque sur lui : il est
bibliste (ou, si l'on veut pinailler, chercheur en
critique textuelle) ; il ne m'apparaît pas que les questions
rapportées plus haut aient un quelconque rapport avec les textes bibliques ;
il s'agit au besoin de questions ou dogmatiques ou morales ou
disciplinaires. Tant qu'il était titulaire d'un siège épiscopal, on pouvait
encore justifier ses interventions ; mais maintenant, à quel titre les
fait-il ? Il n'est pas expert en ces domaines; ce qu'il dit a la même valeur
que ce que je dis moi; avec la différence qu'il est un Cardinal, et que les
Cardinaux ont un lien particulier de soumission au Pape.
Personnellement je considère que ceux-ci, une fois dépassés les quatre-vingt
ans, feraient mieux de se retirer dans le silence (et dans
un premier temps cela semblait son intention).
Les Jésuites utilisent une très belle expression pour indiquer le rôle de
ceux qui sont en retraite : « Il prie pour la Compagnie ». A plus
forte raison, un Cardinal jésuite devrait, selon moi, faire vraiment cela :
prier pour l'Église et pour ses Ordres religieux, plutôt que d'aller
chercher de nouvelles chaires médiatiques pour y pontifier.